Fulcran Vigouroux
Dictionnaire de la Bible
Letouzey et Ané, (Volume I,p.741-742-1017-1018).
APOCALYPSE, ᾿Λποκάλυψις, Apocalypsis.
I. Nom.
Dans les manuscrits les plus anciens, le livre prophétique du Nouveau Testament porte le nom de ᾿Αποχάλυψις ᾿Ιωάννου: dans les plus récents, ᾿Αποκάλυψις᾿Ἰωάννου τοῦ θεολόγον, ou bien ᾿Αποκάλυψις ᾿Ιωάννου τοῦ θεολόγου καὶ εὐαγγελίστου, ou encore ᾿Αποκάλυψις Ἰωάννου τοῦ ἀποστόλου καὶ εὐαγγελίστου. De même en latin, le manuscrit de Fulda porte en titre: Apocalypsis sancti Joannis, et le Codex Amiatinus: Apocalypsis sancti Jounnis, apostoli et evangelistæ.
II. Authenticité.
L’auteur de l’Apocalypse se nomme lui-même, en tête de son livre, Jean, le serviteur de Jésus-Christ. i, 1. De toute antiquité on y a reconnu saint Jean, le disciple bien-aimé du Christ, apôtre et évangéliste. C’est ce qu’attestent déjà les inscriptions du livre, comme nous venons de le voir. Plusieurs Pères des plus anciens rendent le même témoignage. Un disciple immédiat de l’apôtre saint Jean, saint Polycarpe, nous offredans sa lettre aux Philippiens plusieurs expressions propresà l’Apocalypse. Ainsi Phil, inscript., t. v, col. 1005, ilécrit: ἔλεος ἡμῖν καὶ εἰρήνη παρὰ Θεοῦ παντοχράτορος. Cf.Apoc., i, 4. Le nom de παντοκράτωρ, donné à Dieu, serencontre neuf fois dans l’Apocalypse; en dehors de ce livre une seule fois, 1 Cor., vi, 18, encore est-ce dans une citation de l’Ancien Testament. Au chapitre viii de cette même lettre, il dit: Μιμηταὶ γενώμεθα τῆς ὑπονομῆς αὐτοῦ, d’après Apoc., i, 9. Enfin, au chapitre vi, il y a un passage où l’Apocalypse est équivalemment citée comme un écrit inspiré: «Servons-le donc avec crainte et en toute révérence, comme il l’a commandé, lui et les Apôtres qui nous ont prêché l’Évangile, et les prophètes qui nous ont annoncé l’avènement de Notre-Seigneur.» Le contexte montre assez clairement que ces prophètes, nommés après le Christ et les Apôtres, sont ceux du Nouveau Testament. Cf. Apoc., xviii, 20, et Eph., i, 20.
Nous n’avons plus les ouvrages de saint Papias, évêque d’Hiérapolis,autre disciple de saint Jean; mais André de Césarée, qui vivait vers la fin du Vesiècle, déclare que saint Papias, saint Irénée, saint Méthode et saint Hippolyte attestent la crédibilité de ce livre. In Apoc. comment. t. cvi, col. 215 et suiv. D’où nous pouvons conclure que ces Pères, non moins que ceux qui les ont suivis, regardaient l’Apocalypse comme l’œuvre de l’apôtre saint Jean. On sait que Papias fut l’auteur du millénarisme; or cette doctrine eut sa source dans l’interprétation trop littérale d’un passage de l’Apocalypse, xx, 4-7. Papias connaissait doncce livre, et en reconnaissait l’autorité.
Dès qu’on afranchi l’ère des Pères apostoliques, on se trouve en présence des témoignages les plus formels en faveur de l’origine apostolique de l’Apocalypse. Saint Irénée, qui toucheà l’apôtre saint Jean par son maître Polycarpe, écrit, Hær., iv, 20, 11, t. vii, col. 1040: «Jean aussi, le disciple du Seigneur, dit dans l’Apocalypse, etc.»; v, 26, 1, t. vii, col. 1102; «Jean, le disciple du Seigneur, marqua dansl’Apocalypse.»
Saint Justin, le plus ancien des Pères après les Pères apostoliques, dit dans son dialogue avec Tryphon, 81, t. vi, col. 669: «Chez nous, un homme appelé Jean, un des Apôtres du Christ, affirme dans laRévélation (ἀποκάλυψει) qui lui fut donnée, que les fidèlesdemeureront à Jérusalem pendant mille ans.» Il est à remarquer que ce dialogue avec Tryphon eut lieu vers l’an 140, à Éphèse, là même où le disciple bien-aimé passa une grande partie de sa vie, et où il mourut. Ondevait y être parfaitement renseigné sur la provenance de l’Apocalypse, écrite moins d’un demi-siècle auparavant. De nombreuses allusions à divers passages de ce livre se rencontrent dans les œuvres de saint Justin.
Nous savons par Eusèbe, H. E., iv, 26, t. xx, col. 392, qu’un contemporain de saint Justin, saint Méliton, évêque deSardes, une des Églises à laquelle l’Apocalypse adresse ses avertissements, ἃ écrit un commentaire «sur l’Apocalypse de Jean».
La lettre des Églises de Lyon et de Vienne aux Églises d’Asie, écrite en 177, est pleine d’allusions manifestes à l’Apocalypse. En voici deux exemples: Il est dit du martyr Épagathus: «Il a été et il est levrai disciple du Christ, suivant l’Agneau partout où il va.»Apoc., xiv, 4. Satan est constamment nommé le Dragon;et il est dit des confesseurs qu’ils se laissaient volontiers appeler témoins du Christ, τῷ πιστῷ καὶ ἀληθινῷ μάρτυρι καὶ πρωτοτόκῷ τῶν νεκρῶν. Apoc, i, 5. Voir Migne, Patr. gr., t. xx, col. 413, 434. Deux autres auteurs du IIe siècle, Théophile d’Antioche et Apollonius, prêtre d'Éphèse, produisirent contre les hérétiques «des témoignages de l’Apocalypse de Jean». C’est ce que nous apprend Eusèbe, H. E., iv, 24, et v, 18, t. xx, col. 389 et 480.
Alexandrie nous fournit en faveur de l’Apocalypse les témoignages de Clément et d’Origène. Celui-ci dit expressément que Jean, le disciple qui reposa sur la poitrine de Jésus, l’auteur d’un des Évangiles, écrivit aussi l’Apocalypse, Eusèbe, H. E., vi, 25, t. xx, col. 584; celui-là se servait de l’Apocalypse comme d’un livre inspiré, et semble n’avoir soupçonné aucune opposition à son authenticité. C’est un faithautement avoué par Lücke, un des principaux adversairesde ce livre.
À Rome, au IIe siècle, l’Apocalypse estcomptée parmi les Livres Saints dans le Canon de Muratori, et, à la même époque, Hippolyte écrivit un traité surl’Apocalypse de Jean. S. Jérôme, De vir. ill., lxi, t. xxiii, col. 671.
Enfin, en Afrique, Tertullien invoque l’autorité de l’Apocalypse sans aucune réserve, aussi bien avant qu’après sa chute. Il ne l’a donc pas reçue des Montanistes, et ce ne sont pas ces hérétiques qui lui en ont inspiré l’estime.
Il reste ainsi parfaitement démontré que, pendant lecours des deux premiers siècles, l’Apocalypse était reçuedans toutes les parties de l'Église comme un écrit inspiré, l'œuvre de Jean, le disciple chéri de Jésus. Alors, il est vrai, elle était rejetée par la secte hérétique des Aloges; mais cette opposition, ne reposant que sur des raisons dogmatiques, n’est d’aucune importance au point de vue de la critique. Il n’en est pas de même des contradictions qui, au IIIe siècle, s'élevèrent à Alexandrie contre l’origine apostolique de l’Apocalypse. Le millénarisme comptait à cette époque des adhérents nombreux et illustres. Cette opinion avait son origine dans un passage de l’Apocalypse, xx, 4-7, lequel, entendu dans son sens propre, promet aux justes non séduits par la Bête une résurrection anticipée, et un règne de mille ans avec le Christ. Un évêque appelé Népos ayant mis au jour un écrit en faveur de ce système, saint Denys, évêque d’Alexandrie, prit la plume pour le combattre. Dans le cours de la discussion, il énonça des soupçons contre l’autorité apostolique de l’Apocalypse. Un livre renfermant une doctrine aussi singulière était-il vraiment l'œuvre d’un Apôtre? L’Apocalypse était, il est vrai, regardée partout comme l'œuvre de Jean; mais, outre Jean, l’apôtre et l'évangéliste, l’antiquité chrétienne connaissait un prêtre Jean, ὁ πρεσβύτερος Ἰωάννης, dont parle Papias comme d’un de ses maîtres. C’est plutôt à celui-ci, dit l'évêque d’Alexandrie, qu’il faut attribuer la paternité de l’Apocalypse. Saint Denys tient d’ailleurs ce livre en haute estime, à cause de la considération dont il jouit dans l'Église; il le regarde comme l'œuvre d’un homme saint et inspiré de Dieu, ἁγίου καὶ θεοπνεύστο; mais il se flatte, par l’hypothèse qu’il propose, d’enlever aux chiliastes l’avantage d’appuyer leur système sur un texte apostolique. Voir Eusèbe, H. E., vii, 21, t. xx, col. 092 et 693. La solution mise en avant par un si grand prélat fut avidement accueillie par les adversaires du millénarisme, et ainsi il se forma bientôt un courant d’opinion défavorable à l’authenticité de l’Apocalypse. Au IVe siècle, on constate qu’elle n’est point comptée parmi les livres inspirés du Nouveau Testament par saint Cyrille de Jérusalem, par saint Grégoire de Nazianze, par les Canons dits des Apôtres, par saint Jean Chrysostome, par l’auteur des Iambes à Séleucus (οἱ πλειοῦς δέ νόθον λεγοῦσιν); mais elle est acceptée par saint Athanase, dans sa lettre festivale, par l’auteur de la Synopse qui porte le nom de saint Athanase, par saint Éphrem, et par tous les Pères d’Occident. Eusèbe, lorsqu’il passe en revue les Livres Saints, commence par ranger l’Apocalypse parmi les ὁμολογούμενα; mais, dans l'énumération des livres apocryphes (ἐν τοῖς νόθοις), il ajoute: «Joignezà ces livres, si cela vous plaît, l’Apocalypse de saint Jean, que quelques-uns, comme je l’ai dit plus haut, comptent parmi les livres reçus sans contestation (τοῖς ὁμολογούμενoις).» H. E., iii, 25, t. xx, col. 268. Il régnait donc au IVe siècle, par rapport à l’Apocalypse, deux opinions contraires: les uns la rejetaient absolument, les autres l’admettaient sans aucune hésitation. Plus tard, lorsque les millénaires eurent cessé de faire parler d’eux, l’Apocalypse reconquit peu à peu la place que l’antiquité lui avait assignée parmi les écrits apostoliques et inspirés. L’histoire de la controverse suscitée autour de ce livre montre clairement que jamais ses adversaires ne produisirent contre lui aucun témoignage de la tradition; saint Denys d’Alexandrie s’efforça seulement d’appuyer son sentiment sur le style et sur quelques arguments internes, qui ont été repris de nos jours par les rationalistes, et que nous examinerons bientôt. Un critique moderne, F. Chr. Baur, a pu dire avec raison qu’il n’y a, dans le canon du Nouveau Testament, aucun livre dont l’origine apostolique soit établie sur des témoignages plus nombreux et meilleurs que celle de l’Apocalypse. Kritische Untersuchungen über die kanonische Evangelien, p. 345.
Les rationalistes modernes sont généralement d’accordpour soutenir que l’Apocalypse et le quatrième Évangile nepeuvent pas provenir d’un même auteur. Mais ils se divisent en deux camps opposés, selon qu’ils rejettent ou acceptent l’authenticité de cet Évangile. Ceux qui attribuent celui-ci d’une certaine manière à saint Jean l’apôtre, rapportent à un écrivain ancien homonyme la composition de l’Apocalypse; ceux, au contraire, qui ne veulent pas que l'Évangile soit une œuvre apostolique, donnent au disciple bienaimé la paternité du livre prophétique du Nouveau Testament. Dès lors on conçoit d’avance que le débat portera en grande partie sur les différences signalées entre les deux écrits, et entre l’Apocalypse et la première Épître de saint Jean. Saint Denys d’Alexandrie avait le premieragité cette question, mais avec une grande réserve; lesrationalistes l’ont reprise et développée avec l’audace qui leur est propre.
1° L'Évangéliste et l’auteur de l'Épître ne se nommentnulle part dans leurs écrits, l’auteur de l’Apocalypse metson nom en tête de son livre. — En cela saint Jean s’estconformé à l’usage constant des prophètes de l’AncienTestament: ceux-ci se nomment avant de prononcer leursoracles; au contraire, aucun des auteurs des livres historiques des deux Alliances ne se nomme; et quant à l'Épître, on s’accorde à la regarder comme une sorte de préface ou d’introduction à l'Évangile, dont elle accompagnait l’envoi aux Églises.
2° Un Apôtre n’aurait pas parlé de lui-même commel’auteur de l’Apocalypse parle du collège apostolique, xviii, 20, et xxi, 14. — Un Apôtre pouvait très bien manifester les privilèges du corps des élus du Seigneur, et surtout il devait rapporter fidèlement ce que l’Esprit-Saint lui avait révélé à ce sujet. La modestie ne lui défendait donc pas de joindre les Apôtres aux saints et aux prophètes dans la joie causée par la chute de la grande Babylone, et il pouvait aussi bien que saint Paul appeler les douze Apôtres les fondements de la Jérusalem nouvelle.
3° La langue du quatrième Évangile n’est pas celle del’Apocalypse. Le grec de l’Évangile est relativement pur et correct; le grec de l’Apocalypse est inculte, il n’y manque ni des barbarismes ni des solécismes. Témoin Apoc. i, 4: ἐιρήνη ἀπὸ ὁ ὠν καὶ ὁ ἠν καὶ ὁ ἐρχόμενος; i, 5: ἀπὸ Ἰησοῦ χριστοῦ ὁ μάρτυς ὁ πιστός; xx, 2: τὸν δράκοντα, ὁ ὄφις ὁ ἀρχαῖος; iv, 1: ἡ φωνὴ … λγων, etc. Les hébraïsmes ysont bien plus fréquents que dans l'Évangile. — On répondque la fréquence des hébraïsmes vient en grande partiede la nature de l’ouvrage: c’est un livre prophétique sirempli d’allusions aux visions de Daniel et d'Ézéchiel, qu’on le dirait calqué sur ces deux apocalypses de l’Ancien Testament. Quant au barbarisme ὁ ὠν, ὁ ἠν καὶ ὁ ἐρχόμενος, il est certainement intentionnel de la part de l’auteur, qui a composé ce nom pour rendre toute la force du tétragramme divin. Les solécismes eux-mêmes ne dénotent pas chez l’auteur l’ignorance des règles de la grammaire grecque; car en beaucoup d’endroits il observe exactementces mêmes règles qu’il se permet de transgresser ailleurs.Pourquoi a-t-il ainsi voulu écrire incorrectement? Il n’est pas possible de répondre à cette question. Mais nous pouvons opposer à l’ensemble de l’objection qui nous occupe les ressemblances nombreuses et frappantes entre le style de l’Apocalypse et celui du quatrième Évangile.Voici quelques exemples: ὁ ἀληθινὸς, désignant le vrai Dieu, Joa., xvii, 3; Joa., v, 20; Apoc. iii, 7; — μαρτυρία et μαρτυρεῖν, trèsfréquemment dans les trois écrits; — νικᾶν, venant dans le quatrième Évangile sept fois, six fois dans la lettre, seize fois dans l’Apocalypse, une fois dans saint Luc, trois fois dans saint Paul; — ὄψις, Apoc. i, 16; Joa., xi, 44; περιπατεῖν μετά τινος, Apoc. iii, 4; Joa., vi, 66; σκηνοῦν; Apoc. VII, 15; Xii, 12; xiii, 6; Joa., i, 14; σφαττειν, Apoc, v, 6; vi, 4; Joa., iii, 12: autant d’expressions qui ne se rencontrent chez aucun autre écrivain du Nouveau Testament.
4° Les allures de l'écrivain sont tout autres, à ce qu’on prétend, dans l'Évangile et dans l’Apocalypse. L’apocalyptique est bien plus vif, plus imagé, plus entraînant que l'évangéliste. — Rien d’étonnant que l’Apôtre ait adapté ses conceptions et ses allures aux sujets si différents qu’il avait à traiter comme évangéliste et comme voyant prophétique.
5° Autre est la doctrine de l’apocalyptique, autre celle de l'évangéliste. Celui-ci se montre adversaire déclaré du judaïsme, celui-là est un chrétien judaïsant, constamment en lutte contre les Pauliniens. «L’Apocalypse respire une haine terrible contre Paul et contre ceux qui se relâchaient dans l’observance de la loi juive… Les chapitres ii et iii de l’Apocalypse sont un cri de haine contre Paul et ses amis.» (Renan.) L’eschatologie de l'Évangile est spirituelle, celle de l’Apocalypse est toute matérielle et charnelle; l'évangéliste prêche partout la douceur du Christ, l’apocalyptique ne respire que la vengeance à exercer par le Christ contre ses adversaires. On ne rencontre ni dans l'Évangile ni dans la lettre de Jean aucun des concepts énoncés Apoc, i, 4; iii, 1; v, 6; xii, 7-9; xvi, 13, etc. — L’Apocalypse n’est pas plus favorable aux judaïsants que l'Évangile. La Jérusalem nouvelle, dont elle célèbre la construction, n’est manifestement point la capitale de la Judée; c’est une figure représentant l'Église triomphante du Christ; elle porte inscrits sur ses fondements les noms des douze Apôtres de l’Agneau. Apoc, xxi, 12, 14. Lavocation des Gentils est clairement enseignée Apoc, vii, 9, et nulle part il n’est question d’une opposition entre l’antienne synagogue et l'Église du Christ. Pareille opposition d’ailleurs n’existe pas dans le quatrième Évangile. Voir Joa., x, 16; xi, 52; xii, 32. L'Évangile parle, aussi bienque l’Apocalypse, de la résurrection des corps, que le Fils de Dieu opérera au dernier jour, et qui sera suivie du jugement. Joa., v, 28, 29; vi, 39, 40; xî, 24; xii, 48. D’un autre côté, l’apocalyptique connaît très bien l’avènementmystique du Christ dans les âmes. Apoc, iii, 20. Il est vrai que dans l’Apocalypse le Christ se montre comme le vengeur de sa gloire outragée, dans l'Évangile, comme le Sauveur qui ne condamne personne, Joa., iii, 36; viii, 44, etc.; mais les circonstances sont tout autres: tout le NouveauTestament inculque la doctrine du double avènement du «Christ: le premier, plein d’humilité et de douceur: c’est l’avènement du Rédempteur du monde; le second, plein de gloire et de sainte terreur: c’est l’avènement du souverain juge des vivants et des morts. Par ce second avènement, le Christ subjuguera tous ses ennemis, et lesréduira à être l’escabeau de ses pieds. I Cor., xv, 24-28. L’Apocalypse, loin d'être une sorte d’antithèse de l'Évangile de saint Jean, en est, au contraire, un brillant couronnement. Comme le quatrième Évangile est l’histoire du Verbe incarné habitant parmi nous, on peut dire que l’Apocalypse est l’histoire du Verbe incarné régnant glorieusement dans le ciel. Aussi est-il à peine un autre livre du Nouveau Testament où la divinité du Christ brille d’un plus vif éclat.
III. Lieu et époque de la composition. — Saint Jeandit lui-même qu’il a reçu ces révélations lorsqu’il étaitdans l'île de Patmos, à cause de la parole de Dieu et dutémoignage de Jésus, i, 9, et il n’y a aucune raison de douter qu’il n’ait immédiatement mis par écrit ce qu’il avait vu. Donc, pour déterminer l'époque où fut composée l’Apocalypse, il suffit de savoir quand l’Apôtre fut exilé à Patmos. Le-témoignage de saint Irénée est ici d’une grande importance: «Il n’y a pas longtemps que l’Apocalypse a été vue; mais presque dans notre siècle, vers la fin du règne de Domitien.» User., V, xxx, 3, t. vii, col. 1207. Saint Victorin, martyrisé sous Dioclétien, en 303, dans ses notes sur l’Apocalypse, nomme plusieurs fois Domitien comme le tyran qui relégua l’Apôtre à Patmos. In Apoc. xvii, 10, t. v, col. 338. Saint Jérôme et Eusèbe placentaussi l’exil de saint Jean sous Domitien. S. Jérôme, Devit: ill., ix, t. xxiii, col. 625; Eusèbe, H. E., iii, 18, t. xx, col. 252. Le même Eusèbe, dans sa Chronique, assigneà cet exil l’an 14 de Domitien, t. xxvii, col. 602. Clément d’Alexandrie et Origène mentionnent l’exil de l’Apôtre, mais sans donner le nom du tyran. Tertullien parle en ces termes des gloires de la ville de Rome, De prœsct: , xxxvi, t. ii, col. 49: «Combien est heureuse cette Église, sur laquelle les Apôtres ont répandu toute leur doctrine avec leur sang, où Paul reçoit la couronne par une mort pareille à celle de Jean (Baptiste), d’où l’apôtre Jean, après avoir été jeté dans l’huile enflammée, sans en souffrir de dommage, est relégué dans une île.» C’est bien à tort qu’on allègue ce texte pour faire dire à Tertullien que Jean fut relégué à Patmos sous Néron. Le témoignage de saint Épiphane, qui place l’exil à Patmos sous le règne de Claude, n’a pas plus de valeur contre la tradition commune. Son assertion est manifestement erronée; car ce Père donne quatre-vingt-dix ans à l’Apôtre lorsque celui-ci écrivit ses livres inspirés. User., li, 12, 33, t. xli, col. 909, 949. Ceux des rationalistes qui nient l’authenticité de l’Apocalypse prétendent que l’exil de saint Jean à Patmos est une fable, inventée pour expliquer Apoc, i, 9. Ils n’ont d’autres arguments externes à faire valoir que le silence d’Hégésippe, dont Eusèbe rapporte la relation de la persécution de Domitien, et le désaccord des Pères qui parlent de cet exil. La vérité est qu’Eusèbe ne mentionne qu’un seul trait historique d’Hégésippe relatif à cette persécution, H. E., iii, 20, t. xx, col. 252-253, et que les Pères sont parfaitement d’accord touchant le fait et le lieu de cet exil; quant au tyran qui y condamna l’Apôtre, il n’y a de désaccord que chez le seul Épiphane, dont l’assertion est certainement fausse. Mais il est un argument interne qui a fait douter certains interprètes, même catholiques (par exemple, Beelen), et qui les a inclinés à placersous Néron l’exil à Patmos. Apoc. xi, 1, 2, 8, parle de Jérusalem et du temple comme si la ville sainte et son sanctuaire étaient encore debout. Cet argument est faible, car la Jérusalem et le temple de l’Apocalypse sont symboliques. D’ailleurs les lettres de l’Apôtre aux Églises d’Asie nous montrent ces Églises dans un état où elles n’ont pu se trouver que bien des années après la lettre de saint Jude et la seconde de saint Pierre. Les hérésies, dont les germes seuls apparaissent dans ces derniers documents, on les trouve toutes développées dans les lettres apocalyptiques; et certes ce n’est pas deux ou trois ans après la mort de saint Paul que ces Églises d’Asie, cultivées avec tant de soin par le grand Apôtre, auraient eu besoin d’admonestations aussi sévères. Enfin le ἐν τῇ κυριακῇ ἡμέρᾳ, «le dimanche,» Apoc. i, 10, n'était pas encore sanctifié par les chrétiens avant la destruction de Jérusalem. Barnabé parle de l’abolition du sabbat et de la célébration du huitième jour. Epist., xv, t. ii, col. 772. Ignace d’Antioche est le plus ancien auteur qui appelle ce jour «jour du Seigneur». Ad Magnes., ix, t. iii, col. 669.
Plusieurs rationalistes trouvent la clef de toute l’Apocalypse dans un fait rapporté par Tacite, Hist., ii, 8; I, 2, et par Suétone, Nero, 57. La Grèce et l’Asie conçurent, dit Tacite, de grandes terreurs. On y disait que Néron, fugitif, n'était pas mort de sa blessure; qu’il allait bientôt reparaître. Alors, dit Suétone, d’après une rumeur qui prenait à Rome beaucoup de consistance, Néron accablerait de maux ceux qui s'étaient déclarés contre lui. Plusieurs imposteurs mirent à profit ces vaines terreurs, et tâchèrent de se faire passer pour le tyran revenu à la vie. Un d’entre eux eut tant de vogue, qu’il fut puissamment aidé dans son entreprise par les Parthes, alors les plus redoutables ennemis du nom romain. Tel étant l'état des esprits en Asie, les chrétiens, dit-on, appliquèrent à Néron ce qui leur avait été enseigné sur l’Antéchrist, car celui-cin'était autre que le monstre couronné qui venait de disparaître. L’Antéchrist, d’après les prophéties, devait être exterminé par le Christ lui-même, revenu sur la terre; cela ne s'était pas fait au moment de la chute de Néron: ce tyran devait donc revenir et renouveler la persécution contre les fidèles jusqu'à ce que le Christ le tuât d’un souffle de sa bouche. Is., xi, 4; II Thess., ii, 8. Cette persuasion des chrétiens est, disent ces auteurs, clairement insinuée dans Apoc. xvii, 9-10. Les sept têtes de la Bête sont sept rois; cinq sont tombés, Auguste, Tibère, Caligula, Claude, Néron; il y en a un qui est roi à présent, c’est Galba, le sixième; un autre, le septième, n’est pas encore venu, et, quand il sera venu, il doit rester peu de temps. Il faut à l’auteur de l’Apocalypse sept empereurs pour parfaire le nombre sacré; le septième ne peut rester que peu de temps, parce qu’il doit avoir disparu lors de la parousie ou «seconde venue» du Christ, laquelle est très proche. Le huitièmeroi, continue le texte apocalyptique, c’est la Bête qui était et n’est pas, c’est-à-dire qui était roi jadis et qui ne l’est plus, mais le deviendra, et prendra ainsi la huitième place dans la série royale. Il est un des sept (car il a régné avant Galba), et il s’en va à sa ruine, devant être tué par le souffle de la bouche du Christ revenu glorieux sur la terre.Voilà donc, d’après cette école incrédule, le noyau historique autour duquel se groupent tous les détails de l’Apocalypse. (Il y en a qui commencent la série des «rois» par Jules César. Ceux-là placent la «prétendue vision» sous Néron, et la rédaction sous Galba, le septième roi, dont l’auteur apocalyptique prévoit la chute prochaine.) L’hypothèse, ajoute-t-on, est confirmée d’une manière éclatante par l’explication du nombre de la Bête, 606. Ce nombre, compté suivant la valeur des lettres hébraïques, n’est autre que celui du nom Néron Qésar, Nέρων Καῖσαρ. En effet, ce nom vaut, selon la suite des consonnes, 50 + 200 + 6 + 50+100 + 60 + 200, dont la somme est exactement 666. Il suivrait de tout cela que l’Apocalypse aurait été écrite l’an 68 ou 69.
Tout ce système d’explication, inconciliable avec l’inspiration de l’Apocalypse, repose sur une base fort fragile. Les auteurs qui y adhèrent ne prouvent en aucune manière que les chrétiens d’Asie aient été persuadés du retour prochain de Néron au point de ne pas hésiter à appuyer désormais sur un fait aussi invraisemblable toutes leurs espérances messianiques relatives à l’avènement glorieux du Sauveur. Ce qui est dit du passage Apoc. xvii, 9, 10, estconvaincu de fausseté en ce que l’on confond la Bête elle-même (bestia… ipsa octava est) avec une de ses sept têtes. On répond à cette difficulté que Néron étant le dernier empereur légitime nommé par le sénat, l’empire se résume en sa personne, et qu’ainsi il est à la fois une des têtes de la Bête et la Bête elle-même. Il faut avouer que cette solution est plus ingénieuse que solide. Si les empereurs romains qui suivirent Néron ne furent plus nommés par le sénat, mais par les armées, la plupart d’entre eux furent confirmés dans leurs pouvoirs par l’auguste assemblée, et regardés dés lors comme souverains légitimes. Enfin le nom de Nêrôn Qêsar ne vaut 666 que par l’omission du yod que donne la transcription de Καῖσαρ. En ajoutant cette consonne, on trouve 676. Cetteomission du yod est inadmissible. Il est vrai que, pour la justifier, on allègue des inscriptions palmyréniennes du iiie siècle, où Καῖσαρ est transcrit sans yod; mais ces monuments, écrits deux cents ans après l’Apocalypse, et dans une région sémitique, ne prouvent nullement que saint Jean, en Asie, ait transcrit de la même manière défectueuse le nom de César. Ce nombre de la Bête a exercé de tout temps la sagacité des interprètes chrétiens, et plusieurs de leurs hypothèses valent mieux que celleque les rationalistes vantent de nos jours comme la seule acceptable.
Concluons qu’il faut s’en tenir à la tradition commune, et placer la rédaction de l’Apocalypse sous Domitien, vers la fin de son règne, c’est-à-dire en l’année 95.
IV. Caractère prophétique de l’Apocalypse. — Il est attesté par saint Jean lui-même, lorsque cet Apôtre nomme son livre une Révélation de Jésus-Christ, qui lui a été communiquée par un ange. Saint Jean apparaît dans son Apocalypse comme un envoyé du Christ-Dieu, chargé par lui de communiquer aux hommes les volontés du ciel et les visions mystérieuses qu’il a vues se dérouler devant ses yeux. De plus, l’auteur sacré assure que ces visions se rapportent à des événements futurs, qui doivent s’accomplir bientôt. Apoc. i, 1. Enfin il donne aux choses renfermées dans son livre le nom même de prophétie, i, 3; xxii, 7. Quiconque admet l’inspiration divine de l’Apocalypse ne peut donc pas mettre en doute son caractère rigoureusement prophétique, reconnu d’ailleurs par la tradition constante de l'Église. Il résulte de là que l’on doit rejeter, sans examen ultérieur, toute explication qui dénie ce caractère au contenu de l’Apocalypse. Le rationalisme prétend que ce livre n’est qu’un poème religieux, destiné à consoler et à encourager les fidèles accablés sous le poids des persécutions. Le peu qu’il se hasarde de prédire par rapport aux choses futures, il le tire soit de conjectures probables sur la marche des événements dans l’empire romain, soit du ferme espoir qu’il partageait avec tous les disciples du Christ touchant le retour prochain et glorieux du Sauveur. Persuadé qu’alors le Christ réduiraità néant tous ses ennemis, l’apocalyptique, donnant libre cours à ses fictions poétiques, décrit en images brillantes et variées la vengeance que le Messie exercera contre les persécuteurs de ses fidèles. Ces visions, du reste, ne sont guère autre chose que celles de Daniel et d'Èzéchiel, légèrement modifiées et adaptées aux idées chrétiennes. Tel est, en résumé, le point de vue de l’exégèse incrédule. Il est le même pour l’interprétation de toutes les prophéties dont elle ne peut pas nier l’authenticité. Nous parlerons plus loin des ressemblances qu’offrent les visionsapocalyptiques avec celles des prophètes de l’Ancien Testament.
Les interprètes orthodoxes sont loin d'être d’accord sur le sens précis des visions prophétiques de l’Apocalypse. Nous ferons connaître les principaux systèmes d’explication qui ont cours parmi eux. Mais auparavant il nous faut donner une analyse succincte de tout le livre.
V. Analyse du texte. — 1° Inscription, i, 1-3. — Elle donne le nom de celui qui reçut et écrivit «la Révélation de Jésus-Christ»; l’argument général du livre est le fruit salutaire qu’il doit produire.
2° Prologue, i, 4-m, 22. — Huit communications ou messages: la première à tous les fidèles, i, 4-20: l’Apôtre fait savoir qu’il a reçu à Patmos l’ordre d'écrire ces visions et d’envoyer son écrit aux Églises. — Les sept autres messages sont adressés chacun à une des sept Églises d’Asie; les «anges» de ces Églises y reçoivent les éloges et les reproches mérités, et les avis qui leur conviennent, il, -1-111, 22.
3° Les visions à transmettre aux Églises. IV, 1-xxii, 5. Elles constituent le corps de tout le livre. 1. Introduction. — Saint Jean raconte où et comment il a reçu ces révélations. Ravi au ciel, il voit le trône de Dieu entouré de vingt-quatre vieillards et de quatre animaux qui chantent ses louanges, iv, 1-11.
2. Vision des sept sceaux. — Celui qui occupe le trône tient en mains un livre scellé de sept sceaux; il le donne à l’Agneau divin, qui seul peut les ouvrir, v, 1 - 14. — a) Ouverture des quatre premiers sceaux. Le prophète voit apparaître successivement quatre chevaux: un blanc, qui va à la victoire, un roux, un noir, un de couleur pâle; les cavaliers des trois derniers reçoivent l’ordre d’affliger la terre de diverses calamités, vi, 1-8. — b) Ouverture du cinquième sceau. Les martyrs demandent à Dieu vengeance de leurs persécuteurs, vi, 9-11. — c) Ouverture du sixième sceau. La terre tremble, des prodiges effrayants apparaissent dans le ciel, et les habitants de la terre sont frappés de terreur à l’approche du grand jour de la colère de Dieu et de l’Agneau, vi, 12-17. Un ange imprime ensuite sur le front des élus le signe du Dieuvivant, vii. — d) Ouverture du septième sceau. Elle estsuivie d’une demi-heure de silence dans le ciel, et amène la vision des sept trompettes, viii, 1-2.
3. Vision des sept trompettes. — Sept anges reçoivent de Dieu autant de trompettes, pour annoncer au monde les secrets renfermés sous le septième sceau, viii, 2. Un autre ange offre à Dieu, dans un encensoir d’or, les prières des saints; ayant ensuite rempli cet encensoir du feu de l’autel, il répand ce feu sur la terre, et y produit aussitôt des phénomènes terrifiants, viii, 3-5. Les sept anges se disposent à sonner de la trompette, viii, 6. — a) Les quatre premières trompettes. Destruction du tiers de la terre, de la mer, des cours d’eau, des étoiles, viii, 6-12.— b) Un triple cri de: «Malheur» se fait entendre. Il annonce aux habitants de la terre la triple calamité qui va fondre sur eux au son des trois dernières trompettes, viii, 13. — c) La cinquième trompette. Le puits de l’abîmeest ouvert, et il en sort des sauterelles prodigieuses; il leur est permis de tourmenter pendant cinq mois tous les hommes non marqués du signe de Dieu. C’est le premier «malheur». ix, 1-12. — d) La sixième trompette. Quatre anges à la tête d’une troupe nombreuse et formidable de guerriers montés sur des chevaux prodigieux font périr le tiers des hommes; néanmoins ceux qui restent ne font point pénitence, ix, 13-21. Un ange apparaît, tenant en main un volume ouvert. À sa voix éclatent sept coups de tonnerre dont la signification doit rester secrète. Après avoir juré «qu’il n’y aura plus de temps», l’ange ordonneau Voyant de dévorer le volume, pour qu’il fasse de nouveau entendre aux Gentils sa voix prophétique, x, 1-11. Ensuite celui-ci reçoit l’ordre de mesurer le temple, excepté le parvis extérieur, abandonné aux Gentils pour qu’ils le foulent aux pieds pendant quarante-deux mois. Durant ce temps, les deux témoins du Seigneur prêcheront et feront des prodiges, xi, 1-6. Tués par «la Bète» sortie de l’abîme, ils ressusciteront et monteront au ciel, xi, 7-12. Alors un tremblement de terre détruit le dixième de la ville, et fait périr sept mille hommes; les autres, terrifiés, rendent gloire à Dieu, xi, 13. C’est le second «malheur». xi, 14. — e) La septième trompette. Les vingt-quatrevieillards célèbrent la victoire de Dieu, xi, 15-19. Une femme apparaît, elle va enfanter un fils qui régnera sur les nations; en même temps se montre un dragon roux, prêt à dévorer l’enfant, xii, 1-4. Celui-ci est enlevé auciel; sa mère s’enfuit au désert; le dragon, vaincu par saint Michel, est précipité du haut du ciel, xii, 5-12. Alors le dragon (le troisième «malheur») poursuit la femme etfait la guerre aux justes qui sont sur la terre, xii, 13-18. Deux bètes montent, l’une de la mer, l’autre de la terre. Celle-là se fait adorer avec le dragon, dont elle partage la puissance; l’autre séduit les hommes par des prestiges, etles amène violemment à adorer l’image de la première bête. Le nombre de la Bète est 666. xiii, 1-18. L’Agneau, entoure des élus marqués du signe de Dieu, se tient debout sur le mont Sion. Les élus chantent ses louanges, xiv, 1-5. Troisanges annoncent successivement la ruine de la grandeBabylone et de tous ceux qui portent la marque de la Bète; bienheureux, au contraire, sont ceux qui meurent dans le Seigneur, xiv, 6-13. Quelqu’un semblable à un «fils de l’homme» et un ange s’en vont, armés d’une faux tranchante, pour couper les rameaux des vignes; ils les jettent dans le puits de la colère de Dieu, xiv, 14-23.
4. Vision des sept coupes. — Sept anges reçoivent d’un des quatre animaux sept coupes contenant les sept «plaies dernières». xv, 1-8. Ils en répandent le contenu sur la terre, sur la mer, sur les cours d’eau, sur le soleil, sur la demeure de la Bète, sur l’Euphrate, sur l’air. De làdes calamités nouvelles, xvi, 1-21.
5. Annonce de la ruine de la grande Babylone. — a) Un de ces sept anges montre à l’Apôtre la ruine de la grande Babylone. Saint Jean en donne la description: c’est la grande prostituée, assise sur les grandes eaux, portée par une bête à sept têtes et à sept cornes; elle est ivre du sang des saints, xvii, 1-18. — b) Un second ange proclame la chute de Babylone, xviii, 1-3; une voix céleste avertit les justes d’en sortir, xviii, 4-8. Lamentations sur sa ruine, xviii, 9-20. — c) Un troisième ange déclare que cette ruine sera éternelle, xviii, 21-24. Joie et jubilation dans le ciel, xix, 1-10.
6. Lutte dernière du Verbe divin avec le dragon. — a) Le Verbe de Dieu s’avance à la tête d’une armée céleste pour combattre la Bète et son armée, xix, 11-18. La Bète est vaincue ainsi que son faux prophète; ils sont tous deux jetés dans l’abîme, xix, 19-21. — b) Un ange saisit le dragon, le précipite dans l’abîme, où il le tient enchaîné pendant mille ans. xx, 1-3. — c) Les justes ressuscitent et règnent avec le Christ pendant mille ans. xx, 4-6. — d) Cette période écoulée, Satan, le dragon, sera délié. Il séduira les nations et fera par elles la guerre aux saints; mais, vaincu de nouveau, il sera précipité avec la Bête et le faux prophète dans l’enfer, pour y subir des tourments éternels, xx, 7-10. — e) Résurrection générale des morts, jugement universel: l’enfer, la mort et quiconque n’estpas inscrit dans le livre de vie sont jetés dans l’étang de feu. xx, 11-15.
7. Renouvellement du ciel, de la terre et de la ville sainte. — Saint Jean voit un ciel nouveau et une nouvelle terre; du ciel descend la Jérusalem nouvelle, pleine de splendeur; Dieu vient y habiter parmi les hommes, xxi, 1-8. Un des sept anges la montre au voyant, xxi, 9-xxii, 5.
4° Épilogue. — Le Christ lui-même, par la bouched’un ange, confirme la vérité de toute la prophétie apocalyptique; il assure que les choses qui y sont prédites s’accompliront bientôt, et il défend qu’on ajoute ou qu’on retranche quoi que ce soit à cette prophétie, xxii, 6-20. Le prophète souhaite à tous la grâce du Seigneur, xxii, 21.
VI. Interprétation de l’Apocalypse. — Toute prophétie est difficile à expliquer. Mais la difficulté augmente singulièrement quand les choses qui font l’objet de la prophétie sont présentées sous des images symboliques. Il en est ainsi de l’Apocalypse. Dès les premiers siècles de l’ère chrétienne, on a tenté de déterminer le vrai sens dece livre; mais son obscurité a donné lieu aux interprétations les plus diverses. Ce serait un travail aussi long que fastidieux de vouloir se rendre compte de tous les systèmes d’explication qui ont été proposés. Ces systèmes peuvent se réduire à trois classes, que nous allons exposer brièvement, sans nous arrêter aux détails de chacun dessystèmes en particulier.
La première classe rapporte les prophéties apocalyptiques aux âges successifs de l’Église, à commencer par l’âge apostolique jusqu’au dernier âge, qui se termine à la venue glorieuse du Christ. La seconde classe met l’accomplissement de la plupart des prédictions du voyant de Patmos dans la chute du judaïsme et du polythéisme; les derniers chapitres seuls parlent sommairement, de la fin du monde. La troisième classe voit dans toute l’Apocalypsela prédiction des destinées dernières de l'Église au tempsde l’Antéchrist, tandis que l’histoire de l'époque primitive de l'Église n’y est touchée que légèrement et comme en passant.
On est assez généralement d’accord pour placer le prologue en dehors de la série des prophéties proprementdites de l’Apocalypse. Celles-ci, en effet, ne commencentqu'à partir du chapitre iv. On admet aussi communément que ces prophéties sont rangées selon l’ordre chronologique des événements qu’elles prédisent, de sorte que les faits prédits par les sept sceaux précèdent ceux qui sont annoncés par les sept trompettes; viennent ensuite les faits symbolisés par les sept coupes. Quelques prolepses, que l’on rencontre çà et là, ne portent aucune atteinte à cette supposition. Saint Augustin, saint Victorin, Primase, le vénérable Bède et, après eux, quelques modernes sont d’avis que les diverses visions sont en partie ou des récapitulations ou des répétitions visant les mêmes événements futurs. Contentons-nous d’avoir fait mention de cette hypothèse, et montrons brièvement les procédés suivis par les interprètes, selon qu’ils appartiennent respectivement à l’une des trois classes indiquées plus haut.
Première classe. — L’Apocalypse embrasse toute l’histoire de l'Église et célèbre les triomphes que le Christ a remportés sur ses ennemis aux diverses époques de cette histoire. La plupart distinguent dans la prophétie sept visions. Mais ils ne sont plus d’accord quand il s’agit d’en expliquer le symbolisme. Parmi les anciens, l’abbé Joachim (le premier qu’il faut ranger dans cette classe) veut que les sept visions regardent respectivement les sept états des fidèles dans l'Église: les Apôtres, qui fondèrent l'Église; les martyrs, qui la confirmèrent de leur sang; les docteurs, qui l'éclairèrent de leur enseignement; les anachorètes, qui l'édifièrent par leurs vertus; les vierges, qui en furent l’ornement; les pontifes, qui la gouvernèrent; les saints, qui travaillèrent à la réformer par leur parole et parleur exemple.
Au xviie siècle, le vénérable Holzhauserremplace les sept états par les sept âges de l'Église, déjà représentés, croit-il, quoique en raccourci, par les sept lettres du prologue. Il distingue ainsi l'âge séminal ou apostolique (l’ange d'Éphèse); l’âge irrigatif ou des martyrs (l’ange de Smyrne); l'âge illuminatif ou des docteurs, depuis Constantin jusqu'à Charlemagne (l’ange de Pergame); l'âge pacifique ou du règne social du Christ, depuis Charlemagne jusqu'à CharlesV (l’ange de Thyatyre); l'âge purgatif ou des épreuves salutaires, commençant à CharlesV et durant encore, jusqu'à l’avènement d’unsaint pontife et d’un grand empereur (l’ange de Sardes); l'âge consolatif, préparant les fidèles aux tribulations des derniers temps (l’ange de Philadelphie); l'âge désolatif, ou de l’Antéchrist (l’âge de Laodicée). Cet âge se terminera par le dernier jugement.
Cette explication de Holzhauser est acceptée par Haneberg et louée par Hurter, Nomenclator litterarius, t. i, p. 795. On la trouve déjà en germe dans les idées émises par André de Césarée, Bède et d’autres auteurs anciens, qui donnaient comme symbole des sept âges de l'Église les sept chevaux apocalyptiques, vi, 2 et suiv.
Deuxième classe. — Aucun interprète ancien ne vients’y ranger. Salmeron fut le premier qui rapporta la première partie, la plus considérable, de la prophétie apocalyptique aux événements des premiers siècles de l'Église. Après lui, Alcazar développa davantage l’explication; Foreiro y adhéra dans son commentaire sur Isaïe, xxxiv; mais ce fut surtout Bossuet qui donna une grande célébrité à ce système d’interprétation, qu’il adopta, modifia et exposa magistralement dans un ouvrage spécial, L’Apocalypse avec une explication, Paris, 1689. L’autorité de l’illustre prélat, non moins que les arguments qu’il sut faire valoir, acquirent à son commentaire un grand nombre d’adhérents, parmi lesquels on compte des exégètes distingués, tels que Dupin, Calmet, Lallemant, Bacuez, en France; en Allemagne, Hug, Stern, Allioli, Scholz, Aberle. Parmi les protestants, plusieurs adoptèrent ce genre d’explication, tels que Grotius et Wetstein.
Bossuet partagel’Apocalypse en trois parties: les avertissements, il. 1-iii, 22; les prédictions, iv, 1-xx, 15; les promesses, xxi, 1 et suiv.Les prédictions se divisent à leur tour en trois sections.
a) Vengeance de Dieu exercée sur les Juifs, iv, 1-viii, 12.Préparation de cette vengeance dans la vision des septsceaux. Vengeance exercée sous Trajan et Hadrien, symbolisée par les deux premières trompettes. Motifs des malheurs d’Israël manifestés par la troisième et la quatrième trompette.
b) Les hérésies judaïsantes: ce sont les sauterelles annoncées par la cinquième trompette, ix, 1-12.
c) Ruine de l’empire romain. ix, 13-xx, 15. La grande défaite de l’empereur Valérien, proclamée par la sixième trompette. L’Apôtre déclare, dans la vision de la septième trompette, quelle est la cause de la ruine de l’empire: ce sont les persécutions exercées contre les chrétiens. La plus terrible est celle que suscita Dioclétien; cet empereur est la Bète de l’Apocalypse, dont le nom vaut 666, c’est-à-dire DIoCLes aVgVstVs. Les sept coupes symbolisent la désolation de l’empire romain, à partir de Valérien. Puis on parle des «sept rois» persécuteurs de l'Église, des dix rois barbares, instruments de la colère de Dieu, qui viennent tour à tour fondre sur les Romains; enfin la ruine de Rome et de sa puissance est consommée sous Alaric.
L’évêque de Meaux n’ose pas entreprendre de percerle voile qui couvre la prophétie du chapitre xx, dont les événements doivent s’accomplir dans le temps futur.
Allioli explique cette prophétie de la paix dont jouitl'Église après la ruine de l’idolâtrie: cette paix est représentée par le règne millénaire du Christ avec ses saints. Ce règne doit prendre fin pur la venue de l’Antéchrist. Celui-ci renouvellera les persécutions contre l'Église, mais il sera vaincu et exterminé. Après cela auront lieu la résurrection et le jugement universel, et le monde sera renouvelé, xx, 7-xxii, 5.
Troisième classe. — Aucune prédiction de l’Apocalypsene s’est accomplie jusqu’ici; la prophétie apocalyptiqueregarde surtout les derniers temps de l'Église et de cemonde. Beaucoup de Pères de l’Église sont de cet avis: Irénée, Hippolyte, Augustin, André de Césarée, Arétas, Victorin, Primase, Bède. Plus tard, cette opinion se rencontre chez Alcuin, Rupert, Martin de Léon, Ribera, Pererius, a Lapide, etc. De nos jours, elle est soutenue par Bisping, Mgr Krementz, Kaulen, Cornely, etc.
Bisping tire toute son explication du parallélisme qu’ilcroit découvrir entre l’Apocalypse et la prophétie dessoixante-dix semaines de Daniel. Selon lui, Daniel annoncela venue du Messie après les sept premières semaines; les soixante-deux semaines qui suivent s’occupent de l'édification de Jérusalem, c’est-à-dire de la fondation et de la propagation de l'Église. L’Apocalypse s’occupe des mêmes soixante-deux semaines dans les sept lettres aux Églises d’Asie: ce sont des avis donnés à l'Église pour tous les temps, sans distinction des diverses époques de son histoire. À partir du chapitre iv commencent les prédictions relatives au temps de l’Antéchrist et de la fin du monde. Elles répondent à la soixante-dixième semaine de Daniel, laquelle, dit Bisping, symbolise la même époque. Dans ces oracles apocalyptiques, cet auteur distingue trois actes.
Le premier, iv, 1-xi, 14, après une introduction, décrit divers idéaux et les persécutions de cette époque suprême; puis il annonce le «jugement» de Dieu sur les Juifs, lequel a pour résultat la conversion de la plus grande partie d’entre eux.
Le second acte, xi, 15-xx, 16, préditles destinées de l'Église à l'époque de l’Antéchrist, lesderniers fléaux qui accableront la terre et annoncerontle jugement prochain, enfin le «jugement» de Dieu surBabylone et l’Antéchrist. Cet acte est suivi du règne millénaire des bienheureux.
Le troisième acte, xx, 7-xxii, 5, donne la «consommation», c’est-à-dire les dernierscombats de Satan contre le Christ, le triomphe de celuici, le renouvellement du ciel, de la terre et de la cité de Jérusalem.
Mgr Krementz, aujourd’hui archevêque de Cologne, s'éloigne de l’auteur précédent en ce qu’il fait correspondre chacune des sept lettres aux Églises respectivement à sept âges successifs de l'Église, depuis sa fondation jusqu'à sa consommation à la fin du monde. À ses yeux, tous les oracles de l’Apocalypse nous présentent la glorification du Christ, et se partagent en trois visions. Lapremière a pour théâtre la terre: c’est la glorification du Christ docteur. 1, 9-iii, 22. La seconde a pour théâtre le ciel fermé: c’est la glorification du Christ prêtre, symbolisé par l’Agneau divin. L'Église, en butte aux persécutions des derniers temps, parcourt (antitypiquement)les diverses phases de la passion du Sauveur; elle ressuscite avec lui lors du triomphe final du Christ sur ses ennemis. iv, 1-xix, 10. La troisième partie a pour théâtre le ciel ouvert: c’est la glorification du Christ prince de la paix, vainqueur de ses ennemis. Le Sauveur remporte une victoire définitive sur les puissances infernales; ilglorifie son Église sur la terre: c’est le règne millénaire; puis il l'élève au ciel. Ainsi l'Église imite son divin modèle descendant aux enfers, passant sur la terre quarante jours de sa vie glorieuse, et montant enfin au ciel, xix, 11-xx, 10. Suit comme conclusion le jugement dernier, xx, 11-15, et le règne pacifique de Dieu sur toutes les créatures. Tout y est renouvelé, la terre, le ciel, la cité de Jérusalem: c’est le règne du bonheur suprême pour les élus, du malheur suprême pour les réprouvés, xxi, 1-xxii, 5. Le tout se termine par un épilogue, xxii, 6-21.
VII. Critique sommaire de ces systèmes d’explication. — Les interprètes qui se rangent dans la première classe supposent que Dieu a voulu, dans les oracles de l’Apocalypse, donner à son Église, dans les conditions par lesquelles elle doit passer successivement, les avis, les consolations et les encouragements qui lui conviennent respectivement à chacun de ses âges. Ce dessein serait certainement digne de Dieu; mais, s’il fut tel en réalité, les prophéties, à mesure que se déroulent les âges successifs, devraient s'éclaircir en présence des événements qui les vérifient. Or il n’en est pas ainsi. Pour s’en convaincre, il suffit de remarquer que les auteurs de la première classe se considèrent presque tous comme à peu près .contemporains de l’Antéchrist, le temps où ils vivent a pour eux tous les caractères du dernier âge du monde; ainsi il se fait que, si l’on suit ces auteurs chronologiquement, ce dernier âge recule constamment de siècle en siècle. D’où il faut conclure que les prédictions de l’Apocalypse ne sont pas dévoilées suffisamment par les faits, au moins pour ce qui concerne les siècles qui suivirent la ruine de l’empire romain. C’est là un très fortargument contre cette manière d’expliquer.
La seconde classe d’interprètes ne sait rien nous dire de précis quant aux oracles des derniers chapitres de l’Apocalypse; mais on ne peut nier, semble-t-il, qu’ils expliquent d’une manière fort plausible la plus grande .partie des prédictions qui, selon eux, visent l’histoire des quatre premiers siècles de l'Église. Ils ne sont pas d’accord, il est vrai, sur certains détails des visions; mais cela ne prouve pas que ces visions ne se soient pas vérifiées objectivement, car des dissentiments pareils n’existent pas moins pour plusieurs prophéties messianiques de l’AncienTestament. Il y a accord quant à la substance, divergence quant aux détails. Il n’est donc pas étonnant que l’explication de Bossuet, complétée par celle d’Allioli, soit encore acceptée par beaucoup de bons esprits, en France et en Allemagne.
La troisième classe a sur les deux autres le grand avantage de réserver pour le temps futur toutes les visions de l’Apocalypse, à l’exception des sept lettres aux Églises, qui n’offrent guère de difficultés, si on les suppose adressées réellement aux évêques des Églises d’Asie, en vue de leurinstruction ou de leur correction. Toutes les obscurités du livre prophétique demeurent donc entières, puisque aucun événement passé ou présent n’est venu les éclairer. L’Apocalypse, dernier écrit inspiré, répondrait ainsi parfaitement au premier des Livres Saints; car, comme la Genèsenous révèle l’origine de toutes choses, ainsi l’Apocalypse nous en révélerait la consommation. Beaucoup d’interprètes modernes se rangent dans cette classe. On leur oppose pourtant l’accord frappant, même jusqu’aux menus détails, entre plusieurs oracles apocalyptiques et les faits quiaccompagnèrent la chute de l’empire romain, la ruine du judaïsme et l’extirpation de l’idolâtrie.
Le règne millénaire est à peu près également difficile à expliquer dans tous les systèmes. La meilleure manière de l’entendre est peut-être d’y voir l’annonce de la paix dont jouit l'Église après les persécutions et les grandes hérésies, surtout à partir de Charlemagne.
VIII. Difficultés contre l’inspiration de l’Apocalypse. — Nous n’avons plus à nous occuper des théories rationalistes relatives à la composition de ce livre: elles écartent d’avance toute idée d’inspiration. Mais nous dirons quelques mots de deux difficultés que l'étude de l’Apocalypsepeut suggérer aux lecteurs même orthodoxes.
1° Ce livre, dit-on, manque absolument d’originalité; il n’a presque aucun concept, presque aucune image qui ne se retrouvent dans les prophéties de l’Ancien Testament, surtout dans celles de Daniel et d'Ézéchiel. Tout récemment, un écrivain allemand, M. Eb.Vischer, a soutenu que l’Apocalypse n’est qu’un livre juif interpolé par un chrétien. Il suffit d’y faire quelques suppressions (indiquées par cet auteur) pour retrouver, dit-il, l’Apocalypse juive primitive. — M. Vischer aurait dû nous expliquer comment un livre juif ainsi remanié a pu être reçu par les fidèles et par les disciples des Apôtrescomme exprimant les révélations reçues par saint Jean, et communiquées par cet Apôtre aux Églises d’Asie. — Le voyant de Patmos ne serait-il donc qu’un habile plagiaire qui, sans avoir rien vii, aurait simplement présenté sousune forme chrétienne les visions des anciens prophètes? M. Bacuez, dans son Manuel biblique, t. iv, n°951, répond très bien à cette allégation (que les incrédules font sonnertrès haut) tirée des ressemblances incontestables entre l’Apocalypse et les prophéties d’Israël: «Ce n’est pas au hasard, dit- ii, ni à une imitation volontaire ou réfléchie qu’on doit attribuer ces ressemblances. Saint Jean ne s’estjamais proposé de rivaliser avec les prophètes, ni de reproduire leur littérature; mais, se trouvant dans les mêmes conditions qu’eux, il a parlé naturellement le même langage. Étant inspiré par le même esprit, ayant à annoncer les mêmes événements, à décrire les mêmes scènes, pourquoi n’aurait-il pas employé les mêmes traits? D’ailleurs, sans être savant, il avait lu leurs écrits avec applicationet assiduité; son esprit était rempli de leurs expressions, de leurs figures, de leurs images; n’est-il pas naturel que, pour lui révéler ses secrets, Dieu les lui ait présentés sous ces images et avec ces figures, de même que, pour secommuniquer aux autres prophètes, il a adopté leur langage habituel, leurs locutions et leur style?» Il ne faut point, du reste, exagérer ces ressemblances. Les avis adressés aux évêques d’Asie sont un morceau propre à saint Jean, ayant à peine une analogie éloignée avec la mission de Jérémie vers les rois des nations pour leur présenter la coupe de la colère du Seigneur. Jer., xxv, 15-38. Les sept sceaux, les sept trompettes et les sept coupes, qui déterminent les grandes divisions du livre, ne manquent pas non plus d’originalité; et si la dénomination de l’Agneau divin trouve son origine dans Isaïe, liii, 7, la description de sa gloire et du culte qui lui est renduest presque tout entière propre à la vision apocalyptique.C’est pareillement en vain que l’on chercherait dans les anciens prophètes le modèle de la lutte engagée entre le dragon et ses anges, d’un côté, saint Michel et les esprits célestes, de l’autre.
2° Il ne faut pas attacher plus de valeur à l’objection tirée de l’obscurité de ce livre prophétique, comme s’ilne se composait que d’une série d'énigmes indéchiffrables, qu’il serait indigne de Dieu de proposer à son Église, et inutile aux hommes de vouloir comprendre. C’est le propre de toute prophétie d'être obscure; d’ordinaire, c’est seulement l'événement accompli qui en fait saisir le sens précis. Il y a même des prophéties très importantes, dont l’accomplissement resterait douteux pour nous, si l’autorité du Nouveau Testament ou celle de la tradition de l'Église ne nous en donnait l’assurance. Telle est, entre autres, la prophétie de l’Emmanuel, fils de la Vierge. Dansl’Apocalypse, d’ailleurs, il n’y a pas que des prédictions d'événements futurs. Il y a le prologue, renfermant les avis aux sept évêques, les descriptions du ciel, des anges, des martyrs, du Fils de Dieu dans sa gloire, etc. Tout cela est suffisamment clair, quoique présenté sous des formes pleines de poésie. «Même dans la partie prophétique, il s’en faut bien que tout soit obscur, ou que l’obscurité soit si grande. Il est vrai qu'à l’origine il n'était pas facile d’en préciser le sens; mais les événements ont fait le jour, et les interprètes ont expliqué le texte.» Bacuez, Manuel biblique, t. iv, n° 920. Cet auteur parle ainsi des interprètes qui, comme lui, suivent Bossuet. Il continue: «Pour ce qui reste à accomplir, «je le laisse, dit Bossuet, «à ceux qui en savent plus que moi, car je tremble en «mettant les mains sur l’avenir;» néanmoins on a une certaine vue des événements prévus et de leurs principaux caractères. Par exemple, on ne saurait dire au juste quels faits précéderont la fin du monde, ce que sera l’Antéchrist, quand il viendra, ce que c’est que Gog et Magog, commentaura lieu la résurrection, etc. Mais on comprend fort bien que la résurrection et le jugement mettront fin à la durée du monde, qu’il y aura auparavant des épreuves terribles, un grand séducteur et un grand persécuteur: n’est-ce pas assez pour craindre et louer Dieu, pour s’attacher à son service, se confier à sa providence, se détacher de tout et aspirer au ciel?»
Quant à l’utilité de ce livre pour les enfants de l'Église, on peut dire qu’il n’y en a peut-être aucun dans la Bible qui soit aussi fécond en enseignements dogmatiques et moraux. On n’y rencontre presque aucun endroit où la divinité de Jésus-Christ ne nous soit révélée en des termes et sous des images sublimes. Il est le premier-né d’entre les morts, le prince des rois de la terre, I, 5; le premier et le dernier, qui fut mort et est vivant, v. 17; il tient les clefs de la mort et des enfers, i, 18; il régit les nations avec un sceptre de fer, xix, 15; il conduit les bienheureux aux sources de la vie, vii, 17. «L’Apocalypse tout entière, dit fort bien le P. Cornely, Introd. , t. iii, n° 250, p. 34, qu’est-elle autre chose qu’un chant triomphal, un épithalame du Christ, célébrant, victorieux de tous ses ennemis, ses noces divines avec l'Église, son épouse?» Nulle part, dans la sainte Écriture, l’angélologie et la démonologie ne sont aussi développées. Nulle part la gloire et le bonheur des élus ne sont dépeints sous des images plus magnifiques. La majesté et les attributs de Dieu y brillent du plus vif éclat; sa providence surtout, qui veille sur sonÉglise, la gouverne, la délivre de ses ennemis, la vengedes injures qui lui sont infligées, la console dans ses tribulations par les plus brillantes espérances. «Nulle part les grandes vérités morales, l’importance du salut, la vanité des grandeurs du monde, le domaine souverainde Dieu, la rigueur de ses jugements, la réalité de la vie future, l’alternative inévitable d’un bonheur ou d’un malheur sans fin, ne sont exprimés d’une manière plus saisissante. Aussi n’est-il pas de lecture plus propre à donner à l'âme le mépris des choses de la terre, la crainte de Dieu, le désir du ciel, l’amour des grandes vertus, du détachement, de la fermeté, de la patience, du sacrifice, du zèle. Plus on s’en nourrit, plus on conçoit de respect pour la majesté divine, d’horreur pour l’impiété, de reconnaissance pour Notre - Seigneur, de confiance en sa providence, d’admiration pour les martyrs et pour les saints. Plus on se pénètre de ces vérités: que les élus sont toujours dans la main de Dieu, que leurs afflictions sont des épreuves destinées à accroître leurs mérites, que la malice de leurs ennemis ne saurait nuire par elle-même à leurs vrais intérêts, et qu’enfin il n’y a pour l'âme qu’unseul bien à désirer, l’amour du Sauveur en ce monde etson royaume éternel dans l’autre.» Bacuez, Manuel biblique, t. IV, n° 948.
VIII. Commentaires principaux. — 1° Commentaires anciens. — S. Hippolyte. Son explication de l’Apocalypse a péri, mais André de Césarée en a inséré dans son commentaire plusieurs sentences; André de Césarée, In Apoc. comment., t. Cvi, col. 215 et suiv.; Arétas de Césarée, Coacervatio enarrationum in Apocal., t. cvi, col. 499 et suiv.; Œcumenius, Comment. in Apoc. en appendice à la Catena grœca in Epist. cath., édit. Cramer, Oxford, 1840; S. Victoria de Pettau, Scholia in Apoc. t. v, col. 317 et suiv.; S. Paterius et Alulfus ont recueilli diverses explications apocalyptiques de saint Grégoire le Grand, t. lxxix, col. 1107 et suiv., 1397 et suiv.; Primasius, Commentariorum libri quinque, t. lxviii, col. 793 et suiv.; V. Bède, Explanatio Apoc. t. xciii, col. 129; Cassiodore, Complexiones in Apoc. quelques textes seulement, t. lxx, col. 1405 et suiv.; Berengaudus, Expositio super septem visiones libri Apoc. t. xvii, col. 765; Alcuin, Commentariorum libri quinque, t. c, col. 1087 et suiv.; Bruno d’Asti, Expositio in Apoc. t. clxv, col. 605 et suiv.; Rupert, Commentarii in Apoc. t. clxix, col. 825; Richard de Saint-Victor, Explicatio…, t. cxcvi, col. 683 et suiv.; S. Martin de Léon, Expositio…, t. ccix, col. 299 et suiv.
2° Commentaires modernes. — Albert le Grand, Commentarii, dans ses Opera, Lyon, 1651, t. xi; card. Hugues, Opéra, Venise, 1754, t. vii, p. 365 et suiv.; Thomas d’Angleterre, parmi les Spuria de saint Thomas d’Aquin, édit. de Parme, t. xxiii, p. 325 et suiv.; l’abbé Joachim, Expositio magni prophètes abbatis Joachim in Apocalypsin, Venise, 1527. — Au xvi «et au xviie siècle, il parut plus de trente commentaires sur l’Apocalypse, sans compter ceux qui font partie des commentaires complets de la Bible. Les principaux sont: Ribera, Lyon, 1593; Viega, York, 1601; Boulenger, Paris, 1597; Pererius, Lyon, 1606; Alcazar, Anvers, 1614; Kircher, Cologne, 1676; Bossuet, Paris, 1689; Holzhauser, Bamberg, 1784; Trotti de la Chétardie, Bourges, 1692; Vitringa, Leucopetra, 1721.
3° Commentaires récents. — De Bovet, L’esprit de l’Apocalypse, Paris, 1840; Bisping, Exegetisches Handbuch, Erklärung der Apocalypse, Munster, 1876; Krementz, Die Offenbarung des h. Johannes, Fribourg, 1883; Verschræge, Claræ simplicesque explicationes Apoc. Tournai, 1855; Lafont-Sentenac, Le plan de l’Apocalypse, Paris, 1872; Waller, Die Offenbarung des h. Johannes, Bixheim, 1882; Bigou, L’avenir, Paris, 1887; Duprat, L’Apocalypse, 3 in-8°, Lyon, 1889. — Protestants: Hengstenberg, Die Offenbarung des h. Johannes, Berlin, 1819-1851; Rougemont, La Révélation de saint Jean, Neufchâtel, 1866; Floerke, Die Lehre vom tausendjährigen Reiche, Marbourg, 1859; Volkmar, Commentar zur Offenbarung Johannes, Zurich, 1862. — On consultera avec fruit les introductions au Nouveau Testament de Kaulen, de Valroger, de Cornely, d’Aberle, le Manuel biblique de Bacuez; et, du côté des protestants, surtout l’introduction au Nouveau Testament de Hilgenfeld.
J. Corluy.
APOCALYPSES APOCRYPHES. Nous partagerons cet article en deux sections: la première consacréeaux apocalypses d’origine juive, la seconde aux apocalypses d’origine chrétienne.
I. Apocalypses juives. — Au contraire des apocalypses chrétiennes, qui ne sont, pour la plupart, que des pastiches très tardifs de l’Apocalypse canonique de saint Jean, les apocalypses juives sont de tous les apocryphes de l’Ancien Testament ceux qui offrent le plus vif intérêt historique. L’étude comparée de ces apocryphes date dece siècle, et, on l’a dit bien souvent et non sans raison, nous lui devons la reconstitution d’un chapitre extrêmement instructif de l’histoire littéraire et religieuse du peuple juif. Elles sont, en effet, les monuments de la pensée juive, et de la pensée juive orthodoxe, palestinienne et non hellénistique, au Ier siècle avant notre ère et au Ier siècle depuis; elles comblent la lacune littérairequi s'étend entre l’Ancien et le Nouveau Testament; et, par les espérances si hautement messianiques qui sontleur caractéristique commune, elles sont comme unesorte de prolongement et d'épilogue des prophètes canoniques, en même temps que le prologue de l'Évangile.Ainsi, et ainsi seulement, s’explique la faveur qu’elles ont rencontrée dans l'Église primitive, et comment, négligées par les Juifs de la tradition talmudique, elles ne nous ont été conservées que par des mains chrétiennes. J’ajoute, mais avec toutes les réserves que comporte une opinion dont certains critiques ont tiré des conséquences auxquelles nous ne saurions souscrire, j’ajoute que cette même étude comparée des apocalypses juives, lesquelles s’inspirent visiblement des prophètes canoniques et en particulier de Daniel, n’est pas peu propre à nous faire juger de la méthode que les Juifs palestiniens de l'époque asmonéenne et du temps des Hérodes appliquaient à l’intelligence des prophéties messianiques et eschatologiques canoniques. — M. Hilgenfeld, d’Iéna, un des rares survivants de l'école de Baur, passe pour avoir inauguré cette étude comparée, dans son livre Die jüdische Apokalyptik in ihrer geschichtlichen Entwickelung, ein Beitrag zur Vorgeschichte des Christenthums, Iéna, 1857. Mais, depuis trente ans, ce chapitre d’histoire littéraire s’est sensiblement développé et enrichi, grâce notamment aux découvertes de M. Dillmann et de l’abbé Ceriani; pour s’en rendre compte, on n’aura qu'à consulter le livre d’Emile Schürer, Geschichte des jüdischen Volkes im Zeitalter Jesu Christi, Leipzig, 1886, t. ii, p. 575-694, qui résume avec autant de solidité que d’ampleur la littérature et les conclusions du sujet.
1o Livre d’Énoch. — Il vient le premier dans la série des apocalypses palestiniennes, et c’est assurément la plus importante. Cité par l’auteur du Livre des Jubilés, par l’auteur du Testament des douze Patriarches, et, d’après plusieurs, dans l'Épître canonique de saint Jude, dans l'Épître de saint Barnabe, par saint Irénée, Tertullien, Clément d’Alexandrie, Celse, Origène, Eusèbe de Césarée, saint Jérôme, le Livre d’Énoch est mentionné par le catalogue gélasien ou décret De libris recipiendis attribué au pape Gélase (492-496). Georges Syncelle, au IXe siècle, en avait encore le texte grec entre les mains.Tous ces témoignages ont été réunis par Fabricius, Codex pseudepigraphus Veteris Testamenti, Hambourg, 1723, t. i, p. 160-223, et par Schûrer, ouvr. cité, p. 627-629. L’original hébreu-araméen est perdu. Le texte grec est perdu aussi. Mais on en a une version éthiopienne, découverte au siècle dernier en Abyssinie, publiée pour la première fois en 1821, à Oxford, rééditée depuis excellemment par M. Dillmann, Das Buch Henoch übersetzt und erklärt, Leipzig, 1853. Au moment où ces lignes s’impriment on signale la découverte, en Egypte, d’une version copte du Livre d’Énoch. Elle doit être publiée prochainement par les membres de l'école française du Caire.
Le Livre d’Énoch a été partagé en cent cinq chapitres répartis en cinq sections, plus un préambule et un épilogue. Première section (ch. vi-xxxvi), récit de la chute des anges et de l’origine de la race des géants; récit du ravissement d’Énoch au ciel et description de ce qu’il y voit. Deuxième section (ch. xxxvii-lxxi): trois paraboles, précédées d’un court prologue: visions messianiques et eschatologiques d’Énoch, interrompues par un intermède (ch. lxiv-lxviii) sur les visions de Noé. Troisième section (ch. lxxii-lxxxii): vision de la physique du monde, explication du mouvement des astres, des vents, etc. Quatrième section (ch. lxxxiii-xci): vision historique d’Énoch, la succession des règnes et des semaines d’années jusqu'à la réalisation des promesses messianiques. Cinquième section (ch. xcn-cv): harangue d’Énoch à ses enfants. Fin. — Il y a dans tout ce vaste développement des longueurs, des inégalités et des redites, et nous verrons comment on les explique; cependant, dans l’ensemble, le Livre d’Énoch est à mettre au-dessus même du Quatrième livre d’Esdras, pour l’intérêt du sujet et pour l'étincelante poésie de l’exécution.
Nous citerons, presque au hasard: «La sagesse n’a point trouvé sur la terre de demeure où reposer sa tête; c’est pourquoi elle a fait sa résidence dans le ciel. La sagesse est descendue du ciel pour habiter avec les enfants des hommes, mais elle n’a point trouvé de demeure. Alors la sagesse est retournée vers son divin séjour et a pris sa place au milieu des saints anges. Et après sa retraite l’iniquité s’est présentée, et elle a trouvé une demeure, et elle a été reçue par les enfants des hommes, comme la pluie est reçue par le désert, comme la rosée est reçue par une terre desséchée, xlii, 1-2… Le jour du châtiment et de la vengeance! En ce jour-là, je placerai mon élu aumilieu des saints, et je changerai la face du ciel, et je l’illuminerai pour l'éternité, et je changerai aussi la face de la terre, xlv, 2-5… Là je vis l’Ancien des jours, dont la tête était comme de la laine blanche, et avec lui un autre, qui avait la figure d’un homme. Cette figure était pleine de grâce, comme celle d’un des saints anges. Alors j’interrogeai un des anges qui étaient avec moi et qui m’expliquaient tous les mystères qui se rapportent au Fils de l’homme. Je lui demandai qui il était, d’où il venait et pourquoi il accompagnait l’Ancien des jours. Il me répondit: Celui-là est le Fils de l’homme, à qui toute justice se rapporte, avec qui elle habite, et qui tient la clefde tous les trésors cachés. Car le Seigneur des esprits l’a choisi de préférence, et il lui a donné une gloire au-dessus de toutes les créatures. Le Fils de l’homme arrachera les rois et les puissants de leur couche voluptueuse; il mettra un frein aux puissants; il brisera les dents des pécheurs, etc. xlvi, 1-4… J’eus une vision dans mon lit. Voici un taureau sortant de terre, et ce taureau était blanc. Puis sortit une génisse, et avec elle deux jeunes veaux, dont l’un était noir, et l’autre rouge. Le noir frappa le rouge… Je levai encore les yeux, et je vis le ciel au-dessus de ma tête, et voici qu’une étoile tomba du ciel, et elle sedressait au milieu de ces taureaux, lxxxiv-lxxxv… Jevis encore une brebis, et que cette brebis se faisait homme. Et elle bâtit au Seigneur une bergerie, et elle y établit les brebis qui étaient égarées. Je vis encore tomber une brebis qui était venue au-devant de celle qui était la conductrice des autres. Et je vis enfin périr un grand nombre d’autres brebis, leurs petits grandir à leur place, entrer dans un pâturage nouveau. Et la brebis qui les avait conduites, et qui était devenue homme, se sépara d’elles et mourut. Et toutes les brebis la cherchaient et l’appelaient avec des cris lamentables.» lxxxviii, GO-63.
La question de la composition de cette œuvre puissantea divisé les critiques. Voici le résumé des conclusions qui semblent avoir prévalu. — Le Livre d’Énoch serait une œuvre essentiellement composite et de diverses mains. Tout d’abord un noyau, formé des chapitres xvii-xix, xxi-xxxvi, lxxii-lxxix et lxxxii, et qui serait un livre de physique céleste. En second lieu, une apocalypse proprement dite, formée des chapitres l-xvi, lxxx, lxxxi, lxxxiii-cv, et qui serait un livre de vision historique. En troisième lieu, les trois paraboles des chapitres xxxviilxiii, lxix-lxxi, qui constitueraient plus spécialement une ' apocalypse messianique. Enfin les chapitres lxiv-lxviii, qui forment le «livre des visions de Noé». Ce sont là les grandes lignes de partage: on ne saurait entrer ici , dans l’analyse des interpolations de détail. Le noyau primitif serait d’origine indéterminée; mais la grande vision historique, qui s’est adaptée à cet écrit principal, est, grâce à la chronologie de ses semaines d’années et à la transparence de ses symboles historiques, aisée à dater. Elle est contemporaine du règne victorieux de Jean Hyrcan (135-106 avant J.-C), et plus précisément de l’an 110 environ. Les trois paraboles seraient plus récentes, et contemporaines plutôt d’Hérode le Grand (40-4 avant J.-C); la christologie y est même assez développée, pour que quelques critiques y aient voulu voir une œuvre chrétienne, mais c’est une opinion très controversée. En résumé, nous sommes ici en présence d’un monumentde la théologie palestinienne au siècle qui a immédiatement précédé l’apparition du Christianisme, et d’un livre dont nul autre plus que lui n'était propre à préparer l’audience de l’Évangile. — On trouvera la bibliographie concernant le Livre d’Énoch énumérée dans Schürer, ouv.cité, p. 629-630. Une bonne traduction française du livre d’Énoch est dans Migne, Dictionnaire des apocryphes, Paris, 1856, t. i, p. 393-514.
2° Assomption de Moïse. — Il ne faut pas confondre ce livre juif avec l’Apocalypse de Moïse, œuvre chrétienne, dont il sera parlé plus loin. L’Assomption de Moïse est citée, d’après quelques exégètes, dans l'épître canonique de saint Jude, et par Clément d’Alexandrie, parOrigène, par Didyme d’Alexandrie, par Gélase de Cyzique, par Évodius, l’ami de saint Augustin; elle est mentionnée dans le catalogue synoptique attribué à saint Athanase, dans le catalogue stichométrique de Nicéphore. Voir Schürer, ouvr. cité, p. 636-637. L’original était hébreu-araméen; il est perdu, de même que la version grecque. On n’a qu’un fragment de traduction latine d’après le grec, fragment retrouvé par Ceriani dans un palimpseste de la bibliothèque Ambrosienne provenant de l’abbaye de Bobbio, et publié par lui dans ses Monumenta sacra et profana, Milan, 1861, t. i, fasc. i, p. 55-64. Fritzsche en a donné une édition manuelle dans ses Libri apocryphi Veteris Testamenti, Leipzig, 1871, p. 700-730, précédée d’une bonne introduction, ibid., p. xxxii-xxxvi. — L’auteur met en scène Moïse, sur le point de quitter son peuple, s’entretenant pour la dernière fois avec Josué, et lui révélant le secret de la destinée que Dieu réserve à son peuple: l'établissement dans la Terre Promise jusqu'à la destruction du royaume d’Israël et de Juda; la ruine de Jérusalem et du temple, la captivité de Babylone; la restauration de la ville sainte et le second temple; les iniquités des Juifs de ces derniers temps, et leur châtiment par un roi cruel qui ne sera point de leur race, dont les deux fils lui succéderont, mais auront peu de temps à régner, car la fin des temps sera venue. Tel est le thèmede cette œuvre pâle et désolée. Il y a quelques divergences entre les critiques sur la date à assigner à la composition de V Assomption de Moïse. Il paraît cependant probable que nous avons affaire à une œuvre palestinienne, écrite par un antipharisien farouche, un zéloteintransigeant, et postérieure, mais de très peu, à la mort d’Hérode le Grand (4 avant J.-C), contemporaine des premières années du gouvernement d’Hérode Antipas et de Philippe. Consulter Schürer, ouvr. cité, p. 630-638.
3° Quatrième livre d’Esdras, ou, si l’on veut, Apocalypse de l’an 97. — Cette œuvre si importante a été longtemps en circulation dans l'Église catholique: elle est citée dans l'épître dite de saint Barnabé, par saintIrénée, Tertullien, Clément d’Alexandrie, saint Ambroise, par l’auteur anonyme de l’Opus imperfectum in Matthæum attribué à suint Jean Chrysostome, par saint Jérôme, etc. Voyez Hilgenfeld, Messias Judæorum, Leipzig, 1869, p. lxii-lxx, et Schürer, ouvr. cité, p. 657-658. De ce que dit Hilgenfeld des traces dudit livre dans le Nouveau Testament, il n’y a rien à retenir. Le quatrième livre d’Esdras était écrit en grec; le texte original est perdu, il n’en reste que quelques citations fournies par Clément d’Alexandrie. Mais on en possède une ancienne version latine publiée, ne prorsus interiret, dans les éditions de la Vulgate, et mieux par dom Sabatier, Bibliorum Sacrorum latinæ versiones antiquæ, Paris, 1743, t. iii, p. 1069-1084; le texte de cette version, qui présentait une lacune grave, a été complété par Bensly, The missing fragment of the latin translation of the fourth book of Ezra, Cambridge, 1875. Il existe concurremment: une version syriaque publiée en syriaque et en latin par Ceriani, Monumenta sacra et profana, t. i, fasc. 2, p. 99-124; t. v, fasc. 1, p. 4-111; une version éthiopienne publiée par Laurence, Quarti Ezræ libri versio æthiopica, Oxford, 1820; une version arabe publiée par Gildemeister, Esdræ liber quartus arabice, Bonn, 1877; une version arménienne publiée en latin par Hilgenfeld, ouvr. cité, p. 378-433; une ancienne version allemande, découverte par W.Walther, Die deutsche Bibelübersetzung des Mitlelalters, Brunswick, 1889. Il nous manque une édition critique qui utilise tous ces textes différents, et surtout les manuscrits latins, qui sont loin d’avoir été sérieusement exploités. Nul doute que le texte que nous possédons et que nous devons à la tradition chrétienne n’ait été interpolé en plus d’un endroit par une main chrétienne.
Le livre peut être divisé en sections. Premièrement, une introduction, ch. i-ii; puis sept visions, a) m-v, 20; b) v, 21-vi, 34; c) vi, 35-ix, 26; d) ix, 27-x, 60; e) xi-xii; f) xm; g) xiv-xvi. «Ces visions, écrit M. Renan, affectent pour la plupart la forme d’un dialogue entre Esdras, supposé exilé à Babylone, et l’ange Uriel; mais il est facile de voir, derrière le personnage légendaire, le Juif ardent de l'époque flavienne, plein de rage encore à cause de ladestruction du temple par Titus. Le souvenir de ces jours sombres de l’an 70 monte dans son âme comme la fumée de l’abîme et la remplit de saintes fureurs. Un doute profond le déchire: pourquoi Israël, le peuple élu de Dieu, est-il le plus malheureux des peuples, et d’autant plus malheureux qu’il est plus juste?» L’ange Uriel répond à cette question douloureuse: Les mystères de Dieu sont impénétrables et l’esprit de l’homme borné. Puis le Messie va venir; fils de Dieu et de la race de David, il va paraître au-dessus de Sion dans sa gloire, accompagné des personnages qui n’ont pas goûté la mort, Moïse, Énoch, Élie, Esdras lui-même. Il livrera de grands combats contre les méchants. Après les avoir vaincus, il régnera quatre cents ans sur la terre avec ses élus. Au bout de ce temps le Messie mourra, et tous les vivants mourront avec lui.Le monde rentrera dans son silence primitif durant sept jours. Puis un monde nouveau apparaîtra; la résurrection générale aura lieu. Le Très -Haut paraîtra sur son trône et présidera le jugement définitif. — Une vision spéciale, chap. xi et xii, est destinée, comme dans presquetoutes les apocalypses, à donner d’une façon énigmatique la philosophie de l’histoire contemporaine. Un aigle immense, symbole de l’empire romain, étend ses ailes sur toute la terre et la tient dans ses serres. Il a six paires de grandes ailes, quatre paires d’ailerons et trois télés.Les six paires de grandes ailes sont six empereurs.Le second d’entre eux règne si longtemps, qu’aucun de ceux qui lui succèdent n’arrive à la moitié du nombre d’années qui lui a été départi. C’est notoirement Auguste; et les six empereurs dont il s’agit sont les six empereurs de la maison de Jules, César, Auguste, Tibère, Caligula, Claude, Néron. Les quatre ailerons sont les quatre usurpateurs ou anticésars, Galba, Othon, Vitellius, Nerva, qui, selon l’auteur, ne doivent pas être considérés comme de vrais empereurs. Les trois têtes sont les Flaviens, qui dévorent les ailerons. La tête du milieu, la plus grande, est Vespasien; elle meurt. Les deux autres, Titus et Domitien, régnent; mais la tête de droite dévore celle de gauche, allusion à l’opinion populaire sur le fratricide de Domitien, et elle est tuée à son tour. C’est alors le règne de la dernière paire d’ailerons, Nerva. Le règne de cet usurpateur est court et plein de troubles; c’est moins unrègne qu’un acheminement ménagé par Dieu pour amener la fin des temps. En effet, au bout de quelques instants, selon notre visionnaire, le dernier anticésar, Nerva, disparaît; le corps de l’aigle prend feu, les Romains sont jugés par le Messie et exterminés. Le peuple juif respire enfin. — «On ne peut guère douter d’après cela, conclut le même critique, que l’auteur n’ait écrit sous le règne de Nerva, règne qui parut sans solidité ni avenir, à cause de l'âge et de la faiblesse du souverain, jusqu'à l’adoption de Trajan (fin 97). Passé le mois de janvier 98, l’opinion de l’auteur sur la prochaine dissolution de l’empire ne se comprendrait plus. Un autre trait remarquable est celui-ci: l’auteur insiste à plusieurs reprises sur cette circonstance qu’Esdras a sa vision trente ans après la ruine de Jérusalem. L’auteur veut sans doute signifier par là que trente ans à peu près s'étaient écoulés depuis la catastrophe de l’an 70.» E. Renan, L’Apocalypse de l’an 97, dans la Revue des deux mondes, 1er mars 1875. Il faut dire que l’opinion précitée, qui fixe à la fin de l’an 97 la composition du quatrième livre d’Esdras, et qui est celle de Volkmar, n’est point reçue sans conteste.MM. Dillmann, Reuss et Schiirer font le quatrième livre d’Esdras un peu plus ancien et le croient contemporain, non de Nerva (96-98), mais de Domitien (81-96). Schürer, ouvr. cité, p. 656-657.
On a relevé maintes fois la rare beauté littéraire du quatrième livre d’Esdras, encore qu’il soit esthétiquement inférieur au livre d’Énoch. Mais, plus répandu que le livre d’Énoch, surtout dans l'Église latine, il a eu uneinfluence exceptionnelle sur la pensée populaire chrétienne du haut moyen âge, particulièrement sur la conception et sur la représentation des fins dernières. La liturgie romaine lui a emprunté de beaux passages. L’admirable introït Accipite jucunditatem, de la messe du mardi de la Pentecôte, est tiré de IV Esdras, II, 36-37; de même le verset Crastina die, de la vigile de Noël, xvi, 53; le répons Lux perpetua lucebit sanctis tuis, du Commun des martyrs au temps pascal, II, 35; le Modo coronantur, du répons au second nocturne du Commun des Apôtres, II, 45. L’Office des morts, qui dans son ensemble est une composition liturgique au plus tard du viiie siècle, lui doit, entre plusieurs autres textes, le verset Requiem œternam… et lux perpétua, ii, 34-35. Les visions du pseudo-Esdras n’ont pas la puissance de fiction de celles du pseudo-Énoch, ni leur originalité saisissante; mais le pseudo-Esdras a par endroits une éloquence tendre et comme évangélique, et sa vision du monde desmorts a une onction consolatrice qui suffirait à expliquer le succès du livre auprès des âmes chrétiennes. Voici quelques versets du chapitre II. «La mère qui les avait enfantés leur a dit: Allez, mes fils, allez-vous-en, car je suis maintenant veuve et abandonnée. Je vous avais élevés dans la joie; je vous dis adieu dans le deuil et dans la douleur, parce que vous avez péché devant la face du Seigneur votre Dieu… Que pourrais-je pour vous? Allez, mes fils, allez implorer la miséricorde du Seigneur… Et le Seigneur a dit à Esdras: Parle à mon peuple; dis-lui que je vais lui donner le royaume de Jérusalem, … et les tabernacles éternels… mère, embrasse maintenant tes fils, et élève-les dans la joie! … Ô bonne nourrice, nourris tes enfants, et protège leurs premiers pas… Plus de fatigue pour toi, plus de jours d’angoisse et d’alarmes. D’autres pleureront et seront tristes: toi, tu seras dans la liesse et dans l’abondance. Les nations te jalouseront, mais elles ne pourront rien contre toi, dit le Seigneur. Mes mains te couvriront, pour que tes fils ne connaissent point la géhenne. Joie, joie, joie pour la mère; car ses fils qui dorment, je les ramènerai des entrailles de la terre… Voici votre pasteurqui vient, il va vous donner le repos éternel. Il est là tout proche celui qui vient à la fin du siècle. Préparez-vous au règne, car la lumière éternelle va briller pour vous dans l'éternité. L’ombre des siècles n’existe plus pourvous: recevez la joie de la gloire qui est vôtre…, les tuniques splendides du Seigneur… Et moi Esdras, je vis sur la montagne de Sion une foule immense que personne ne pouvait compter, et tous chantaient les louanges du Seigneur. Et au milieu d’eux il y avait un jeune homme, plus grand que tous, et qui sur la tête de chacun mettait une couronne. Et je demandai à l’ange: Qui sont ceux-là, Seigneur? Et il me répondit: Ce sont ceux qui ont échangé la tunique mortelle pour la tunique immortelle, et qui ont confessé le nom de Dieu; maintenant ils sont couronnés et ils reçoivent des palmes. Et je dis à l’ange: Qui est ce jeune homme qui leur donne les couronnes et qui leur distribue les palmes? Et il me dit: Celui-là est le Fils de Dieu, qu’ils ont confessé dans les siècles!» Cf. A. Le Hir, Le quatrième livre d’Esdras, dans sesÉtudes bibliques, Paris, 1869, t. i, p. 139-250, et Kabisch, Das iv. Buch Esra auf seine Quellen untersucht, Gottingen, 1889.
4o Apocalypse de Baruch, ou, si l’on veut, Apocalypse de l’an 117. — On n’en possédait jusqu'à ces dernières années qu’un fragment (ch. lxxviii-lxxxvi), àsavoir: la Lettre de Baruch aux dix tribus, publiée en syriaque dans la Polyglotte de Paris et dans la Polyglotte de Londres. Ceriani a retrouvé et puhlié le texte syriaque complet, Monumenta sacra et profana, t. i, fasc. 2, Milan, 1866, p. 73-98. Fritzsche a publié, d’après Ceriani, la traduction en latin dudit texte syriaque, dans ses Libri apocryphi Veteris Testamenti, Leipzig, 1871, p. 654-699. — La scène est dite se passer la vingt-cinquième année du règne de Jéchonias: Baruch y prophétise la ruine de Jérusalem de l’an 70, et la revanche messianique du peuple de Dieu, revanche déjà toute spirituelle, sans cependant aucun soupçon de millénarisme. Un court passage donnera une idée du ton brillant et mélancolique de tout le livre: «Et voici, une forêt d’arbres (il s’agit de l’empire romain) se dressait dans la plaine, et des montagnes sublimes, et des rochers inaccessibles l’entouraient.Et voici, en face une vigne grandit, et des racines de cette vigne s'échappait une source tranquille. L’onde s'épanchait et gagnait la forêt: ses flots grossirent, et ses flots inondèrent la forêt, et ils en déracinèrent les arbres, et ils couvrirent les monts à l’entour. Les faites des arbresfurent humiliés, et les sommets des monts furent humiliés, et le flot devint si puissant, qu’il ne resta plus de toute la forêt qu’un cèdre, un grand cèdre, et celui-là même fut renversé. Plus rien… La place même n'était plus reconnaissable… Et la vigne s’avançait, portée sur les eaux paisiblement, paisiblement, et elle approcha des ruines du grand cèdre. Et voici, elle parla. Est-ce toi, disait-elle, ô cèdre resté seul de la forêt de malice, dansla main de qui la malice durait, et grandissait chaque année, et la bonté jamais? qui t’enorgueillissais de ce qui n'était pas tien, et ne t’apitoyais pas sur ce qui était tien?… et qui exaltais ton front toujours plus haut, comme si tu ne pouvais être jamais déraciné? Le temps s’est précipité. Ton heure est venue. Va-t-en maintenant, ô cèdre, va-t-en rejoindre la forêt qui n’est déjà plus. Deviens poussière avec elle, et que vos poussières se confondent.Reposez-vous ensemble dans votre châtiment, en attendant le dernier jour, où tu reviendras pour des châtiments plus cruels encore. Et voici, je vis le cèdre qui flambait. Et cependant la vigne croissait, tout autourd’elle croissait, et la campagne se couvrait de fleurs immortelles.» ch. xxxvi-xxxvh. L’auteur dit encore: «Malheur à nous, qui avons vu les tribulations de Sion et les mauvais jours de Jérusalem! Laboureurs, ne semezplus, et ici, ô terre, pourquoi donner encore des fruits? Cieux, retenez votre rosée et n’ouvrez plus les trésors de la pluie! .Soleil, garde le feu de tes rayons, et toi, ô lune, éteins le faisceau de ta lumière: pourquoi y a-t-il encore de la lumière, quand la splendeur de Sion est obscurcie?… Et vous, ô prêtres, prenez les clefs du sanctuaire, jetez-les vers le ciel, rendez-les au Seigneur et dites-lui: Garde ta maison, car voici, nous avons été des intendants infidèles.» ch. x. — Le calcul des semaines, suggérépar le chapitre xxviii, fait placer par M. Dillmann notre Apocalypse sous le règne de Trajan († 117). D’après M. Renan, «tout se réunit pour la rapporter à la dernière année du règne de Trajan, à ce moment où les revers du grand capitaine en Orient firent croire auxJuifs que la fin de l’empire, tant de fois attendue, allait enfin venir.» Il est probable que le texte original était grec; l’auteur pourtant appartenait au judaïsme orthodoxe de Palestine. Voir Renan, L’apocalypse de Baruch, dans le Journal des savants, 1877, p. 222-231; Schürer, Geschichte des jüdischen Volkes, t. ii, p. 638-645; Hilgenfeld, Die Apokalypse des Baruch, dans la Zeitschrift für wissenschaftlische Theologie, 1888, p. 257-278; Kabisch, Die Quellen der Apokalypse Baruchs, dans les Jahrbücher für protestantische Theologie, 1891, p. 66-107.
5o Paralipomènes de Baruch, ou, si l’on veut, Apocalypse de l’an 136. — Le texte grec, qui est ici comme pour l’Apocalypse de Baruch le texte original, a été retrouvé et publié par Ceriani, Monumenta sacra etprofana, t. v, fasc. 1, Milan, 1868, p. 9-18; et à nouveaupar Rendel Harris, The rest of the words of Baruch, Londres, 1889. Une version éthiopienne du même texte avait été publiée par M. Dillmann dans sa Chrestomathia æthiopica, Leipzig, 1860. Le sujet est celui-ci: Jérémie, Baruch et leur ami Abimélech ont survécu à la prise de Jérusalem par les Chaldéens; Jérémie a suivi le peuple captif à Babylone; Baruch, caché dans un tombeau près de la ville sainte, attend des jours meilleurs; Abimélech, sorti de Jérusalem le matin qui a précédé la prise de laville, s’est endormi sous un arbre et a dormi soixante-dix ans. Les soixante dix ans révolus, il s’est réveillé et a appris le sort de Jérusalem. Aussitôt il se met à la recherche de Baruch; ensemble Us écrivent à Jérémie, au nom du Seigneur, que la captivité est le châtiment'des iniquités d’Israël, mais que, si Israël consent à entendre la parole du Seigneur, le Seigneur fera cesser la captivité. Ordre est donné à Jérémie d'éprouver le peuple dans l’eau du Jourdain. Mais le peuple, conjuré par Jérémie d’abandonner les œuvres de Babylone, hésite: il n’ya qu’une moitié du peuple qui passe le Jourdain. Cette portion fidèle rentre seule à Jérusalem, on, avec Baruch et Abimélech, Jérémie monte au temple pour offrir un sacrifice. Jérémie meurt ce faisant, mais trois jours après il ressuscite et prophétise: «Glorifiez Dieu, dit-il, et le fils de Dieu, Jésus-Christ.» M. Rendel Harris a vu dans cette Apocalypse une œuvre chrétienne, le «dernier adieu de l'Église à la synagogue». C’est plus sûrement une œuvre juive interpolée. Écrite peu avant l’année 140 de notre ère, elle est destinée à préparer la restauration deJérusalem par la conversion des Juifs toujours prévaricateurs. Voyez Schürer, Theologische Literaturzeitung, 1890, p. 81-83; Bulletin critique, 1890, p. 261-263.
6o Le livre d’Eldad et de Modad. — Sous le nom de ces deux personnages bibliques, Num., xi, 26-29, a circulé une Apocalypse juive citée par le Pasteur d’Hermas, Vis., ii, 3, édit. Gebhardt-Harnack-Zahn, p. 23, et peutêtre par saint Clément, ibid. Le catalogue stichométriquede Nicéphore attribue quatre cents stiques au Livre d’Eldad et de Modad. Voyez Schùrer, ouvr. cité, p. 673.
7o Apocalypse d'Élie. — Cette Apocalypse est mentionnée par Origène, par saint Jérôme, par saint Épiphane.C’est à cette Apocalypse apocryphe juive que saint Paulaurait emprunté, s’il faut en croire Origène, le texte célèbre, I Cor., ii, 9: «Comme il est écrit: ce que l'œil n’a pointvu, ce que l’oreille n’a point entendu;» et, s’il faut encroire saint Épiphane, le texte Eph., v, 54: «C’est pourquoi il dit: Lève-toi, toi qui dors.» On n’en a aucune autre trace, sinon dans le catalogue stichométrique de Nicéphore, qui la mentionne comme un livre de trois cent seize stiques. Voyez Schürer, ouvr. cité, p. 673-676.
8o Apocalypse de Sophonie. — Elle est citée par Clément d’Alexandrie seul: «Et l’esprit me saisit et me transporta dans le cinquième ciel: et là je vis les anges dominateurs. Ils avaient le diadème de l’EspritSaint. Leur trône à chacun d’eux était plus splendide sept lois que la lumière du soleil à son lever. Ils habitaient le naos du salut. Ils louaient le Dieu ineffable, très haut.» Stromat., v, 11, t. ix, col. 116. Le catalogue stichométrique de Nicéphore attribue six cents stiques à l’Apocalypse de Sophonie. Voyez Schùrer, ouvr. cité, p. 676.
9o Ascension d’Isaïe ou Vision d’Isaïe. — De ce petitlivre nous possédons actuellement: 1o une version éthiopienne publiée par Laurence (1819), et dont M. Dillmann a donné depuis une édition critique, Ascensio Isaix œthiopice et latine, Leipzig, 1877; 2o trois fragments d’une ancienne version latine, retrouvés, deux par le cardinalMai (1828), le troisième par M. Gieseler (1832), et queM. Dillmann a réédités, ouvr. cité, p. 76-85; 3o enfin unremaniement grec découvert par M. von Gebhardt, et publié par lui dans la Zeitschrift für wissenschaftliche Theologie, 1878, t. xxi, p. 330-353. L’Ascension d’Isaïe est, d’après M. Dillmann, une œuvre composite dont il explique ainsi la formation: 1o Un récit du martyre d’Isaïe scié en deux avec une scie de bois, récit d’origine juive, qui daterait de la fin du Ier siècle de notre ère, et qui est connu de saint Justin, de Tertullien, d’Origène et de saint Ambroise. 2o L’Ascension d’Isaïe proprement dite. La septième année du règne d'Ézéchias, Isaïe est ravi au ciel par un ange, il traverse successivement les six ciels et arrive de vision en vision jusqu’au septième, où la sainte Trinité se découvre à lui, et le Fils qui un jour s’incarnera. Ce serait une œuvre judéo-chrétienne et gnosticisante de la première moitié du second siècle, et celle-là même que, sous le nom d’Anabaticon ou Ascension d’Isaïe, nous voyons très en faveur chez les gnostiques valentiniens et archontiques, chez les Hiéracites, chez les Ariens même, plus tard encore chez les Priscillianistes, les Bogomiles et les Cathares. 3o Le récit juif et la vision chrétienne auraient été réunis en un seul opuscule par une main chrétienne, d'époque indéterminée, laquelle aurait ajouté le prologueet l'épilogue. 4o Une quatrième main chrétienne, seconde moitié du second siècle, aurait interpolé le tout et inséré les chapitres iii, 13-v, 1; xi, 2-22, et quelques autres moindres morceaux entachés de docétisme. Voir Dillmann, ouvr. cité, et, du même, l’article Pseudepigraphen, dans la Realencyclopädie für protestantische Theologie, 2e édit., t. xii, p. 359-360. Voir aussi Schürer, ouvr. cité, p. 683-687.
10o Apocalypse de Daniel. — Ce curieux petit livre a été étudié par M. Munk, par M. Zotenberg, plus récemment par M. James Darmesteter dans les Mélanges Renier, Paris, 1887, p. 405-420. C’est une histoire d’Israël, prophétisée par Daniel et qui s'étend du temps de Daniel à la venue du Messie. Daniel se lamente de voir le peuple dispersé ou captif, et Dieu le console en lui révélant l’avenir de ce peuple, la suite des rois futurs jusqu'à l’avènement des temps messianiques, l’arrivée de Gog et de Magog, le règne du roi impie Armilos, l’apparition du premier Messie, fils de Joseph, et sa mort inefficace, enfin l’apparition du Messie, fils de David et libérateur d’Israël, son règne terrestre, la résurrection des mortset le triomphe de la justice définitive. Ce livre, une sorte de targum, est en persan écrit en caractères hébreux: il a été composé par un Juif de Perse dans les premières années du xiie siècle, étrange témoin de la persistance des idées messianiques et de l’apocalyptisme chez les Juifs du moyen âge.
II. Apocalypses chrétiennes. — 1o Apocalypse de Moïse. — Ce petit livre a été publié en grec pour la première fois par Tischendorf, Apocalypses apocryphes, Leipzig, 1866, p. 1-23, et par Ceriani, Monumenta sacra et profana, t. v, fasc. 1, Milan, 1868, p. 19-21. Le titre que Tischendorf lui a donné est fort impropre. Le titre dans les manuscrits est: «Récit de la vie d’Adam et d’Ève nos premiers parents, révélé par Dieu à Moïse son serviteur lorsqu’il lui remit les tables de la loi, révélé par l’archange Michel.» Et ce titre lui-même ne correspond point à la teneur du livre, où il n est question ni de Moïse ni de révélations. Ce récit, imité, semble-t-il, du Testament des douze patriarches, est le récit, en partie fait par Ève au lit de mort d’Adam, et sur son ordre, de la chute du premier couple, et, à la suite, celui de la mort d’Adam et de sa sépulture par les soins de Seth et des anges. Tischendorf y voyait une œuvre juive du Ier siècle. C’est plutôt un roman de source juive, comme la Prière d’Aseneth, et, comme elle, des environs du Ve siècle. Voir Le Hir, Études bibliques, t. ii, p. Il 1-120, et Schürer, ouvr. cité, p. 636.
2o Apocalypse d’Esdras. — Esdras est ravi en présence de Dieu et l’interroge sur les fins dernières de l’homme. Le texte grec de ce petit écrit a été publié par Tischendorf, Apocalypses apocryphes, p. 24-33. On n’enconnaît point de traduction latine, mais une version syriaque publiée par F. Bæthgen, dans la Zeitschrift für die altestamentliche Wissenschaft, 1886, p. 199-210; et une version arabe, par H. Gottheil, dans les Hebraica, Chicago, 1887, fascicule d’octobre, p. 14-17. C’est une œuvre chrétienne très médiocre, inspirée du Quatrième livre d’Esdras, et dont on ne saurait préciser la date, en toute hypothèse très tardive, ve-viiie siècle. Voyez Kabricius, Codex apocryphus Novi Testamenti, Hambourg, 1719, p. 951-952, et Le Hir, ouvr. cité, p. 120-122.
3o Apocalypse de Pierre. — Ce serait là un document d’une très haute importance, à mettre sur le même rang que l'épître de Barnabe ou que le Pasteur d’Hermas, et qui remonterait à la première moitié du second siècle. Le célèbre Canon de Muratori cite l’Apocalypse de saint Pierre à côté de celle de saint Jean: «Nous recevons seulement les Apocalypses de Jean et de Pierre que quelques-uns des nôtres ne veulent pas qu’on lise dansles églises. Très récemment le Pasteur,» etc., mettant ainsi les deux Apocalypses parmi les antilegomena apostoliques. Eusèbe de Césarée, au IVe siècle, cite lui aussi l’Apocalypse de saint Pierre et la place parmi les spuria, avec les Acta Pauli, le Pasteur d’Hermas, la Didaché des Apôtres et l'Épître de saint Barnabe, H. E., iii, 25, t. xx, col. 269. Sozomène, au commencement du siècle suivant, assure que l’Apocalypse de saint Pierre, «tenue pour apocryphe par les anciens, n’en était pas moins lue publiquement, une fois l’an, dans certaines Églisesde Palestine, c’est à savoir le Vendredi saint.» H. E., vii, 19, t. lxvii, col. 1477. Le catalogue stichométrique de Nicéphore et celui du Codex claromontanus mentionnent encore l’Apocalypse de saint Pierre, et lui attribuent un nombre de stiques qui en font environ le quart de l’Apocalypse de saint Jean. Malheureusement nous n’en possédons plus que quelques fragments. Ils ont été réunis par Hilgenfeld, Novum Testamentum extra canonem receptum, 1881, iv, 71-74. Macarius Magnés, qui écrivait à la fin du ive siècle, cite de l’Apocalypse de Pierre un court passage concernant le jugement dernier. Clément d’Alexandrie en cite un autre plus explicite, où il est question du sort des enfants morts sans baptême, et où l’auteur enseigne qu’ils sont confiés dans l’autre monde à un ange nourrice, ἀγγέλῳ τημελούχῳ, chargé de les élever et de les amener à l'âge parfait, où ils bénéficieront d’une sorte de baptême posthume. C’est là uneconception singulière et un conte de vieille femme, repris au commencement du IVe siècle par Méthodius, mais qui ne paraît pas avoir eu d’autre source que l’Apocalypse de saint Pierre. On trouvera ces divers textes dans Hilgenfeld, ouvr. cité. Le fait d’avoir été si longtemps en circulation dans les églises orthodoxes prouve que l’Apocalypse de saint Pierre n'était pas une œuvre d’origine gnostique, mais catholique. Voir G. Salmon, A historical introduction to the study of the books of the New Testament, Londres, 1889, p. 560-564.
4o Apocalypse ou Ascension de Paul. — Saint Epiphane cite ce livre, Ἀναϐατικὸν Παύλου, comme propre aux gnostiques-caïnites, Hær., xxxviii, 2, t. iii, col. 656. Cette Apocalypse gnostique serait le développement du passage, II Cor., xii, 4, où saint Paul mentionne son ravissement au troisième ciel. Fabricius, Codex apocryphus Novi Testamenti, t. i, p. 913-955.
5o Seconde Apocalypse de Paul. — Elle est distincte del’Ascension de Paul dont on vient de parler, et mentionnée par saint Augustin, Tract, in Joa., 98, t. xxxiv-xxxv, col. 1885, et par l’historien Sozomène, H. E., vii, 19, t. lxvii, col. 1479, et condamnée par le catalogue gélasien. Le texte grec de cette Apocalypse a été retrouvé et publié par Tischendorf, Apocalypses apocryphes, p. 34-69.On en signale une version syriaque encore inédite. Cette seconde Apocalypse de saint Paul est, comme la première, le récit de ce que vit l’Apôtre quand il fut ravi au troisième ciel, une Divine comédie de peu d’intérêt. Elleest postérieure à l’empereur Théodose (379-395), sous le règne de qui, dit la préface. le livre aurait été trouvé dans la propre maison de saint Paul à Tarse; elle ne saurait être postérieure aux dernières années du IVe siècle. À s’en rapporter à Sozomène, ce serait une œuvre palestinienne. H. E., vii, 19, t. lxvii, col. 1477. Voyez Tischendorf, loc.cit.; Le Hir, ouvr. cité, p. 122-129; Wright, Syriac literature, dans l’Encyclopædia Britannica, t. xxii, p. 826.
6o Apocalypse de Thomas. — mentionnée par le catalogue gélasien comme apocryphe, probablement gnostique. Elle est perdue.
7o Apocalypse d’Etienne, — n’est connue que par la mention qu’en fait le catalogue gélasien comme d’un apocryphe, probablement aussi gnostique. Perdue.
8o Apocalypse apocryphe de Jean, — est citée par le scoliaste du grammairien grec Denys le Thrace (ixe siècle), et n’est mentionnée par aucun auteur antérieur à cette date tardive. Le texte grec de cette Apocalypse, publié par A. Birch, en 1804, a été réédité par Tischendorf dansune forme plus satisfaisante, Apocalypses apocryphes, p. 70-94. Il en existe une version arabe signalée par Assemani, Bibliotheca orientalis, Rome, 1719, t. iii, p. i, p. 282, et qui n’a pas été étudiée. Le sujet de cette Apocalypse est une vision de la fin du monde, du jugementdes hommes et de l'état des bienheureux dans le ciel. C’est une œuvre monotone et sans couleur, très pâle imitation de l’Apocalypse canonique de saint Jean. Il y est question de la croix et des icônes: on ne saurait y voir qu’une œuvre de basse époque, vie-viiie siècle.
9o Seconde Apocalypse de Pierre. — Elle n’existe qu’en arabe et n’est probablement que d’origine arabe. Le texte arabe est inédit. Assemani, ubi supra, et Nicoll, Catal. codd. mss. orient, bibl. Bodleian, Oxford, 1821, ii, 1, 49. C. Tischendorf en a donné l’argument, Apocalypses apocryphes, p. xx-xxiv: c’est un pot-pourri de légendes et d’extravagances dans le goût arabe sur Adam, sur Noé, sur Abraham, sur Jésus, sur saint Pierre, sur les sept péchés capitaux, sur l’Antéchrist, etc. Cette pièce, d’unintérêt très médiocre, est sûrement antérieure au xiiie siècle, car Jacques de Vitry en parle, à la date de 1218. M. Gutschmid, cité par M. Lipsius, y reconnaît des allusions à l’empereur Constantin Copronyme († 775), et à l’avènement d’Aboul-Abbas, le premier des califes Abbassides (750). Ce serait ainsi une œuvre syrienne du viiie siècle. Voyez Lipsius, art. Apocalypses, dans le Dictionary of Christian Biography, Londres, 1877, t. i, p. 131.
10o Apocalypse de Barthélémy, — n’existe qu’en copte et est encore inédite. M. Dulaurier, en 1835, en a publié et traduit un fragment assez brillant, d’après un manuscrit sahidique de la Bibliothèque nationale: sa traduction est reproduite par C. Tischendorf, Apocalypses apocryphes, p. xxiv-xxvii. Ce ne saurait être qu’une œuvre de basse époque; mais, actuellement, il n’est pas possible d’en déterminer la date ni l’origine.
11o Apocalypse de Marie, — existe en grec et n’a pas encore été publiée. On en trouve quelques extraits dans C. Tischendorf, Apocalypses apocryphes, p. xxvii-xxx. L’archange Michel, archistratège de Dieu, révèle à Mariele lieu où sont punis les pécheurs et quelles peines ilssubissent: Marie intercède en leur faveur auprès de Dieu.Ici encore nous avons affaire à une œuvre catholique debasse époque, mais dont on ne peut actuellement déterminer la date ni l’origine.
Un article spécial sera consacré au Testament des douze patriarches, au livre des Jubilés, aux livres Sibyllins, que les critiques classent quelquefois dans la catégorie des Apocalypses apocryphes. Voir à l’article Méliton deux apocryphes qui lui sont attribués, le Transites Mariæ et la Dormitio Mariæ.
P. Batiffol.
APOCRYPHES (LIVRES). Ce nom est donné par les protestants aux livres que nous appelons deutérocanoniques. Les catholiques, d’accord avec la façon de s’exprimer de l’ancienne Église, réservent ce nom aux livres qui ont figuré à tort dans le canon scripturaire de quelques Églises orthodoxes ou hérétiques de l’antiquité.Dans ce sens, les livres apocryphes sont les livres pseudocanoniques. On peut cependant élargir encore cette définition, et dire que les livres apocryphes sont ceux qui, par leur titre ou leur teneur, se donnent comme l’œuvre d’auteurs inspirés, sans pouvoir justifier de cette prétention. Dans ce sens, Origène les définit justement des livres qui «sont mis sous le nom des saints», entendant par saints les personnages bibliques, et qui «sont en dehors des Écritures canoniques». Voyez le développement de cette définition dans saint Augustin, De Civitate Dei, xviii, '28, t. xli, col. 598.
La mise en circulation et le crédit de telles compositions pseudépigraphes s’explique par la croyance, fort ancienne dans la société chrétienne, que les Juifs possédaient une littérature secrète à côté de la Bible qui était publique. Cette croyance fut étendue plus tard aux sectes hérétiques. Le mot ἀπόκρυφος veut simplement dire «caché»; il est opposé à κοινός, qui veut dire «public, courant, commun.» Origène, citant l’Apocalypse apocryphe qui a pour titre Ascension d’Isaie, écrivait: «Il est rapporté dans les écritures non publiques, in scripturis non manifestis, qu’Isaïe a été scié.» Origène, prévenant une objection qu’on pourrait lui faire, expose immédiatement sa règle de doctrine touchant ces sortes de livres: «Nous n’ignorons pas, dit-il, que beaucoup de ces écritures secrètes ont été composées par des impies, de ceux qui font le plus haut sonner leur iniquité, et que les hérétiques font grand usage de ces fictions: tels les disciples de Basilide. Nous n’ignorons pas davantage que d’autres de ces apocryphes, secreta, mis sous le nom des saints, quæ feruntur in nomine sanctorum, ont été composés par les Juifs, peut-être pour détruire la vérité de nos Écritures et pour établir de faux dogmes. Mais, en règle générale, nous ne devons pas rejeter en bloc ce dont nous pouvons tirer quelque utilité pour l'éclaircissement de nos Écritures. C’est la marque d’un esprit sage de comprendre et d’appliquer le précepte divin: Éprouvez tout, retenez ce qui est bon.» Origène, In Matth. comm. ser., xxviii, t. xiil, col. 1637.
Cette vue si juste et si profonde d’Origène, la théologiese l’est de nos jours appropriée. Elle a compris que, sicette littérature extracanonique n’ajoute pas un iota à lasomme des Écritures inspirées, elle peut en mainte occasion, ainsi que l’exprimait Origène, éclaircir tel ou tel point obscur de tel ou tel livre canonique. L’histoire, à son tour, y a vu des documents. L’histoire, qui ne connaît point seulement des faits historiques, mais encore des états de conscience, et qui même cherche l’explication de tant de faits dans l’analyse de ces états; l’histoire a demandé à ces apocryphes, où tout est fiction et vision, les éléments nécessaires pour reconstituer la pensée, les souffrances, l’attente, le rêve d'époques et de milieux qu’il nous importe particulièrement de connaître, et dont l’histoire serait, sans ces apocryphes, obscure et muette. C’est ainsi que les Apocalypses palestiniennes nous ont révélé le messianisme des Juifs du premier siècle avant notre ère, de l'époque asmonéenne et du temps des Hérodes, de même que les Actes apocryphes des Apôtres, l'éthique des gnostiques chrétiens de la fin du second siècle. Là est l’intérêt théologique et historique de cette littérature pseudépigraphe et extracanonique: Origène est seul à l’avoir pressentie.
Aux yeux de la plupart des écrivains de l’ancienneÉglise, au contraire, toute cette littérature de mensongene pouvait être que dangereuse et condamnable. Origènelui-même était trop clairvoyant pour ne le point marquer: «Ces écrits sont appelés apocryphes, parce qu’ony trouve beaucoup de choses corrompues et contraires àla vraie foi.» In Cantic, prol., t. xiii, col. 83. Apocryphe était synonyme de bâtard et de faux. S. Augustin, De Civitate Dei, xv, 23, 4, t. xli, col. 470; S. Irénée, Contra hær., i, 20, t. vii, col. 654; Tertullien, De pudicit., 10, t. ii, col. 1000. Et ainsi s’explique la proscription dont l’ancienne Église les a frappés. Voir Le Hir, Études bibliques, Paris, 1869, t. ii, p.90 et suiv. «Si quelqu’un lit, approuve ou défend les fictions impies que les hérétiques ont mises, pour confirmer leurs erreurs, sous le nom des patriarches, des prophètes ou des apôtres, qu’il soit anathème.» Ainsi s’exprime le dix-septième canon du concile de Braga, en 563. Mansi, Conciliorum collectio, t. ix, col. 776. Voyez au contraire l’apologie des apocryphes dans le traité nouvellement retrouvé d’un hérétique du IVesiècle, Priscillien, De fide et apocryphis, édition Schepss dans le Corpus scriptorum eccl. latin., t. xviii, Vienne, 1889, p. 44-56.
Les anciens catalogues des livres canoniques serontétudiés à propos de l’histoire du canon. Nous n’avons àmentionner ici que ceux de ces catalogues qui nous fournissent des listes étendues et anciennes des livres apocryphes, et qui sont la documentation de cette proscription dont l'Église entendait frapper ces productions pseudépigraphes. Le plus étendu, le plus important de ces catalogues nous est fourni par l'Église romaine. C’est le catalogue des livres canoniques, des livres recommandés et dès livres condamnés soi-disant par le pape saint Gélase, dans un concile tenu à Rome en 495-496. En réalité, ce catalogue est composé de pièces rapportées, en partie plus anciennes que saint Gélase; c’est un catalogue anonyme, quoique officiel, dont la compilation définitive a dû être fixée au début du VIesiècle. Le voici d’après Mansi, Conciliorum collectio, t. viii, col. 150-151. Cf. Jaffé, Regestapontificum romanorum, 2eédition, t. i, p.91, n» 700; Maassen, Geschichte der Quellen und dei Literatur des canonischen Redits in Abendlande, t. i, p.283. (Les chiffres entre crochets renvoient aux paragraphes ci-après, où chacun de ces apocryphes est individuellement étudié.)
Notice des livres apocryphes qui ne sont pas reçus:
… Itinéraire au nom de Pierre, apôtre, qui est appelé de saint.Clément, huit livres, apocryphe [1].
Actes au nom d’André, apôtre, apocryphe [1],
Actes au nom de Thomas, apôtre, dix livres, apocryphe [1].
Actes au nom de Pierre, apôtre, apocryphe [1J.
Actes au nom de Philippe, apôtre, apocryphe [t].
Évangile au nom de Thaddée, apocryphe [4].
Évangile au nom de Mathias, apocryphe [4].
Évangile au nom de Pierre, apôtre, apocryphe [4].
Évangile. au nom de Jacques, apôtre, apocryphe [4J.
Évangile au nom de Barnabe, apocryphe [4].
Évangile au nom de Thomas, dont se servent les Manichéens». apocryphe [4].
Évangile au nom de Barthélémy, apôtre, apocryphe [4].
Évangile au nom d’André, apôtre, apocryphe [4].
Évangiles falsifiés par Lucien, apocryphes [41.
Livre de l’enfance du Sauveur, apocryphe [4].
Évangiles falsifiés par Ésichius. apocryphes [4].
Livre de la nativité du Sauveur et de Marie et de la sage-femme, apocryphe [4].
Livre appelé du Pasteur, apocryphe [3]. Tous les livres qu’a faits Leucius, disciple du diable, apocryphes [1].Livre appelé le Fondement, apocryphe [9].Livre appelé le Trésor, apocryphe [9].Livre des filles d’Adam ou de la Petite Genèse, apocryphe [6].
Livre appelé Actes de Thècle et de Paul, apôtre, apocryphe [1].
Livre appelé de Népos, apocryphe [9].
Livre des Proverbes, écrit par les hérétiques, et publié sous lenom de saint Sixte, apocryphe [9].
Apocalypse qui porte le nom de Paul, apôtre, apocryphe [2].
Apocalypse qui porte le nom de Thomas, apôtre, apocryphe [2],
Apocalypse qui porte le nom de saint Etienne, apocryphe [2].
Livre appelé Passage, c’est-à-dire Assomption de sainte Marie, apocryphe [2].
Livre appelé Pénitence d’Adam, apocryphe [6].
Livre d’Ogias, du nom du géant qui est supposé par les hérétiques avoir combattu avec le dragon après le déluge, apocryphe [7],
Livre appelé Testament de Job, apocryphe [8].
Livre appelé Pénitence d’Origène, apocryphe [9].
Livre appelé Pénitence de saint Cyprien, apocryphe [9].
Livre appelé Pénitence de Jamné et de Mambré, apocryphe [8].
Livre appelé Sorts des saints Apôtres, apocryphe [9].
Livre appelé Louange des Apôtres, apocryphe [9].
Livre appelé Canon des Apôtres, apocryphe [3].
Lettre de Jésus au roi Abgar, apocryphe [3].Lettre d’Abgar à Jésus, apocryphe [3].
Écrit appelé Contradiction de Salomon, apocryphe [3].
À côté du catalogue gélasien, monument de la littérature ecclésiastique latine, il faut placer le catalogue stichométrique de Nicéphore. C’est un catalogue des livres canoniques et non canoniques, avec l’indication du nombrede versets de chacun d’eux. Ce catalogue porte le nom du patriarche de Constantinople Nicéphore († 828), et il n’y a pas de raison de douter qu’il ne lui appartienne. On en trouve le texte dans Migne, Patr. gr., t. c, col. 1055-1060, et mieux dans C. de Boor, Nicephori archiepiscopi CP. opuscula historica, Leipzig, 1880, p. 132-135.
Psaumes et cantiques de Salomon, versets 2100 [5]
Apocalypse de Pierre, versets 300 [2].
Épitre de Barnabe, versets 1360 [3].
Évangile selon les Hébreux, versets 2200 [4].
Enoch, versets 4800 [2J.
Les Patriarches, versets 5100 [7].
Prière de Joseph, versets 1100 [7].
Testament de Moïse, versets 1100 [2].
Assomption de Moïse, versets 1400 [2].
Abraham, versets 300 [7].
Eldad et Modad, versets 400 [2].
Élie le prophète, versets 316 [2].
Sophonie le prophète, versets 600 [2].
Zacharie, père de Jean, versets 500 [2].
Baruch, Habacuc, Ézéchiel et Daniel, pseudépigraphes [2].
Itinéraire de Pierre, versets 2750 [1].
Itinéraire de Jean, versets 2600 [1].
Itinéraire de Thomas, versets 1700 [1].
Évangile selon Thomas, versets 1300 [4].
Doctrine des Apôtres, versets 200 [3].
De Clément, première et seconde épître, versets 2600.
Ignace, Polycarpe, le Pasteur d’Hermas.
Un second catalogue grec, celui-ci sous le nom de saint Athanase, figure à la fin de l’opuscule pseudo-athanasien Synopsis Scripturæ Sacræ, t. xxviii, col. 431. Il ne contient pas d’indications stichométriques. La liste des apocryphes depuis Enoch jusqu'à Clément est exactement identique à celle de Nicéphore; mais le pseudo-Athanase ne mentionne pas la série Apocalypse de Pierre, Épître de Barnabé, Évangile des Hébreux et Ignace-Polycarpe-Hermas. On peut inférer de cette collation que le cataloguede Nicéphore représente un état plus complet du catalogue donné par le pseudo-Athanase.
Un troisième catalogue grec, celui-ci anonyme, a été publié par Montfaucon, Cotelier, Hody, Pitra, d’après des manuscrits différents. Voir Pitra, Juris ecclesiastici Græcorum historia et monumenta, Rome, 1864, t. i, p. 100.
Tout ce qui est apocryphe:
Adam [6].Enoch [2].Lamech [7].Patriarches [7].Prière de Joseph [7].Eldad et Modad [2]Testament de Moise [2].Assomption de Moïse [2]._ Psaumes de Salomon [5].Apocalypse d'Élie [2].Vision d’Isaïe [2].Apocalypse de Sophonie [2].Apocalypse de Zacharie [2].
Apocalypse d’Esdras [2].Histoire de Jacques [4].Apocalypse de Pierre [2].Voyages et Doctrine des Apôtres [1 et 3].Épitre de Barnabe [1].Actes de Paul [1].Apocalypse de Paul [2].Doctrine de Clément.Doctrine d’Ignace.Doctrine de Polycarpe.Évangile de Barnabe [4], Évangile de Matthieu [4].
La conformité de disposition du catalogue de Nicéphore, du catalogue du pseudo-Athanase et du catalogue anonyme de Pitra, permet de conjecturer que ces trois listes dépendent d’un même canon, qui aurait été à la traditiongrecque ce que le catalogue gélasien était à la tradition latine. Voir sur ces trois catalogues T. Zahn, Geschichte des neutestamentlichen Kanons, t. ii, p. 290 et suiv., Leipzig, 1890.
Sur le catalogue syriaque d'Ébedjésu, de peu d’intérêt pour l’histoire des apocryphes, voir Assemani, Bibliotheca orientalis, Rome, 1725, t. iii, p. 3. À signaler un catalogue arménien de quelque intérêt et apparenté aux catalogues grecs ci-dessus mentionnés, dans la Chronique de M’Khitar d’Aïrivank, rédigée vers 1297, édition Patkanolf, Saint-Pétersbourg, 1867; P. Batiffol, Studia patristica, p. 15.
Mettons tout de suite à part quelques titres donnés par nos catalogues et qui n’ont rien à voir avec la littérature apocryphe: saint Clément de Rome, saint Polycarpe, saint Ignace, Hermas. Il nous reste une longue suite d’apocryphes qui peuvent être groupés en catégories, catégories auxquelles le Dictionnaire consacre un article spécial.
1. Actes apocryphes des Apôtres.
2. Apocalypses apocryphes.
3. Épitres, canons et constitutions apocryphes.
4. Évangiles apocryphes.
5. Psaumes apocryphes.
De telle sorte que nous n’avons plus maintenant qu'àtraiter en quelques mots des apocryphes ne rentrant dansaucune de ces cinq grandes catégories.
6. Livres apocryphes sur Adam. — C’est tout une littérature, et très confuse. Le livre intitulé Contradiction d’Adam et d’Ève ou Livre d’Adam n’est connu que par une version éthiopienne traduite et publiée en allemandpar M. Dillmann, Das christliche Adambuch, Gôttingue, 1853; en anglais par M. Malan, The book of Adam and Eve, Londres, 1882. C est un roman chrétien, où l’on a groupé toutes les fables répandues en Orient sur Adam, le paradis terrestre et les premiers patriarches. Il a été composé au Ve ou au VIe siècle de notre ère, vraisemblablement en Egypte. — La Pénitence d’Adam ou le Testament d’Adam. On en a d’importants fragments syriaques publiés avec traduction française par M. Renan, dans le Journal asiatique, 1853, t. ii, p. 427-469. — Une Pénitence d’Adam et d’Ève, en latin, a été publiée par M. W. Meyer, sous le titre de Vie d’Adam et d’Ève, dans les Abhandlungen der K. Bayer. Akademie der Wissenschaften, xiv, 3, Munich, 1879. — H y a quelque rapport entre le texte de Renan, celui de Meyer et la Vie et conduite d’Adam révélée à Moïse par l’archange Michel, publiée par Tischendorf sous le titre d’Apocalypse de Moïse, dans ses Apocalypses apocryphæ, Leipzig, 1866, p. 1-23. Enfin ces trois pièces sont apparentées aux Livret de Seth gnostiques. Cette question embrouillée d’histoire littéraire a bien besoin d'être tirée au clair. Voir A. Hort, Books of Adam, dans le Dictionary of Christian biography, t. i, p. 34-39. — Il faut joindre à cette littérature apocryphe d’Adam le Livre des filles d’Adam, mentionné par le catalogue gélasien qui l’identifie avec le Livre des Jubilés ou Petite Genèse. — Et aussi le Testament de nos premiers parents, cité au vif siècle par Anastase le Sinaïte dans son commentaire de l’Hexaméron, Patr. gr., t. lxxxix, col. 967, et non identifié, à moins que ce testament d’Adam et d’Ève ne soit le même ouvrage queY Apocalypse de Moïse citée plus haut.
7. Livres apocryphes concernant les patriarches. — Saint Épiphane mentionne des Livres de Seth, au nombre de sept, circulant parmi les Gnostiques, Contra hœr., xxxix, 5, t. xli, col. 669. Et l’auteur anonyme ou pseudo-Chrysostome de l’Opus imperfectum in Matth., hom. ii, t. lvi, col. 637, les mentionne comme circulant parmiles chrétiens de l’extrême Orient. — Saint Augustin, De Civit. Dei, xviii, 38, t. xli, col. 598, parle vaguement delivres apocryphes mis sous le nom de Noé: «Mais, dit-il, la chasteté du canon ne les a point reçus, non que l’autorité de ces hommes qui plurent à Dieu soit soupçonnée, mais parce que l’on ne croit pas que ces livres soient de ces hommes.» Nous avons vii, à l’article des Apocalypsesapocryphes, qu’un Livre des visions de Noé avait vraisemblablement servi de source à l’auteur du Livre d’Énoch. — Saint Épiphane mentionne et décrit un Livre de Noria comme circulant parmi les Gnostiques sous le nom de Noria, femme de Noé, Contra hær., xxxvi, 1, t. xli, col. 332. — Clément d’Alexandrie signale un Livre de Cham, gnostique, Stromat., vi, 6, t. ix, col. 276. Voir lalégende gnostique de Cham mentionnée par saint Épiphane, Contra hær., xxxix, 3, t. xli, col. 668. — Le Livre de Lantech n’est connu que par le catalogue de Pitra. — Une Histoire de Melchisédech, mise dès avant le IXe siècle sous le nom de saint Athanase, et dont on trouve le texte dans les Spuria athanasiens, Patr. gr., t. xxviii, col.525-530. Nous croyons cette pièce grecque, chrétienne, et du Ve siècle environ. — Un Testament d’Abraham gnostique est signalé chez les Séthiens par saint Épiphane, Contra hær., xxxix, 5, t. xli, col. 670. Nous en possédons le texte grec. Voyez M. Gaster, The Apocalypse of Abraham, dans les mémoires de la Society of biblical Archæology, Londres, 1888, t. ix, p. 195 et suiv. — Une Ascension de Jacob est signalée par saint Épiphane chez les Ébionites, Contra hær., xxx, 16, t. xli, col. 432. Mais il se pourrait que le héros de cette Ascension fut, non point Jacob le patriarche, mais saint Jacques «frère du Seigneur.» — Un Testament des trois patriarches, Abraham, Jsaac, Jacob, est mentionné, au IVe siècle, dans les Constitutionsapostoliques, vi, 16, Patr. gr., t. i, col. 953, et dans le Testament des douze patriarches, xii, 10. Il en existe uneversion arabe dont on annonce la prochaine publication, conjointement avec le texte grec du Testament d’Abraham, par M. James, de Cambridge. — On conjecture que le Livre d’Ogias était l’histoire du roi de Basan, Og, dont il est question dans le Livre des Nombres. Num., xxi, 33-35. Cet apocryphe n’est mentionné que par le catalogue gélasien, à moins qu’il ne soit le même que le livre intitulé Geste des géants, ἡ τῶν γιγάντων Πραγματεία, apocryphemanichéen mentionné au vie siècle par Timothée de Constantinople, dont il sera question plus loin. — Origène avait en mains un apocryphe gnostique juif intitulé Prière de Joseph, perdu. J’ai résumé tout ce qu’on en sait dans mes Studia patristica, p. 16-18. — La Prière de Josephétait différente de la Prière d’Aseneth que j’ai publiée, Studia patristica, p. 1-115, et qui est un apocryphe chrétien du Ve siècle, fait d’après une source juive. — Un article spécial sera consacré au Testament des douze patriarches.
8. Livres apocryphes concernant les prophètes. — Origène cite un Livre de Balaam dans son Contra Celsum, i, 60 et xviii, 108, t. xi, col. 769. De même l’auteur de l’Opus imperfectum in Matth., 2, Patr. gr., t. lvi, col. 637. — La Pénitence de Jamné et de Mambré, lesdeux magiciens égyptiens d’Exod., vii, 11, est citée par Origène, Comment. ser. in Matth., 117, t. xiii, col. 1769; cf. II Tim., nii 8. — Le Testament de Job, que mentionne le catalogue gélasien, a été publié par le cardinal Mai, Scriptorum veterum nova collectio, Rome, 1825-1838, t. vii, p. 180-191. Ce texte grec, où est racontée, avec l’histoire de Job, celle de ses trois filles, est un récit chrétien empreint de gnosticisme: il pourrait remonter au IIIe siècle. Il n’a encore été étudié par personne.
9. Livres apocryphes ecclésiastiques. — Le Livre de Népos, Liber Nepotis, du catalogue gélasien, est, conjecture-t-on, à identifier avec quelque œuvre de cet évêque égyptien du IIIe siècle qui s’appelait Népos, et dont Eusèbe nous apprend qu’il avait composé un recueil de psaumeschrétiens, lesquels jouirent longtemps d’une grande vogue dans les églises de l’Égypte intérieure. Népos était millénariste. Eusèbe, H. E., vii, 24, t. xx, col. 692. — Les Sorts des Apôtres ne sont pas connus autrement que par la mention du catalogue gélasien; de même la Louange des Apôtres. Voir Lipsius, Die apokryphen Apostolgeschichten, t. i, p. 34. — Le Livre des Proverbes, cité par le catalogue gélasien, n’est autre que le recueil des sentences du pythagoricien Sextus. On sait que cet ouvrage fut traduit au ive siècle par Rufin, comme étant du célèbre pape martyr Sixte II, erreur grossière qui fit pour une bonne part la fortune du livre. On en a une version syriaque, la version latine de Rufin, et le texte original grec publié dernièrement, avec le latin en regard, par M. Ant. Elterdans l’Index scholarum de l’université de Bonn, 1891-1892. Voir principalement J. Gildemeister, Sexti sententiarum recensiones, Bonn, 1873. — La Pénitence d’Origène du catalogue gélasien est à identifier avec le petit traité intitulé Planctus sive lamentum Origenis translatum ab Hieronymo presbytero, lequel est aussi peu d’Origène que de saint Jérôme. On en trouvera le texte dans l'édition par Merlin des œuvres d’Origène, Paris, 1512; dom Delarue, reproduit par Migne, ne l’a pas donné. — La Pénitence de Cyprien du catalogue gélasien est vraisemblablement cette confession de saint Cyprien le magicien, martyrisé avec sainte Justine à Damas, sous Dèce, confession qui forme le second des trois livres des Acta Cypriani et Justinæ, publiés par Martène et Durand, Thesaurus novus anecdotorum, Paris, 1717, t. iii, p. 1629 et suiv. — Le livre du Fondement du catalogue gélasien est, croit-on, un livre manichéen; de même et plus sûrement le livre du Trésor, lequel est cité comme tel, sous le titre de Trésor de la vie, ὁ Θησαυρὸς τῆς ζωῆς, par Timothée de Constantinople. Patr. gr., t. lxxxvi, p. r, col. 21. Rappelons en effet que les Manichéens n'étaient pas rares à Rome à la fin du Ve siècle: dans lanotice consacrée à saint Gélase par le Liber pontificalis, il est rapporté que ce pape «trouva des Manichéens dans la ville de Rome, qu’il les en fit expulser, et qu’il fit brûler leurs livres devant les portes de la basilique de Sainte-Marie-Majeure.» Liber pontificalis, édit. Duchesne, t. i, p. 255. Le Fondement et le Trésor seraient de ces livres.
On peut consulter avec fruit l’article de M. Dillmann, Pseudepigraphen, dans la Realencyclopädie fur protestantische Theologie, t. xii, p. 341-367, Leipzig, 1883. M. Dillmann a une grande autorité dans la matière; mais sa dissertation commence d'être ancienne. Le livre de M. William Deane, Pseudepigrapha, Édimbourg, 1891, ne traite que de quelques apocryphes et n’a pas grande valeur. Le meilleur livre à signaler est peut-être celui de O. Zockler, Die Apokryphen des A. T., nebst einem Anhang über die Pseudepigraphenliteratur, Munich, 1891. Un article spécial est consacré chaque année aux publications concernant les apocryphes dans le Theologischer Jahresbericht que publie, depuis 1880, M. Lipsius. Voyez aussi E. Kozak, Bibliographische Uebersicht des biblischapokryphen Literatur bei den Slaven, dans les Jahrbücher fur protestantische Theologie, 1891, p. 127-158; travail important.
P. Batiffol.
APOLLINAIRE DE LAODICÉE (ive siècle). Deux écrivains grecs du ive siècle, le père et le fils, portent ce même nom d’Apollinaire.
Apollinaire l’ancien, Alexandrin de naissance, grammairien de profession, avait enseigné les belles-lettres d’abord à Béryte (aujourd’hui Beyrouth), finalement à Laodicée de Syrie ou Laodicée ad mare, la Ladikiyéh actuelle. Il y fut fait prêtre, et son fils, Apollinaire le jeune, lecteur. Ensemble ils enseignèrent, le père la grammaire, et le fils la rhétorique: ceci dès avant 335. Apollinaire l’ancien vivait encore à l’époque du règne de Julien (361-363). On lui a attribué longtemps la tragédie chrétienne qui a pour titre Christus patiens, mais qui est en réalité un centon de l’école de Théodore Prodrome, XIe siècle. Voir Bulletin critique, 1886, p. 371-373. L’historien Socrate, H. E., iii, 15, t. lxvii, col. 417, et après lui Sozomène, H. E., v, 18, t. lxvii, col. 1270, attribuent à Apollinaire l’ancien une adaptation en vers hexamètres du Pentateuque et «des autres livres historiques de l’AncienTestament jusqu'à Saül», en vingt-quatre chants, adaptation à laquelle il avait donné le titre d’Archéologie hébraïque. Ce vaste poème soi-disant homérique est perdu. Au dire des historiens déjà cités, Apollinaire avait tiré aussi des Saints Livres des sujets de compositions soit lyriques, soit dramatiques, dans la manière de Pindare et d’Euripide. Il ne nous en est rien resté. D’après Socrate, Julien ayant défendu aux chrétiens l’usage des auteurs profanes, H. E., iii, 16, t. lxvii, col. 417, Apollinaire et son fils voulurent suppléer au défaut des classiques païens par la confection de classiques sacrés. La loi de Julien ayant été bientôt abolie, toute l'œuvre de ces rhéteurs chrétiens périt sans retour.
Apollinaire le jeune, disciple et collaborateur de son père, avait, dans la même vue que lui, composé des hymnes ou cantiques pour être chantés par les fidèles, même dans les réunions liturgiques, où généralement le psautier davidique seul était admis. Cette innovation n’eut pas de succès, et rien ne nous a été conservé de ces «idylles», comme les appelle Sozomène. Il ne nous reste rien non plus des Évangiles et Épîtres mis par Apollinaire en forme de dialogues à la manière de Platon, adaptation que l’historien Socrate est seul à mentionner. Par contre, on possède sur les Psaumes une paraphrase, en vers hexamètres, qui porte le nom d’Apollinaire, le seul ouvrage poétique que nous aurions de l'école de Laodicée. C’est, dit Tillemont, «une traduction fidèle, exacte et noble, de tous les Psaumes, et les plus habiles en parlent avec estime.» Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, t. vii, p. 613. Mais l’authenticité de cette Metaphrasis psalmorum n’est plus admise aujourd’hui, et, depuis Godefroy Hermann, on est porté à y voir plutôt une œuvre de l'école de Nonnus, ve-vie siècle. Le texte, publié depuis 1552, a été reproduit par Migne, Patr. gr., t. xxxiii, col. 1313-1538. Voir A. Ludwich, Die Psalter-Metaphrase des Apollinarios, dans l’Hermès, t. xiii, 1878, p. 335-350. Saint Jérôme a paru à quelques critiques donner à entendre qu’Apollinaire le jeune était auteur d’une version en prosede l’Ancien Testament; mais on est plus autorisé à croire qu’il s’agit d’interprétations toutes personnelles données par Apollinaire au texte de l’Ancien Testament, qu’il affectait de citer d’après la recension de Symmaque. S. Jérôme, Adv. Rufinum, ii, 34, t. xxiii, col. 456. Ce sont là les travaux d’Apollinaire le jeune sur la Sainte Écriture: nous n’avons qu'à rappeler ici que l'œuvre capitale d’Apollinaire a été une œuvre, non point de poète ni d’exégète, mais de théologien dogmatique et de dogmatiste platonicien; c’est à ce titre surtout qu’il doit d'être connu, et à ce titre seul qu’il doit d’avoir été condamné à Rome en 378, à Antioche en 379, à Constantinople en 381. Il était alors évéque de Laodicée, où il mourut hérétique impénitent peu avant 392. — Voir Fabricius, Bibliotheca græca, édit. Harless, t. viii, p. 584-594; Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, t. vii, p. 602-637. M. Dräseke, qui a réussi à identifier parmi les apocryphes de divers Pères de l'Église, saint Justin, saint Grégoire le Thaumaturge, etc., plusieurs des principaux traités théologiques d’Apollinaire le jeune, prépare une édition des Apollinaris opera quæ supersunt.
P. Batiffol.
APOLLO (Άπολλώς), contraction d’Apollodoros, ou, plus probablement, d’Apollonios, est le nom d’un des personnages considérables de l'Église apostolique. Act., xviii, 24-28. Malheureusement celui qui l’a porté, comme tant d’autres vaillants ouvriers de l’Évangile, n’a presquepas d’histoire dans nos Saints Livres. L’auteur des Actes, xviii, 24, nous dit qu’il était Juif, originaire d’Alexandrie, et aussi remarquable par son érudition que par son éloquence. Tel est, en effet, le sens qu’il faut donner à l’expression άνὴρ λόγιος. Dans Hérodote, ii, 3, λόγιος veut dire un homme savant en histoire; et les prêtres d’Héliopolis y sont ainsi qualifiés parce qu’ils étaient les plus instruits des Égyptiens sur les traditions de leur pays.Josèphe, Bell. jud., i, v, aussi bien que Philon, Legat. ad Caïum, p. 1026, désigne ainsi les historiens de la Grèce.Λόγιος, c’est l’homme érudit, mais avec cette nuance particulière qu’il est éloquent. Ainsi on disait de Mercure ὁ λόγιος, «le beau parleur,» et Philon, De Cherub., p. 127, indique par cette même expression, πάνυ λογίων, les grands orateurs à qui la moindre maladie ferme la bouche. Chez Apollo, l'éloquence était le résultat de sa parfaite connaissance des Écritures: Δυνατὸς ὦν ἐν ταῖς γραφαῖς. Au reste Josèphe, Antiq. jud., XVII, vi, fait une appréciation analogue de deux Juifs célèbres à la fin du règne d’Hérode, Judas, fils de Sariphée, et Mathias, fils de Margaloth: Ἰουδαίων λογιώτατοι καὶ τῶν πατρίων ἐξηγηταὶ νόμων. Apollo fut, comme eux, un docteur éloquent, exerçant une profonde influence sur ceux à qui il parlait. Par son génie naturel, autant que par sa formation classique, il se rattachait à cette brillante école juive d’Alexandrie, qui, avec ses tendances plus mystiques que formalistes, marchait tout droit à l'Évangile d’un pas autrement dégagé que le ritualisme de Jérusalem. Philon en était alors le plus illustre représentant.
C’est à Éphèse qu’Apollo se trouve, quand le livre des Actes le mentionne pour la première fois. Déjà il avait été instruit des voies du Seigneur, c’est-à-dire de la venue du Messie et de sa vie publique, mais par des disciples de Jean-Baptiste, qui ne lui avaient donné qu’un enseignement très incomplet au point de vue de la doctrine de Jésus-Christ. Ainsi ne connaissait - il pas d’autre baptême que celui du précurseur, et peut-être pouvait-il dire alors ce que dirent peu après quelques Éphésiens à saint Paul à propos du Saint-Esprit: «Nous ne savons pas même s’il y en a un.» Act., xix, 2. Toutefois ce qu’il connaissait de Jésus-Messie, il l’exposait avec beaucoup de soin et de zèle: ἐλάλει καὶ ἐδίδασκεν ἀκριϐῶς τὰ περὶ τοῦ Ἰησοῦ, prenant courageusement la parole dans les synagogues. Quelle quefût l’ardeur de son âme, ζέων τῷ πνεύματι, et la vigueur de son éloquence, il demeurait insuffisant ou même dangereux dans son apostolat, la première condition, pour bien instruire, étant de bien savoir. Deux chrétiens militants, Priscille et Aquila, qui se trouvaient alors à Éphèse, virent le parti qu’on pouvait tirer d’un tel homme, et, l’ayantattiré chez eux, ils se chargèrent de l'éclairer pleinement.Le disciple devint aussitôt un maître du premier ordre, ayant la vraie doctrine et le désir autant que le don de la propager. Ce qu’on lui dit sans doute de l'œuvre de Paul à Corinthe, des espérances et des craintes qu’elle donnait, lui inspira le désir de passer immédiatement en Achaïe. Il voulait maintenir dans la foi ce pays déjà acquis à l'Évangile, et peut-être pousser de plus en plus vers l’Occident la Bonne Nouvelle, déjà triomphante en Orient. La communauté chrétienne d'Éphèse l’y encouragea de tout son pouvoir, et lui donna des lettres de recommandation pour les frères de l'Église de Corinthe En sorte qu'étant arrivé en Achaïe, il rendit les plus grands services à la cause de l'Évangile, arrosant généreusement ce que Paul avait planté. I Cor., iii, 6. La grâce de Dieu était avec lui, Act., xviii, 27 (texte grec), et aussi une éloquence humaine qui servait utilement ses moyens surnaturels de succès. C’est avec une grande puissance, ἐυτόνως, qu’il réfutait les Juifs, non pas seulement dans les synagogues, mais en public, δημοσίᾳ, ne craignant pas de les prendre à parti devant les auditoires païens qu’il abordait, et leurprouvait victorieusement, d’après les Écritures, que Jésus est le Christ. Habitué à la parole, il convoquait, selon l’usage du temps, autour de sa chaire de rhéteur tous ceux qui avaient le désir d’entendre exposer des doctrines religieuses nouvelles.
L’autorité d’Apollo dans l'Église de Corinthe devint très considérable, et nous savons que, parmi ces Grecs toujours portés à se passionner pour quelqu’un, il se forma un parti qui le mettait en parallèle avec Pierre et avec Paul. I Cor., i, 12. Au fond, l’Apôtre des Gentils lui rend cette justice, que, si lui-même a planté, Apollo a arrosé cettebelle Église de Corinthe, à laquelle Dieu s’est réservé de donner l’accroissement. I Cor., iii, 6. Il appelle Apollo son frère, I Cor., xvi, 12, et nous fait entrevoir, par quelques mots qu’il ajoute, tout ce qu’il y avait de prudence et de sainte humilité dans l’âme du prédicateur alexandrin. En effet, pour éviter toute division entre fidèles, et déconcerter le parti qui, à Corinthe, se réclamait de son nom, il s'était éloigné de la capitale de l’Achaïe, et refusait d’yrevenir, malgré les instances de Paul, jusqu'à ce qu’il trouvât la situation plus calme et les circonstances plus propices. Est-ce réellement à Apollo que Paul fait allusion, quand il parle de ceux qui prêchent les discours persuasifs de la sagesse humaine, avec la sublimité du langage et les brillantes conceptions, I Cor., i, 17; ii, 1-15, au risque de laisser dans l’ombre ou même de supprimer la croix de Jésus-Christ? C’est possible. Ce genre d’exposition savante et suivant les règles de la rhétorique semble bien répondre à tout ce qui est dit d’Apollo et de sa culture littéraire. Mais de telles appréciations, inspirées par le véritable amour de Dieu, n’amenaient pas entre les ouvriers évangéliques de réels froissements. On se reprenait publiquement, et on ne cessait pas de s’aimer. Tout allait au profit de l'Évangile.
Apollo est nommé pour la dernière fois à la fin de l'Épître à Tite, iii, 13, et Paul, en le recommandant aux soins de ceux qui devaient faciliter son voyage et celui de Zénas, nous marque l’affection qu’il lui gardait. L’association d’Apollo avec Zénas, un docteur de la loi, indique peut-être le goût naturel qu’avait le prédicateur alexandrin pour la société des hommes les plus instruits parmi les chrétiens. On peut en outre conclure de ce passage qu’Apollo évangélisa la Crète. Des traditions populaires ont fait de lui un évêque de Colophon, d’Iconium en Phrygie, ou même de Césarée; mais on ne peut produire aucun argument sérieux à l’appui de tels dires, et la diversité même des sièges qu’on lui assigne trahit l’insuffisance des motifs qu’on a de les lui assigner. L’opinion des critiques modernes qui attribue à cet homme apostolique l'Épître aux Hébreux, n'étant soutenue par aucun témoignage dansl’antiquité, demeure une conjecture absolument gratuite.Sans doute le genre oratoire et exégétique de cette admirable lettre s’accommode fort bien avec ce que nous savons de l'éloquence, de la culture hellénique et de la science scripturaire d’Apollo; mais cela suffit-il pour conclure qu’elle est de lui? Tous ceux qui, depuis Lutherjusqu'à Bleek, Tholuek, Reuss, Rothe et de Wette, l’ont pensé, ont prêté aux arguments qu’ils évoquent une consistance qu’ils n’ont pas, et traité trop légèrement la grave objection qui surgit de l’absence dans l'Église primitive, et surtout dans la tradition alexandrine, représentée parClément et Origène, de toute indication attribuant à Apollo la paternité de cette belle page de la théologie apostolique, œuvre de saint Paul.
Les données scripturaires étant insuffisantes pour fixer pleinement la physionomie de cet illustre héraut de l'Évangile, l’imagination a pris sur elle d’y suppléer. Voir, pour s’en rendre compte, les études publiées par Pfizer, Dissert. de Apollone, doct. apost., Altorf. 1718; Hopf, Comment. de Apollone pseudo-doctore, Hag., 1782; Heymann, Sächs. Stud., 1843, p. 222; Bleek, Der Brief an der Hebräer, Berlin, 1828.
E. Le Camus.
APOLLONIE (Άπολλώνία), ville de la Mygdonie, province de Macédoine première (fig. 185). Elle était située près du lac Bolbe (Betschik-Gôl), sur la voie Égnatienne, à quarante-quatre kilomètres d’Amphipolis et à cinquante-quatre kilomètres de Thessalonique.
185. — Monnaie d’Apollonie de Macédoine.
Tête d’Apollon, à droite, avec une couronne de laurier. — R. AΠΟΛΛΩNOΣ. Amphore à deux anses.
C’est dans leur voyage de Philippes à Thessalonique, que saint Paul et Silas traversèrent cette ville. Act., xvii, 1. C’est aujourd’hui Pollina. Voir Pline, H. N., iv, 7; Itiner. Anton., p. 320-330; Itin. Hieros., p. 605; Tab. de Peutinger, De viæ Egnatiæ parte orientali, p. 7; Athénée, viii, 334. Il ne faut pas confondre Apollonie de Mygdonie avec d’autres villes du même nom, et en particulier avec Apollonie d’Illyrie, qui était la cité la plus célèbre parmi celles qui étaient consacrées au dieu Apollon.
E. Jacquier.
APOLLONIUS (Άπολλώvιος, dérivé d’Apollon). Nom de plusieurs personnages, officiers des rois de Syrie, mentionnés dans le premier et le second livre des Machabées.
1. APOLLONIUS, gouverneur de Coelésyrie. I Mach., x, 69. Josèphe, Ant. jud., XIII, iv, 3, lui donne le surnom de Aïo; , c’est-à-dire le Daén (de Daha: ou Dai, peuple de Sogdiane). Quand Démétrius II Nicator disputa le trône de Syrie à Alexandre Ier Balas, Apollonius, qui avait été placé par ce dernier à la tête de la province de Coelésyrie, l’abandonna pour se ranger du côté de Démétrius. Il est assez probable que cet Apollonius est le frère de lait et le confident de Démétrius dont parle Polybe, xxxi, 21, 2; ce qui explique sa trahison envers Alexandre Balas. Jonathas Machabée était alors soumis à Alexandre, et il lui resta fidèle. Démétrius chargea Apollonius desoumettre les Juifs à son obéissance. I Mach., x, 69. Legénéral syrien marcha contre eux avec une armée nombreuse (147 avant J.-C). Il alla camper à Jamnia, et écrivit à Jonathas pour le défier de descendre dans la plaine de la Séphéla, en lui reprochant de ne pas oser quitter l’abri de ses montagnes. Le grand prêtre quitta aussitôt Jérusalem avec dix mille hommes d'élite et son frère Simon pour se rendre à Joppé. La ville, qui était occupée par les soldats syriens, lui ferma ses portes; mais ses habitants, saisis d 'effroi lorsqu’ils se virent assiégés, ne tardèrent pas à les lui ouvrir. À cette nouvelle, Apollonius se dirigea vers Azot avec trois mille cavaliers et une armée considérable. Jonathas le poursuivit, échappa à ses embûches et brûla Azot, après que son frère Simon eut taillé en pièces les troupes syriennes. I Mach., x, 70-85. Nous ne savons plus rien d’Apollonius Daos. — Josèphe, Ant. jud., XIII, iv, 3, dit par erreur qu’Apollonius commandait les troupes d’Alexandre Balas, quand il fut battu par les Juifs, et quelques écrivains protestants, comme G. Wernsdorf, De fide librorum Machabæorum, Breslau, 1747, p. 135, ont essayé d’opposer son témoignage à l’auteur du premier livre des Machabées; mais les critiquesrationalistes eux-mêmes reconnaissent, d’après l’ensemble des faits, que l’auteur des Antiquités judaïques s’est trompé, et que Jonathas soutenait le parti d’Alexandre Ier Balas, non celui de Démétrius II Nicator. Voir W. Grimm, Handbuch zu den Apocryphen, 3e part., 1853, sur I Mach., x, 69, p. 164; E. Schürer, Geschichte des jùdischen Volkes, 2e édit., 1890, t. i, p. 181.
2. APOLLONIUS, fils de Gennée, général d’Antiochus V Eupator, roi de Syrie, vers 163 avant J.-C. Il fut laissé en Judée par Lysias, avec Timothée et quelques autres qui continuèrent la guerre contre les Juifs. II Mach., xii, 2.
3. APOLLONIUS, fils de Mnesthée, ambassadeur du roi de Syrie, Antiochus IV Épiphane, à la cour de Ptolémée VI Philométor, roi d’Egypte. II Mach., iv, 21. C’est probablement le même qu’Antiochus IV avait envoyé à Rome à la tête d’une ambassade. Tite Live, xlii, 6. En 173, Épiphane lui donna la mission d’aller en Egypte, féliciteren son nom Ptolémée VI de son avènement au trône. On croit communément que cet Apollonius est «le chef des tributs», ἄρχων φορολογίας, qui fut chargé de lever les impôts en Judée, I Mach., i, 30 (grec, 29), celui que l’auteur du second livre des Machabées, v, 21, appelle «l’odieux chef Apollonius», moins sans doute à cause de ses exactions que parce qu’il ne négligea rien pour anéantir la religion mosaïque. Antiochus IV Épiphane, à son retour de sa dernière campagne d’Egypte, vers la fin de l’an 168 avant J.-C, l’envoya avec une armée à Jérusalem, pour «helléniser» la Palestine. Voir Antiochus IV, col. 697. Le fils de Mnesthée dissimula perfidement ses intentions, et, profitant du repos du sabbat, pendant lequel les Juifsne croyaient pas légitime de prendre les armes et de se défendre, il pilla la cité sainte et lit un grand carnage de ses habitants. I Mach., i, 30-34 (grec, 29-32); II Mach., v, 24-26. Le général ennemi assura en même temps la position des Syriens à Jérusalem en s'établissant fortement dans la cité de David. I Mach., i, 35-37 (grec, 33-35). La persécution contre les Juifs fidèles éclata alors avec violence. Mais ces excès firent naître un grand mécontentement et provoquèrent une vive irritation parmi le peuple; ils amenèrent la révolte ouverte de Mathathias et fortifièrent le parti de Judas Machabée. I Mach., i, 65-67 (grec, 62-64); II, 1-48; II Mach., v, 27. Apollonius, voyant que le nombre des hommes qui se réunissaient autour du fils de Mathathias grossissait tous les jours, résolut de frapper un grand coup; il rassembla une armée composée des peuples païens du voisinage et des Samaritains, dont il était gouverneur.Josèphe, Ant. jud., XII, v, 5; vii, 1. La bravoure des Juifs triompha de cette multitude; ils se précipitèrentau-devant d’Apollonius, le battirent et le tuèrent. Judas Machabée s’empara de son épée et s’en servit désormais dans les combats qu’il continua à livrer pour l’indépendance de sa patrie. I Mach., iii, 10-12.
4. APOLLONIUS, fils de Tharsée, gouverneur de la Cœlésyrie et de la Phénicie sous Séleucus IV Philopator. II Mach., iii, 5-7. À l’instigation de Simon, intendant du temple de Jérusalem, Apollonius conseilla à Séleucus IV de s’emparer du trésor du temple. Le roi de Syrie, qui avait besoin de grandes sommes d’argent pour payer auxRomains le tribut écrasant imposé à son père Antiochus III le Grand, I Mach., viii, 7, envoya Héliodore à Jérusalem avec ordre de lui rapporter tout ce qu’il trouverait dans le temple; mais un miracle l’empêcha de remplir sa mission. II Mach., iii, 7-40. À la suite de cet événement, Apollonius prit des mesures violentes contre les Juifs, mais l’auteur sacré ne nous apprend rien de plus de son histoire. II Mach., iv, 4.
F. Vigouroux.
APOLLOPHANÉS (Septante: Ἀπολλοφάνης, chef des troupes d’Antiochus Eupatoi", avec Chseréas et Timothée, fut tué dans la forteresse de Gazara, prise par Judas Machabée. II Mach., x, 37.
APOLLYON, nom grec de l’ange ou démon de l’abîme, appelé en hébreu Abaddon. Apoc. ix, 11. Voir Abaddon.
APOLOGUE. L’apologue est «l’exposé d’une vérité morale sous une forme allégorique» (Littré), ou, ce qui revient au même, «un récit allégorique qui contient une vérité morale facile à saisir sous la transparence du voile dont elle est couverte.» Gérusez, Cours de littérature, Ire partie, p. 69. L’apologue ou fable est originaire de l’Orient. On a trouvé des fables dans les tablettes cunéiformes de l’Assyrie et dans les papyrus de l’Egypte. G. Smith, The Chaldæan Account of Genesis, in-8o, Londres, 1876, p. 137-152; E. Revillout, Cours de droit égyptien, in-8o, Paris, 1884, t. i, p. 21-25. Les plus célèbres auteurs qui ont cultivé ce genre littéraire sont, en dehors de la Bible, l’Indien Pilpaï, ou Bidpay, ou Vichnou-Sarma, qui écrivit des fables en sanscrit, selon les uns 2 000 ans, selon d’autres 250 ans seulement avant J.-C; l’Arabe Lokman, qui aurait vécu entre l'époque d’Abraham et celle de David; le Phrygien Ésope, le fabuliste latin Phèdre, et enfin notre La Fontaine. L’apologue se présente, dans la Bible, sous diverses formes que nous allons énumérer.
1o Apologues prêtant la raison et la parole aux êtres gui ne les ont pas. — Le plus ancien apologue connu, en dehors des apologues égyptiens et chaldéens, se lit au livre des Juges, ix, 8-15. Abimélech, fils de Gédéon, voulant se faire reconnaître comme seul chef à Sichem, fitpérir tous ses frères, à l’exception de Joatham, le plus jeune, qui réussit à se cacher. Quand le meurtrier eut été proclamé roi, Joatham se rendit au mont Garizim, et de là s’adressa en ces termes aux Sichimites: «Écoutez-moi, gens de Sichem, et que Dieu vous écoute de même! Lesarbres s’en allèrent pour se sacrer un roi, et ils dirent à l’olivier: Sois notre chef. L’olivier répondit: Que j’abandonne mon huile, dont se servent les dieux (princes) et les hommes, et que j’aille me balancer au-dessus des arbres? Je ne le puis. Les arbres dirent alors au figuier; Viens et reçois le pouvoir de régner sur nous. Le figuier leur répondit: Que j’abandonne ma douceur et mes fruits si suaves pour aller me balancer au-dessus des autres arbres? C’est impossible. Les arbres s’adressèrent ensuite à la vigne: Viens et sois notre chef. Elle leur répondit: Que j’abandonne mon viii, qui réjouit Dieu et les hommes, pour me balancer au-dessus des autres arbres? Impossible. Tous les arbres dirent alors au buisson: Viens et règne sur nous. Le buisson leur répondit: S’il est bien vrai que vous m'établissez votre roi, venez et reposez-vous à mon ombre. Mais si vous ne le voulez pas, que le feu jaillisse du buisson et dévore les cèdres du Liban.» Joatham tira lui-même la moralité de son apologue: Les Sichimites se sont donné pour roi ce qu’il y a de pire; mais bientôt ils n’en voudront plus, et le feu sorti du buisson les consumera tous. Ayant dit, Joatham s’enfuit. L'événement ne tarda pas à lui donner raison. — Quand Amasias, roi de Juda, voulut entrer en rapports avec Joas, roi d’Israël, celui-ci lui répondit par cet apologue mortifiant: «Le chardon du Liban envoya dire au cèdre du Liban: Donne ta fille en mariage à mon fils. Maisles bêtes de la forêt qui sont sur le Liban passèrent et foulèrent aux pieds le chardon.» Joas ajoutait, en guise de morale: «Tu as frappé Édom, tu l’as vaincu, et l’orgueil a gonflé ton cœur: contente-toi de ta gloire et reste dans ta maison.» IV Reg., xiv, 9, 10. Amasias ne s’encontenta pas et s’attira le sort du chardon. — À ce genre d’apologue se rattache la lamentation d'Ézéchiel sur les princes d’Israël: «Ta mère la lionne s’est couchée au milieu des lions; elle a nourri ses petits au milieu des lionceaux. Elle a fait croître un de ses lionceaux, et il estdevenu lion. Il a appris à saisir la proie et à dévorerl’homme. Les nations ont entendu parler de lui, l’ontcapturé dans leur fosse et l’ont emmené enchaîné dansla terre d’Égypte. À cette vue, elle défaillit, et son espérance fut ruinée. Elle prit un autre de ses lionceaux eten fit un lion. Il allait au milieu des lions et devint lion.Il apprit à saisir la proie et à dévorer des hommes, à fairedès veuves et à changer des villes en désert. Le pays ettous ses habitants furent effrayés du bruit de son rugissement. De toutes les provinces, les nations s’assemblèrent contre lui, tendirent sur lui leurs filets et le capturèrent dans leur fosse. On le mit en cage, et on l’emmena enchaîné au roi de Babylone. On l’enferma dansune citadelle, de sorte qu’on n’entendit plus sa voix surles montagnes d’Israël.» Ezech., xix, 2-9. Cette lionneest la nation juive; le premier lion est Joachaz, déportéen Égypte, et le second, Jéchonias, déporté à Babylone.
2° Apologues mettant en scène les actes ou les choses de la vie ordinaire. — C’est de cette seconde sorte d’apologues que Notre-Seigneur s’est si merveilleusement servi sous le nom de paraboles. Voir Paraboles. Le plus frappant, dans l’Ancien Testament, est celui que le prophète Nathan est venu raconter à David, pour le faire rentreren lui-même: «Il y avait dans une ville deux hommes, l’un riche et l’autre pauvre. Le riche possédait des brebis et des bœufs en grand nombre; le pauvre ne possédait rien qu’une petite brebis qu’il avait achetée et nourrie. Elle avait grandi chez lui, en même temps que ses enfants, mangeant de son pain, buvant à sa coupe et dormant sur son sein. Elle était pour lui comme une fille. Or un étranger vint chez le riche, et celui-ci se garda bien de toucher à ses brebis et à ses bœufs pour offrir un festin à l'étranger qui lui était arrivé; mais il s’empara de la brebis du pauvre homme, et en prépara des mets pour celui qui était venu chez lui.» Il Reg., xii, 1-4. À ce récit, le roi fut indigné contre le riche; le prophète lui lança alors la terrible apostrophe: «Cet homme, c’est toi!» — Dans tous les exemples précédents, l’apologue vise unfait particulier indiqué dans le contexte. D’autres fois, l’application de l’apologue est plus générale. Ainsi en est-ildans cet exemple tiré de l’Ecclésiaste, ix, 14-16: «Il yavait une petite forteresse. Peu d’hommes l’occupaient.Contre elle s’avança un grand roi; il l’investit et dressacontre elle de puissantes machines de guerre. Mais il s’yrencontra un homme pauvre et sage, qui la sauva par sasagesse. Cependant jamais personne n’avait songé à cepauvre. Je le déclare donc, la sagesse vaut mieux que laforce; mais on méprise la sagesse du pauvre.» Le géniehébreu cherche toujours l’image et l’action dans l’expression de la pensée. Aussi, à côté de quelques apologues développés dans la Bible, en trouve-t-on beaucoup d’autres qui ne sont qu'ébauchés ou indiqués. Telles sont les allégories du festin de la sagesse, Prov., ix, 1-5, et de la vigne, ls., v, 1-6; Ezech., xix, 2-9, dont Notre-Seigneur fera des paraboles complètes. Herder dit avec raison: «Laplupart des sentences des Orientaux… ne sont, pour ainsi dire, avec leurs images et leurs allégories resserrées, que des fables en abrégé.» De la poésie des Hébreux, IIe partie, ch. i, 3, trad. Carlowitz, in-8°, Paris, 1855, p. 272. Les livres sapientiaux sont riches en éléments de ce genre. L’exemple de la fourmi, proposé au paresseux, Prov., vi, 0-8, est presque une petite fable. La sentence: «Ne fais pas voler tes yeux après ce qui n’est rien; car cette apparence se fera des ailes, comme l’aigle, et s’envolera vers le ciel,» Prov., xxiii, 5, fait penser à plusieurs apologues de La Fontaine; il en est de même decette autre: «Celui qui observe le vent ne sème point, et celui qui interroge les nuées ne moissonne point.» Eccli., xi, 4. Enfin la fable du pot de terre et du pot de fer est tout entière dans ce verset: «Comment le pot de terre peut - il s’associer au chaudron? Quand ils se heurteront, il sera brisé.» Eccli., xiii, 3.
3° Apologues en action. — Sur l’ordre du Seigneur, les prophètes font parfois ou racontent qu’ils ont faitcertaines actions symboliques, qui ne sont que des apologues en acte, destinés ensuite à devenir des récits instructifs. Ainsi, pour marquer qu’Israël s’est mis à adorer des dieux étrangers, Osée, iii, 1, épouse une femme adultère; Ézéchiel représentera de même, sous l’allégorie de deux courtisanes, Oolla et Ooliba, Samarie et Jérusalem, infidèles au Seigneur, xxiii, 2-49. — Jérémie accomplitun certain nombre de ces actions symboliques. Doit-il montrer comment l’orgueil de Juda sera rabaissé et se changera en pourriture pendant la captivité? Il prend une ceinture, la met autour de ses reins, va ensuite la cacher dans les pierres, au bord de l’Euphrate, et longtemps après la retrouve toute pourrie, xiii, 1-7. Le travail du potier lui fournit matière à deux apologues en action.: «Je descendis dans la maison du potier, et voilà qu’il travaillait sur sa roue; mais le vase d’argile qu’il faisait avec ses mains fut manqué. Il reprit son ouvrage et fit ce vase d’une autre manière, à sa convenance.» xviii, 3, 4. Ainsi le Seigneur fera ce qu’il voudra de la maisond’Israël. Un autre jour, le prophète prend une jarre deterre, œuvre d’un potier, et se fait accompagner par lesanciens du peuple et du sacerdoce jusqu'à la vallée deBen - Hinnom, près de la porte du Potier. Là il leurannonce que les Juifs seront brisés par les Chaldéens, età leurs yeux il brise la jarre de terre, xix, 1-10. Deuxpaniers de figues, les unes bonnes, les autres mauvaises, représentent les deux portions du peuple, l’une déjà encaptivité, l’autre encore à Jérusalem, xxiv, 1-8. Faut-ilengager les rois voisins à se rendre au roi Nabuchodonosor? Jérémie se met une chaîne au cou et en envoieune pareille à ces rois, xxvii, 2-6. Faut-il faire honte àJuda, qui foule aux pieds les préceptes de son Dieu? Leprophète va trouver les Réchabites et leur offre des coupesde vin. Ceux-ci les refusent, pour ne pas contrevenir auxtraditions de leur ancêtre. Cruel contraste entre la conduitedes uns et celle des autres! — Ézéchiel raconte aussi plusieurs actions symboliques, qui deviennent parfois devraies paraboles, comme celle du bois de la vigne, quin’est bon qu'à brûler, xv, 2-5; celle des aigles, du cèdreet de la vigne, xvii, 3-10. La conduite du prophète quifait emporter tous ses meubles, comme pour émigrer, quiperce la muraille de sa maison et se fait emporter de nuitpar la brèche, xii, 4-7, est un apologue vivant, pourannoncer la captivité. C’en est un autre, très pittoresque, que le tableau de cette marmite où tout cuit à grand feu, mais qui ne peut elle-même se débarrasser de sa rouille, xxiv, 3-12. Il faut signaler aussi la peinture d’Assur sousl’allégorie d’un magnifique cèdre du Liban, xx, 3-9, etla description du ruisseau qui sort du seuil du temple, etfait croître des arbres nombreux sur ses bords, xlvii, 1-7.Ces apologues en action sont comme des tableaux vivants.Ce qui les caractérise, c’est que parfois ils se rapportentà un avenir inconnu, et sont par là même moins clairsque les précédents; c’est qu’ensuite les événements qu’ilsreprésentent sont grandioses et dépassent de beaucoup lecadre ordinaire de l’apologue.
4° Apologues en vision. — Dans certaines visions, Dieului-même déroule devant les yeux de l’homme des tableauxplus ou moins mouvementés, qui sont des révélations del’avenir. Ce sont de vrais apologues, que Dieu raconteà sa manière, et dans lesquels se mêlent trois élémentschers aux Orientaux: le drame, l'énigme et la prophétie.Parmi ces apologues en vision, il faut ranger les songesde Joseph, qui voit les gerbes de ses frères s’inclinerdevant la sienne, et le soleil, la lune avec onze étoilesl’adorer lui-même, Gen., xxvii, 7-9; les songes significatifs des eunuques du pharaon, xl, 5-22, et celui dupharaon lui-même, sous les yeux de qui sept vachesgrasses et sept épis pleins sont dévorés par sept vachesmaigres et sept épis vides. XLI, 1-24. Un soldat madianiteraconte qu’il a vu en songe un pain d’orge, cuit sous la cendre, rouler et descendre sur le camp de Madian, puis frapper et renverser sa tente. Jud., vii, 13. Ce pain d’orge, c'était Gédéon, qui vint tout renverser la nuit suivante. Ces sortes de visions ne se retrouvent plus ensuite qu'à l'époque de la captivité. On a dans Amos, vii, 1-9; viii, 1, 2, les apologues des sauterelles, du feu, de la truelle du maçon et du panier à fruits. Daniel explique à Nabuchodonosor les deux grandes visions si dramatiques de la statue dont les matériaux figurent les empires, ii, 31-35, et du grand arbre coupé tout entier, sauf une seule racine, pour représenter la déchéance temporaire du roi. iv, 2-13. Le prophète lui-même décrit ensuite les destinées des empires sous l’allégorie des quatre grands animaux, puis du bélier et du bouc, vii, 3-7; viii, 3-26. Mardochée voit en songe, sous forme de drame allégorique, ses destinées et celles de son peuple. Esth., xi, 2-11. Enfin Zacharie a de nombreuses visions, qui sont encore des apologues vivants, mais beaucoup plus obscurs et parfois moins dramatiques que les précédents, à raison des objets qu’ils figurent. Il faut citer le cavalier au milieu des myrtes, 1, 8; les quatre cornes, I, 18; l’homme au cordeau, mesurant la surface de Jérusalem, ii, 2; le chandelier d’or et les deux oliviers, iv, 2, 3; l'écrit volant, v, 1; l’amphore avec une femme assise au milieu, v, 6, 7; les quatre chars, vi, 1-8; les brebis de boucherie et les deux houlettes, xi, 4-10. Ce sont là plutôt des éléments d’apologues, qui auraient pu facilement être mis en œuvre, si le prophète l’avait jugé à propos.
H. Lesêtre.
APONTE (Laurent de), commentateur italien, de l’ordre des Clercs réguliers mineurs, né en 1575, au royaume de Naples, mort le 26 octobre 1639. Il a laissé sur la Sainte Écriture les ouvrages suivants: Commentarii in Sapientiam Salomonis, cum homiliis, digressionibus scholasticis et paraphrasi, in-f°, Paris, 1629; 1640; Commentarii litterales et morales in Matthæum, 2 in-f°, Lyon, 1641. L’auteur s'était proposé de publier son commentaire en quatre volumes; la mort l’empêchade terminer son travail, qui n’a du reste qu’un mérite très relatif. Voir G. Walch, Biblioth. theol., t. iv, p. 641; Dupin, Table des auteurs ecclésiastiques, p. 1793, 2911; Hurter, Nomenclator litterarius, t. i, p. 618.
M. Férotin.
APOSTASIE. Ce mot vient du grec ἀποστασία, qui signifie «révolte, défection». Il s’entend d’une révolte politique ou de la défection religieuse. Il a communément le premier sens dans les auteurs profanes (dans quelques passages de la version des Septante, Gen., xiv, 4; II Par., xiii, 6, et Act., v, 37, le verbe ἀπίστημι, d’où dérive le substantif «apostasie», a une signification analogue). Lesens de défection religieuse (Vulgate: discessio) est d’origine biblique: c’est celui que lui attribue le Nouveau Testament; Act., xxi, 21; II Thess., ii, 3 (d’après les Septante, Jer., ii, 19; xxix, 32; I Mach., ii, 15; cf. I Tim., iv, 1; Heb., iii, 12). Les auteurs ecclésiastiques et nos langues modernes, à la suite de saint Luc et de saint Paul, ontégalement entendu par «apostasie» la renonciation à la religion chrétienne. Voir Apostat.
APOSTAT, dans notre langue, signifie celui qui est tombé dans le crime d’apostasie. Ce mot, dans la Vulgate, sous sa forme latine apostata, a un sens différent; il veut dire «méchant, homme de rien,» et traduit le mot hébreu beliyaʿal. Job, xxxiv, 18; Prov., vi, 12. Voir Bélial. L’adjectif apostatrix a, dans latraduction d'Ézéchiel, ii, 3, une signification qui se rapproche de celle du mot «apostasie»; gentes apostatrices désigne en effet les nations qui se sont révoltées contre Dieu. L’Ecclésiastique emploie deux fois le verbe apostatare: la première, x, 14, dans l’acception de «s'éloigner» de Dieu (grec: ἀφισταμένου, Eccli., X, 12); la seconde, xix, 2, dans celle de «détourner de son devoir» (grec: ἀποσήσουσι).
APÔTRE (ἀποστόλος) s’entend dans la langue grecque d’où il dérive d’un envoyé qui a un mandat à remplir. Hérodote, i, 21; v, 38. Ce mot se lit une fois dans les Septante, III Reg., xiv, 6; c’est Ahias qui se l’applique en parlant à la femme de Jéroboam. Saint Luc, vi, 13, nous dit que Jésus, ayant choisi douze de ses disciples, leur donna le nom d’Apôtres, ἀποστόλους ὠνόμασεν. Depuis, ce nom s’est étendu à d’autres hommes participant à l’activité des Douze. Ainsi Barnabé est appelé apôtre, comme Paul, Act., xiv, 4, 14; Andronique et Junie sont glorieusement classés parmi les apôtres, Rom., xvi, 7; pareillement Timothée et Silvain. I Thess., ii, 7, 18. Enfin d’autres sont dits apôtres, en ce sens qu’ils sont délégués par des Églises. II Cor., viii, 25, et Phil., ii, 25. Néanmoins, et d’une manière générale, il faut reconnaître que, dans le langage biblique, cette désignation est réservée aux Douzeprivilégiés dont Jésus fit les pierres fondamentales de son Eglise.
Pourquoi ce choix de douze hommes parmi les disciples, et quelle fut leur mission? Saint Marc, qui d’ailleurs, comme saint Matthieu, n’emploie qu’une fois le nom d’Apôtres, répond à cette question. Marc, iii, 14. Ils devaient être avec. Jésus dans des relations plus intimes et plussuivies que le reste des disciples, allant prêcher la Bonne Nouvelle quand ils en recevaient l’ordre, et ayant le pouvoir de guérir les malades et de chasser les démons. Plus tard, quand il s’agit d'élire un successeur au traître Judas, Pierre précisa une fois de plus, avec le caractère de l’apostolat, le devoir de l’apôtre, qui sera de rendre à Jésus-Christ un témoignage autorisé. Il déclara qu’avant tout, pour être éligible, il fallait avoir été auprès de Jésus pendant tout le coure de sa vie publique, c’est-à-dire depuis son baptême jusqu'à son Ascension, afin de pouvoir affirmer les faits que l’on avait vus, et plus particulièrement lemiracle de la Résurrection. Act., i, 21-22. Les Apôtres ontété établis pour devenir les témoins officiels de l'Évangile. Saint Jean, qui, ni dans ses Épîtres ni dans son Évangile (on n’en peut dire autant de l’Apocalypse, xxi, 14; ii, 2; xviii, 20), ne prononce pas une seule fois le nom d’Apôtre, tout en reconnaissant l’existence d’un corps constitué par Jésus-Christ, qu’il appelle les Douze, contribue particulièrement à nous donner, Joa., xiv, 28; xv, 26-27; xvi, 13, une haute idée des prérogatives spirituelles de ces heureux privilégiés.
Ils étaient Douze, parce que ce nombre correspondait à celui des tribus d’Israël, vers lesquelles Jésus était venu comme vers des brebis sans pasteur. Ils devaient, comme autant de patriarches, juger les tribus dans la vie future. Matth., xix, 28. Il y a même cette singulière perfection dans ce symbolisme voulu que, comme la tribu de Joseph se transforme en deux demi-tribus, la place du traître Judas, demeurée vide, semble avoir été occupée simultanément par Matthias et par Paul. Communément toutefois on trouve plus rationnel de voir en celui-ci un treizième apôtre et de le mettre hors cadre, comme l’apostolat spécial dont il fut le promoteur. Voir Le Camus, L'Œuvre des Apôtres, t. i, p. 11. Les Douze, étant comme les prémices des douze tribus, représentaient donc la nation sainte.Ils furent pris dans la classe populaire, et même dans ses éléments les plus opposés, puisque nous trouvons parmi eux un péager, Matthieu, et un zélote, Simon, les deux extrêmes en politique, l’un représentant l’acceptation officielle, et l’autre la haine ardente du joug de l'étranger. Tous, à l’exception peut-être de Matthieu le péager, étaientabsolument illettrés. Ils avaient passé leur vie dans des travaux grossiers et pénibles. Au moins quatre furent pêcheurs sur le lac de Génézareth. Mais avec leurs natures frustes, tous, sauf Judas, avaient le cœur bon, et c’est sur leurs cœurs que Jésus entendit graver la nouvelle loi du monde.
Le catalogue des Apôtres nous a été conservé par les trois synoptiques et le livre des Actes. En comparant les quatre listes, on constate qu’elles portent absolument les mêmes noms, excepté pour Jude, frère de Jacques, qui est appelé Lebbée par saint Matthieu, et Thaddée par saint Marc. Mais Thaddée ou Lebbée, dérivés l’un de Sad ou Thad, «poitrine,» l’autre de Leb, «cœur,» signifient, en termes analogues, un homme généreux et énergique.Il est à croire que cet honorable surnom supprima de bonne heure le nom de Jude, trop semblable à celui de l’apôtre prévaricateur.
Les Douze forment régulièrement trois groupes, dont chacun a un chef et des membres qui ne varient pas.Seul l’ordre des membres dans le groupe se trouve parfois interverti, mais sans que jamais un membre passe d’un groupe à l’autre. Il est probable que ce classement, dont voici l’ordre comparatif, répondait à peu près audegré d’intimité qui, dans les relations quotidiennes de la vie, unissaient chaque apôtre à Jésus-Christ.
S Matthieu x,2,4 | S. Marc iii,16,19 | S. Luc vi,14,16 | Les Actes i,13 |
Simon Pierre | |||
André Jacques Jean | Jacques Jean André | André Jacques Jean | Jacques Jean André |
Philippe | |||
Barthélémy Thomas Matthieu le péager | Barthélémy Matthieu Thomas | Barthélémy Matthieu Thomas | Thomas Barthélémy Matthieu |
Jacques, fils d’Alphée | |||
Lebbée Simon le Cananite Judas Iscariote | Thaddée Simon le Cananite Judas Iscariote | Simon le Zélote Jude de Jacques Judas Iscariote | Simon le Zélote Jude de Jacques … |
Pierre est invariablement le premier dans la liste, πρῶτος Σίμων, et plus immédiatement le chef du premier groupe, que constituent avec lui trois autres disciples privilégiés, André, Jacques et Jean. Nous retrouvons là les deux couples de frères que Jésus avait d’abord appelés à être pêcheurs d’hommes. Philippe, qui, lui aussi, s'était de très bonne heure, Joa., i, 43, mis à la suite du Seigneur, est le chet du second groupe, constitué par Barthélémy, le même probablement que Nathanaël, cet ami conduit à Jésus par Philippe et qui, dès ce moment, devint son compagnon ordinaire, soit sous son nom propre de Nathanaël, que saint Jean emploie toujours, soit sous son nom patronymique de Barthélémy ou fils de Tolmaï, que les synoptiques préfèrent, pour éviter peut-être le rapprochement de Nathanaël et Matthieu, deux noms signifiant l’un et l’autre: Théodore ou don de Dieu; Thomas ou le Jumeau, «le Besson,» comme on disait dans notre vieille langue française, et Matthieu qui, dans sa propre liste, sequalifie de péager, et se place modestement après Thomas, tandis que saint Marc et saint Luc le mettent en avant. Matthieu, si l’on compare Luc, v, 27-32, et Marc, ii, 13-17, avec Matth., ix, 9-13, est évidemment le même personnage que Lévi, le nom de Matthieu, don de Dieu, étant le nom du nouvel homme, et Lévi celui de l’ancien péager. Le chef du troisième groupe est un cousin de Jésus, Jacques, surnommé le Mineur, soit qu’il fût petit de taille, soit qu’il fut plus jeune que Jacques, frère de Jean. Il est à la tête d’hommes moins connus: Jude, son frère; Simon Qananit, ou «le Zélé», selon le sens que le Talmud donne à ce mot, dérivé de Qanna, et enfin Judas, l’homme de Kérioth, ou l’homme à la ceinture de cuir. Ce n’est pas ici le lieu d’apprécier chacun des Douze d’après ce que nous savons de lui, puisqu’ils doivent avoir tous, dans ce Dictionnaire, leur biographie individuelle.Notons cependant la place d’honneur et de réelle primauté que Pierre occupe dans ces listes, place qui répond exactement à la mission spéciale que Jésus devait lui donner, et au rôle que, sans conteste, il s’est toujours attribué, surtout après la Pentecôte. L’exégèse moderne, même la plus hostile à la doctrine catholique, ne nie guère plus aujourd’hui cette prééminence de Pierre. Seulement elle déclare que ce fut là une prérogative résultant de ses qualités personnelles, de sa nature ardente, expansive et toute d’intuition première; or ce qui est personnel ne se transmet pas. Il est facile de prouver que, tout en concordantavec ses qualités morales, dont elle fut en partie la récompense, sa suprématie reposa sur un droit authentiquement conféré par Jésus-Christ, droit qui dut passer à ses successeurs.
Quant à l’histoire générale des Apôtres, elle a consistéà réaliser le but pour lequel ils avaient été institués.Du vivant du Maître, ils sont autour de lui, forment sasociété ordinaire, et s’occupent de lui rendre tous lesservices matériels qu’il peut attendre d’eux. Matth., xx, 17-29; xxvi, 17-20 Luc, îx, 52; Joa., iv, 8. Ilsécoutent ses enseignements, désireux qu’ils sont d'êtredes docteurs instruits pour le royaume des cieux, Matth., xiii, 52; mais leur intelligence est souvent bien courte, et le Maître doit plus d’une fois reprendre en particulier, avec de nouvelles explications, ce qu’ils n’avaient pas saisiquand il parlait en public. Matth., xiii, 18, 36, etc. Il lesforme à la vertu par son exemple et aussi par ses amicalesréprimandes. Matth., viii, 26; xvi, 23; xviii, 1, 21; Luc, ix, 50, 55; Joa., xiii, 12, etc. Ils reçoivent de lui le pouvoir de faire des miracles, Marc, iii, 14, et ses solennelsavis pour prêcher le royaume de Dieu. Matth., x-xi etparall. Ils sont institués les porte - clefs du royaume deDieu, Matth., xviii, 18; xix, 28; Luc, xxii, 30, avec l’asassurance de recevoir le Saint-Esprit, sous l’inspirationduquel ils fonderont l'Église. Joa., xiv, 16, 17, 26; xv, 26, 27; xvi, 7-15. Ils prennent part aux luttes et auxtriomphes du Seigneur en Galilée, en Pérée et à Jérusalem, jusqu'à l’inoubliable banquet final où ils sont institués sacrificateurs de la nouvelle loi. Puis vient la catastrophe, et la fuite des Onze est aussi douloureusement surprenante que le cynisme avec lequel le douzième, Judas, trahit son Maître et le livre à ses ennemis.
Après la mort de Jésus, l’histoire des Apôtres devient l’histoire de l'Église elle-même. Les apparitions du Ressuscité relèvent leur courage, en faisant revivre leurs espérances. Ils voient de leurs propres yeux que tout ce que les prophètes et le Maître avaient annoncé s’est accompli. Dès lors, le groupe se reconstitue, et, plein de foi, attend la réalisation des promesses du Seigneur. Pour remplacer le traître, on procède à l'élection de Matthias. Le jour de la Pentecôte, le Saint-Esprit descend sur les Douze et sur les disciples qui sont au Cénacle, achevant, sous la forme de langue de feu, leur transformation morale. Désormais ils ne seront plus les mêmes hommes. Ces irrésolus, ces ignorants, ces timides, se montreront pleins d’enthousiasme, d'éloquence, d’indomptable énergie. Atravers des luttes pleines de péril et de gloire, ils fondent l'Église de Jérusalem; mais l’ordre du Maître est d’aller prêcher ensuite en Samarie et dans le monde entier.L’Esprit les pousse bon gré mal gré à cette évangélisation de l’univers entier. L’hellénisme a préparé les voies, Pierre a officiellement ouvert la marche vers la Gentilité en baptisant Corneille et tous les siens, Paul exploite le vaste champ offert à son zèle. Tous les Douze finissent par comprendre qu’il en faut faire autant; mais nous ignorons la part réelle que chacun d’eux a eue dans l'évangélisation du monde d’alors. Il y a là une lacune bien regrettable dans l’histoire sacrée. On la comble par des conjectures très plausibles et en partie fondées sur des traditions vénérables. Un résultat aussi grand, aussi universel, aussi rapide quel'évangélisation du monde dans l’espace de quelques années ne saurait être l'œuvre de Paul tout seul et de ceux qui rayonnaient autour de lui, quelle que fût leur vaillance. Les autres Apôtres y ont eu leur part. Ainsi, malgré le silence de l’histoire, nous savons, d’après certaines indications, toutes fortuites d’ailleurs et comme insignifiantesde saint Paul, que saint Pierre a dû prêcher à Corinthe et dans d’autres contrées que la Palestine, comme il prêcha à Rome. De ce que d’heureuses allusions ne sont pas venues faire la lumière sur l’histoire des autres, on n’en saurait conclure que cette histoire se résume en une inconcevable inaction.
186. — Les douze Apôtres. D’après B. Le Blant, Études sur les sarcophages de la ville d’Arles, pl. xiv.
L’incendie allumé de tous côtés et simultanément dans le monde suppose des envoyés, des prédicateurs, des témoins, arrivant partout à la fois, et la croyance universelle de l'Église primitive déclare, en effet, qu’il en fut ainsi. Qui pourrait affirmer que tout est imaginaire dans les Actes apocryphes qui nous sont restés de plusieurs d’entre les Apôtres? La fin abrupte du livre de saint Luc autorise à croire qu’il avait écrit, vu qu’il devait écrire une suite des Actes, comme les Actes étaient la suite de son Évangile. A-t-il fini sa trilogie? Son dernier livre a-t-il été tellement défiguré à l’origine par les sectes gnostiques, que, tombé en discrédit, il ait été sacrifié par l’Église? C’est possible. En tout cas, nous sommes unanimes à regretter la désespérante lacune qu’il y a dans cette partie si intéressante de l'Église primitive, et c’est à la science chrétienne de fouiller partout pour essayer de la combler.Les Apôtres lurent représentés de bonne heure par les artistes de la primitive Église, dans les Catacombes et spécialement sur les sarcophages chrétiens (fig. 186). Ils sont ordinairement vêtus d’une longue tunique qui descend jusqu’aux pieds et d’un pallium comme vêtement de dessus. Dans les monuments des huit premiers siècles, en Occident, ils se tiennent debout ou assis, à droite et à gauche de Notre-Seigneur, figuré sous sa forme humaine ou sous une forme symbolique; les uns sont barbus, lesautres imberbes. Ils portent généralement comme insigne, dans la main gauche, un volume ou rouleau, qui rappelle la parole divine qu’ils ont prêchée; quelquefois ils ont à la main une couronne, symbole de leur triomphe et de la récompense céleste.
Quand les Apôtres sont figurés par des symboles, ils sont représentés par douze brebis, se tenant six par six à côté du bon Pasteur, assis d’ordinaire sur un rocher d’où coulent les quatre fleuves du paradis terrestre, emblèmes des quatre Évangiles. Voir F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. i, p. 232-238. Les deux groupes de brebis sortent le plus souvent de deux tours qui sont l’image de Bethléhem et de Jérusalem. D’autres symboles mystiques, palmier, vigne, arbres divers, accompagnent fréquemment ces représentations (fig. 187).
Pris individuellement, les Apôtres ont pour caractéristique: S. Pierre, les clefs; S. Paul, le glaive; S. André, la croix désignée sous son nom; S. Jean, un calice d’où sort un serpent; S. Jacques le mineur, un livre et un bâton; S. Philippe, une croix dont le montant a des nœuds comme un roseau; S. Jacques le majeur, un bâton de pelerin et un grand chapeau avec des coquillages; S. Barthélémy, un livre et un coutelas; S. Thomas, une équerre; S. Matthieu, une lance; S. Simon, une scie; S. Jude, une massue; S. Matthias, une hache.
On trouvera des documents sur les Apôtres dans les diverses Vies de Jésus-Christ, écrites à un point de vue critique et sérieusement savantes; dans les bons commentaires sur le livre des Actes. Cave, Antiq. Apostol., Londres, 1677; Id., Lives of the Apostles, in-f°, Londres, 1677; nouvelle édit. par Cary, in-8°, Oxford, 1840; Perionius, Vitæ Apostolorum, Paris, 1551; Francfort, 1774; Sandini, Historia apostolica, in-8°, Padoue, 1731; G. Erasmus, Peregrinationes Apostolorum, Ratisbonne, 1702; Jacobi, Geschichte der Apostel, in-8°, Gotha, 1818.; Rosenmüller, Die Apostel nach ihrem Leben und Wirken, in-8°, Leipzig, 1821;
187. — Les douze Apôtres, symbolisés par des brebis. Mosaïque de l’abside de l’ancienne basilique de Saint-Pierre.
D’après Ciampini, De sacris ædificiis, t. iii, pi. xïii.
Wilhelmi, Christi Apostel und erste Bekenner, in-8°, Heidelberg, 1825; Greenwood, Lives of the Apostles, 3e édit., in-12, Boston, 1846; Allen Giles, Apostolical Records, Londres, 1886; Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha, Leipzig, 1851; R. A. Lipsius, Die apocryphen Apostelgeschichten, 2 in-8°, Brunswick, 1883-1890, donnent des indications sur les traditions primitives. Pour l’histoire même de l'âge apostolique, V. Schaff, Hist. of Apost. Church, Edimbourg, 1854; Lange, Das Apostolische Zeitalter, Brunswick, 1854; Lechler, Das Apost. Zeitalter, Stuttgart, 1857; Farrar, The Early Pays of Christianity, Londres, 1884, et notre livre L'Œuvre des Apôtres, Paris, 1891.
E. Le Camus.
APPEL DES SENTENCES. L’appel strictement dit, en matière judiciaire, est un recours contre une sentence, porté, par la partie déboutée ou condamnée, devant un tribunal supérieur, pour obtenir la réformation du premier jugement; dans un sens très général, l’appel est un recours quelconque à un tribunal supérieur.
Nous ne trouvons aucune trace d’appel avant Moïse; le seul jugement proprement dit, quoique très sommaire, que signale l'Écriture pour l'époque patriarcale, c’est celui de Thamar; or cette femme, jugée et condamnée, fut sauvée par une autre voie que celle de l’appel. Gen., xxxviii, 24-26.
I. L’appel dans la loi mosaïque. — 1° Période transitoire. Pendant les premiers mois qui suivirent la sortie d’Egypte, Moïse rendait seul la justice. Jéthro, son beau-père, lui fit remarquer que ce fardeau était insupportable, et lui conseilla d'établir des chefs, qui seraient aussi des juges, sur les fractions de mille, de cent, de cinquante et de dix hommes. Et Jéthro ajouta: «Que ces chefs soient occupés à rendre la justice au peuple en tout temps; mais qu’ils réservent pour vous les plus graves affaires, et qu’ils jugent seulement les plus petites.» C’est ce qui fut exécuté. Exod., xviii, 13-26. Ainsi les plus graves affaires étaient, par le seul fait, réservées à Moïse; mais, de plus, quand les juges inférieurs trouvaient des difficultés dans les causes qui leur étaient adressées, ils en référaient à Moïse, suivant l’ordre exprès que celui-ci leur avait donné. Deut., i, 9-17. On le voit, dans cette période, il n’y a pas d’appel proprement dit, mais simplement une réserve ou un renvoi à Moïse dans les affaires graves ou difficiles. Remarquons en passant qu’il ne faut pas voir, dans ces soixante et dix anciens, dont parle lelivre des Nombres, Num., xi, 14-29, une cour suprême de justice, encore moins, quoi qu’en aient dit plusieurs auteurs, l’origine du grand sanhédrin. Ces opinions sont aujourd’hui abandonnées. Cf. Michælis, Mosaisches Recht, § L, Francfort-sur-le-Mein, 1793, t. i, p. 278-280; Rosenmüller, In Num., xi, 16; Jahn, Archæologia biblica, § 237, dans Migne, Scripturæ Sacræ cursus completus, t. ii, col. 968-969. Ce sénat des soixante et dix avait d’autres fonctions que celle déjuger; il aidait Moïse dansle difficile gouvernement d’un peuple de six cent mille hommes, groupé comme une armée. Un n’en voit plus de trace après la mort de Moïse.
2° Prescriptions de la loi mosaïque sur le recours aux juges supérieurs. Elles sont renfermées dans un passage du Deutéronome, xvi, 18-xvii, 13, Comme le peuple israélite allait bientôt prendre possession de la terre qui lui avait été promise, Moïse lui donna des prescriptions en rapport avec sa situation prochaine: «Vous établirez des juges, šôfetîm, et des scribes, šôterîm, à toutes les portes des villes que le Seigneur vous aura données, afin qu’ils jugent le peuple selon la justice… S’il se trouve une affaire embrouillée dans laquelle il soit difficile de prononcer entre sang et sang (c’est-à-dire entre un meurtre délibéré et un homicide involontaire), entre cause et cause, entre coup et coup (Vulgate, inexactement: inter lepram et lepram), et que vous voyiez que dans l’assemblée les avis des juges soient partagés, allez au lieu que le Seigneur votre Dieu aura choisi, et adressez-vous aux prêtres de la race de Lévi, et au Juge de ce temps-là (hébreu: haššôfêt, le Juge, par antonomase, c’est-à-dire le magistrat suprême); vous les consulterez, ils vous découvriront la vérité du jugement, et vous ferez tout ce qu’ils vous auront dit.» Deut., xvii, 8-10.Ainsi donc Moïse prescrit d’établir des juges dans toutes les villes, puis un tribunal suprême, siégeant dans la ville capitale que Dieu choisira lui-même, et composé soit des prêtres, que Dieu a déjà désignés comme les interprètesde sa loi, Lev., x, 10-11, soit du magistrat suprême d’Israël, en qui doit résider le pouvoir exécutif. Mais, on le voit clairement par le texte cité, le recours au tribunal suprême, permis et même prescrit en certains cas par Moïse, n’est pas un appel strictement dit; ce n’est pas à l’accusé ou à la partie intéressée que s’adressent les paroles citées de Moïse, c’est aux juges eux-mêmes, ou plutôt à leur chef ou président; ce n’est pas, en effet, la partie intéressée qui peut juger si l’affaire est difficile ou embrouillée, si les juges sont d’accord ou non; cette fonction délicate, qui exige le désintéressement le plus complet, ne peut appartenir qu’au tribunal lui-même; aussi l’historien Josèphe, rapportant ce texte de Moïse avec son interprétation traditionnelle, s’exprime ainsi: «Que si les juges ne savent que prononcer au sujet de l’affaire qui leur est soumise, ce qui n’arrive que trop souvent aux hommes, qu’ils renvoient, ἀναπεμπέτωσαν, la cause entière à la ville sainte, où le grand prêtre, le prophète et le sénat, s’étant réunis, décideront ce qu’il appartiendra.» Josèphe, Ant. jud., IV, viii, 14. Cf. Saalschütz, Das Mosaische Recht, Berlin, 1853, k. 87, p. 596-598; Winer, Biblisches Realwörterbuch, au mot Gericht, Leipzig, 1838, t. i, p. 479. Comme on le voit du reste par plusieurs textes, Moïse ne suppose pas d’appel après la sentence, ou plutôt il suppose clairement qu’il n’y a pas d’appel. Deut., xvii, 2-6; xxi, 18-23; xxii, 13-24; xxv, 2. Bien plus, la sentence est exécutée le jour même, immédiatement après le prononcé du jugement. Jos., vii, 16-26; I Reg., xxii, 11-18; II Reg., i, 13-16; iv, 9-12; III Reg., ii, 23-25; 28-35; 41-46; Dan., xiii, 41-45; 60-62. Cf. Michælis, Mosaisches Recht, § 307, t. vi, p. 160-167; Jahn, Archæologia biblica, § 242, dans Migne, Script. S. cursus compl., t. ii, col. 961.
Ne nous étonnons pas que la législation mosaïque ignore l’appel proprement dit. Cette idée de l’appel, qui nous paraît si simple aujourd’hui, parce qu’elle est universelle, ne s’est développée que peu à peu dans la suite des âges. En Égypte, la cour suprême de Thèbes, dont Moïse avait connu et peut-être vu le fonctionnement, n’était pas une cour d’appel proprement dite; sans doute les affaires graves lui étaient réservées, d’autres lui étaient renvoyées, mais pas sous forme d’appel; du moins aucun texte, aucun fait jusqu’ici ne le prouvent. C’est ce qu’avoue Thomssen, Mémoire sur l’organisation judiciaire de l’Égypte ancienne, Bruxelles, 1864, p. 21-22, quoique néanmoins cet auteur, appuyé seulement, comme il le dit, sur des raisons de convenance, affirme que cette cour suprême recevait les appels des tribunaux inférieurs. Les travaux de M. Maspero sur le Papyrus Abbott, et de M. Devéria sur le «Papyrus judiciaire de Turin», ne font pas soupçonner, en faveur de la cour de Thèbes, l’existence de l’appel. Maspero, Une enquête judiciaire à Thèbes au temps de la xxe dynastie. Étude sur le Papyrus Abbott, Paris, 1872; Devéria, Le papyrus judiciaire de Turin, dans le Journal asiatique, aoùt-sept. 1865, oct.-nov. 1865, août-sept. 1866, nov.-déc. 1867. M. Devéria signale seulement un cas de renvoi, pour cause d’incompétence, à un tribunal spécial. Journal asiatique, nov.-déc. 1867, p. 413. Diodore de Sicile, qui traite avec tant de soin la question de l’organisation et de la procédure judiciaires de l’ancienne Egypte, ne dit pas un mot de l’appel proprement dit. Diodore, ii, 3, Lyon, 1552, p. 91-107. Dans le droit romain lui-même, l’appel n’apparaît que tardivement.En matière civile, il ne fut organisé que sous Auguste; en matière criminelle, il apparaît plus tôt: on en voit les origines, sous les rois, dans des cas exceptionnels; mais, comme institution régulière et permanente, il ne fonctionna que sous l’empire. Daremberg et Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, au mot Appellatio, Paris, 1874, t. i, p. 329-330; Accarias, Précis de droit romain, Paris, 1891, t. ii, p. 758.
3° Les recours aux juges supérieurs, de Moïse à la captivité. À cause des difficultés de la conquête et des guerres sans cesse renaissantes, les prescriptions de Moïse ne furent exécutées que lentement et partiellement. Cesont les juges et les rois qui paraissent seuls remplir les fonctions de la cour supérieure, et qui rendent la justice, soit par suite d’un renvoi à leur tribunal, soit même en première instance. Débora juge sous son palmier, commesaint Louis sous son chêne, Jud., iv, 4-5; Samuel parcourt le pays pour rendre la justice, I Reg., vii, 15-17.; tous les Israélites ont un accès facile auprès des rois, Il Reg., xiv, 4-20; xv, 2-6; III Reg., iii, 16-28. Tantôt les rois écoutaient eux - mêmes les plaideurs, tantôt ils les faisaient examiner par des délégués. II Reg., xv, 3. Puisque David, vers la fin de son règne, distribua danstout Israël six mille lévites, pour être juges et magistrats, I Par., xxiii, 4; xxvi, 29, il est probable qu’il en retint un certain nombre à Jérusalem, pour y former la cour suprême demandée par Moïse; dans tous les cas, ce fut Josaphat, au plus tard, qui, après avoir renouvelé tout le personnel des tribunaux locaux, II Par., xix, 5-7, fondala cour suprême de Jérusalem. Il la composa de prêtres, de lévites et de chefs de famille; puis il lui donna deux présidents: l’un, le grand prêtre, devant surtout s’occuper des affaires religieuses; l’autre, chef de la maison de Juda, devant s’occuper des affaires civiles. Il lui attribua, comme compétence, toutes les causes qui viendraient des tribunaux locaux, soit dans les affaires criminelles, «entre sang et sang,» soit dans les causes civiles. II Par., xix, 8-11. D’après le commentaire que donne de ce texte l’historien Josèphe, Antiq. jud., IX, i, I, on voit que la cour de Jérusalem était surtout destinée à traiter les affaires les plus graves qui lui seraient renvoyées; on reconnaît là la première idée de Moïse. Il est probable aussi que certaines affaires très graves furent peu à peu réservées, même en première instance, à ce tribunal supérieur; mais rien ne nous autorise à en faire une cour d’appel dans le sens strict du mol.
4° Les recours, après la captivité; le grand sanhédrin. Après la captivité, Esdras reçut du roi de Perse, Artaxerxès Longue-Main, le pouvoir de relever les tribunaux et le droit exprès de porter des peines, de prison, d’amende, d’exil et même de mort. I Esdr., vii, 25-20. À cause de l’obscurité qui enveloppe, à partir de cette époque jusqu’aux Machabées, l’histoire d’Israël, nous ne pouvons savoir jusqu’à quel point les intentions d’Esdraspurent être réalisées. Vers le temps des Machabées apparaît le grand sanhédrin. Sur les origines et la composition. de ce tribunal, voir Sanhédrin. À cette époque, il y avait des tribunaux dans toutes les villes d’Israël. Josèphe, Antiq. jud., IV, viii, 14; Mischna, traité Sanhédrin, i, édit. Surenhusius, t. iv, p. 207-214. Quels étaient les rapports des tribunaux inférieurs avec le grand sanhédrin? Deux points les résument: 1° Certaines causes, que nous appellerions aujourd’hui «causes majeures», étaient réservées, même en première instance, au grand sanhédrin; la Mischna les énumère avec soin, traité Sanhédrin, I, 5, t. iv, p. 213. Voici celles qui concernent la matière qui nous occupe, c’est-à-dire les affaires judiciaires: 1. le jugement d’une tribu, ou même d’une villequi, soit en totalité, soit en grande partie, seraient tombées dans l’idolâtrie; 2. le jugement d’un faux prophète (cf. Luc, xiii, 33), ou du grand prêtre, ou d’un ancien rebelle à l’autorité des magistrats de sa ville; 3. l’appréciation pratique des défauts qui empêchaient les Israélitesde recevoir le sacerdoce. Plusieurs auteurs ont fait des commentaires de ces cas réservés au grand sanhédrin. Voir, dans la Mischna, t. iv, p. 213, les commentaires de Barténora, de Maïmonide et de Coccéius; cf. Bücher, Synedrium magnum, dans Ugolini, Thesaurus antiquitatum sacrarum, Venise, 1762, t. xxv, p. 1173-1174; Witsius, De synedriis Hebræorum, dans Ugolini, t. xxv, p. 1215-1220; Daniel Heinrich, De judiciis Hebræorum, dans Ugolini, t. xxvi, p. 71-82; Carpzov, Apparatus antiquitatum sacri codicis, Leipzig, 1748, p. 570-572; etsurtout Selden, qui paraît avoir épuisé la matière dans son ouvrage De synedriis et præfecturis veterum Hebræorum libri tres, Francfort, 1696. — 2° Outre ces cas réservés, le grand sanhédrin statuait en dernier ressort sur les difficultés judiciaires qui lui étaient renvoyées par les tribunaux inférieurs; c’est l’application du texte du Deutéronome, xvii, 8-10, que nous avons expliqué plus haut. Rien ne fut changé dans la nature de ce recours; c'étaient toujours les juges, et non les parties, qui en référaient augrand sanhédrin. Cf. Witsius, De synedriis, 15, dans Ugolini, t. xxvi, p. 1201. On le voit donc, même à cette époque, il n’y avait pas encore d’appel proprement dit; ce n'était qu’un recours plus ou moins général. Dans la Mischna, rédigée vers l’an 200 de notre ère, il n’y a pas de traces sérieuses d’un véritable appel; en matière criminelle, les tribunaux inférieurs pouvaient réformer leur propre sentence, si le condamné, ou même un assistant quelconque (cf. Dan., xiii, 40-62), apportaient à sa décharge des arguments nouveaux, Mischna, traité Sanhédrin, vi, 1, t. iv, p. 233; mais on ne voit nulle part que l’exécution du jugement put être suspendue par le fait d’interjeter appel à un tribunal supérieur. En matière civile, il y avait en général plus de liberté; les tribunaux inférieurs pouvaient réformer leur propre sentence, si les parties apportaient des preuves nouvelles, Mischna, traité Sanhédrin, iii, 8, t. iv, p. 224; cf. la Ghemara de Babylone, traitéSanhédrin, iii, dans Ugolini, t. xxv, p. 702-706 (traduction latine d’Ugolini); de plus, il était permis ordinairement à un créancier de réclamer sa dette soit devant le tribunal local, soit devant un tribunal supérieur; et même, après avoir comparu devant un tribunal local, les partiesmécontentes de ce premier jugement pouvaient porter l’affaire devant un tribunal supérieur, mais à condition (ce qui détruit la notion du véritable appel) d’avoir préalablement exécuté la sentence de la première instance.Cf. Saalschùtz, Das Mosaische Recht, k. 87, p. 598, note. Ainsi l’influence du droit romain, qui, depuis Auguste, reconnaissait si énergiquement le droit d’appel, ne s'était pas encore fait sentir chez les Juifs, qui vivaient toujours, autant que possible, cantonnés dans leurs institutions et leurs coutumes traditionnelles.
II. L’appel de saint Paul a César. — Saint Paul, étant Juif, était justiciable des tribunaux juifs, dans les limites où leur pouvoir judiciaire avait été resserré par les Romains; il reconnaît lui-même, au moins tacitement, l’autorité du grand sanhédrin, Act., xxiii, 1-6; il subit cinq fois, comme il nous l’apprend lui-même, la rigueur des pénalités judaïques. II Cor., xi, 24. Mais aussi il était citoyen romain, et, en cette qualité, il était justiciable des tribunaux impériaux, en sorte que, si l’un de ces tribunaux était une fois légalement saisi d’une affaire criminelle contre sa personne, ce tribunal était compétent, et rien ne pouvait le dessaisir, à moins que l’accusé lui-même n’y consentît. Le cas se présenta, pour saintPaul, au tribunal romain de Césarée. Les Juifs, ennemis acharnés de saint Paul, qui se trouvait alors à Jérusalem (an 58), avaient comploté sa mort; le tribun romain de Jérusalem, Claudius Lysias, voulant le soustraire à leurfureur, le fit enlever pendant la nuit et conduire à Césarée, où demeurait le procurateur de la Judée, Félix, signifiant en même temps à ses accusateurs qu’ils eussent à porter leurs griefs au tribunal du procurateur. Act., xxiii, 12-30. Eu conséquence, les accusateurs juifs, étantdescendus à Césarée, comparurent devant Félix, en même temps que Paul, et formulèrent contre lui leurs accusations. Saint Paul les réfuta et les réduisit au silence. Félix aurait dû le mettre en liberté; mais, sous prétexte de nouvelles informations à recueillir, et au fond pour faireplaisir aux Juifs, il retint saint Paul en prison, lui laissant toutefois une certaine liberté. Au bout de deux ans, Félix est remplacé, comme procurateur, par Festus. Les Juifs demandent à celui-ci la condamnation à mort de Paul.Act., xxv, 15. Le procurateur refuse, alléguant la loi romaine, qui défend de condamner un accusé sans l’avoir entendu, et il invite les accusateurs de Paul à se présenter à son tribunal à Césarée, pour formuler leurs plaintes. En effet (vers l’an 60), les accusateurs juifs, ayant comparu avec Paul devant Festus, renouvelèrent les mêmes accusations qu’ils avaient déjà formulées, deux ans auparavant, devant Félix; mais ils ne purent pas davantage les prouver, et de nouveau Paul les réduisit au silence. Act., xxv, 6-9. C’est ici que se place son appel à César.
Les ennemis de saint Paul avaient conjuré Festus de renvoyer son accusé devant le sanhédrin de Jérusalem, comme pour l’y faire juger suivant leur loi, mais en réalité pour avoir l’occasion d’exécuter, pendant le voyage, l’infâme complot tramé contre sa vie deux ans auparavant. Act., xxv, 3; cf. xxiii, 12-15. Festus ignorait sans doute cet odieux dessein des Juifs. Quoi qu’il en soit, pour leur faire plaisir, il forma le projet de leur accorder cette demande, et de renvoyer Paul devant le sanhédrin; il fallaitpour cela, comme nous l’avons dit, son consentement: «Veux-tu, lui dit Festus, aller à Jérusalem, et y être jugé, devant moi, sur tous ces chefs?» Ces mots «devant moi» signifiaient que, le sanhédrin ayant porté sa sentence, le procurateur, suivant son droit, la reviserait, et au besoinla réformerait. Saint Paul ne se laissa pas tromper par ces paroles insidieuses. Le renvoi à Jérusalem était pour lui la mort certaine; il n’ignorait pas le complot des Juifs contre sa vie, Act., xxiii, 16; il savait que le sanhédrin voulait à tout prix le condamner à mort, et que peut-être Festus, qui avait déjà donné plusieurs marques de lâche complaisance aux Juifs, n’aurait pas le courage de résister à leur fureur. Il déclare donc qu’il ne veut pas être renvoyé à Jérusalem: «Je suis, dit-il, devant le tribunal de César (appelant de ce nom le tribunal du procurateur, légat et vicaire de César; cf. D., 1, xix. De officio procuratoris Cæsaris, 1. i), c’est ici que je dois être jugé; si je suis coupable, je ne refuse pas la mort; mais, puisque je suis innocent, personne ne peut me sacrifier aux Juifs. J’en appelle à César, Kαίσαρα ἐπικαλοῦμαι.» Act., xxv, 11.
Sans doute le procurateur n’avait pas encore porté de sentence définitive; mais la loi romaine permettait d’appeler même d’une sentence interlocutoire, c’est-à-dire d’une décision rendue, au cours de la procédure, sur unequestion incidente, quand cette décision était manifestement contraire aux lois i cf. D., XLIX, v, De appellationibus recipiendis, 1. H), et surtout quand cette décision était de nature à causer à l’accusé un dommage rable. Cf. Voetius, Ad Pandectas, De appellationibus et relationibus, XLIX, i, n- 12, Venise, 1828, t. VI, p. 308.C'était le cas pour le décret de renvoi au sanhédrin.Saint Paul avait donc le droit d’en appeler à César. Aussi Festus, ayant délibéré quelque temps avec ses assesseurs, revint et dit: «Tu en as appelé à César, tu iras à César.» L’appel de Paul n'était que conditionnel, puisque le décret de renvoi n'était pas porté, mais seulement proposé. Cf. Kuinoel, In Actus Apost., xxv, n° 12; Beelen, In Actus Apost., xxv, 11, p. 551. Par l’acceptation de Festus, l’appel devint absolu. Dès lors il produisit tout son effet, c’est-à-dire qu’il suspendit complètement la juridiction du procurateur dans cette affaire. En effet, d’après la loi romaine, l’appel une fois interjeté, le juge ne pouvait plus rien contre l’appelant; s’il faisait quelque acte à son préjudice, cet acte était réputé «une violence publique». D., XLVIII, vi, Ad legem Juliam de vi publica, 1. vu. Cf. Daremberg et Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, au mot Appellatio. Bien plus, aprèsl’appel, le juge ne pouvait rien faire même en faveur de l’appelant. C’est ce qui explique ces paroles d’Agrippa à Festus, tous deux convaincus de l’innocence de Paul: «Si cet homme n’en avait pas appelé à César, on aurait pu le renvoyer absous.» Act., xxvi, 32. Dans l’affaire de cet appel, saint Paul n’avait pas été guidé seulement par le désir d'échapper à la mort: il avait des vues plus hautes; dès l’an 57, étant à Éphèse, il manifesta clairement l’intention d’aller à Rome, Act., xix, 21; en 58, étant à Corinthe, il écrivit aux Romains, et leur témoigna le vif désir qu’ilavait de les voir, pour leur communiquer les dons de Dieu. Rom., i, 10-12. La même année, à Jérusalem, Jésus lui apparut et l’assura qu’il lui rendrait témoignage à Rome, comme il le faisait à Jérusalem. Act., xxiii, 11.
Les Actes racontent comment cet appel lut suivi. Festus envoya Paul à Rome; c’est ainsi que les procurateurs envoyaient à la capitale les citoyens romains de leur province qui en avaient appelé à l’empereur. Pline, Epist. x, 97. Paul, étant arrivé à Rome, attendit pendant deux ans sa comparution devant l’empereur Néron, ou plutôt devant le conseil chargé de juger les appels faits à César.Cf. Daremberg et Saglio, Dictionnaire, au mot Appellatio. Du reste, il jouit pendant ce temps d’une assez grande liberté, habitant dans une maison louée par lui, accompagné du soldat qui le gardait, mais pouvant recevoir tous ceux qui se présentaient. Act., xxviii, 30-31. C'était la «garde militaire», custodia militaris, prévue par les lois romaines. Ct. D., XLV1II, iii, De Custodia reorum, 1. i, xii, xiv. Enfin Paul comparut devant le conseil impérial; d’après toutes les vraisemblances, c’est de cette comparution qu’il faut entendre les paroles de saint Paul à Timothée, II Tim., iv, 16-18; suivant ce texte, personne n’osa assister l’Apôtre dans le pressant danger qu’il courait; mais le Seigneur Jésus lui tint lieu de tout, le secourut, le fortifia, et «il fut délivré de la gueule du lion». — Sur l’appel de saint Paul à César, voir surtout Krebs, De provocatione Pauli ad Cæsarem, dans ses Opuscula academica, Leipzig, 1783, p. 143; Santoroccius, Dissertatio de Pauli ad Cæsarem appellatione, Marbourg, 1721.
S. Many.
APPHAIM (hébreu: ʾAppaim, «narines;» Septante: Ἀπφαίμ), fils de Nadab, de la tribu de Juda.I Par., ii, 30-31.
APPHUS (Septante: Ἀπφαῦς), surnom de Jonathas Machabée. I Mach., ii, 5. C’est probablement le nom hébreu ḥappuš, «rusé, habile.»
APPIA (Ἀπφία), chrétienne du Ier siècle. Dans son épître à Philémon, 2, saint Paul souhaite grâce et paix à Appia, sa sœur très chère. Saint Jean Chrysostome, Théodoret et d’autres exégètes à leur suite ont cru qu’elleétait l'épouse de Philémon. Appia faisait certainement partie de la maison de celui-ci; elle est nommée dans les martyrologes latins et les ménologes grecs au 22 novembre, avec Philémon, dont elle aurait partagé le martyre. Voir Philémon.
E. Jacquier.
APPIUS (FORUM D')(Ἀππίου φόρον, Appii Forum), station postale de l’antique voie Appienne, située au milieu des marais Pontins, où les fidèles de Rome allèrent à la rencontre de saint Paul, quand il était conduit captifà la capitale de l’Empire pour être jugé par César. Act., xxviii, 15.
Saint Paul, après avoir fait naufrage à Malte, avait été emmené en Italie par un nouveau navire alexandrin, qui avait débarqué à Pouzzoles. De là il avait pris directement la route de Rome. C’est ce qui résulte des expressions desaint Luc, qui voyageait avec lui; aussitôt après avoir nommé Pouzzoles, il ajoute: καὶ οὕτως εἰς τὴν Ρώμην ἤλθομεν, «et ainsi nous allâmes à Rome.» Act., xxviii, 14. De Pouzzoles, on pouvait se diriger sur Capoue pour prendre directement la voie Appienne, ou bien longer le littoral jusqu'à Gaète, et aller de là à Terracine pour rejoindre la voie Appienne qui menait à Rome. Les Actes ne nous font pas connaître lequel de ces deux chemins fut suivi par l’Apôtre; mais un ancien apocryphe grec, quidécrit le voyage de saint Paul, raconte que de Pouzzoles il alla à Baïes et de là à Anxur (Terracine). Ce même écrit apocryphe nomme une autre station jusqu’ici inconnue de la via Appia, Bικουσάραπι, «Bourg de Sérapis». Voirde Rossi, Bulletino di archeologia cristiana, 1883, p. 87. L’Apôtre entra ainsi dans les marais Pontins, où, à la station du Forum d’Appius, il trouva, à sa grande consolation, les frères qui étaient venus à sa rencontre. Il eut ensuite la même consolation aux Trois-Tavernes (voir Trois Tavernes), où d’autres frères étaient venus également au-devant de lui.
Le Forum d’Appius fut peut-être établi quand Appius Claudius l’Aveugle construisit la voie Appienne, c’est-à-dire en l’année 442 de Rome, et c’est de lui qu’il tira son nom. Ce fut d’abord un lieu de repos, une halte.Quelques marchands commencèrent bientôt à s’y rassembler pour se livrer à leur commerce et tenir un marché (forum), de sorte qu’ils formèrent peu à peu un centre d’habitation qui, par la suite des temps, se transforma en une grosse bourgade, dont l’origine ne fut pas différente de celle de quelques autres villes d’Italie, telles par exemple que Forum Livii (Forli), Forum Sempronii (Fossombrone).
La position du Forum Appii peut se déterminer exactement au moyen des Itinéraires de l'époque impériale. (Pour ces Itinéraires, voir le Corpus inscriptionum latinarum, t. x, p. 683 et suiv.) D’après ces documents, elle était distante de Rome de 43 milles, sur la voie Appienne; mais comme le tracé de cette route célèbre, dans la partie comprise entre les monts Lepini et la mer, n'était pas complètement connu avant les grands travaux d’assainissement exécutés sous le pontificat de Pie VI, dans les marais Pontins, les opinions des savants étaient partagées surla situation du lieu correspondant à cette ancienne bourgade.
Quelques-uns, supposant que l’antique via Appia, à cause des marais situés entre Velletri et Terracine, passait sous les monts Lepini par Sulmona, Sezze et Piperno, croyaient que le Forum d’Appius correspondait à la localité où se trouve aujourd’hui le couvent de Fossa Nuova. Voir la carte, fig. 188. Cluverius, Italia antiqua, 1. iii, le plaçait à Maruti, entre Piperno et Terracine; Pierre Comestor la cherchait au contraire sur le littoral. In Act. Apost., cxix, Migne, Patr. lat., t. cxcviii, col. 1720.
Mais admettrait - on que l’ancienne route postale de Naples par Sezze et Piperno existât déjà à l'époque romaine, il n’en résulterait pas comme conséquence qu’il n’y avait pas de route au milieu des marais Pontins, ilest même certain qu’une route les traversait, quelque incommode et fatigante qu’elle put être, parce qu’elle était presque toujours couverte par les eaux, ce qui faisait que beaucoup préféraient aller en barque dans les canaux. C’est ce que nous apprend Strabon, v, 3, 6, et aussi Horace, dans la belle description du voyage qu’il fit à Brindisi, l’an 713 de Rome. Le poète indique le Forum Appii sur la voie consulaire, non loin d’Aricie, au milieu des marais, si
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188. — Forum d’Appius et ses environs.
Les chiffres romains indiquent les Millia passuum ab urbe.
bien qu’il était entouré de barques qui transportaient les voyageurs au milieu de l’eau:
Egressum magna me excepit Aricia Roma
Hospitio modico; rhetor cornes Heliodorus,
Græcorum longe doctissimus; inde Forum Appt
Diflertum nautis, cauponibus atque malignis.
Le poète continue à raconter son voyage en bateaujusqu’au temple de Féronia, dans le voisinage de Terrarine, où il se lave les mains et le visage dans les eaux sacrées de cette déesse; puis il monte sur un char, et arrive ainsi à Anxur:
Ora manusque tua lavimus, Feronia, lympha.
Millia’tum pransi tria repimus, atque subimus
Impositum saxis late candentibus Anxur.
Pour supprimer cette navigation incommode, Tqajan fitexhausser la voie Appienne dans la partie où elle traversait les marais, et il la fit paver avec de grandes pierres, comme l’atteste Dion Cassius, lxviii, 15. Galien dit la même chose, Method. med., ix, 8. Les inscriptions confirment leur témoignage, et nous apprennent de plus que le pavage de cette partie de la via Appia fut commencé par Nerva et achevé par Trajan. Il suffira de citer une seule de ces inscriptions, qui fut trouvée pendant les travaux exécutés par Pie VI, et qu’on voit encore aujourd’hui sur la voie Appienne au Forum d’Appius. Cf. Nicolai, De' bonificamenti délle terre pontine, Rome, 1800, p. 94.
IMP. CAESAR
NERVA. AVG. GERM
PONTIF. MAX. TRIB.
POTEST. III. COS. IIII. P. P.
VIAM. A. TRIPONTIO. AD
FORVM. APPI. EX. GLAREA
SILICE. STERNENDAM
SVA. PECVNIA. INCHOAVIT
IMP. CAESAR
NERVA. DIVI. NERVæ. f.
TRAIANVS. AVG
GERM. Pont. mAX
TRIB. POTEST. COS. III. P. p
CONSVMMAVIT
De tout cela, on peut conclure avec certitude que la station du Forum d’Appius fut toujours dans les marais, là même où fut trouvée, avec plusieurs autres, pendant les travaux d’assainissement, près du 43e mille de Rome, l’inscription qui vient d'être rapportée, et où l’on découvrit aussi des restes de constructions antiques. Quand saint Paul alla à Rome, en l’an 60 de notre ère, cette partie de la route était donc encore dans l'état où la décrivent Strabon et Horace, c’est-à-dire noyée en grande partie dans les eaux stagnantes; par conséquent, il est très probable que l’Apôtre, lui aussi, fît ce trajet en barque comme le poète, et cet état de choses peut nous expliquer pourquoi les fidèles vinrent à sa rencontre au Forum d’Appius et n’allèrent pas plus loin.
H. Marucchi.
APPONIUS, auteur ecclésiastique du VIe siècle, qui composa un Commentaire sur le Cantique des cantiques. On croit qu’il était moine et italien: il adresse son travail à un prêtre du nom d’Arménius, le même probablement auquel écrivit Agnel, évêque de Ravenne en 558. D’après le cardinal Mai, Classici scriptores, t. v, p. 367, il fut contemporain du pape Vigile et de Justinien. Son commentaire, divisé en douze livres, est un ouvrage de beaucoup de science, solide et bien écrit; aussi fut-il souvent cité, en particulier par le vénérable Bède. Patr. lat., t. xci, col. 1162. Pour l’auteur, le Cantique des cantiques est une allégorie de l’alliance de Jésus-Christ avec son Église. On voit qu’il suit les Septante; il se sert cependant, comme il le dit du reste, du texte hébreu. Ce commentaire est encore précieux pour la confirmation qu’on y trouve de plusieurs vérités traditionnelles, par exemple, du pouvoir des clefs confié à l'Église. Il a été imprimé à Fribourg en 1538. On trouve les six premiers livres dans le tome xiv de la Maxima Bibliotheca veterum Patrum, in-f°, Lyon, 1677, p. 98-128. Le cardinal Mai a publié les livres vii, viii et une partie du ix°, dans le Spicilegium romanum, in-8°, Rome, 1839-1844, t. v, p. 1-85. Le commentaire d’Apponius a été abrégé par Luc du Mont-Cornillon. Voir Ceillier, Histoire des auteurs sacrés, 1862, t. xi, p. 807.
E. Levesque.
APRIÈS, pharaon de la xxvi* dynastie égyptienne, ainsi nommé par les Grecs, mais appelé Éphrée dans laVulgate. Jer., xiiv, 30. On l’appelle aujourd’hui communément Hophra. Voir Éphrée.
APROSIO Angelico, polygraphe italien, dont les critiques vantent à juste titre l'érudition et le goût littéraire, né à Vintimille, en 1607, mort en 1681. Tout jeune encore, il revêtit l’habit des ermites de Saint-Augustin, et se livra avec une sorte de passion aux études tant sacrées que profanes. Celles-ci toutefois eurent la préférence et nous ont valu plusieurs ouvrages, dont quelques-uns sont encore consultés avec fruit, mais qui ne sont pas de notre sujet. Le seul de ses écrits qui intéresse directement les études bibliques est une série de leçons qu’il fit sur le prophète Jonas, dans l'église Notre-Dame de la Consolation, à Gènes, Prælectiones in prophetamJonam, Gènes, 1649 et 1650. Voir Soprani, Scrittori della Liguria, p. 23; Bayle, Dictionnaire historique et critique, 5e édition, p. 396, note c.
M. Férotin.
APTHORP East, théologien anglican, né à Boston en1733, mort en Angleterre, le 7 avril 1816. Il exerça leministère pastoral aux États-Unis. En 1765, il alla enAngleterre, où il reçut diverses dignités dans l'égliseétablie. Vers 1793, il se retira à Cambridge et y passa les dernières années de sa vie. On a de lui A Letter on the Prevalence of Christianity before its civil Establishment, Londres, 1778; Discourses on Prophecy, 2 in-8°, Londres, 1786. Voir Gentleman’s Magazine, année 1810.
AQUARO (Mathias de), ou plus exactement Mathius Yvone de Gibbonis, dominicain italien, était originaire de la bourgade d’Aquaro, dans la Calabre. Il mourut en 1591. Il entra, à peine sorti de l’enfance, chez les Dominicains du couvent de Saint-Pierre-Martyr, à Naples, et occupa dans la suite quelques-unes des chaires les plusimportantes de son ordre. Il a laissé des travaux importants sur la théologie scholastique et un ouvrage sur la Sainte Écriture, dont nous ne connaissons malheureusement que le titre: Postilla in xii prophetas minores et alla Scripturæ Sacræ loca difficilia. Les auteurs de l’histoire littéraire des Dominicains ignorent même si ce travail a été publié. Voir Quétif-Echard, Scriptores ord. Prædicatorum, t. ii, p. 302-303.
M. Férotin.
AQUEDUC (hébreu: ṭeʿâlâh, I (III) Reg., xviii, 32, 35; II (IV) Reg., xviii, 17; xx, 20; Is., vii, 3; xxxvi, 2; Ezech., xxxiv, 4; une fois ṣinnôr, II Reg., v, 8; Septante: ὑδραγωγός; Vulgate: aquæductus).
1o Insuffisance des eaux à Jérusalem. — Dès les temps les plus reculés, la nécessité a obligé les anciens Juifs à exécuter des travaux considérables pour s’assurer la possession d’eaux potables et suffisantes, surtout dans les villes bâties à une certaine altitude. À Jérusalem, en particulier, la question des eaux a vivement préoccupé les anciens rois.La ville ne possédait que deux sources d’eau potable: la source de Gihon ou de la Vierge, sur le flanc oriental de la colline d’Ophel, et le Bir-Ayoub (puits de Job), l’ancienne En-Rogel, III Reg., i, 9, qui n’est pas une source proprement dite, mais un puits, situé au confluent des deux vallées du Cédronet de Ghé-Ben-Hinnom. Mais les Hébreux donnaient parfois indifféremment le nom de ʿen (source), comme les Arabes d’aujourd’hui donnent celui de aïn, aux sources et aux puits. Guérin, Jérusalem, p.202.
2o Les travaux hydrauliques à l’intérieur de la ville. — Dans les souterrains du couvent de l’Ecce-Homo, fondé par le P. Ratisbonne, sur l’emplacement de la cour de l’ancienne Antonia, on a trouvé une source assez abondante, qui vient du nord et de plus haut; mais l’eau en est saumâtre et difficilement potable. D’après certaines conjectures, elle alimentait autrefois la piscine de Strouthion, à l’angle septentrional de l’Antonia. Josèphe, Bell. jud., V, xi, 4. Dans les sous-sols du couvent de l’Ecce-Homo, il existe aussi deux piscines parallèles, séparées par un gros mur. La première est remplie d’eau. De l’angle sud-ouest de la seconde part un tunnel taillé dans le roc et pouvant donner passage à un homme. C’est un aqueduc qui conduisait autrefois l’eau de cette piscine dans l’enceinte du temple. Il se dirige au sud sur un parcours de 60 mètres, au sud-est pendant 17 mètres, et à l’est sur une longueur de 5 mètres. Là il se heurte à un mur que les Turcs ont fait construire pour empêcher l’accès du Haram.
Il est possible que la source de l’Ecce-Homo ait coulé primitivement au fond de la vallée du Tyropœon. Plusieurs pensent cependant que ses eaux ne proviennent pas d’une source antique, mais sont le résultat de suintements. Toujours est-il qu'à une époque très ancienne, la vallée a livré passage à des eaux auxquelles il a fallu ménager une issue, quand les constructions s’y sont multipliées. Il y existe encore, sous une masse de décombres qui a 25 mètres de profondeur, un travail hydraulique que les explorateurs anglais Warren et Wilson n’hésitent pas à faire remonter jusqu’au temps des rois de Juda, et probablement de Salomon. Au-dessous de l’arche de Robinson, à l’angle sud-ouest du Haram, ils ont retrouvé le pavage d’une ancienne rue basse. Ce pavage crevé, les explorateurs ont atteint le fond même du ravin, et y ont vu en place les voussoirs du premier pont construit au-dessus du lit du canal. Les principes de la voûte, familiers aux Phéniciens, élèves des Égyptiens et des Assyriens, sont appliqués dans cette antique construction (fig. 189). Le fond de la vallée était sans doute occupé par les maisons des artisans dont l’industrie avait besoin d’eau. Un ruisseau coule encore lentement parmi les décombres, au fond du ravin, sans qu’on ait pu en découvrir la source. Aux abords de l’arche de Robinson, on avait creusé dans le roc même la cuvette du canal.
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189. — Canal voûté au fond de la vallée du Tyropœon.
De loin en loin, ce canal s'élargissait de manière à former des bassins plus profonds et plus spacieux, dans lesquels on pouvait puiser par des ouvertures ménagées dans la voûte qui plus tard recouvrit le fond du ravin. Wilson et Warren, The Recovery of Jerusalem, t. i, p. 76-107.
En somme, les habitants de Jérusalem ne pouvaientguère compter que sur la source appelée aujourd’hui de la Vierge et sur l’eau du ciel. La pluie tombe à Jérusalem en grande quantité pendant les mois d’hiver; on la recueillait dans des citernes et des piscines; mais elle était endanger de se corrompre ou de s'évaporer rapidement, et le service du temple et les besoins d’une population croissante réclamaient l’eau en abondance.
3o Les aqueducs des Étangs de Salomon. — Il fallut donc songer à capter des sources assez éloignées et à en conduire l’eau vive jusque dans la ville. Un travail de ce genre fut peut-être exécuté par Salomon. C’est à ce prince, en effet, que la tradition attribue la première adductiond’eaux lointaines jusqu'à la capitale. Il serait allé les chercher jusqu'à Étham, à environ quatre kilomètres au sud-ouest de Bethléhem. Dans le fond d’une vallée étroite et profonde, située à cet endroit et nommée aujourd’hui Ouadi Ourtas, Salomon avait établi, suppose-t-on, son «jardin fermé», Eccl., Il, 5, auquel une fertilité merveilleuse était assurée par la chaleur concentrée et par l’abondance des eaux de l’Ain Ourtas. Les belles eaux de cette source furent plus tard conduites à Hérodium, par Hérode, au moyen d’un aqueduc dont on retrouve encore çà et là des tronçons. Liévin, Guide de la Terre Sainte, 3eédit., t. ii, p.91. À l’ouest du jardin de l’Ouadi Ourtas, il existe de vastes piscines, auxquelles Salomon semble faire allusion, Eccl., ii, 6, et qui sont connues sous le nom d'Étangsou de Vasques de Salomon. L'Écriture ne parle pas expressément de ces travaux, mais la tradition les attribue à ce roi. «Nous pouvons croire, dit le capitaine Warren, que les Étangs de Salomon existaient ou furent construits à l'époque de ce prince.» Underground Jérusalem, p.129.Cette croyance est d’ailleurs conforme à l’ancienne tradition juive. Josèphe, Ant. jud., VIII, vil, 3; Talmud, Jorna, v. 31 a; Zebachim, t. 54 b. Les piscines, qui sont au nombre de trois, déversent leurs edux l’une dans l’autre, et sont surtout remarquables par leurs dimensions. La première, à l’est, est précédée d’un contrefort qui sert à retenir les eaux, et au milieu duquel une petite porte de fer peut leur donner passage. Cette piscine a 177 mètres de long, 64 mètres de large et 15 mètres de profondeur; la seconde, distante de la première de 48 mètres, a 129 mètres de long, 70 de large et 12 de profondeur; enfinle bassin supérieur, à 49 mètres de distance du précédent, mesure 116 mètres de long, 70 de large, et de 7 à 8 deprofondeur. Chacun des bassins est élevé de quelquesmètres au-dessus du précédent (fig. 190). Tous trois sont en partie creusés dans le roc, et en partie construits enmaçonnerie. À cent trente pas du bassin supérieur, et toutprès de la ligne de partage des eaux entre les versants dela mer Morte et de la Méditerranée, se trouve la sourcequi fut la première à alimenter les étangs. C’est la fontaineappelée Ras el-Aïn (tête de la source), ou Aîn-Saléh(bonne source). Ce serait la «fontaine scellée» deSalomon. Cant., iv, 12. Guérin, Description de la Judée, t. iii, p. 112. Souterraine et de difficile accès, elle est encore à 60 mètres au-dessus de l’ancienne plate-forme du temple, qui est elle-même à 754 mètres d’altitude. Il était donc possible d’en conduire les eaux jusqu'à Jérusalem.
La fontaine se déverse d’abord dans un couloir voûté, qui amène ses eaux jusqu'à un réservoir également voûté, surmonté d’une construction circulaire, près du vieuxQala’at el-Bourak (château des bassins), à quelques mètresau nord de l'étang supérieur. De là les eaux se partagentpour être dirigées les unes vers les étangs, les autresvers Bethléhem et Jérusalem. Trois aqueducs prenaientautrefois cette dernière direction, selon Warren, qui n’apu retrouver les traces que du plus élevé et du plus bas.L’aqueduc le plus élevé, dont on peut suivre les tronçons jusqu'à Bethléhem, n'était pas horizontal; mais en certains endroits il formait siphon, et, à raison de cette disposition, se composait de tuyaux en pierre emboîtés lesuns dans les autres. Il devait amener les eaux dans lesparties les plus élevées de la capitale. Son trop-plein, se déchargeait dans les étangs; aujourd’hui qu’il est enruines, toutes ses eaux s’y jettent. L’aqueduc inférieursubsiste encore de nos jours, et sert à amener les eauxà Jérusalem; mais il ne reste guère plus de deux ou troisans sans avoir besoin de réparations, à cause de l’affluence des eaux qui s’y pressent pendant l’hiver. Il est maçonnéà la chaux, et, grâce à des jours ménagés de distanceen distance, on peut voir couler l’eau et y puiser. Partid’Etham, il suit les courbes de niveau de manière à conserver une faible pente.
190. — Vasques de Salomon. D’après une photographie.
Il contourne l’Ouadi Sahhine au nord, redescend ensuite au sud de Bethléhem, qu’il alimente d’eau, reprend la direction du nord à l’est de la ville, passe près du tombeau de Rachel et de Mar Elias, atteint Jérusalem près de la porte de Jaffa, un peu audessus du Birket es-Sultan, redescend brusquement pourcontourner l’ancien mur méridional de Sion, longe la pente occidentale de la vallée du Tyropœon, et enfin pénètre dans le Haram par le Bab es-Silséleh (fig. 191). Mais, avant de franchir cette porte, l’aqueduc alimente la belle fontaine appelée Aïn-Sébil, et, de l’autre côté de la rue, celle qui jaillit à l’intérieur du méhkémeh (tribunal civil). Cet aqueduc fournissait autrefois, conjointement avec les deux autres, l’eau nécessaire au service du temple, comme il le fait encore pour le Haram ech-Chérif. C'était vraisemblablement la fontaine intarissable, fons aquæ perennis, que Tacite mentionne dans sa description du temple. Hist., V, xii. Bien qu’il soit impossible de déterminer quelle part Salomon prit à ce travail, on peut admettre qu’il y a mis la main le premier. «S’il a construit des piscines destinées à arroser les superbes jardins qu’il avait plantés, notamment dans la vallée d’Etham, n’a-t-il pas dû en même temps songer à approvisionner suffisamment d’eau et sa capitale et le temple?» Guérin, Description de la Palestine, t. iii, p. 114.
Mais, dès le temps de Salomon, il fallut bien pourvoir à l'écoulement du sang des victimes du temple, qui était versé au pied de l’autel, et de toutes les eaux qui avaient servi aux purifications. L’autel des holocaustes s'élevaitprobablement au-dessus d’une citerne appartenant à l’ancienne aire d’Oman.
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191. — Aqueducs anciens au sud de Jérusalem.
Au fond de cette citerne est un canal souterrain, que les musulmans appellent Bir el-Arouah (puits des âmes), et qui ne serait autre que l’ancien conduit par où le sang et les eaux s'écoulaient jusqu’au torrent du Cédron. Guérin, Jérusalem, p. 3C8. À la suite de fouilles entreprises en 1853 pas de Saulcy, et continuées ensuite parles explorateurs anglais, on a découvert ausud de la muraille du Haram, sur le palier de l’ancienne triple porte du temple, un puits (fig. 192) donnant accès à un système de galeries qui servaient à l'écoulement des «aux employées dans les sacrifices (fig. 193). De Saulcy, Voyage en Terre Sainte, t. ii, p. 9.
4° L’aqueduc de l’Aïn Mogâret. — À mesure que s’accrut la population de Jérusalem, le besoin d’eaux plus abondantes se fit sentir, et l’on songea à capter d’autres sources que celle de Ras el-Aïn. À cinq lieues au sud d'Étham, sur la route qui mène à Hébron, se trouve la source Aïn Mogâret (source de la grotte). Dans une grotte en partie naturelle et en partie artificielle, se rassemblent les eaux des coteaux supérieurs. On a relié cette source à celled'Étham par un aqueduc tantôt taillé dans le rocher, et tantôt construit en pierres à bossage. Cet aqueduc est ancien, mais d’une époque difficile à déterminer. Il côtoie à peu près la route pendant quatre kilomètres, puis suitle thalweg de l’Ouadi Biâr (vallée des puits), ainsi nommé à cause des regards pratiqués dans l’aqueduc,
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192. — Galeries pour l'écoulement des eaux du Temple.
CC, mur de l’enceinte du Temple. — A, puits de construction moderne. — B, trou. — bb, porte.
et au moyen desquels on pouvait arroser la vallée et la fertiliser. Cetaqueduc jette ses eaux dans celui du Ras el-Aïn, à l’est des étangs.
5° L’aqueduc de l’Aïn Aroub. — Le procurateur Ponce Pilate entreprit à son tour d’enrichir les anciens aqueducs des eaux de l’Aïn Aroub, à onze kilomètres d'Étharn, toujours dans la direction d’ilébron. L’Aïn Aroub est unesource d’eau potable ordinairement très abondante. L’eau monte dans plusieurs puits, d’où elle se déversait dansune grande piscine, à 940 mètres d’altitude.
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193. — Puits d’accèB des galeries devant la triple porte.Coupe suivant d, e, f, g de la figure 192.
De là partait l’aqueduc de Pilate. Pour subvenir aux frais nécessités par ce travail et par la réparation des anciens aqueducs, le procurateur puisa directement dans le corban ou trésor du temple. Une émeute s’ensuivit. Pour la réprimer, Pilate fit déguiser ses soldats, et les envoya dans les parvis dutemple faire un grand massacre de Juifs. Josèphe, Bell. jud., II, îx, 4. Cet aqueduc fait des détours immenses, en cherchant toujours le niveau, et il va rejoindre celui de Ras et Ain, près des Étangs de Salomon. Bien que la distance d’Ain Aroub à Jérusalem ne soit que de cinq lieues, Josèphe dit que Pilate lit venir des eaux éloignées de deux cents stades (dix lieues). Ant.jud., XVIII, iii, 2. L’aqueduc, en effet, à raison de ses détours, a pour le moinscinquante kilomètres de longueur (fig. 191). C’est un canal quadrangulaire, de m 70 de large. Liévin, Guide, t. i, p. 400; t. ii, p. 89-95; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. iii, p. 503; Palestine Exploration Fund, Quaterly Stalement, 1875, p. 71; Dr Schick, Die Vasserversorgung Jerusalems, dans la Zeitschrift der deutschen Palästina - Vereins, t. i, p. 132 et suiv.; Bädeker, Palästina und Syrien, 1891, p. 133. 6° L’aqueduc de la piscine d'Ézéchias. — Isaïe fait
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194. — Tracé de l’aqueduc de Siloé.
allusion à une piscine creusée par Ézéchias au moment où la ville s’attendait à l’arrivée des Assyriens: «Vous avez fait un bassin entre les deux murs pour les eaux de l’ancienne piscine.» Is., xxii, 11. Cette ancienne piscine est le Birket Mamillah, que Josèphe appelle piscine des Serpents. Bell. jud., V, xii, 2. Elle se trouvait en dehors des murs, à environ six cents mètres de la porte actuelle de Jaffa et de la tour de David. Dans l’angle extérieur que l’enceinte de Sion faisait avec celle d’Acra, Ézéchias creusa une nouvelle piscine, l’Hammam el-Batrak actuel, autrefois l’Amygdalon. Un aqueduc de près de huit cents mètres y amenait les eaux de l’ancienne piscine, dont le niveau est d’une vingtaine de mètres plus élevé. Cet aqueduc existait déjà antérieurement. C’est à son extrémité qu’Isaïe interpella Achaz. Is., vii, 3. Ézéchias ne fit donc en cetendroit que creuser une nouvelle piscine. Puis, pour mettre à l’abri le nouveau bassin, il l’entoura d’une enceinte appelée enceinte d'Ézéchias. L’aqueduc existe encore, en partie creusé dans le roc et en partie maçonné, et il continue à verser dans la piscine inférieure le trop-plein du Birket Mamillah. Ce fut aussi auprès de cet aqueduc, vers la piscine supérieure, que les parlementaires assyriens notifièrent aux officiers d'Ézéchias l’ultimatum de Sennachérib. IV Reg., xviii, 17; Is., xxxvi, 2.
7° Les aqueducs de Siloé. — Mais les travaux d’hydraulique les plus curieux sont ceux que les Hébreux exécutèrent pour canaliser les eaux de la fontaine Gihon ou de la Vierge, qui émerge sur la pente orientale de la colline d’Ophel. Quand David assiégea Jébus, il promit une récompense à celui qui frapperait un Jébuséen et «atteindrait l’aqueduc (sinnôr)». II Reg., v, 8. Ce passage a suggéré l’idée que les Jébuséens avaient anciennement pratiqué une conduite à ciel ouvert, pour faire arriverles eaux de la fontaine jusqu’au sud de la colline, à la piscine de Siloé. Grâce à cette rigole, les eaux restaient à la disposition des habitants, au lieu de se perdre inutilement dans les pierres de la vallée du Cédron. VoirBirch, Palestine Exploration Fund, Quaterly Statement, 1884, p. 75, et le tracé conjectural de ce canal (fig. 194).
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195. — Galeries primitives donnant accès de l’intérieur de la ville à la Fontaine de la Vierge. A, Fontaine de la Vierge. — DF, pente d’Ophel. — D, Entrée de la galerie. — CBOr, galerie Eouterraine. — G-, endroit où l’on puisait. — E, ancien puits.
Mais cette source était la principale, sinon la seule, de celles qui pouvaient alors alimenter directement la ville. Car rien de plus facile à un assiégeant que d’intercepter les aqueducs d'Étham, quand ils eurent été construits, etde priver d’eau les habitants, en accablant de traits ceux qui sortaient des murailles pour aller puiser à la fontaine de la Vierge. Aussi, sous David ou ses premiers successeurs, on pratiqua dans les escarpements de la collined’Ophel un système de puits et de galeries permettant d’arriver par l’intérieur du sol jusqu'à la nappe d’eau, et d’y puiser avec des seaux, sans avoir rien à craindre des traits de l’ennemi. Le puits avait son ouverture en haut de la colline, probablement à l’abri de la muraille, à une quarantaine de mètres au-dessus de la nappe d’eau. Il est probable qu’on chercha d’abord à descendre verticalement, comme l’indique un premier puits abandonné en E (fig. 195). Mais ensuite on préféra arriver jusqu'à l’eau par des galènes horizontales ou en pente douce. Ces galeries, qui s'étendent de C en G, ont près de quarante mètres de développement. C’est du point G qu’on puisait l’eau au moyen de seaux. Voir Wilson et Warren, The Recovery of Jérusalem, p. 243-252. Ces travaux avaient l’inconvénient de laisser la jouissance de la source aux assiégeants aussi bien qu’aux assiégés.
Sous Ézéchias, on entreprit une œuvre bien plus hardie, qui avait pour but de soustraire complètement à l’ennemi l’usage de la source, en ménageant aux eaux un débouché sur le versant sud-ouest de la colline. Le roi «boucha la sortie des eaux de Gihon d’en haut, et les dirigea pardessous, à l’occident de la cité de David». II Par., xxxii, 30; IV Reg., xx, 20. Cet ouvrage fit grand honneur au prince, car cinq cents ans plus tard le fils de Sirach le rappelait encore avec éloge: «Ézéchias fortifia sa cité, fit entrer Gog (Gihon) au milieu d’elle, perça le rocher avec le fer, et bâtit des fontaines pour les eaux.» Eccli., xlviii, 17. Ce fut vraisemblablement dans la prévision d’un siège par les Assyriens que l'œuvre souterraine fut exécutée en plein roc. La galerie d'Ézéchias traverse la colline d’Ophel de l’est au sud-ouest. Elle est d’un travail assez grossier. Sa hauteur actuelle varie de 4m50 à 0m 45, et sa largeur ordinaire ne suffirait pas au passage de deux hommes.
196. — Pierre portant l'inscription de Siloë.
La différence de niveau entre le point de départ et le point d’arrivée n’est que de 0m 30. La longueur enligne droite serait de 335 mètres, de la fontaine de la Vierge à celle de Siloé; mais les nombreuses sinuosités ju parcours la portent à 533 mètres. Voir Conder, The Siloam tunnel, dans Palestine Exploration Fund, Quaterly Statement, 1882, p. 122-131. En 1880, on a découvert dans la galerie même, à quelque distance de l’endroit où elle débouche, une inscription en ancien hébreu (fig. 196), qui indique la manière dont le travail a été exécuté. La pierre qui portait cette inscription a quelque peu souffert; en 1891 on l’a enlevée. Ph. Berger, Histoire de l'écriture dans l’antiquité, Paris, in-8°, 1891, p. 193. Elle est aujourd’hui au musée de Constantinople. Les incrustations calcaires en rendaient la lecture assez malaisée. Voici la traduction des six lignes dont elle se compose: «…lïapercée. Voici l’histoire de la percée. Quand [les mineurs levaient] le pic l’un vers l’autre, et qu’il y avait encore trois coudées [à percer, on entendit] se crier l’un à l’autre qu’il y avait zêda (déviation [?]) dans le rocher sur la droite. Et au jour de la percée, les mineurs frappèrent chacun l’un vers l’autre, pic contre pic, et les eaux coulèrent de la source jusqu’au réservoir, sur une longueur de douze cents coudées. Et de cent coudées était
197. — Inscription de Siloë.
la hauteur du rocher au-dessus de la tête des mineurs» (fig. 197). Les mineurs juifs avaient donc eu la hardiesse d’attaquer la roche par les deux extrémités à la fois, comme on l’a fait de nos jours au mont Cenis et dans d’autres, travaux analogues. Les travailleurs pouvaient utiliser le niveau d’eau pour conserver à peu près la ligne horizontale. Mais pour assurer la direction longitudinale de la galerie ils manquaient do méthode, et durent procéder par tâtonnements. Aux points d’attaque, en D et en E (fig. 194), les deux équipes se portèrent trop directement vers le flanc opposé de la colline, et risquèrent ainsi de déboucher l’une à l’est, l’autre à l’ouest, sans s'être rencontrées. Du côté de Siloé, après un parcours de 143 mètres, on creusa un puits vertical F pouratteindre le sol supérieur, qui n'était à cet endroit qu'à 3 m 50 du plafond de la galerie. On s’aperçut de la fausse direction, et l’on rectifia le tracé à angle droit. À 70 mètres plus loin, on tenta d’ouvrir un autre puits en G pour se repérer; mais on ne poussa pas loin le travail, à cause de la hauteur de la colline. Du côté de Gihon, on réussit aussi à se remettre dans la bonne voie, en obliquant fortement à gauche. Grâce au niveau d’eau, on était à peuprès assuré de ne point passer l’un au-dessus de l’autre; mais rien ne garantissait contre le danger de pousser les deux galeries parallèlement, sans qu’elles se rencontrassent. Heureusement les travaux des carrières, auxquelsles ouvriers juifs étaient bien habitués depuis l'époque de Salomon, leur avaient appris que le bruit du pic se fait entendre à une grande distance dans une roche dure et homogène. En approchant du point de convergence, les mineurs purent donc se diriger à l’ouïe. [[File: [Image à insérer -->]|250px]]
198. — Partie centrale de la galerie de Siloë.La partie médiane du tunnel ne s'écarte pas très notablement de la direction convenable; mais il y a encore bien destraces d’hésitation, et de place en place de petits culs-de-sac indiquant defausses voies abandonnées. Quand le bruit des coups devint plus distinct, ons’aperçut que l'équipe de Gihon se portait trop sur la droite (fig. 198); par l’intermédiaire de leurs compagnons échelonnés dans le tunnel et postés autourde la colline, les mineurs se transmirent les indications nécessaires à la rectification du tracé, et la jonction s’opéra enfin en A. On était sans doute pressé ou fatigué du labeur, et, sans se préoccuper de parfaire le travail, on se tint pour satisfait quand l’eau put passer. Il n’est pas à croire cependant que dans les endroits où la galerie n’a que m 45 de hauteur, en M et en N (fig. 194), le sol du tunnel soit actuellement dans son état primitif. Les mineurs ont dû y laisser fléchir l’horizontale, et, dans la suite des siècles, les dépressions ont été comblées, aux dépens de la hauteur totale, par les dépôts calcaires de la source. Ces dépôts ont formé au fond des dépressions une couche d’autant plus épaisse, que l’eau y était plus profonde et plus calme. «Il y a dans l’exécution de cette longue galerie, à côté d’inégalités et de malfaçons qui sont d’une industrie encore dans l’enfance, telles dispositions heureuses auxquelles on reconnaît que l’ouvrier juif avait déjà une grande habitude de cette sorte de travaux. C’est ainsi que, jusqu'à unehauteur de près d’un mètre, les parois du canal sont couvertes d’une mince couche d’un ciment rouge très dur, fait en grande partie de terre cuite pulvérisée. Par endroits, les fissures et les trous du roc ont été bouchésavec le même mortier, qui est tout pareil à celui dont aujourd’hui encore, en Palestine, on se sert pour enduire l’intérieur des citernes et prévenir les fuites.» Perrot et Chipiez, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. iv, p. 421. Les textes cités plus haut ne permettent pas de faireremonter l’exécution du travail jusqu’au temps d’Achaz. M. Renan, qui incline vers cette supposition, Histoire du peuple d’Israël, t. ii, p. 509, avoue que l’inscription de Siloé «doit être placée, comme date, bien près de l’an 740. Point de raison, par conséquent, pour refuser de l’attribuer à Ézéchias, qui régna de 727 à 698.
8° L’aqueduc voisin du Bir Ayoub. — Un autre travail du même genre a été découvert par Warren, à l’ouest du Bir Ayoub. C’est un aqueduc plus spacieux que celui d'Ézéchias, car sa largeur moyenne est de l m 15, et sa hauteur de 2 mètres. On peut le suivre sur une longueur de 600 mètres. Il y a sur le parcours plusieurs escaliers permettant de descendre dans le canal. D’un côté, il aboutit à un vaste réservoir en forme de grotte, et de l’autre il s’arrête brusquement en plein roc. On ignore quelle était la destination de cet aqueduc souterrain. The Recovery, p. 257-264. «Il est difficile de lui assigner une date. Rien cependant n’y sent la main romaine; ces degrés, ces regards, ces bassins, ces couloirs évidés dans la roche vive, tout cela est plutôt dans la tradition et le goût des carriers phéniciens et juifs.» Perrot, Histoire de l’art, t. iv, p. 424.
9° Les autres aqueducs de la Palestine. — Dans le reste de la Palestine, surtout aux environs des centres de population plus importants, on trouve les traces d’un certain nombre d’aqueducs, dans un état de délabrement plus ou moins avancé. Aux environs de Jéricho, les ruines de ces sortes de travaux d’art sont assez nombreuses. À l’ouest de cette ville, dans l’Ouadi el-Kelt, on peut suivre pendant une dizaine de kilomètres un ancien aqueduc qui conduisait à Kakoun les eaux de l’Aïn Fâra. Ces eaux se perdent maintenant dans le ravin du Kelt. D’autres ruines d’aqueducs se voient plus au nord, dans l’Ouadi Fasaïl, près de l’ancienne ville à laquelle Hérode donna le nom de Phasaël.
À Naplouse, l’ancienne Sichem, un aqueduc maintenant ruiné amenait les eaux de l’Ain Askar, qui jaillit à trois lieues à l’ouest de la ville. Une autre source, qui n’est qu'à trois kilomètres au sud, Ras el-Aïn, fait encoreaujourd’hui couler dans un aqueduc ses belles eaux, qui au passage font tourner plusieurs moulins.
La ville de Béthulie était alimentée d’eau par diverses sources à portée des murs, et par une source principale, qui était mise en communication avec la place par un aqueduc. Judith, vii, 6, 7. Holopherne fit couper l’aqueduc et défendre l’accès des autres sources. L’incertitude qui plane sur l’identification de Béthulie ne permet point d’assigner l’emplacement de cet aqueduc. Mais au pied de la montagne qui couronne Belâaméh, l’ancienne Belma, Judith, vii, 3, on trouve une caverne maçonnée, du fond de laquelle, au dire des habitants, partirait un souterrain qui s'élève jusqu'à l’ancienne ville, et par lequel les défenseurs de la place pouvaient venir puiser l’eau qui se trouve dans la caverne, appelée Bir es-Sedjem. Liévin, Guide, t. iii, p. 72.
Lorsque, sous Hérode, Césarée prit de l’importance, il fallut aviser à la pourvoir d’eaux abondantes. On les emprunta à la rivière de Zerka, qui se jette dans la mer à cinq kilomètres au sud de la ville. L’aqueduc suivait lebord de la mer. Près de la rivière, il était construit en pierres de petite dimension, et plus loin reposait sur des arches en plein cintre, et se composait de pierres d’un plus grand appareil. Un autre aqueduc allait chercher l’eau à Sebbarine, à quinze kilomètres à l’ouest de Césarée. Le tout est maintenant ruiné et abandonné. Liévin, Guide, t. iii, p. 229.
Parfois enfin on se contentait de tracer aux eaux un chemin artificiel, en leur creusant un lit en pleine roche. C’est le cas de l’Aïn el-Tabegah, entre Khan-Miniéh et Tell-Houm, qui déversait ses eaux dans la fertile plainede Génésareth par un canal à ciel ouvert taillé dans le roc, qui sert aujourd’hui de sentier.
Çà et là se rencontrent d’autres ruines d’aqueducs. On ne peut guère assigner de dates précises à ces différents ouvrages; mais il est certain que les anciens habitants du pays n’ont reculé devant aucun effort pour mettre àleur portée les eaux potables, et que leurs successeurs n’ont guère fait qu’utiliser, entretenir, réparer, et le plus souvent laisser tomber en ruines les travaux exécutés antérieurement.
H. Lesêtre.
1. AQUILA (Ἀκύλας), nom d’origine latine, ainsi que celui de Priscille, Πρίσκα ou Πρίσκιλλa (diminutif plus familier), que portaient deux Juifs, mari et femme, chez qui Paul reçut l’hospitalité à Corinthe, et dont il se plaît, dans ses lettres, à reconnaître le dévouement à la cause de l'Évangile. Vivant au milieu des païens, à Rome ou ailleurs, ils avaient changé, selon l’usage du temps, leurs noms juifs en noms tout à fait romains. Plusieurs interprètes ont même supposé qu’Aquila était un fils d’affranchi de ce Pontius Aquila qui se trouve mentionné par Cicéron, Ad Famul., x, 33, et par Suétone, Cæsar, 78, comme adversaire de Jules César. En ce cas, le copiste aurait mal reproduit le texte, et en écrivant Ποντικὸν τῷ γένει, il aurait substitué une indication géographique à une indication familiale, et fait naître dans la province du Pont celui qui, probablement originaire de Rome, se rattachait, par l’affranchissement de l’un des siens, à l’illustre famille Pontia. La chose est plus ingénieuse queprobable. Aquila était né dans cette province du Pont, au sud de la mer Noire, d’où, rapprochement singulier, sortit un demi-siècle plus tard un autre Juif du mêmenom que lui, né à Sinope, et qui traduisit en grec l’Ancien Testament, avec un esprit absolument hostile aux idées chrétiennes. Le Pont comptait de nombreuses colonies israélites, et le nom d’Aquila, «aigle,» comme celui des plus nobles animaux, le lion, par exemple, était fréquemment adopté par ceux qui voulaient déguiser leur origine juive, et avoir ainsi plus de liberté dans leurs rapports commerciaux avec les païens. Priscille ou Prisque, comme on disait indistinctement Domitilla ou Domitia, selon qu’on voulait exprimer la tendresse familière ou le respect, pouvait bien être née à Rome même. En tout cas, qu’ils fussent du Pont ou rattachés à la famille Pontia, ils habitaient lacapitale de l’empire. C’est là que, comme juifs ou commechrétiens, car la police impériale ne distinguait pas encore les uns des autres, ils furent atteints par l'édit d’expulsion que porta Claude vers l’an 50: «Judæos, impulsore Chresto, assidue tumultuantes, Roma expulit.» Suétone, Claud., 25. Quoi qu’en disent certains exégètes, l’occasion des troubles fut non pas un Chrestus quelconque, mais le Christ ou le Messie. Voir Le Camus, L'Œuvre des Apôtres, t. i, p. 351. Ceux qui commettaient une pareille méprise pouvaient bien confondre et juifs et chrétiens sous une même dénomination.
Chassés de Rome, Aquila et Priscille se transportèrentà Corinthe, et c’est là que Paul les trouva fort à propos, pour s'établir chez eux et entreprendre à son aise l'évangélisation de cette grande cité. Il avait appris à Tarse justement le métier qu’ils exerçaient eux-mêmes, et cela lui servit à vivre sans être à charge à personne. Ils fabriquaient des tentes. Cette industrie] des tissus en poil de chèvre, sicommune en Cilicie ( voir Le Camus, Notre voyage aux pays bibliques, t. iii, p. 113, et L’Œuvre des Apôtres, t. i, p. 139), était fort lucrative, et Aquila paraît l’avoir pratiquée sur une vaste échelle, avec des ouvriers qui partageaient ses convictions chrétiennes, et que Paul appellera plus tard «la petite Église qui est dans sa maison».Est-ce seulement par analogie de métier, ou parce qu’illes savait chrétiens, que Paul se retira chez eux? Peut-être pour les deux motifs à la fois. Plusieurs supposent que, quand l’Apôtre arriva à Corinthe, au moins Aquila n'était pas chrétien, et ils le concluent de ce qu’il est simplement appelé «un Juif», Ἰουδαῖον, et non pas un disciple; ilest, en effet, classé parmi les Juifs expulsés, πάντας τοὺς Ἰουδαίους, sans autre distinction. Mais cet argument est loin d'être concluant, car il est évident que l’historien n’a qu’une intention en qualifiant Aquila de Juif, c’est d’indiquer sa nationalité et non sa religion. D’autre part, il serait fort surprenant que, s’il fut converti par Paul, ni saint Luc ni l’Apôtre n’aient dit un mot pour l’insinuer. C’est probablement à Rome, où nous supposons que Pierre alla prêcher vers l’an 45, voir L’Œuvre des Apôtres, t. i, p. 310 et suiv., qu’Aquila et Priscille avaient embrassé la foi chrétienne. Leur zèle pour l'Évangile et leur caractère militant, tels qu’ils nous sont connus d’après le livre des Actes et les Épîtres de saint Paul, portent à croire qu’ils se trouvèrent particulièrement en vue dans l’agitation qui se produisit à Rome, et tout naturellement ils furent des premiers expulsés.
Paul, arrivant d’Athènes à Corinthe, s'établit donc ettravailla chez eux. Act., xviii, 1-3. Il y resta, prêchant Jésus-Christ aux Juifs tous les jours de sabbat, dans la synagogue, et aux Grecs quand il en avait l’occasion. C’est à la suite d’une violente sortie contre la criminelle obstination des Juifs, que, pour prouver sa résolution d’aller aux Gentils, en laissant à leur infidélité les fils d’Israël, il quitta la maison d’Aquila et logea chez Justus. Toutefois il ne brisait pas avec les deux époux qui l’avaient si cordialement accueilli, et dont la foi n’avait fait que grandir. Quand il partit pour Éphèse, Aquila et Priscille l’y suivirent. Act., xviii, 19. Là, après que Paul fut parti pour Jérusalem, ils s’occupèrent de gagner à la cause de l'Évangile un prédicateur très éloquent, mais imparfaitement initié à la doctrine de Jésus-Christ, Apollo. C’est à eux que revient le mérite d’avoir fait l'éducation chrétienne et peut-être même la conquête de cet émule de saint Paul, ce qui n’est pas sans quelque gloire. Act., xviii, 26.
À partir de ce moment, le livre des Actes ne parle plusd’Aquila et de Priscille; mais dans ses Épîtres saint Paul leur adresse, toutes les fois qu’il le peut, un amical souvenir et de sincères éloges. Ainsi quand il écrit à l’Eglise de Rome: «Saluez Prisque et Aquila, dit-il, qui ont travaillé avec moi pour le Christ Jésus; ils ont exposé leur tête pour me sauver la vie; et je ne suis pas seul à leur en rendre grâces, toutes les Églises des Gentils partagent ma reconnaissance; saluez aussi l'Église qui est dans leur maison.» Rom., xvi, 3-5. Quand il écrit sa seconde lettre à Timothée, iv, 19, qui se trouvait sans doute alors à Éphèse: «Saluez, ajoute-t-il, Prisque et Aquila.»
Dans sa première lettre aux Corinthiens, l’Apôtre, quiétait alors à Éphèse, ne manque pas de leur envoyer leplus cordial souvenir d’Aquila et de Priscille, chez quiil demeure, absolument comme à Corinthe, et de la partde l'Église qui est dans leur maison. I Cor., xvi, 19. D’où l’on peut conclure que, soit par esprit de prosélytisme, soit dans l’intérêt de leur commerce, Aquila et Priscille se transportaient tour à tour dans les grands centres, Corinthe, Éphèse, Rome, amenant avec eux leurs ouvriers chrétiens, ou réussissant, avec leur zèle intelligent, à grouper autour d’eux, partout où ils s’installaient, assez de fidèles pour que Paul puisse appeler leur entourage de Rome ou d’Éphèse une petite Église.
On sait que, pendant bien longtemps, on a désignécomme la maison d’Aquila et de Priscille la pauvre petite église qui, sur le mont Aventin, porte le nom de Sainte Prisque. La tradition actuelle a malencontreusement modifié l’ancienne, en supposant que l’antique oratoire a été élevé en l’honneur d’une vierge martyre postérieure aux temps apostoliques. Une inscription sur plaque de bronze, découverte il y a quelque temps, dit que l'église avait été bâtie sur la maison d’un certain Marius Pudens Cornelianus. Ce nom de Pudens rappelle celui du patricien fils de Priscille, contemporain des apôtres. Dès lors on peut se demander si les. deux époux juifs dont il s’agit dans cet article ne furent pas des affranchis de la maison de Priscille, mère de Pudens, ayant occupé une de ses maisons sur l’Aventin, maison devenu plus tard une église et à laquelle se seraient rattachés leur souvenir d’abord et puis celui d’une jeune fille morte pour l'Évangile et portant aussi le nom de Priscille. M. de Rossi, avec son admirable sagacité, a cherché à compléter les éléments de cette hypothèse. Les Acilii Glabriones, ensevelis au cimetière de Sainte-Priscille, se rattachaient certainement à une famille où le nom de Priscille était très commun. Serait-il impossible que le nom d’Aquila fût un dérivé d’Aquilius ou Acilius, dans lequel le c avait sa prononciation dure comme il la garda longtemps dans la langue latine? Ainsi on se rendrait compte des deux noms romains que nos deux Juifs portaient, bien que, au moins le mari, fût originaire du Pont.
Le martyrologe romain honore, le 8 juillet, le souvenird’Aquila comme évêque d’Héraclée. Mais on ne sait surquels fondements repose cette indication. Ce qui est sûr, c’est que Priscille et Aquila furent deux vaillants ouvriers de l'Évangile, et que leur mémoire demeurera éternellement bénie parmi les chrétiens.
E. Le Camus.
2. AQUILA, traducteur grec de la Bible hébraïque, auIIe siècle de l’ère chrétienne. La tradition talmudique fournit quelques renseignements historiques sur le traducteur Aquila, à savoir: qu’il était un Grec converti au judaïsme, un prosélyte, originaire de la province du Pout, contemporain et parent de l’empereur Hadrien (117-138); qu’il traduisit la Bible hébraïque en grec sous la direction de R. Akiba, ou, suivant une autre tradition, sous la direction de R. Éliézer et de R. Josué. Onkélos, à qui l’on attribue une paraphrase ou targum du Pentateuque, «Onkélos le prosélyte,» serait le même nom qu’Aquila. Voir Anger, De Onkelo, part. I: De Akila, Leipzig, 1845.
La tradition chrétienne est plus précise. Saint Irénée († 203) est le premier Père qui mentionne explicitementla version grecque d’Aquila (avant 177). Ayant à interpréter l’Ecce virgo concipiet d’Isaïe, vii, 14, il repousse l’interprétation qui veut traduire ʿalmâh par adolescentula (νεᾶνις), «jeune fille,» et il ajoute: «C’est l’interprétation donnée par Théodotion d'Éphèse et par Aquila du Pont, tous deux Juifs prosélytes, qu’ont suivie les Ébionites.» Contra hæreses, iii, 21, t. vii, col. 946. Saint Épiphane († 403), dans son traité De mensuris et ponderibus, c. xiv, t. xliii, col. 261, rapporte que l’empereur Hadrien, voulant restaurer la ville de Jérusalem, demeurée en ruines depuis le siège de Titus, avait confié le soin de cette restauration à Aquila, «le traducteur grec de l'Écriture et son propre beau-frère, lequel était de Sinope, ville du Pont.» Saint Épiphane poursuit en racontant que, frappé des miracles qu’opéraient les membres de l'Église chrétienne du lieu, Aquila aurait demandé et reçu le baptême; mais que, mal converti à la foi nouvelle, il aurait été chassé de l'Église; alors, de dépit, il avait passé au judaïsme, s'était fait circoncire, et, ayant appris l’hébreu, avait composé une nouvelle version grecque de la Bible, «dans le but de contredire les Septante et de supprimer des saintes lettres les témoignages favorables au Christ.» Mais ce récit, recueilli par saint Épiphane, et auquel rien ne fait écho ni dans la tradition talmudique ni dans la tradition chrétienne, manque d’autorité. Saint Jérôme dit simplement, comme le Talmud de Jérusalem, qu’Aquila était un disciple de R. Akiba. In Isai., 49, t. xxiv, col. 466. En résumé, on peut tenir pour probable qu’Aquila était un prosélyte, originaire du Pont, formé dans quelque école de rabbins de Palestine, dans la première moitié du IIe siècle.
La pensée d’Aquila, en entreprenant une traductionnouvelle de la Bible pour la substituer à celle des Septante, avait été de donner une version strictement littérale. Origène la caractérisait ainsi: «Aquila s’attacha servilement à la leçon hébraïque; ce qui fait croire aux Juifs qu’il a traduit l'Écriture plus soigneusement, et que mieux que tous les autres il en a saisi le sens; de là l’usage que font de sa version les gens qui savent mal l’hébreu.» Origène, De Susanna, c. 2, t. xi, col. 52. Saint Jérôme, qui estimait Aquila comme un interprète soigneux et ingénieux, diligens et curiosus interpres, dit-il dans son commentaire d’Osée, ii, 17, t. xxv, col. 839, saint Jérôme lui reproche d'être ergoteur, contentiosus, et de chercher à rendre non seulement les mots, mais jusqu’aux formes syntaxiques hébraïques, et d'écrire, par exemple, σὺν τὸν οὐρανὸν καὶ σὺν τὴν γήν, ce qui pour être fidèle n’en est pas moins incorrect. Epistol., lvii, 11, t. xxii, col. 577. Le σὺν grec, qui n’aurait pas dû être employé ici, est destiné à rendre la particule hébraïque ʾêṭ, laquelle marque l’accusatif. Il pourrait se faire de plus que la version d’Aquila ait été entreprise avec une arrière-pensée de controversiste: c’est ainsi que saint Épiphane la jugeait, nous l’avons vii, et peut-être aussi saint Justin. Ce Père, qui écrivait sous le règne d’Antonin (137-161), engagé dans la controverse avec les Juifs, parle des interprétations nouvelles, contraires à celles des Septante, que les Juifs opposent maintenant aux chrétiens: «Je ne suis pas de l’avis de vos maîtres, qui ne croient pas que les Septante ont été de fidèles traducteurs, et qui entreprennent de traduire eux-mêmes; et il ne faut pas que vous ignoriez que nombre de textes qui s’appliquaient à Jésus-Christ ont été par ces nouveaux traducteurs supprimés de l'Écriture.» Et il cite le texte Ecce adolescentula, substitué au texte Ecce virgo. Justin, Dial. cum Tryphone, c. lxxi, t. VI, col. 644. Or saint Irénée nous a appris que cette interprétation nouvelle était celle d’Aquila et de Théodotion: c'étaient donc bien vraisemblablementces «deux maîtres» que saint Justin traitait de traducteurs tendancieux.
Saint Jérôme, In Jeremiam, v, 22, et ix, 17, t. xxiv, col. 719 et 740, mentionne deux éditions différentes de la version grecque d’Aquila; mais la question de savoir ce qu’il faut entendre par cette editio prima et par cette editio secunda n’a pas été éclaircie encore. Le texte d’Aquila ne nous est point parvenu, il a disparu avec le judaïsme hellénistique. Mais Origène avait fait figurer dans ses Hexaples la version d’Aquila, et parmi les restes des Hexaples nous avons des restes d’Aquila. Cf. Patr. gr., t. xv et xvi.
Voir le chap. ii, De Aquilæ versione, des prolégomènes de Field à son édition des Hexaples, Origenis Hexaplorum quæ supersunt, Oxford, 1875, t. i, p. xvi-xxvii; E. Schürer, Geschichte des jüdischen Volkes, Leipzig, 1886, t. ii, p. 704-708.
P. Batiffol.
3. AQUILA (Adler) Johannes Kaspar, théologien luthérien, né à Augsbourg, le 7 août 1488, mort le 12 novembre 1560. Aquila est la traduction latine du nomallemand Adler. Après avoir fait ses études dans le gymnase de sa ville natale, il voyagea en Italie et en Suisse. Sa vie fut très agitée et très changeante. Devenu curé de Jenga, près d’Augsbourg, en 1516, il se maria bientôt après et fit profession ouverte de luthéranisme. En 1524, il professa l’hébreu à l’université de Wittenberg, et il aida Luther à traduire l’Ancien Testament. «Si la Bible était perdue, disait Luther, je la retrouverais chez Aquila.» Cet ardent luthérien composa un grand nombre d'écrits, la plupart de circonstance et de peu d'étendue. Voir Avenarius, Lebenschreibung Aquila’s, in-8o, Meiningen, 1719; Schlege, Leben Aquila’s, in-4o, Leipzig, 1773; Fr. Gensler, Vita J. C. Aquilæ, in-8o, Iéna, 18161
AQUILON (hébreu: ṣâfôn, «l’obscur,» le nord et le vent qui en vient; Septante: βοῤῥᾶς; Vulgate: aquilo). Ce mot désigne tout d’abord l’un des quatre points cardinaux, le septentrion. Le ṣâfôn est, en effet, la partie du ciel où le soleil ne va jamais, le côté le plus inaccessible du firmament. Is., xiv, 13. Les Hébreux s’orientaient vers le soleil levant, et ils appelaient le midi la droite. Ps. lxxxviii, 13; evi, 3. Mais ils donnaient de préférence aux points cardinaux le nom concret des quatre vents. I Par., ix, 21; Jer., xlix, 36; Ezech., xxxvii, 9; Matth., xxiv, 31. Aussi l’aquilon est-il presque toujours pris pour le nord. Pour les prophètes, Soph., 11, 13; Judith, xvi, 5, le «pays de l’aquilon» est l’Assyrie, qui est sensiblement au nord de la Palestine. La Babylonie, quoique située à l’est, est aussi désignée sous le nom de «terre de l’aquilon», Jer., i, 13-15; xlvi, 6, 10, 20, 24; Ezech., xxvi, 7, parce que les envahisseurs qui venaient de Chaldée en Palestine y arrivaient par le nord. Quelquefois cependant l’aquilon est plus spécialement le vent même du nord. La pluie vient, en Palestine, de l’ouest et du sud-ouest. Quandil y avait saute de vent, Ecole., i, 6, l’aquilon dissipait lapluie. Prov., xxv, 23. Cf. Josèphe, Ant.jud., XV, ix, 6.Ce vent avait passé par les sommets toujours neigeux et glacés de l’Hermon. Il apportait la fraîcheur en été, et, en soufflant sur les jardins, aidait les fleurs à exhaler leur parfum, Cant., IV, 16; mais il n'était pas toujours aussi agréable. Cf. Josèphe, Bell. jud., III, ix, 3. C’est lui qui amenait les orages, la neige et même la gelée; il causait encore la sécheresse, jusqu'à ce que la pluie abattît le vent. Ezech., i, 4; Eccli., xliii, 18-23. À Jérusalem, le vent du nord souffle environ trente jours par an, celui du nord-est trente-trois jours, et celui du nord-ouest cent quatorze jours. Socin, Palestine et Syrie, p. 168. Dans la vallée encaissée du Jourdain, c’est ordinairement un contre-courant du nord qui règne en hiver.
H. Lesêtre.
1. AQUIN (Louis -Henri d'), auteur juif du XVIIe siècle, fils de Philippe d’Aquin, né à Avignon, se convertit et se fit baptiser avec son père. Il était très habile dans la science rabbinique et les langues orientales. On a de lui: 1° Levi Gersonidæ commentaria in quinque priora capita libri Jobi, in-4°, Paris, 1622; 2° Raschii scholia in librum Esther in versione latina, cum excerptis quibusdam ex Talmude et Jalkut in eumdem librum, in-4°, Paris, 1622. Cf. Bourgerel, Mémoires pour servir à l’histoire des Juifs de Provence, dans les Mémoires de littérature et d’histoire, t. ii, p. 11; Kalkar, Israël und die Kirche, p. 52.
E. Levesque.
2. AQUIN (Philippe d'), Juif, né à Carpentras, se nommait Juda Mordecaï avant sa conversion à la foi chrétienne. Comme il se fit baptiser à Aquino, dans le diocèse de Naples, il prit le nom d’Aquin. Il alla, en 1610, à Paris, où il fut nommé professeur d’hébreu au collège de France, et aida Michel Le Jay dans l’impression et la correction des textes hébreux et chaldéens de sa Polyglotte. Siméon de Muis, au psaume xxxv, 14, de son commentaire, le loue en ces termes: «Vir raræ et exquisitissimæ in hebraïcis litteris doctrinæ.» Il mourut en 1650. On a de lui: 1° un dictionnaire hébreu, araméen et talmudique, intitulé Maʿârik hammaʿârâkôṭ, Celui qui dispose en ordre, et en sous-titre: Dictionarium absolutissimum complectens alphabetico ordine et facili methodo omnes voces hebræas, chaldæas, talmudico-rabbinicas, quæ in reliquis, quæ uspiam sunt, Dictionariis extent, innumerasque alias quæ a nullo lexicographo sive christiano, sive judœo, hactenus observatæ sunt: variorum præterea legis cæremoniarum, sententiarum ac locorum difficiliorum in Rabbinorum et Cabbalistarum libris passim occurrentium explicationem, necnon compendia scribendi, seu abbreviaturas omnes Hebræorum, in-f°, Paris, 1620; 2° Philippi Aquini Primigeniæ voces seu Radices breves linguæ sanctæ, cum thematum investigandi ratione, in-16, Paris, 1620; 3° Veterum Rabbinorum in exponendo Pentateucho Modi tredecim, quorum explicatio lucem maximam afferet iis, qui legem accurate volunt interpretari, et scripta Rabbinorum intelligere, in-4o, Paris, 1620; 4° Dissertation du Tabernacle et du Camp des Israélites, recueilly de plusieurs anciens Docteurs hébreux, in-4o, Paris, 1623. Une nouvelle édition améliorée, in-4°, Paris, 1624, porte le titre suivant: Explications littérales, allégoriques et morales du Tabernacle que Dieu ordonna à Moïse, des habits des prestres etde la façon qu’on consultait le Rational en la loi ancienne, ensemble de la forme des sacrifices judaïques; le tout curieusement recueilli et fidèlement traduit des plus savants et anciens auteurs hébreux: avec un discours du camp des Israélites, et la description des pierreries du rational du grand prestre, ajoutés à la fin pour la seconde édition, revue par l’auteur. 5° Il composa aussi une version en hébreu du Nouveau Testament avec des notes sur les Épîtres de saint Paul, propres, dit- ii, à éclairer les Juifs. Voir Lelong, Dissertation historique sur les Bibles polyglottes; Bourgerel, Mémoires pour servir à l’histoire des Juifs de Provence, dans les Mémoires de littér. et d’hist., t. ii, p. 11. E. Levesque.
AR, AR-MOAB (hébreu: ʿÂr, Num., xxi, 15; Deut., II, 9, 18, 29; ʿAr Môʾâb, Num., xxi, 28; Is., xv, 1; Septante: Ἔρ, Num., xxi, 15; Ἀροήρ, Deut., ii, 9, 18, 29; ἡ Μωαϐῖτις, Is., xv, 1), capitale du pays de Moab, situéeà la partie septentrionale, au sud de l’Arnon. Is., xv, 1; Num., xxi, 28.
I. Noms. — On regarde généralement ʿAr comme la forme moabite de l’hébreu 'îr, «ville,» de même que, dans l’inscription de Mésa, Qar répond à Qiryâh avec la même signification. C’est pour cela que plusieurs auteurs veulent reconnaître la cité dont nous parlons dans ʿIr Môʾâb de Num., xxii, 36, quoique toutes les versions aient rendu ces deux mots d’une manière indéfinie par πόλιν Μωάϐ, oppido Moabitarum, «une ville de Moab.» C’est à tort que les Septante ont, dans trois endroits, Deut., n. 9, 18, 29, traduit ʿAr par Ἀροήρ, Aroer: ce sont deux villes distinctes; la première, en effet, fut donnée en héritage «aux fils de Loth», c’est-à-dire aux Moabites, dont les Israélites devaient, par ordre de Dieu, respecter le territoire, Deut., ii, 9, tandis que la seconde, située au delà de l’Arnon, faisait partie de la tribu de Ruben. Jos., xili, 9, 16; Deut., ii, 36.
Au temps d’Eusèbe et de saint Jérôme, Ar était connue sous le nom d’Ἁρεόπολις ou de Rabbath-Moab, c’est-àdire «Moab la grande». Onomasticon, Gœttingue, 1870, p. 276, au mot Μωάϐ; S. Jérôme, Liber de situ et nominïbus locorum heb., t. xxiii, col. 909; Comment. in Isaiam, xv, 1, t. xxiv, col. 167. Dans ce dernier passage, le saint docteur explique Ἁρεόπολις par l’hébreu 'Ar et le grec πόλις, rejetant l'étymologie adoptée par la plupart de ses contemporains, Ἀρεός πόλις, «ville de Mars.» Sans parler de la philologie, qui pourrait trouver à redire à cette explication, M. de Saulcy prétend que la numismatique lui donne tort; car, sur différentes monnaies romaines appartenant à cette ville (fig. 199), on voit l’image d’une «divinité guerrière, casquée et cuirassée, tenant une épée de la main droite, et, de la gauche, une lance et un bouclier rond; c’est évidemment Mars ou Ares». Numismatique de la Terre Sainte, Paris, 1874, p. 355. Etienne de Byzance, dans ses Ethniques, Leyde, 1691, p. 651, nous apprend également qu’Aréopolis n’est autre chose que Ῥαϐάθμωμα, probablement Ῥαϐάθμωϐα, comme sur les monnaies, c’est-à-dire Rabbath-Moab.
Théodoret, dans son Commentaire sur Isaïe, xv et xxix, t. lxxxi, col. 341 et 376, dit qu’Ariel, 'Apiift, aurait étéaussi le nom d’Aréopolis. Eusèbe, Onomasticon, p. 228, rapportant cette même opinion, ajoute que, de son temps, les habitants de la ville appelaient encore leur divinité Ariel, et c’est peut-être pour défendre son temple qu’ils montrèrent ce furieux acharnement dont parle Sozomène.H. E., vii, 15, t. lxvii, col. 1457. Enfin Reland, Palæstina ex monumentis veteribus illustrata, Utrecht, 1714, t. ii, p. 577, pense que de là vient le nom de la contréeappelée Ἀρηιλίτις, Aréilitide ou Ariélitide par saint Épiphane, Adv. hær., i, t. xii, col. 261.
II. Identification. — Une tradition, remontant au moins jusqu’au Ve siècle, regarde donc comme identiques Ar Moab, Aréopolis et Rabbath-Moab. C’est pour cela qu’un grand nombre d’auteurs ont reconnu cette antique cité dans les ruines actuelles d’Er-Rabbah, à l’est de la mer Morte, à peu près à moitié route entre Kérak et l’Arnon. Cf. Seetzen, Reisen durch Syrien, Palästina, etc., Berberlin, 1854, t. i, p. 411; Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. ii, p. 166; Van de Velde, Memoir to accompany the Map of the Holy Land, 1859, p. 287; G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 12, etc. Suivant Aboulféda, Géographie, texte arabe publié par MM. Reinaud et le baron Mac Guckin de Slane, Paris, 1840, p. 247, Er-Rabbah a succédé à «une ville capitale très ancienne», qu’il nomme Mâb, et dont «la mention est célèbre dans l’histoire des Israélites». Mâb rappelle évidemment l’hébreu טואב et la Μωαϐ de l’Onomasticon, p. 276, «ville de l’Arabie, qui est maintenantAréopolis; le pays s’appelle aussi Moab, mais la ville a comme nom propre Rabbalh-Moab.»
Plusieurs exégètes cependant n’admettent pas l’identité d’Ar ou Aréopolis et d’Er-Rabbah. Dietrich l’a combattue dans Merx, Archiv für wissenschaftliche Erforschung des A. T., t. I, p. 320 et suiv. Ses arguments sont ainsi résumés par Franz Delitzsch, Biblischer Commentar über das Alte Testament, das Buch Jesaia, Leipzig, 1889, p. 220: «1° L’Ancien Testament et les versions ne connaissent aucune Rabbah moabite; c’est Eusèbe qui la mentionne le premier, et elle semble, après la ruine d’Ar par le tremblement de terre dont parle saint Jérôme, être devenue la capitale du pays et avoir reçu, avec le nom de Rabbath Moab, celui d' Ἁρεόπολις. — 2° Ar était située sur les bords de l’Arnon, tandis que les ruines de Rabbah se trouvent à six heures au sud du torrent, non pas à la frontière nord, mais au milieu même de Moab. Le récit de Num., xxi, 28, rend vraisemblable la position d’Ar au confluent du Ledjoum et du Modjib, peut-être (au moins les fortifications placées «sur les hauteurs de l’Arnon» ) aux ruines actuelles d’Oumm er-Reçâs, ausud-est (?) du même confluent.»
Il est vrai que l’Ancien Testament et les versions ne parlent d’aucune Rabbath de Moab;
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199. — Monnaie d’Ar -Moab.
Tête laurée de Septime-Sévère. AΣ ΣSEOΥHPΩ.- i^.PABBAΘ MΩBA. Divinité guerrière de face, casquée et cuirassée, tenant une épée de la main droite, et de la gauche une lance et un bouclier. À droite et à gauche, dans le champ, un autel allumé en forme de colonnette.
mais, bien avant Eusèbe et saint Jérôme, on connaissait une ville dont les monnaies d’Antonin, de Septime-Sévère et de Caracalla nous ont conservé le nom de PABBAΘ MΩBA (fig. 199); cf. de Saulcy, Numismatique de la Terre Sainte, p. 355-358. La Notitia dignitatum imperii, après avoir mentionné la cohors tertia Alpinorum auprès de l’Arnon, nous montre la ville d’Aréopolis occupée par les Equites Mauri Illyriciani. Cf. Reland, Palæstina, p. 579. Dire d’ailleurs que, Ar une fois détruite, Rabbath a hérité de son importance comme capitale avec un nom nouveau, est une assertion gratuite. L’opinion des contradicteurs de saint Jérôme est basée principalement sur cette croyance que «Ar était située sur les bords de l’Arnon». Les preuves ne sont pas convaincantes. Un chant tiré «du livre des Guerres du Seigneur», Num.. xxr, 15, semble placer Ar «sur la frontière de Moab»; mais, outre l’obscurité du texte, ne peut-on pas dire avec H. B. Tristram, The Land of Moab, Londres, 1874, p. 110, que, «comme il n’y a pas trace d’une cité importante entre Er-Rabbah et l’Arnon, il est aisé de comprendre pourquoi, dans ce passage, Arest regardée comme étant à la frontière septentrionale.» On l’assimile ensuite à «la ville qui est au milieu du? torrent», c’est-à-dire de la vallée arrosée par le torrent d’Arnon, Jos., xiii, 9, 16; Deut., ii, 36; mais 1° toutes les versions ont ici rendu hâʿîr (avec l’article) par lele nom commun civitas, urbs, oppidum, «ville;» 2° cette ville de la vallée, citée avec Aroer comme limite méridionale des possessions israélites au delà du Jourdain, semble avoir appartenu, aussi bien qu’Aroer (dont elleest distincte d’après le texte hébreu) aux enfants d’Israël, tandis que Dieu avait exclu Ar-Moab de leurs conquêtes. Quant à ʿIr Môʾâb, Num., xxit, 36, dans laquelle plusieurs auteurs reconnaissent la grande cité moabite, nous dirons également que toutes les versions ont traduit 'Ir par le nom commun et que l’absence de l’article en hébreu laisse au mot son sens indéfini.
D’un autre côté, Oumm er-Reças, où l’on voudrait voir l’emplacement d’Ar, se trouve, non pas au sud-est, mais bien au nord-est de l’Arnon, et est ainsi complètement à l’opposé de cette dernière". Aussi quelques-uns préfèrent Mouhâtet el-Hadj, un peu au-dessous de l’embouchure de l’Ouadi Enkeiléh dans l’Ouadi Modjib; 'mais ces ruines paraissent peu importantes pour une ancienne capitale de Moab. Nous croyons donc devoir maintenir le site traditionnel d’Er-Rabbah.
III. Description. — Er-Rabbah est située â l’est de la mer Morte, en face de la presqu'île d’El-Liçân, sur la grande route qui conduit de Kérak vers Dhibân (Dibon) et Hesbân (Hésébon) au nord. Plusieurs monticules, couverts d’herbe, semblent cacher les débris d’importantes constructions et payeraient sans doute amplement, par de curieuses découvertes, les recherches de l’explorateur (fig. 200). Parmi les ruines on remarque surtout une belle porte romaine qu’un tremblement de terre a disloquée.L’arcade principale s’est écroulée; mais, à droite et à gauche, subsistent encore, parfaitement intactes, de petites arcatures latérales qui sont murées et n’ont du être que des fausses portes. Au-dessus de la petite porte de droite, les pierres de taille, secouées par le tremblement de terre, ont glissé les unes sur les autres, de sorte qu’elles ont l’air suspendues et prêtes à crouler au moindre choc. Cf. de Saulcy, Voyage autour de la mer Morte, Paris, 1852, t. i, p. 347; atlas, planche xx. Endeçà, quelques fûts de colonnes sont encore debout; mais, hormis quelques tronçons et chapiteaux gisant épars sur le terrain, il semble que cet emplacement n’ait jamais été couvert de constructions, et qu’il devait être une sorte de place publique. De riches fragments analogues forment une véritable bordure à droite de la route qui conduit à ce point.
Un peu au sud de la porte romaine se trouvent deux citernes carrées: la première, à cinquante mètres du chemin, est de dimension ordinaire; la seconde, plus loin et à cent mètres sur la droite, est trois fois plusgrande. Les décombres qui les entourent au loin montrent que tout un quartier de la ville a du exister de ce côté.
À deux cents mètres à gauche est une enceinte carrée, dont les murs ont encore près de deux mètres de hauteur, et qui fut très probablement jadis le parvis d’un temple. Cette enceinte, ouverte au nord, est pavée de blocs équarris de lave noire. Dans les décombres se rencontrent fréquemment des blocs de lave travaillés, et qui appartiennent à une civilisation antérieure à la venue des Romains. L’un d’eux est un fragment de chambranle de porte ou de fenêtre, garni de moulures et d’un fleuron à l’angle. Cf. de Saulcy, Voyage autour de la mer Morte, p. 348, atlas, pl. I. Ce fleuron, dit M. Perrot, «rappelle celui d’où s'élance la plante sacrée dans les bas-reliefsassyriens; il fait songer aussi à cette espèce de fleur qui surmonte parfois la tiare des génies,» Histoire de l’art dans l’antiquité, Paris, 1887, t. IV, p. 397, fig. 209. Le fragment, rapporté par M. de Saulcy, est conservé au musée du Louvre, salle judaïque; cf. A. Héron de Villefosse, Notice des monuments provenant de la Palestine, Paris, 1879, p. 13-14. Les environs de la ville sont eux-mêmes remplis de ruines et de décombres qui attestent l’importance de la cité antique. En somme, si Er-Rabbah porte les marques de l'époque romaine, elle renferme aussi d’abondantes traces d’une période antérieure.
L’histoire d’Ar, au point de vue biblique, se confond avec celle du pays de Moab, dont elle est du reste le représentant en plus d’un endroit, Deut., ii, 9; Is., xv, l; mais, en dehors de cela, elle ne présente aucun fait saillant. Aréopolis fut comprise dans la «troisième Palestine» (Etienne de Byzance, Ethnie, p. 651), et fut le siège d’un évêché. Saint Jérôme nous apprend qu’elle fut en partie renversée par un tremblement déterre, Comment. in Isaiam, l. xxiv, col.168; ce qui, d’après certains calculs basés sur les écrits d’Ammien Marcellin, serait arrivé en 365 après J.-C, ou plutôt, suivant d’autres supputations, l’an 344.
A. Legendre.
ARA (hébreu: ʾArâʾ; c’est probablement le même mot que ʾârî, «lion;» Septante: 'Api), troisième fils de Jéther, de la tribu d’Aser. I Par., vii, 38.
ARA (hébreu: Hârâʾ; omis par les Septante), contrée où Théglathphalasar, roi d’Assyrie, déporta les tribus transjordaniennes de Ruben, de Gad et de Manassé. 1 Par., v, 26. Le silence des Septante et de la Peschito a fait supposer à quelques auteurs que ce nom auraitété interpolé après la composition de ces versions; mais ce silence ne saurait l’emporter sur l’autorité des manuscrits hébreux et de la Vulgate. Il n’en est pas moins difficile cependant de déterminer l’origine du mot, sa signification, aussi bien que le pays auquel il correspond. Les principales opinions émises à ce sujet sont les suivantes:
Bochard, Phaleg. iii, 14, Cæn, 1646, p. 220, s’appuyant, d’un côté, sur les passages parallèles de IV Reg., xvii, 6; xvill, 11, dont nous parlerons tout-à-l’heure. et, de l’autre, sur la ressemblance onomastique, reconnaît dans Hara soit une partie de la Médie, soit la Médie elle-même, que Pausanias apelle Ὰρία, et dont les habitantssont nommés Ἄριοι par Hérodote, vii, 62. Ce serait ainsi l’ancienne Aria, l’Aρεία de Ptolémée, vi, 17, et de Strabon, xi, 516, située entre le pays des Parthes et l’Indus, et que rappelle aujourd’hui la ville d’Hérât, dans le Khoraçan oriental. Cf. G. B. Winer, Biblisches Realwörterbuch, Leipzig, 1847. t. i, p. 464, au mot Hara. Cette assimilation ne peut se soutenir, car Aria et Hara ont une origine et une signification complètement différentes: Aria se rapporte à la grande famille des peuples aryens, dont le nom sanscrit ârya signifie «noble, de bonne famille». Cf. Max Müller, La science du langage, Paris, 1876, p. 287. Bochardest, comme nous le verrons, plus près de la vérité, quand il rapproche Hara de la racine hébraïque signifiant «montagne, pays montagneux». Cf. l’arabe El-Djébàl.
George Rawlinson, dans Smith’s Dictionary of the Bible, Londres, 1861, 1. 1, p. 754, au mot Hara, propose de l’identifier avec Haran, la ville de Mésopotamie où vint Abraham après avoir quitté Ur de Chaldée. Dansles Paralipomènes, dit-il, les noms diffèrent souvent de ceux que l'Écriture emploie ailleurs, parce qu’ils représentent une forme plus récente; et ainsi Hara pourrait correspondre à Carrhæ, qui, comme nous l’apprennent Strabon et Ptolémée, désignait chez les Grecs la ville de Haran. Nous pouvons supposer alors que, dans la pensée de l’auteur des Paralipomènes, une partie des Israélites avait été transportée à Haran sur le Bélik, tandis que le plus grand nombre avait été envoyé vers le Chabour.
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200. — Porte romaine d’Er-Rabbah (Aréopolis). D’après F. de Saulcy, Voyage autour de la Mer Morte, atlas, pl. XX.
Cette opinion, conforme, à la rigueur, au récit biblique, puisque bon nombre d’auteurs placent Hala, Habor et Gozan dans cette contrée de la Mésapotamie, se heurte à une difficulté philologique, la différence radicale qui existe entre Hârâ, הרא, et Hârân, הרו, par l’aspiration initiale et la lettre finale.
La solution la plus juste nous paraît être la suivante. L’auteur des Paralipomènes s’est sans doute servi des passages parallèles, IV Reg., xx, 19, 29, etxvii, 6; xviii, 11. Or le livre des Rois indique comme lieu de déportation «Hala, Habor, le fleuve de Gozan et les villes de Médie,» IV Reg., xvii, 6; xviii, 11, tandis que celui des Paralipomènes mentionne «Hala (Vulgate: Lahela), Habor, Ara, et le fleuve de Gozan.» I Par., v, 26. N’est-on pas, d’après cela, porté à croire qu’il y a eu interversion dans le second récit, et qu’Ara correspond aux villes de Medie du premier? Mais encore quelle relation y a-t-il entre les noms 1! On peut trouver la réponse dans cette conjecture très vraisemblable: au lieu de 'Are Mâdâi, ץרי טדי, «les villes de Médie», les Septante ont lii, dans les deux endroits, IV Reg., xvii, 6; xviii, 11, Hârê Mddâi, הרי טדי, «les montagnes des Mèdes», ὄρη Μήδων. Etait-ce là la leçon primitive du livre des Rois? c’est possible. Hara des Paralipomènes serait donc simplement la forme araméenne de l’hébreu Har, et le nom vulgaire des montagnes de Médie, reproduit par l’arabe El-Djébàl, «les montagnes», qui est plus particulièrement employé, dans la géographie musulmane, pour désigner la partie montagneuse de l’Irak persan, l’ancienne Médie. Ce nom d’Hara peut même provenir des Juifs exilés dans ce pays, et l’auteur sacré peut l’avoir trouvé dans les sources particulières dont il s’est servi. Cf. Keil, Biblischer Commentar über das Alte Testament, Chronik, Leipzig, 1870, p. 80. Telle est en substance l’opinion de Schrader dans Riehm’s Handwörterbuch des biblischen Altertums, Leipzig, 1884, t. i, p. 570, au mot Hara; de Gesenius, Thesaurus linguæ hebrææ, p. 392.
Le livre de Tobie, i, 16, confirmé par les monuments assyriens, nous apprend aussi qu’un certain nombre de captifs s'établirent en Médie. «Les Mèdes, dit M. Vigouroux, avaient envahi les pays situés à l’ouest de Rhagæ et s’y étaient solidement établis dans les temps qui précédèrent l’avènement de Théglathphalasar, le vainqueur d’Israël. Ce voisinage inquiéta les Assyriens. Théglathphalasar porta ses armes dans la direction du Zagrus dès la seconde année de son règne; il parcourut victorieusement la Médie dans toute son étendue, et ses succès furent tels, qu’il n’eut pas besoin d’y recommencer ses expéditions pendant tout le reste de ses jours.» La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., Paris, 1889, t. iv, p. 154. Ce roi d’Assyrie, qui le premier pratiqua sur une large échelle la politique barbare de transplanter dans d’autres contrées les populations vaincues, put donc déporter dans le pays lointain des Mèdes les enfants d’Israël, comme le fit également Sargon, son second successeur, le vainqueur de Samarie. Voir Médie.
A. Legendre.
ARAAS (hébreu: Ḥarḥas; Septante: Ἀράς), père de Thécua et ancêtre de Sellum, l'époux de Holda, prophétesse du temps de Josias. IV Rois, xxil, 14. Dans II Par., xxxiv, 22, il est appelé Hasra (hébreu: hasrah, «indigène» ).
ARAB (hébreu: ʾĂrâb; Septante: Αἰρέμ), Jos., xv, 52; ville de la tribu de Juda. La Vulgate écrit Arbi dans II Reg., xxiii, 35. C’est la première ville du second groupe appartenant au district montagneux. Jos., xv, 52-54. Saint Jérôme, Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxiii, col. 894, signale à propos d' «Éreb, dans la tribu de Juda…, un bourg du Daroma, c’est-à-dire de la région méridionale, qui s’appelle Érémiththa», Héromith suivant d’autres éditions, Ἐρέμινθα dans l’Onomasticon, Goettingue, 1870, p. 254. C. R. Couder écrivait de Yutta, le 5 novembre 1874: «À l’est d’Hébron, un site très ancien a été découvert par le caporal Armstrong, et est connu sous le nom de Khirbet el-'Arabiyéh (la ruine arabe). On y remarque plusieurs puits et citernes, et il est situé près d’une des routes principales. À cette identification on peut objecter que l’aleph hébreu est ici représenté par Vain arabe; mais nous avons un exemple notable d’un changement absolument identique dans le nom d’Ascalon (hébreu: ʾAšqelôn), maintenant ʾAskelân, et le changement est ici d’autant plus naturel, qu’il donne un sens au mot dans le langage moderne des Arabes.» Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1875, p. 14. Plus tard cependant le même explorateur plaça Arab un peu plus bas, au village actuel d’Er-Rabiyéh, au sud-ouest d’Hébron. Quarterly Statement, 1881, p. 50, et Handbook to the Bible, Londres, 1887, p. 403. Les auteurs de la nouvelle carte anglaise, Londres, 1890, feuille 14, ont maintenu cette identification. Cf. Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 12. Elle semble plus conforme à l'énumération de Josué, xv, 52, dans laquelle Arab se trouve près de Ruma, hébreu Dûmâh, qu’on identifie généralement avec Khirbet Daouméh. Voir la carte de la tribu de Juda. Cette ville était la patrie d’un des héros de David nommé Pharai. II Reg., xxiii, 35. Voir Arbi.
A. Legendre.
ARABA, ARBATHITE (hébreu: hâʿarbâṭi; Septante: ὁ Bαρδιαμίτης, II Reg., xxiii, 31; ὁ Γαραϐαιθί, I Par., xi, 32), c’est-à-dire «natif d’Arabah», s’applique à Abialbon, un des héros (gibbôrîm) de David. II Reg., xxiii, 31; I Par., xi, 32. Arabah est une ville de la tribu de Benjamin, Jos., xviii, 22, sur la frontière nord-est de Juda, Jos., xv, 6, appelée Beth Araba, mais nommée aussi simplement Arabah. Cf. Jos., xv, 6, et xviii, 18. Voir Beth Araba.
A. Legendre.
ARABAH (hébreu: hâʿĂrâbâh, avec l’article, Deut., ii, 8; iii, 17; iv, 49; Jos., iii, 16; viii, 14; xi, 2, 10; xii, 1, 3; xviii, 18; Il Reg., iv, 7; IV Reg., xxv, 4; Jer., xxxix, 4; lii, 7; Ezech., xlvii, 8; hâʿĂrâbâṭah, avec hé local, Jos., xviii; 18; — Septante: Ἄραϐα, Deut, ii, 8; iii, 17; iv, 49; Jos., iii, 16; xi, 2; xii, 1, 3; IV Reg., xxv, 4; Jer., xxxix, -; lii, 7; Ἄραϐία, Ezech., xlvii, 8; Bαιθάραϐα, Jos., xviii, 18; πρὸς δυσμαῖς, Jos., xi, 16; κατὰ δυσμάς, II Reg., iv, 7; — Vulgate: campestria, Deut., ii, 8; IV Reg., xxv, 4; Jos., xviii, 18; planities, Deut., iii, 17; iv, 49; Jos., xviii, 18; plana deserti, Ezech., xlvii, 8; solitudo, Jos., xii, 1, 3; desertum, Jos., viii, 14; II Reg., iv, 7; Jer., xxxix, 4; eremus, Jer., lii, 7), nom donné, dans le texte hébreu, à la vallée profonde qui s'étend du lac de Tibériade à la mer Morte, et de la mer Morte au golfe Élanitique.
I. Nom et signification. — 1° Dans l'Écriture. Ce nom ne se trouve, dans la Vulgate, que sous la forme composée de Beth Araba, hébreu: Bêt-hâʿĂrâbâh, «la maison de l’Arabah;» Septante: Bαιθάραϐα, ville de la tribu de Benjamin, Jos., xviii, 22, sur la frontière nord-est de Juda, Jos., xv, 6; mais, dans l’hébreu, il se rencontre assez fréquemment, tantôt avec un sens général, tantôt avec un sens restreint.
Plusieurs écrivains sacrés de l’Ancien Testament, principalement les poètes et les prophètes, emploient le mot ʿăràbâh avec l’idée générale de «région déserte, stérile, inhabitable». Cf. Job, xxxix, 6; Is., xxxiii, 9; xxxv, 1; XL, 3; li, 3; Jer., ii, 6; xvii, 6; l, 12; li, 43. Gesenius, Thesaurus linguæ heb., p. 1066, le rattache à la racine ʿâràb ou ʿârêb, «être stérile, aride.» Les Septante le rendent de différentes manières: ἄϐατος, «inaccessible,» Jer., l, 12; li, 43; ἕρημος, «désert,» Job, xxxix, 6; Is., xxxv, 1; li, 3; Jer., xvii, 6; ïr, «terrain bas,» Is., xxxiii, 9; ἄπειρος (γῆ), «(terre) inculte,» Jer., ii, 6; γῆ διψώσα, «terre altérée,» Is., xxxv, 6. La Vulgate met de même, tantôt desertum, Is., xxxiii, 9; xli, 19; Jer., xvii, 6; Li, 43; tantôt solitudo, Job, xxxix, 6; Is., xxxv, 1; XL, 3; xxxv, 6; tantôt inhabitabilis (terra), Jer., ii, 6.
Mais, avec l’article défini, hâʿĂrâbâh possède, notamment dans les livres historiques, comme le Deutéronome, Josué et les Rois, un sens local bien déterminé. Il indique une contrée parfaitement connue des habitants de la Palestine, c’est-à-dire cette dépression si remarquable qui s'étend des pentes méridionales de l’Hermon au golfe d’Akabah, par la vallée du Jourdain, la mer Morte et l’ouadi Arabah, qui en conserve encore le nom. Il suffit, en effet, d’un coup d'œil sur les principaux passages des livres que nous venons de citer, pour constater que ce mot, au temps de la conquête et de la monarchie, s’appliquait à la vallée dans toute sa longueur, aussi bien dans sa partie septentrionale que dans sa partie méridionale. Ainsi: 1° larégion appelée plus spécialement aujourd’hui El-Ghôr, et qui va du lac de Génésaieth à la mer Morte, est clairement indiquée dans Deut., iv, 49; Jos., xi, 2; xil, 1, 3. — 2° Dans Jos., viii, 14; xviii, 18; II Reg., Il, 29; iv, 7; IV Reg., xxv, 4; Jer., xxxix, 4; lii, 7, il s’agit de laplaine du Jourdain qui se trouve au nord de la mer Morte, et, avec ce sens, ces différents passages, embarrassants pour certains commentateurs, deviennent facilement intelligibles. — 3° L’Arabah, Jos., XI, 16; xii, 8, compte parmi les grandes divisions de la Palestine, et est ainsi distinguée de «la montagne», har; de «la plaine», šefêlâh; du «midi», hannégéb; de «la plaine du Liban ou de Cœlésyrie», biqʿaṭ hallebânôn. — 4° La mer Morte, occupant le point le plus profond de la vallée, portait, en raison de cette particularité, qui n’avait pu échapper aux Hébreux, le nom de yâm hâʿĂrâbâh, «mer de l’Arabah,» Deut., iii, 17; iv, 49; Jos., iii, 16; xii, 3; IV Reg., xiv, 25, en même temps que celui de yâm hammélaḥ, «mer de sel.» Jos., iii, 16. — 5° Enfin le début du Deutéronome, i, 1; ii, 8, nous transporte dans la partie méridionale, entre le lac Asphaltite et la mer Rouge. Ajoutons à cela le pluriel ʿArbôṭ, qui, souvent uni à Môʾâb, Num., xxii, 1; xxvi, 3, 63; xxxi, 12; xxxiii, 48, 49; xxxv, 1; xxxvi, 13; Deut., xxxiv, 1, 8; Jos., xiii, 32, et à Yerîḥô, «Jéricho,» Jos., iv, 13; v, 10; IV Reg., xxv, 5; Jer., xxxix, 5; lii, 8, désigne certainement la plaine qui, d’un côté, vers l’ouest, avoisine cette dernière ville, et de l’autre, vers l’est, touche au pays de Moab. ʿArbôṭ Môʾâb est toujours distingué de ṡedéh Môʾâb, ou les hauts plateaux cultivés qui se déroulent à l’orient.
Ce second sens dérive du premier. Le fond de cette grande vallée, plat et uni entre deux rangées de hauteurs latérales, ressemble à une plaine étroite, longue et souvent aride. L’ensemble de cette région extraordinaire mérite bien le nom de «désert» ou «solitude», attribué par les Hébreux à toute contrée plus ou moins dépourvue de villes ou d’habitations. La partie inférieure le portait à plus juste titre, et l’a conservé jusqu'à nos jours; mais la partie supérieure elle - même pouvait le recevoir. Très peu de villes se sont formées dans la vallée du Jourdain, que l’extrême chaleur rend presque inhabitable; et aujourd’hui encore à peine y trouve-t-on quelques chétifs villages sur la pente extrême des montagnes qui la bordent.
2° Dans les versions. La signification restreinte que nous venons de donner, avec l'Écriture, au mot ʿĂrâbâh, semble avoir échappé à plusieurs des anciennes versions et aux commentateurs anciens. La Vulgate, comme on peut le voir par l'énumération des textes cités au commencement de cet article, le rend indistinctement par campestria, planities, solitudo, desertum, tous mots qui lui servent de même pour exprimer les termes hébreux: Mišôr, Biqʿâh, Midbâr, Šefêlâh, Yešimôn. On peut voir, pour la distinction de ces termes, Stanley, Sinai and Palestine, Londres, 1866, Appendix, p. 484-488. Les Targums mettent partout Méšraʿ, correspondant à l’hébreu Mišôr, excepté Jos., xviii, 18, où le texte est strictement reproduit par Gharabatha. Aquila, même avec sa littéralité excessive, emploie, au lieu du nom propre, son expression favorite ἡ ὀμαλή, «la plaine». Pour les Septante, on se demande si c’est avec intention qu’ils ont, dans plusieurs endroits, traduit par Ἄραϐα et Ἀραϐώθ, ou s’ils n’ont point plutôt cédé à leur habitude de transcrire littéralement les mots qu’ils ne comprenaient point, comme IV Reg., ii, 14, ἀφφώ; iii, 4, νωκήδ; iv, 39, ἀριώθ, etc. Cf. Grove, dans Smith’s Dictionary of the Bible, Londres, 1861, t. i, p. 87, note e. Nous croyons que les traducteurs grecs ont bien saisi la portée de ce mot. En effet, ils ont mis Ἄραϐα et Ἀραϐώθ dans la plupart des passages mentionnés, et au lieu de reproduire, dans les autres, l’expression générale ἔρημος, ἄϐατος ou ἔλη, ils ont toujours traduit par πρὸς δυσμαῖς, κατὰ δυσμάς, ἐπὶ δυσμών, «à l’occident,» ce qui prouve simplement une lecture fautive, maʿǎràbâh (de maʿǎrâb, «contrée occidentale,» avec hé local) pour bâʾărâbàh, «dans l’Arabah,» rien n'étant plus facile que la confusion entre le ב, beth, et le מ, mem. Dans certains cas même, ils ont accentué l’idée en mettant l’article, τὴν Ἄραϐα, Deut., ii, 8; iv, 49; IV Reg., xxv, 4, ou τὴν γῆν Ἄραϐα, Jos., xii, 1. La version syriaque donne ʿAraba dans tout le Deutéronome, puis le nom général de «plaine» dans les autres livres. La version arabe emploie quatre fois le nom spécial d’El-Ghôr, الغور, Deut., i, 7; iii, 17; iv, 49; xi, 30.
3° Dans les historiens et les géographes. Josèphe appellela vallée du Jourdain μέγα πεδίον, Ant. jud., IV, vi, 1, etc., dénomination qu’il applique également à la plaine d’Esdrelon, Bell. jud., IV, I, 8. Au temps d’Eusèbe et de saint Jérôme, Ἀυλὠν, Aulon, désignait cette «grande vallée dont l’immense longueur se déroule entre deux chaînes de montagnes parallèles, qui, commençant au Liban, vont jusqu’au désert de Pharan. L’Aulon renferme les villes illustres de Scythopolis, Tibériade et Jéricho.» Onomasticon, Gœttingue, 1870, p. 214; S. Jérôme, Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxiii, col. 866. Au mot grec Ἀυλὠν, «fossé, dépression,» correspond le nom d’El-Ghôr (gh = r grasseyé), donné à la plaine du Jourdain par les écrivains arabes, Édrisi, édit. Jaubert, p. 337, 338; Aboulféda, Géographie, texte arabe, publié par MM. Reinaud et le baron Mac Guckin de Slane, Paris, 1840, p. 243, 245, etc., et que Freytag, Lexicon arabico-latinum, 4 in-4°, Halle, 1835, t. iii, p. 301, rattache à la racine غَارَ, avec la signification de terra depressa «terre basse, abaissée». Aboulféda même, Tabulæ Syriæ, édit. Köhler, Leipzig, 1766, p. 8, 9, suivant Robinson, donne au mot Ghôr toute l’extension de l’hébreu 'Arâbâh, et l’applique à la vallée dans toute sa longueur. Cf. Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. ii, p. 186. Ce mot néanmoins a été restreint à la partie septentrionale, comme l’antique dénomination hébraïque à la partie méridionale. Pour l’ensemble et l’examen de ces données historiques et géographiques, voir Reland, Palæstina ex monumentis veteribus illustrata, Utrecht, 1714, t. i, p. 359-366.
II. Description. — 1° L’Arabah dans toute son étendue. Outre sa célébrité historique, cette vallée présente un dèsphénomènes géologiques les plus étonnants. Elle court, dans une longueur d’au moins 440 kilomètres, depuis les pentes méridionales du grand Hermon, au nord, jusqu’au golfe d’Akabah, sur la mer Rouge, au sud. Partant, si l’on veut, de la source la plus élevée du Jourdain, le Nahr el-Hasbany. à 563 mètres au-dessus de la Méditerranée, elle descend jusqu'à la profondeur de 392 mètres au-dessous, à l’embouchure du fleuve dans la mer Morte. C’est donc une différence de 955 mètres entre son point de départ et son niveau le plus bas; et une pareille dépression est la plus forte qui existe sur la surface du globe. De l’extrémité méridionale du lac Asphaltite, ellese relève insensiblement jusqu'à 240 mètres au-dessus dela Méditerranée. C’est, en effet, à 110 kilomètres environau sud de la mer Morte, et à 71 kilomètres au nord du golfe Élanitique, que se trouve la ligne de partage des eaux: tous les torrents se dirigent, vers le nord, dans la mer Morte, et, vers le sud, ils vont se jeter dans le golfe Élanitique. Ainsi, pendant 250 kilomètres, la vallée d’Arabah s’abaisse de 955 mètres, pour se relever ensuite de 632 mètres, et s’abaisser de nouveau de 240 mètres. Nous ne dirons rien du Ghôr ou de la partie supérieure, renvoyant pour les détails à l’article Jourdain; mais nous décrirons comme il convient la partie inférieure, qui nous a conservé le nom même employé par l'Écriture.
2° L’Arabah actuel ou Ouadi el-Arabah. Si, de l’Hermonà la mer Morte, la vallée descend, par une ligne directe, du nord au sud, elle fléchit du nord-nord-est au sud-sud-ouest, à partir de la mer Morte jusqu’au golfe d’Akabah.Elle garde néanmoins la raideur et l’aspect général duGhôr, encaissée comme lui entre deux rangées de hauteurs d’une élévation inégale, trait caractéristique de toutela région. Les montagnes qui la ferment des deux côtéssont la continuation de celles qui bordent la plaine duJourdain, mais avec un caractère plus grandiose et plusdésolé. Celles de l’est sont beaucoup plus élevées et plusabruptes que celles de l’ouest. Voir la carte, fig. 201.
L’escarpement occidental et le plateau qu’il terminesont de formation calcaire: c’est le prolongement desterrasses de Judée, venant, vers le sud, aboutir au Djebelet-Tih, qui couvre l’entrée de la péninsule sinaïtique.Après les vallées fertiles, les cantons verdoyants et lesplaines stériles qui se succèdent en descendant d’Hébron, on ne trouve plus, dans la partie méridionale et centrale, que des plaines ondulées, absolument nues, plutôt pierreuses que sablonneuses: tristes solitudes qui ont reçu des Arabes le nom de Tîh ou désert de «l’Égarement», en souvenir des longues pérégrinations qu’y firent les Hébreux. Ce plateau, qui domine de cinq ou six cents mètres la vallée d’Arabah,
201. — Carte de l’Ouadi el-Arabah.
donne passage à un système d’ouadis incliné au nord-est, avec deux issues principales, l’Ouadi Fikréh et l’Ouadi Djéraféh. Ces torrents sont à sec la plus grande partie de l’année; mais les pluies d’hiver, quand elles sont fortes et prolongées, donnent par eux une fertilité passagère à quelques coins du désert.
La muraille orientale est formée par les monts de l’Idumée ou de Séir, lisière longue et étroite, dont le développement du nord au sud égale et suit le cours de l’Arabah, et dont la plus grande largeur ne dépasse guère trente-cinq kilomètres. C’est une chaîne de grès, de granit et de porphyre, où l’action des feux volcaniques a laissé de nombreuses traces, et que sillonnent d’innombrables ravins descendant vers l’Arabah, gorges sinueuses que la saison des pluies change en fougueux torrents. Outre ces courants temporaires, des sources entretiennent dans beaucoup d’endroits une fraîcheur permanente, et y permettent un peu de culture: de là le contraste qui existe avec l’aridité des déserts entre lesquels cette contrée montagneuse est interposée. À peu près vers le milieu, cette chaîne d’Edom est couronnée par la cime du mont Hor ou Djebel Haroun, qui, pareil à un cylindre terminé parun cône surbaissé, commande l’Ouadi Arabah comme le créneau isolé d’une immense muraille. En nous plaçant à son sommet, qui domine la mer d’environ 1 328 mètres, rien n’est plus facile que de comprendre la structure géologique de l’Arabah. Au premier plan s'étend la terrasse de grès de Nubie qui forme le sommet du mont Hor; puis, à droite, les porphyres avec les filons de diverses variétés qui en sillonnent la masse. Sur ces porphyres viennent s’adosser les grès de Nubie, composés en grande partie de leurs éléments désagrégés. Au centre, la petite chaîne déchiquetée des poudingues tertiaires, supportéepar les grès de Nubie; puis des îlots de porphyre disséminés à travers les terrains crétacés, et reconnaissables à leurs formes aiguës, ainsi qu'à leur ton sombre; à gauche, une montagne crétacée. Enfin, dans le fond, les alluvions et les sables de l’Ouadi Arabah forment une bande horizontale, à laquelle viennent se réunir celles des divers ouadis tributaires, et qui sépare le massif iduméen des collines crétacées qu’on voit former, à l’horizon, les plateaux du Tih. Cf. duc de Luynes, Voyage d’exploration à la mer Morte, 3 in-4o, Paris, t iii, p. 323, planche iv; voir aussi une belle carte géologue de l’Ouadi el-Arabah, dans Edward Hull, Memoir of the Geology and Geography of Arabia Petræa, Palestine and adjoining districts, Londres, 1889, p. 138. Voir Idumée.
Entre ce double encaissement, la vallée d’Arabah se déroule ainsi comme un vaste sillon, dont la largeur, en moyenne de neuf à dix kilomètres, atteint presque le double vers le centre. Montant peu à peu, nous l’avons dit, depuis l’hémicycle qui ferme la Sebkah, jusqu'à la hauteur de 240 mètres, elle descend ensuite au niveau de la mer, en se rétrécissant d’une manière continue; à partir de la ligne de partage des eaux, la chaîne occidentale se rapproche sensiblement des montagnes d'Édom. Le fond de cette immense tranchée n’est, aux deux extrémités, septentrionale et méridionale, que l’ancien dépôtdes deux mers qu’elles touchent, de formation récente, post-pliocène ou pliocène. Dans l’intervalle se trouvent des bancs de sable, de gravier, de cailloux roulés et de marne, à travers lesquels émergent, de distance en distance, certaines roches calcaires. Tout le versant nord est occupé par l’Ouadi el-Djeib, qui contourne la lisière occidentale, et reçoit les nombreux affluents dont les lits, descendant des monts de l’Idumée, sillonnent la plaine dans la direction du sud-est au nord-ouest. Près de son débouché dans le Ghôr, l’Ouadi el-Djeib est bordé de falaises hautes de dix à quinze mètres, laissant entre elles un lit très uni d’environ cinq cents mètres, où les courants qui l’ont formé ont laissé la trace de leur passage et leur boue desséchée. Il conserve pendant plusieurs kilomètrescet escarpement, résultat de l’excavation des eaux; puis, audelà de l’Ouadi Haseb, les falaises s’abaissent de plusen plus pour disparaître complètement. À partir de l’OuadiGharundel, l’un des plus importants du massif oriental, les torrents, moins étendus, se dirigent vers le sud, amassant dans la plaine, en forme d'éventail, des dépôts de cailloux roulés.
En somme, l’Ouadi el-Arabah contraste singulièrement avec le Ghôr. Au lieu d’un fleuve dont les eaux abondantes et perpétuelles entretiennent une belle ligne de verdure, la vallée méridionale ne possède que des courants temporaires, insuffisants pour féconder le sol. Quelques chétives sources, espacées à d’assez grandes distances, nourrissent à peine quelques arbres, et n’offrent même pas au voyageur les ressources dont il a besoin.En allant du nord au sud, on trouve l’Aïn Ghuwiréh, d’un demi-mètre de diamètre; son eau, fraîche et sensiblement sulfureuse, sort, au milieu des roseaux, d’un terrain sablonneux, parsemé de mimosas. Plus bas, l’Aïn Gharundel, à deux cents mètres environ de l’Ouadi du même nom, perd ses eaux dans le sable: néanmoins deux grands palmiers et quatre ou cinq petits qui l’ombragent, aussi bien que les joncs qui croissent à l’entour, semblent prouver qu’elle ne tarit jamais absolument. Enfin, plus bas encore, en amont d’un groupe de palmiers, de roseaux et de tamaris, et au pied d’un gradin calcaire de la chaîne iduméenne, est une fontaine dont l’ouverture est carrée, d’un mètre à peu près; elle entretient la fraîcheur et la végétation d’un fourré de verdure, et s’appelle Aïn Thaabéh ou Tȧbâ. L’hiver, quelques bas-fonds sont transformés en lacs par l’eau des torrents.
3° L’Arabah et le lit du Jourdain. La formation de la mer Morte et le cours du Jourdain ont été longtemps l’objet d’un problème aussi intéressant que difficile. Voir Mer Morte, Vallée de Siddim. Lorsque, en 1812, Burckhaidt, Travels in Syria and the Holy Land, in-4°, Londres, eut signalé la grande vallée d’Arabah, que nous venons de décrire, une hypothèse, en apparence très plausible, fit supposer qu’elle était l’ancien chenal par où le fleuve célèbre allait autrefois déverser ses eaux dans le golfe Élanitique. M. Léon de Laborde, en 1828, publiant son Voyage de l’Arabie Pétrée, in-f°, Paris, y joignit une carte sur laquelle il n’hésita pas à appeler l’ouadi Arabah ancien cours du Jourdain. D’après lui, comme d’après beaucoup d’autres savants, les eaux du fleuve, soudainement interrompues par la catastrophe qui bouleversa laPentapole, avaient formé le lac Asphaltite. Cependant, dès 1835, des doutes très sérieux furent émis sur cette hypothèse par M. Letronne, Journal des savants, octobre 1835, p. 596, et par un explorateur, le capitaine Callier, Journal des savants, janvier 1836, p. 46 et suiv. Mais ce qui jeta un jour nouveau sur la question, ce fut la découverte faite, en 1837, de la grande dépression de la mer Morte au-dessous de la Méditerranée. Cette dépression, différemment estimée par les voyageurs, Schubert, de Bertou, Russeger, Symonds, Lynch, portée par eux de 435 à 390 mètres, a été fixée en 1864, par M. Vignes, à 392 mètres.
Celle même année 1837 vit s’accomplir une autre découverte non moins importante. M. de Bertou suivit dans toute sa longueur, depuis la mer Morte jusqu’au golfe d’Akabah, cette vallée, qu’aucun voyageur modernen’avait encore parcourue dans son entier. Il constata au milieu de ce désert l’existence d’un double versant, dont la ligne de faîte est évaluée par lui à 160 mètres environ au-dessus de la Méditerranée, Voyage depuis les sources du Jourdain jusqu'à la mer Rouge, extrait du Bulletin de la Société de géographie, p. 16 et 53, avec deux cartes.L’exploration, reprise avec un très grand soin, en 1864, par M. le duc de Luynes et les membres de son expédition, reconnut cette ligne de partage des eaux; mais M. Vignes en évalue l’altitude à 240 mètres. «C’est, dit-il, le point le plus bas de la ligne. Vient ensuite une chaîne de collines qui se dirige vers le nord-nord-est. La plaineformée entre ces collines et les montagnes de l’est monte vers le nord jusqu’au point (B sur la carte) où se trouve une sorte de dos d'âne transversal et à pentes douces, qui unit les collines aux derniers contreforts des montagnes d'Édom. Ce point est élevé de 346 mètres au-dessus de la Méditerranée, et semble répondre à la description quedonne M. de Bertou du lieu qu’il appelle Es-Satéh (le toit)… En résumé, la détermination de la ligne de partage des eaux de l’Arabah ne doit plus laisser aucun doute.C’est une ligne courbe dont la direction générale est du sud-ouest au nord-est, et qui est comprise entre 30°08' et 30° 14' de latitude nord. À partir de cette ligne, vers le sud, tous les torrents ont une direction incontestable vers le golfe d’Akabah, tandis que, dans le nord, ils vont rejoindre le cours du Ouadi el-Djeib.» Duc de Luynes, Voyage d’exploration à la mer Morte, t. ii, p. 10-11.
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202. — Profil du Sinaï au Liban.
L'énorme dépression de la mer Morte d’un côté, et de l’autre les deux versants anticlinaux de l’Arabah, condamnent donc l’hypothèse de l’ancien écoulement du Jourdain dans la mer Rouge, à moins cependant de recourir encore à une autre hypothèse, celle d’affaissements gigantesques. «Mais, dit M. Lartet, ces affaissements n’auraient pu se produire sans déranger fortement l’horizontalité des sédiments du fond de la vallée. C’est ce que l'étude stratigraphique de ces dépôts ne permet pas d’admettre… L'étude attentive de la structure du sol aux environs du partage des eaux de l’Arabah nous fait considérer cette ligne de faîte comme un barrage crétacé, séparant d’une façon complète les deux versants anticlinaux de ce désert. À cette altitude, les terrains crétacés ne sont plus recouverts que de leurs propres débris, et n’offrent aucune trace du passage d’un ancien cours d’eau se 'dirigeant vers la mer Rouge.» Bulletin de la Société géologique de France, 2e série, t. xxii, p. 431. Cf. V. Guérin, Description de la Palestine, Samarie, t. i, p. 79-83; Ed. Hull, Mount Seir, p. 85.
III. Histoire. — La vallée d’Arabah, prise dans toute son étendue, est, nous l’avons dit, unique au monde au point de vue géologique; elle occupe aussi une place à part dans l’histoire du peuple de Dieu. Nous ne dirons rien des grands événements dont le Jourdain fut le témoin, depuis le jour où ses flots se séparèrent pour livrer passage aux Israélites marchant à la conquête de la Terre Promise, jusqu'à celui où ses eaux furent sanctifiées parle baptême de Notre -Seigneur Jésus-Christ. Voir Jourdain. Nous devons nous borner à rappeler ici les principaux faits de l’histoire sainte qui se rattachentà l’Arabah méridional.
Sur le point de quitter Cadès, Moïse, ne pouvant attaquer le pays de Chanaan par le sud, obligé en conséquence de prendre la route de l’est, envoya des messagers au roi d'Édom pour obtenir soit bénévolement, soit à prix d’argent, la permission de traverser son territoire. En effet, plusieurs des grandes vallées qui coupent les monts de Séir offraient une voie naturelle pour passer dans le pays de Moab. Comptant sans doute sur une réponse favorable à leur requête, faite au nom de l’amitié fraternelle, les chefs de l’armée Israélite traversèrent la plaine d’Arabah et vinrent camper en face du mont Hor. C’est alors qu’Aaron lut, par ordre de Dieu, conduit sur ce sommet désormais célèbre, pour y subir le trépas mystérieux qui devait bientôt couronner aussi sur le mont Nébo la vie de Moïse lui-même. Seulement le grand prêtre, plus coupable que son frère, n’eut pas comme lui la consolation de contemplermême de loin la Terre Promise: ses regards mourantsn’eurent pour horizon que le désert sans fin, la longue etstérile vallée de l’Arabah et les montagnes d'Édom. Num., xx, 14-17, 22-30.
Cependant le roi des lduméens ne voulut pas écouter laprière des enfants de Jacob. À l’annonce de leur approche, il réunit toutes ses troupes pour leur barrer le passage.Num., xx, 18-21. Force fut donc à ceux-ci de descendre vers le sud, afin de contourner les montagnes dont l’entrée leur était interdite, et de remonter ensuite par lenord-est jusqu’au pays de Moab. Mais ce nouveau et difficile voyage lit éclater une révolte. Lé peuple, fatigué, murmura contre Dieu et Moïse: «Pourquoi, disait-il, nousavoir fait sortir de l’Egypte, pour que nous trouvionsla mort dans un désert où nous manquons de pain etd’eau?» Num., xxi, 4-5. Le tableau que nous avons tracé explique ces plaintes des Hébreux. Dieu, pour les punir, les livra à la morsure brûlante de serpents et reptiles venimeux, qui abondent dans la presqu'île du Sinaï et la plaine d’Arabah. Cf. Dr G. H. von Schubert, Reise in das Morgenland, Erlangen, 1840, t. ii, p. 406. C’est dans ce désert que Moïse éleva le serpent d’airain. Num., xxl, 6-9. La plupart des critiques supposent que les enfants d’Israël, arrivés vers le sud, prirent, pour effectuer leur passage vers la frontière orientale, l’Ouadi el-Ithm, qui contourne entièrement le massif de l’Idumée, en reliant l’Arabah à la route qui monte vers le pays des Moabites. M. le duc de Luynes fait des réserves à cette hypothèse, Voyage d’exploration à la mer Morte, t. i, p. 209.
Après la conquête de l’Idumée par David, II Reg., viii, 13-14; I Par., xviii, 12-13, la grande vallée d’Arabah dut servir de route commerciale entre la Palestine et le golfe Élanitique, vers Asiongaber, dont Salomon fit une ville maritime du premier ordre. C’est dans cette ville que fut préparée la flotte du grand roi, et de là qu’elle partit pour Ophir, III Reg., IX, 20; là aussi que Josaphat équipa ses navires pour la même destination. III Reg., xxii, 49.
Il y eut donc un temps où le commerce entretenait aumilieu de ces solitudes le mouvement et la vie. Rome, maîtresse de ces contrées, y porta son génie grandioseet pratique: des postes militaires étaient échelonnés sur la route de l’Arabah, près de l’Ouadi Tlah, qui, au nord, commande une bifurcation importante vers le pays d'Édom et la mer Rouge, près de l’Ouadi Haseb, à l’Aïn Melihéh, à l’Ouadi Gharundel, à l’Ouadi Tourban. Cf. duc de Luynes, ouvr. cité, p. 252, 254, 256, 259.
IV. Bibliographie. — L. Burckhardt, Travels in Syria and the Holy Land, in-4o, Londres, 1822, p. 360-412; L. de Laborde et Linant, Voyage de l’Arabie Pétrée, in-f°, Paris, 1830, p. 50 et suiv., nombreuses planches et cartes; J. de Bertou, Voyage depuis les sources du Jourdain jusqu'à la mer Rouge, extrait du Bulletin de la Société de géographie, 2e série, t. xii, avec deux cartes; E. Robinson, Biblical Researches in Palestine, 3 in-8o, Londres, 1856, t. ii, p. 183-187; W. H. Bartlett, Forty days in the désert, in-8o, Londres, 1862, p. 100 et suiv.; Stanley, Sinai and Palestine, in-8*, Londres, 1866, p. 84 et suiv.j K. H. Palmer, The desert of the Exodus, 2 in-8o, Cambridge, 1871, t. ii, p. 429-461, 517-529; duc deLuynes, Voyage d’exploration à la mer Morte, 3 in-4oet 1 vol. de planches, Paris, t. i, p. 213-317; Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, 1884, p. 434; E. Hull, Mount Seir, Sinai and Western Palestine, in 8°, Londres, 1889, p. 75-84, 85-107, 178-184, gravures et cartes; Chauvet et Isambert, Syrie et Palestine, Paris, 1887, p. 38 et suiv. Pour la géologie, voir le t. iii de l’ouvrage de M. le duc de Luynes, dû à M. L. Lartet; E. Hull, Memoir of the Geology and Geography of Arabia Petræa, Palestine, in-4o, Londres, 1889; pour l’histoire naturelle, H. Chichester Hart, A naturalist’s journey to Sinai, Petra and south Palestine, dans Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1885, p. 252 et suiv. M. Vignes, lieutenant de vaisseau, aujourd’hui vice-amiral, a dressé une grande carte de l’Arabah au 240000e, avec les cotes d’altitude, Paris, 1865, une feuille grand-aigle; réductiondans l’ouvrage de M. le duc de Luynes.
A. Legendre.
1. ARABE (hébreu: ʿǍrâbî, Is., xiii, 20; Jer., iii, 2; ʿArbî, II Esdr. (Neh.), ii, 19; vi, 1; pluriel: ʿArbîm, II Par., xvii, 11; xxi, 16; xxii, 1; xxvi, 7; II Esdr., iv, 1 (LXX et Vulg., 7); Septante: Ἄραϐες; dans les Machabées: Ἄραψ, I Mach., xi, 17; Ἄραϐες, v, 39; xi, 39; xii, 31; II Mach., v, 8; xii, 10, 11; dans le Nouveau Testament: Ἄραϐες, Act., ii, 11), nom ethnique des tribus nomades qui habitaient l’Arabie. Il a, dans l'Écriture, un sens qu’il est nécessaire de préciser, et les populations qu’il désigne ont avec les Hébreux, au point de vue ethnographique et historique, des rapports dont il est utile d’offrir un aperçu.
I. Nom. — Ce nom, qui n’apparaît dans la Bible qu'àl'époque d’Isaïe, xiii, 20, n’a pas l’extension qu’on lui donne aujourd’hui. Il n’indique ni tous les peuples issus de la grande famille arabe, ni tous les habitants de la péninsule arabique, mais les tribus qui, campées à l’est et au sud-est de la Palestine transjordanique, occupaient les contrées situées au nord et jusque vers le centre de l’Arabie proprement dite. On le trouve avec le même sens restreint et local dans les inscriptions assyriennes, et il correspond aux Arabes Σϰηνίται, «vivant sous la tente,» que Strabon, XVI, i, 27, place au sud de la Mésopotamie. C’est la même signification que lui attribuent Josèphe, Ant. jud., i, xii, 4; XIV, i, 4, et le Nouveau Testament. Act. ii, 11; Gal., i, 17.
Dans les textes les plus anciens, Is., xiii, 20; Jer., iii, 2, il est synonyme d'«habitant du désert», suivant l'étymologie qu’on lui assigne généralement: ʿârab, «aride, stérile;» d’où ʿâràbâh, «plaine déserte.» Cf. Gesenius, Thesaurus linguæ heb., p. 1066. Appliqué d’abord aux nomades des régions qui se déroulent entre l’Euphrate et la mer Morte, le mot ʿârâbi a pu s’étendre, dans la suite des temps, aux populations de la presqu’île arabique, dont l’aspect, en beaucoup de points, est bien celui de l’arabak ou «désert». Dans les monuments littéraires on trouve أَعْرَابُ, ʿârâb, avec le sens d’«Arabes nomades», par opposition à عَرَبُ, ʿarab, qui indique «les habitants des villes». Cf. Freytag, Lexicon arabico-latinum, Halle, 1830, t. iii, p. 129-130. L’Arabe biblique a donc pour survivant le Bédouin actuel, dont le nom a d’ailleurs une dérivation toute semblable: بداوى, bedâoui, vient de بَدْوُ, «désert,» Freytag, Lexicon, t. i, p. 98, d’où بادية, bâdiet, nom que portent certaines contrées, comme bâdiet eš-Šam, «désert de Syrie;» bâdiet etTih, «désert de l'Égarement.» Les Égyptiens, distinguant les Arabes du sud de ceux du nord, appelaient les premiers Puntiû, «habitants du Punt,» et les seconds, c’est-à-dire les nomades, Šasû, «les pillards;» racine שטה, šâsàh, «piller, exercer le brigandage.»
Avant Isaïe, les Arabes étaient désignés par l’ expression générale de bené-Qédém, «fils de l’Orient,» Jud., vi, 3, 33; vii, 12; viii, 10; Job, i, 3; III Reg., v, 10; Is., xi, 14; Jer., xlix, 28; Ezech., xxv, 4, correspondant au mot Sarrasin, arabe: شرقي, scharqi, «oriental.» Aussi Josèphe, Ant. jud., V, vi, 3, rend-il par Ἄραϐας les bené-Qédém de Jud., vi, 3.
II. Histoire. — Laissant de côté l’histoire particulièrede chacun des peuples arabes (voir Ismaélites, Nabatéens, Dédan, etc.), nous n’avons qu'à indiquer ici les faits qui se rapportent au nom ethnique, au seul point de vue de l'Écriture Sainte. Voir, à l’article Arabie, l’ensemble des événements qui se rattachent à l’histoire générale de ce pays, aux différentes époques babylonienne, assyrienne, perse et gréco-romaine.
Les relations des Arabes avec les Israélites sont celles d’une perpétuelle hostilité. Trop faibles pour soutenir seuls la lutte, ils eurent toujours le rôle d’auxiliaires. Nous les trouvons, au début, tributaires de Josaphat eu même temps que les Philistins; et, tandis que ceux-ci font leurs présents en argent, ils apportent la contribution du nomade, c’est-à-dire des troupeaux, «sept mille sept cents béliers et autant de boucs.» II Par., xvii, 11. Bientôt après, révoltés contre Joram, avec les mêmes alliés, «ils entrèrent dans la terre de Juda, la dévastèrent, et s’emparèrent de tous les biens qui appartenaient à la maison du roi, ainsi que de ses fils et de ses femmes, et il ne lui resta plus que Joachaz, qui était le plus jeune.» II Par., xxi, 16-17. Ozias eut à combattre les mêmes ennemis; c'étaient des «habitants de Gurbaal». II Par., xxvi, 7.
Après la captivité, les Juifs, de retour à Jérusalem, rencontrèrent parmi leurs adversaires les plus acharnés certaines tribus arabes ayant à leur tête un chef nommé Gosem, qui s’unit à Sanaballat l’Horonite et à Tobie l’Ammonite. Les princes ligués commencèrent par tourner en dérision et par accabler de leur mépris Néhémie, qui voulait relever les murailles de la ville sainte. II Esdr., ii, 19. Quand ils virent les travaux poussés avec activité, et «la plaie du mur cicatrisée», ils passèrent du dédain à la colère, et se rassemblèrent pour combattre contre Jérusalem, en dressant des embûches. Mais, voyant leurs projets découverts et les dispositions que prenaient les Juifs pour la résistance, ils renoncèrent momentanément à leurentreprise. II Esdr., iv, 7-15. Après avoir jugé la violence inutile, ils employèrent la ruse, en proposant à Néhémie, à cinq reprises différentes, une entrevue qui n'était qu’un guet-apens. Celui-ci, justement défiant, refusa, résistant même à la peur que cherchait à lui inspirer un fauxprophète, Sémaias, payé par Sanaballat. Enfin, apprenant que la restauration, objet de leur jalousie et de leur fureur, était accomplie, ils se prirent à trembler et «reconnurent que cette œuvre avait été faite par Dieu.» II Esdr., vi, 1-16.
La grande lutte des Machabées devait réveiller leurs sentiments d’hostilité. Judas, après avoir tiré vengeance des habitants de Joppé et de Jamnia, fut attaqué, non loin de cette dernière ville, par une troupe d’Arabes, composée de cinq mille fantassins et de cinq cents cavaliers. Après un rude combat, où Dieu donna la victoire à son peuple, les assaillants, que l'Écriture appelle ici Nομάδες, demandèrent à Judas de leur tendre la main, promettantde l’indemniser avec les ressources dont ils disposaient, c’est-à-dire leurs troupeaux, et de lui prêter leur concours. Celui-ci, sachant quel parti il pourrait tirer de ces nouveaux alliés, accéda à leur demande, et ils s’en retournèrent dans leurs tentes. II Mach., xii, 10-12. CependantJudas, combattant contre Timothée, au delà du Jourdain, trouva encore dans l’armée ennemie des Arabes salariés comme troupes auxiliaires. I Mach., v, 39-43.
Alexandre Balas, vaincu par son beau-père Ptolémée VI Philométor d’Egypte, alla se réfugier chez les Arabes, croyant trouver auprès d’eux abri et protection; mais leur dynaste, nommé Zabdiel, pour faire sa cour à Ptoléméeet à Démétrius, viola les lois de l’hospitalité, fit décapiter son malheureux hôte et envoya sa tête au roi d’Égypte.I Mach., xi, 16-17. Alexandre laissait un jeune fils, Antiochus, dont l'éducation fut confiée à un chef arabe, nommé Émalchuel, Εἰμαλκουαί, ou Malchus, suivant certains textes. I Mach., xi, 39. Voir Émalchuel.
Jonathas, après avoir mis en fuite, dans les environs d'Émath, les troupes de Démétrius, «marcha vers les Arabes appelés Zabadéens, et les frappa et prit leurs dépouilles.» I Mach., xii, 31. Le nom et le contexte fontsupposer que ces Zabadéens étaient une tribu qui habitait la contrée où se trouve actuellement Zebdani, gros village de l' Anti-Liban, au nord-ouest de Damas, non loin de la source du Barada, l’ancien Abana.
III. Type physique, caractère, mœurs. — À ces données historiques répondent exactement et la physionomie et les coutumes des tribus nomades qui vivent encore aujourd’hui à l’est du Jourdain et de la mer Morte, dans le désert de Syrie et l’Arabie centrale.
203. — Scheik bédouin. D’après une photographie.
1° Les deux grandes fractions du peuple arabe, sédentaires et nomades, ont un type commun (fig. 203), mais avec des différences qui proviennent naturellement du climat, du genre de vie, du mélange de sang. Les habitants du désert se vantent avec raison d'être la race la plus pure et la mieux conservée: n’ayant jamais été conquis, jamais un élément étranger n’a pénétré parmi eux. «Les vrais Bédouins sont, pour la plupart, de taillemoyenne et bien prise, d’une singulière maigreur, ainsi que l’explique leur genre de vie, mais très agiles et beaucoup plus forts qu’on ne le croirait en voyant leurs membres grêles. Presque noirs ou d’un gris cendré, ils ont les traits réguliers, la figure d’un bel ovale, le crâne souvent irrégulier et pointu, le front haut, des yeux noirs et perçants; mais l’habitude de froncer le sourcil et de cligner des yeux, pour s’abriter du soleil en regardant au loin vers l’horizon, donne un éclat inquiétant à leur pupille: comme les Peaux-Rouges, ils ont l'œil du loup, dit-on fréquemment, et l’on est tenté de leur attribuer une férocité qui n’est point dans leur caractère. Les Bédouins vieillissent rapidement; leur peau se ride et se racornit au grand air; à quarante ans, leur barbe grisonne; à cinquante ans, ce sont des vieillards: un bien petit nombre d’entre eux atteignent la soixantaine. Du moins leur courte vie est-elle rarement interrompue parla maladie: les plus sobres des hommes, les Bédouins sont aussi parmi ceux qui ont la santé la plus robuste, la tête toujours libre, l’esprit clair et dispos. Dès leur enfance, ils ont appris à coucher sur la dure, à subir lachaleur du midi, à se passer de long sommeil et de nourriture abondante; ils ne boivent point de liqueur forte,
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204. — Costumes arabes. Bédouins et Bédouine. D’après trois photographies.
si ce n’est le lebben ou lait aigre, qui stimule légèrement sans jamais enivrer; ils ne mangent qu’une fois par jour, et la somme de leurs aliments est bien minime, en comparaison des repas journaliers de l’occidental.» É. Reclus, L’Asie antérieure, Paris, 1884, p. 878.
2° Le caractère arabe offre un singulier mélange de qualités et de défauts, dont l’opposition et les perpétuelles inconséquences s’expliquent par l’isolement, les nécessités et les dangers de la vie au milieu du désert, par l’ardeur du sang et de l’imagination. D’une patience étonnante, le nomade supporte presque toujours, sans proférer une plainte, la faim et la soif, le froid et la chaleur, la fatigue extrême dans les longues marches; mais l’amour-propre froissé, le désir de la vengeance le poussentà une colère redoutable. Avide et rapace, il aime les pièces luisantes et sonnantes; mais l’amour du gain disparaît chez lui devant les devoirs de l’hospitalité. Violent plutôt que sanguinaire, la soif du pillage le porte à des actes de cruauté; mais sous sa tente il devient un hôte libéral et courtois, même à l'égard d’un ennemi dont il a cent fois désiré la perte. Il est loin d’ailleurs de considérer au même point de vue que nous ce que nous appelons le brigandage. La pauvreté du territoire est pour lui l’excuse du pillage. Ne distinguant point entre la guerre et le guet-apens, il regarde le vol à main armée comme un droit de conquête, et dépouiller le voyageur est à ses yeux aussi méritoire, aussi glorieux que prendre une ville d’assaut ou réduire une province. Voir un curieux exemple de ghazou ou razzia dans lady Anna Blunt, Pèlerinage au Nedjed, berceau de la race arabe, 1818-1819, , dans le Tour du monde, t. xiiii, .p. 14. Le trait dominant de ce caractère, c’est l’amour de la liberté et de l’indépendance, et ce sentiment est porté à un degré dont nous avons peine à nous faire une idée. Fixer le nomade est aussi difficile que fixer l’hirondelle, qui se brise la tête contre les barreaux de sa cage quand l’heure de la migration est arrivée. Le Bédouin n’a qu’un profond dédain pour l’habitant des villes; pour lui, s’attacher à la terre, c’est dire adieu à la liberté, le bien par excellence, et qu’il a su garder intact à travers les âges.
Très adroit à manier la lance, il passe en même temps pour excellent cavalier. L’Arabe, en général, a l’esprit pénétrant, alors même que son intelligence n’est pas cultivée, et il est rare, dit-on, que le nomade ne soit pas doublé d’un poète. Superstitieux et exalté, avide de légendes et de fictions, il est capable de grandes choses quand une idée nouvelle le domine. Avec cela cependant, il a le caractère mobile de la femme et de l’enfant; comme eux, n’ayant souvent d’autre guide que l’instinctdu moment, jugeant d’après les apparences, se laissant facilement éblouir par l'éclat et le bruit. 3° II n’est peut-être pas de peuple qui ait moins changé que les Arabes. Tels nous les voyons décrits dans la Bible, ou représentés sur les monuments assyriens, tels nous les retrouvons aujourd’hui. Les lois et les coutumesqu’ont observées les rares voyageurs modernes qui les ont visités remontent aux temps les plus reculés, et servent à éclairer plus d’une page de l’histoire sainte, principalement à l'époque patriarcale. Voir pour les détails Pasteurs, Vêtements, Tentes, etc.
Au point de vue social, les Bédouins sont divisés par tribus, قَبَايل, qabâïl, qui constituent autant de peuples particuliers et dont chaque subdivision ou rameau s’appelle fendéh. Chacune de ces tribus, s’appropriant un terrain qui forme son domaine, compose un ou plusieurs camps, répartis sur le pays et transportés dans les différents cantons, à mesure que les troupeaux les épuisent. La disposition de ces camps est un cercle assez irrégulier, douar, formé par une seule ligne de tentes plus ou moins espacées. Cependant, comme le nomade n’a point de maître, il ne dépend même pas de son clan; et, s’il lui convient de s’en séparer, il peut aller, à ses risques et périls, vivre à part dans le désert.
Chaque tribu a son chef ou scheikh, personnage appartenant à quelque descendance illustre ou tenu, par ses richesses, de remplir, au nom de tous, les devoirs de l’hospitalité. Élu par ses égaux, il peut être déposé quandil a cessé de plaire. Conciliateur et arbitre, il juge les différends, d’accord avec les anciens, mais ses décisions n’ont pas force de loi: appuyées en général sur le droit coutumier, soutenues par l’opinion commune de la tribu, elles sont ordinairement obéies; cependant le condamnépeut s’y soustraire, soit en quittant la tribu, soit en bravant la réprobation publique: il devient baouak, un homme «hors l’honneur». — Les inscriptions assyriennes nous montrent plusieurs reines dans certaines contrées de l’Arabie. Voir Arabie.
Le costume ordinaire de ces enfants du désert, commeaux temps hébraïques, se compose, chez les hommes, d’une chemise et d’une longue robe en toile de coton blanc, d’un vêtement de dessus, aba/i, grand manteau de laine le plus souvent blanche à rayures noires et plié en carré double, avec une échancrure pour laisser passer la tête. La coiffure commune est le kouffiéh, formé de bandes de toiles enroulées autour du crâne et fixées par une corde en poil de chameau. Des pantoufles, en laine ou en maroquin, ou quelquefois des demi-bottes en cuir jaune ou rouge complètent ce costume pittoresque.Pour guider leurs troupeaux et pour ramasser, sans descendre de cheval, un objet placé à terre, ils se servent souvent de bâtons recourbés à une de leurs extrémités.La toilette des femmes, dune élégante simplicité, comprend une robe de coton bleu ou marron et un voile rouge ou blanc qui forme coiffure, et, s’enroulant autour du cou, laisse des plis amples retomber par derrière (fig. 204). L’anneau suspendu au nez, le nézem (lig. 151, col. 633), et les pendants d’oreille, parfois aussi les colliers dont les ornements en métal brillant retombent sur la poitrine, rappellent les bijoux qu'Éliézer donna à Rébecca et dont se paraît Sara.
La demeure du Bédouin, c’est la tente. Soutenue par des poteaux, elle est couverte d’une grande pièce d'étoffe tissée avec du poil de chameau, ou de peaux de bouc, d’une couleur noire, Cant., i, 5, cousues ensemble etimpénétrables à la pluie. Les courroies qui la fixent sont attachées au sol autour de chevilles de bois. Elle est divisée en deux parties, dont l’une est réservée aux hommes, l’autre est l’appartement des femmes, renfermant également les ustensiles du ménage.
La vie de ces peuplades est la vie pastorale. Leurs troupeaux se composent de moutons et de chameaux, dont elles consomment ou vont échanger les produits dans les localités limitrophes du désert, ou dans les oasis, contre du blé, de l’orge et des dattes. Très frugal, en effet, le nomade ne boit que du lait et de l’eau, se nourrit presque exclusivement de dattes et de galettes de farine de blé ou d’orge. Il ne mange guère de viande qu'à l’occasion de la venue d’un hôte: c’est alors ou un chevreau bouilli et coupé en petits morceaux, ou un agneau cuit sous des pierres brûlantes dans un trou creusé en terre. Le désert serait inhabitable pour lui sans le chameau, qui seul suffità tous les besoins de ses maîtres. Voir Chameau. On sait combien le cheval est pour l’Arabe un précieux auxiliaire et un objet de prédilection, mais c’est une bête de luxe, qu’il n’est pas donné à tous de posséder.
Les Bédouins s’attribuent la police du désert, devenant même souvent, par les nécessites du sol et du climat, les protecteurs des sédentaires. Ceux-ci, en effet, ont besoin de faire venir des céréales de la vallée de l’Euphrate, de tirer des marchés des villes syriennes des armes et des ustensiles de toutes sortes: les nomades sont les intermédiaires obligés de ce commerce, et se chargent de fournir les choses nécessaires, moyennant tribut.
Les mœurs que nous venons de décrire s’observent dans les tribus de Syrie et d’Arabie, dont les plus importantes sont: les Taamirah, véritables pirates de la plaine syriaque, vivant dans des douars gardés par des chiensnoirs à l’aspect féroce; les Beni-Saklir, Nemrods passionnés, qui parcourent les solitudes du Hauran et se montrent bienveillants à l'égard des étrangers; les Anazéh, grand peuple que l’on peut considérer comme l’aristocratie des déserts de Syrie; les Roallah, qui servent de transition entre les Bédouins du nord et ceux du midi: les Schammar, dans le grand Néfoud, dont lady Blunta parcouru et étudié la puissante tribu. Voir le Tour du monde, t. xliii.
IV. Religion. — Des pâtres, errant dans les plaines immenses brûlées par le soleil, obligés sans cesse de fixer leurs regards sur le ciel pour diriger leur route, devaient aisément prêter aux corps célestes une puissance surnaturelle et en faire l’objet de leur culte. Aussi la religion primitive des Arabes fut le sabéisme ou adoration des astres. Bien qu’extrêmement confus, les renseignements historiques nous permettent de chercher une certaine analogie entre le paganisme antéislamique et les religions du bassin de l’Euphrate et du Tigre, de la Syrie, de la Phénicie et de l’Yémen. Nous nous bornons aux points essentiels. Voir Ismaélites, Jectanides, Nabatéens.
Les deux principales divinités chez les Arabes étaient le soleil et la lune. «Ils croient, nous dit Hérodote, iii, 8, qu’il n’y a point d’autres dieux que Bacchus, Διόνυσος, et Uranie… Ils appellent Bacchus Οὐροτάλ, et Uranie Ἀλιλάτ.» Voir aussi Strabon, xvi, 741; Arrien, vii, '20. La forme originale d’Ourotal, qui sans doute devait être Our taʿâla, «la lumière suprême,» et le rapprochement que l’historien fait entre ce dieu et le Dionysos des Grecs nous le montrent comme une personnification du soleil. Les inscriptions assyriennes nous apprennent que l’astre lui-même, sous le nom de Šamaš, arabe شَمْس, Šams, était le dieu dont les reines de Duma ou Aduma exerçaient le suprême sacerdoce. Théglathphalasar parle de «Sa-am-si, ou Samsiéh, reine d’Arabie, qui rendait un culte au soleil».Cf. A. Layard, Inscriptions in the cuneiform character, pl. 72; E. Schrader, Die Keilinschriften und das alte Testament, Giessen, 1883, p. 262. Nous voyons également, dans les annales d’Assurbanipal, que la tribu arabe de Cédar avait pour dieu Adarsamaïm ou A-tar-sa-ma-in.Schrader, ouv. cité, p. 414, explique ce nom par «Athar du ciel», et le fait correspondre à מלכת השמים, melékéṭ haššâmaïm, «la reine du ciel,» de Jérémie, vii, 8, c’est-à-dire Athar-Astarté ou la lune. D’autres regardent Adarsamaïm comme une divinité solaire. Hérodote, i, 131, assimile Alitta à la Mylitta des Assyriens; MM. Lenormant et Babelon en font la divinité féminine, Al-Lât, dont le sanctuaire était à Tayf, non loin de la Mecque. Histoire ancienne de l’Orient, Paris, 1888, t. vi, p. 432, Malgré sa parenté avec les religions assyrienne et syrienne, le polythéisme arabe devait avoir une forme extérieure plus grossière, en rapport avec l'état de culture des populations qui le pratiquaient. Les divinités avaient cependant leurs statues, puisque Assurbanipal mentionne les «dieux» que son père avait enlevés à «Yautah, fils d’Hazaël, roi de Cédar», et qu’il rendit ensuite, après soumission, à la demande des vaincus. Cylindre B, colonne vu; G. Smith, History of Assurbanipal, p. 283-286; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 1889, 5e édit., t. iv, p. 295.
Hérodote, iii, 8, pour dépeindre le caractère religieuxdont les Arabes entouraient leurs serments, nous les montre formulant leurs engagements au milieu de sept pierres teintes du sang des contractants. C'étaient peut-être des pierres sacrées ou bétyles, dont le nombre aurait une certaine liaison avec le côté sidéral et planétaire de la religion. Il en était de même dans le bassin de l’Euphrate et dans la Syrie; les Chaldéens d’Uruk avaient eux aussi leur «temple de sept pierres noires», dont nous parlent les inscriptions cunéiformes.
V. Bibliographie. — Carsten Niebuhr, Beschreibung von Arabien, in-4o, Copenhague, 1772; W. G. Palgrave, Central and Eastern Arabia, 2 in-8o, Londres et Cambridge, 1865; E. Guillaume Rey, Voyage dans le Haouran, in-8o, Paris, 1860, avec atlas in-fol.; lady Anna Blunt, Pèlerinage au Nedjed, berceau de la race arabe, 1878-1879 (trad. Derôme), dans le Tour du monde, t. xliii; Ch. Huber, Voyage dans l’Arabie centrale, dans le Bulletin de la Société de géographie, Paris, 1884, 3e et 4e trim., 1885, 1er trim.; J. G. Wetzstein, Reisebericht über Hauran und die Trachonen, in-8o, Berlin, 1860; Nord-Arabien und die syrische Wüste (Zeitschrift fur allgem. Erdkunde, 1865, p. 1-47, 241-283, 408-498); H. J. VanLennep, Bible Lands, Londres, 1875, t. ii, p. 398-416; Caussin de Perceval, Essai sur l’histoire des Arabes avant l’islamisme, 3 in-8o, Paris, 1847-1848.
A. Legendre.
2. ARABE (LANGUE), premier rameau du groupe méridional des langues sémitiques. Nous commencerons par expliquer cette sorte de définition, en montrant, au point de vue historique, comment l’arabe se rattache aux idiomes congénères et quelle est son origine; puis nous exposerons ses particularités grammaticales et lexicographiques dans leurs rapports avec la philologie biblique; enfin nous donnerons ses divisions et ses principaux caractères. Nous terminerons par quelques mots sur l'écriture.
I. Affinités et origines. — La famille des langues improprement appelées sémitiques se divise en deux groupes: l’un septentrional, comprenant trois rameaux avec leurs différents dialectes, c’est-à-dire l’araméen (chaldéen, syriaque, etc.), l’assyrien et le chananéen (hébreu, phénicien, etc.); l’autre méridional, comprenant deux rameaux, dont le premier, qualifié d’ismaélite, n’est autre chose que l’arabe proprement dit, et le second, appelé parfois yaqtanide ou qahtanide, embrasse les langues de l’Arabie méridionale et de l’Abyssinie. Voir Sémitiques (langues).
La division et les qualifications de ce dernier groupe répondent aux traditions arabes, basées du reste sur la table ethnographique de la Genèse et l’histoire patriarcale. Nous constatons avec elles, entre le nord et le sud de l’Arabie, une différence marquée, au point de vue historique, politique, religieux et linguistique: la distinction entre le dialecte de l’Yémen, عَرَبِيَّة حِميَر, ʿarabiyat himyar, «arabe himyarite,» et celui de l’Hedjaz, العَرَبِيَّة المَحْضَة, el-ʿarabiyat el-mahdhat, «arabe pur,» eût été découverte par la science, même sans le témoignage des écrivains musulmans. Les premiers habitants des provinces méridionales, de l’Yémen, de l’Hadhramaut, des pays de Mahrah et d’Oman, furent des descendants de Cham, Gen., x, 7, peuplades couschites, qui parlaient des dialectes d’une seule et même langue sémitique, celle qu’on a pris l’habitude d’appeler himyarique, mais qu’il vaudrait mieux désigner par le nom plus large de sabéen. De nombreuses inscriptions, relevées par de courageux explorateurs comme MM. d’Arnaud et Joseph Halévy, nous ont seules conservé ces anciens idiomes et ont-permis d’en établir les principaux linéaments grammaticaux.Cf. Halévy, Rapport sur une mission archéologique dans le Yémen, dans le Journal asiatique, janvier 1872, p. 5-98; Études sabéennes, ibid., mai-juin 1873, p. 434-521; octobre 1873, p. 305-365; décembre 1874, p. 497-585; Corpus inscriptionum semiticarum, pars quarta, t. i, Paris, 1889. On distingue quatre dialectes principaux: lesabéen, le hadhramite, le minéen, l’éhkily, encore parlé dans le pays de Mahrah; tous sont apparentés de très près au ghez ou éthiopien, que les Sabéens passés sur la côte d’Afrique, en Abyssinie, y naturalisèrent avec eux.
À ces premiers Sabéens couschites se superposèrent lesArabes Jectanides, ou les tribus issues de Jectan, filsd’Héber, Gen., x, 24-30; ce sont les Moutéarrïba des traditions nationales ou les premiers Arabes proprementdits. Ayant pour berceau originaire les régions d’où sortirentégalement les descendants d’Abraham, c’est-à-direla rive droite de l’Euphrate, ils apportaient comme idiomenational l’arabe pur, el-arabiyat el-mahdhat des historiensindigènes. Après avoir été soumis un certain tempsaux peuples au milieu desquels ils vivaient, ils finirentpar leur imposer leur suprématie politique, tout en adoptantla civilisation, les mœurs, les institutions, la religion, la langue même de leurs nouveaux sujets. L’arabe, parléd’abord dans un certain nombre de districts, concurremmentavec le sabéen, ne conserva sa pureté que chezquelques tribus de l’intérieur qui continuaient à menerune vie à demi nomade sur la frontière du désert.
Enfin apparurent les enfants d’Ismaël, fils d’Abrahamet d’Agar, Gen., xxv, 12-15, les Moustariba ou «devenus arabes». Longtemps concentrés dans une partie restreinte du Tihàma, ils rayonnèrent plus tard sur l’Hedjaz, leNedjed et d’autres contrées du nord et du centre del’Arabie, puis finirent par absorber les tribus jectanidesantérieures. C’est leur langue qui, illustrée et immobiliséepar le Coran, répandue par les conquêtes de l’islamdans toutes les parties du monde, est devenue l’arabeproprement dit, dont nous avons à parler. Mais par quellesphases a-t-elle passé depuis l’idiome des marchands ismaélitesqui achetèrent et vendirent Joseph, Gen., xxxvii, 28, depuis celui des benê-Qédém, «fils de l’Orient,» dontGédéon surprit et comprit les songes, Jud., vii, 9-14, jusqu'à la langue si parfaite de Mahomet, aucun monumentancien n’est là pour l’attester. À part les inscriptions duSinaï et quelques-unes de Pétra et du Hauran, danslesquelles plusieurs auteurs veulent voir un dialecte arabelégèrement infléchi vers l’araméen, nous ne savons riensur ses origines.
Sans enfance ni vieillesse, l’arabe se montre soudainementà nous, au VIe siècle de notre ère, dans toute saperfection, avec sa flexibilité, sa richesse infinie, dansun état si complet, que depuis ce temps jusqu'à nos joursil n’a subi aucune modification importante. Pour expliquersa richesse de mots et de procédés grammaticaux, les philologues arabes ont imaginé une hypothèse peuacceptable, renfermant néanmoins une certaine part devérité. S’il fallait en croire Soyouthi, cette langue seraitle résultat de' la fusion de tous les dialectes, opérée parles Koréischites autour de la Mecque. Gardant les portesde la Caaba et voyant affluer dans leur vallée les diversestribus attirées par le pèlerinage et les institutions centralesde la nation, les Koréischites s’approprièrent les finessesdes dialectes qu’ils entendaient parler autour d’eux; ensorte que toutes les élégances de la langue arabe se trouvèrentréunies dans leur idiome. Cf. E. Renan, Histoire générale des langues sémitiques, 5eédit., Paris, 1878, texte de Soyouthi, p.347-348. On ne voit pas cependant que leur importance littéraire ait été très considérable avant l’islamisme, et l’influence de leur dialecte ne fut décisive que dans la rédaction du Coran. Il reste établi que ce fut au centre de l’Arabie, dans l’Hedjaz et le Nedjed, parmi les tribus demeurées les plus pures (voir Arabe 1), que se forma la langue qui a depuis porté, à l’exclusion des autres dialectes, le nom d’arabe. Il nous fallait en montrer d’abord les affinités et l’origine, pour en mieux faire saisir les propriétés et les caractères.
II. Particularités grammaticales, lexicographiques, littéraires. — L’arabe a tous les caractères des languessémitiques, pour le nom, les pronoms indépendants et affixes, les verbes avec leurs temps, modes et conjugaisons, etc. La grammaire comparée de ces idiomes, qui ne diffèrent pas beaucoup plus entre eux que les langues néo-latines, italien, espagnol, français, ne diffèrent entre elles, nous montre son rôle presque comparable à celui du sanscrit dans l'étude des langues aryennes. En relevant ses particularités les plus remarquables au point de vue de la grammaire, du vocabulaire et du style, nous aurons occasion de signaler ses rapports de similitude ou de divergence avec les langues sœurs.
1o Grammaire. — Le groupe méridional est plus riche en éléments phonétiques que le groupe septentrional. Tandis que le phénicien, l’hébreu et l’araméen, n’ont que vingt-deux lettres ou consonnes, l'éthiopien en possède vingt-six, l’arabe vingt-huit et le sabéen vingt-neuf. Voir les alphabets comparés du sabéen, de l’hébreu et de l’arabe dans le Journal asiatique, juin 1872, p.518-519. Cependant, au point de vue de la forme, l’alphabet arabe est très simple, car il ne renferme que quatorze caractères réellement différents les uns des autres: plusieurs, en effet, sont répétés, et c’est à l’aide de points dont le nombre et la position diffèrent, qu’ils expriment les lettres dépourvues de signe spécial. Ainsi le même caractère ٮ avec un point au-dessous, ب, indique le ba; avec deux points, ي, le ya; avec un point au-dessus, ن, le noun; avec deux points, ت, le ta; avec trois points, ث, le tha. Demême en est-il pour les signes suivants: د, و, ح, ط, س, ع, ص, ر. Nous renvoyons à l’article Alphabet, pour la correspondance entre les alphabets hébreu etarabe; nous ne voulons mentionner ici que les lettres quise trouvent de plus dans ce dernier, avec leur valeur particulière:
Tha, | ث | = | th | anglais de thin, le c espagnol de cierto, le θ grec; |
Ḥa, | خ | = | j | espagnol de jerga, ch allemand ou ch hollandais de schoon; |
Zal, | ذ | = | th | anglais de the, le δ grec; |
Ḍâd, | ض | = | d | prononcé avec la langue à plat contre le palais; |
Ẓâ, | ظ | = | z | prononcé avec la langue à plat contre le palais; |
Grhaïn, | غ | = | r | grasseyé. |
Quatre de ces lettres peuvent être représentées en hébreu, d’après la prononciation de certains Juifs, par quatre des lettres begadkefaṭ sans le daguesch léger:
ث = ת | tandis que | ت = ת, t; |
خ = כ | tandis que | ك = כּ, k; |
ذ = ד | tandis que | د = דּ, d; |
غ = ג | tandis que | ج = גּ, g dur; |
Ainsi l’hébreu n’a pas ces nuances de th ou z prononcés avec le bout de la langue entre les dents; il n’a que le zaïn, ז, z ordinaire. Sur cinq lettres emphatiques, auxquelles un gosier européen s’accoutume si difficilement, ص, ṣâd; ض, dâd; ط, ṭâ; ظ, zâ; ق, qâf, il n’en possède que trois: ص = צ; ط = ט; ق = ק.
Les signes des voyelles ont été, comme les points massorétiques, inventés après coup. Primitivement les Arabes, aussi bien que les Hébreux, faisaient usage, pour indiquer les voyelles longues et les diphthongues, des matres lectionis: ا, א; و, ו; ي, י. Les voyelles se réduisent à trois sons primitifs, a, i, u (ou), plus indécis en arabe qu’en hébreu pour les brèves, qui n’ont que les trois signes suivants:
َ Fatha, dont le nom et la valeur répondent au patach hébreu, a ou é;
ِ Kesra, correspondant au chirek qaton, i, ou au ségol, é;
ُ Dhamma, représentant le kibbouts, u (ou), ou le kamets qatouf, o.
L’article défini al possède, comme la forme primitiveen hébreu הל, un lâm qui, s’il ne disparaît pas en s’assimilant à la consonne suivante, s’assimile, pour la prononciation, avec les lettres appelées solaires: ainsi l’onprononce: الشّمس, aššams ou éššams, et non pas al-Šams, «le soleil,» hébreu: השּׁמש, haššéméš.
Une des particularités les plus remarquables de l’arabeest la formation du pluriel brisé. Toutes les langues sémitiques ont la faculté d’exprimer le pluriel par des terminaisons qui, en prolongeant le mot, sont comme unsymbole de l’extension donnée au sens. Cet appendice, pour le masculin, est "une voyelle longue, î en hébreu, en syriaque et en phénicien; â en éthiopien, suivie d’unmem en hébreu et en phénicien, et d’un noun dans lesautres idiomes. Pour le féminin, il est caractérisé par laterminaison ôṭ en hébreu et ât dans les autres langues, excepté en araméen. L’arabe possède ce pluriel, appelésain ou complet parce qu’il conserve intactes les radicales et leurs voyelles: il se forme, pour les noms masculins, en ajoutant وب ُ , un au singulier; exemple سَارِق, sâriq, «voleur,» pluriel: سَارِقُون, sâriqun; pourles féminins, il suffit de changer la terminaison ة, at enات, ât, سَارِقَة, sâriqat, سَارِقَات, sâriqât.
Mais, outre ce procédé très simple, il y en a un autretrès compliqué, appelé pluriel brisé ou interne, parce quele singulier est brisé par une intercalation ou une annexion de lettres, par un changement de voyelles ou uneélimination de radicales, qui disjoignent l’ossature primitive du mot et en altèrent la quantité. Ce procédé ne seretrouve qu’en éthiopien. Les grammairiens arabes necomptent pas moins de cinquante formes de pluriels. Laclassification en est très difficile. Les plus usitées, pourles substantifs et adjectifs dérivés de racines trilitères, sont, dans les meilleures grammaires, au nombre devingt-neuf. En voici deux exemples:
Suppression de l’ا initial: أَحْمَر, ahmar, «rouge,» pluriel: حُمْر, homr.
Addition d’un ا intercalaire: رَجُل, radjol, «homme,» pluriel: رِجَال, ridjâl.
On peut voir, pour les pluriels brisés, outre les grammaires indiquées plus bas à la bibliographie, une étudede M.Hartwig Derenbourg dans le Journal asiatique, juin 1867, p.425-524.
Une autre particularité de l’arabe, c’est qu’il a conservéles désinences casuelles primitives des noms. Le nomdéclinable, quand il n’est pas déterminé par l’article oupar un génitif, peut avoir trois cas formés par trois terminaisons différentes.
Nominatif: ٌ , un, ex.: رَجُلٌ, radjolun, «homme» (homo).
Génitif: ٍ , ën, ex.: رَجُلٍ, radjolën, «de l’homme» (hominis).
Accusatif: ً , an, ex.: رَجُلً, radjolan, «l’homme» (hominem).
En hébreu et en araméen, les flexions casuelles n’existent plus; on ne les retrouve qu’en assyrien.
La lettre nun ajoutée aux sons ii, i, a, a fait donnerà cette désinence le nom de lanwin ou nunnation, quia pouv correspondant en assyrien la mirnmation. Lemême phénomène de la mirnmation se retrouve ensabéen.Cf. Halévy, Études sabéennes, dans le Journal asiatique, mai-juin" 1873, p. 487-488.
La conjugaison de l’imparfait possède également cesflexions: û pour l’indicatif, a pour le subjonctif; le conditionneldevait avoir primitivement i, désinence tombéedepuis. Ce que nous venons de dire ne s’applique qu’àl’arabe littéral; voir plus bas.
Enfin l’arabe se distingue par une richesse extraordinairede formes verbales. Les Sémites ont un sens très délicatpour peindre les mouvements de l’âme au point de vuede l’action. Par la simple modification des voyelles de laracine, la réduplication des consonnes, l’addition et l’intercalationde certaines lettres comme K, I, aleph; 3, y, noun; ii, ^>, thav; v, j», sin, ils expriment non seulementles formes active, passive, moyenne, mais toutesles nuances des sens intensitif, causatif, réflectif, etc.Ce procédé montre ainsi une analogie entre le nom et leverbe, qui, dans la conception linguistique de ces peuples, devaient être originairement confondus. Cette délicatesse, commune aux langues sémitiques, n’est nulle part aussidéveloppée qu’en arabe; c’est là, on peut le dire, qu’ellesont leur chef-d’œuvre. Plus riche que le verbe grec, leverbe arabe. est en même temps plus concis, et il a uneforce de peinture qui représente admirablement le doublecaractère du peuple qui l’employait, c’est-à-dire la vigueuret l’imagination poétique.
Les formes dérivées des verbes trilitères sont au nombrede quinze: les quatre dernières très peu usitées. Les dixsuivantes permettent d’apprécier fa richesse des nuancesdont nous avons parlé:
IJii) fa’al; ex: IL jjj, fa"al; —
Jkjls > qatal, tuer.
ùLà> dvarraôjfrapperfort,
III. Jili.fà’al; —
IV. Jiïî, afal; de iji^i dharab, frapper.Jb’lii qâtal, combattre.G^JLS, adjra, faire courir,
V. JIiS, tafa"al; - -^
de ^, djara, courir.takabbar, se fairegrand, être orgueilleux, de £, ka~bar, être grand.VIJéLiitafà’al; — Jjijj, taqâtal, se combattre.VIL Jiij^, enfa’al; — y„i., enkasar, se casser,
de jS, kasar,
VIII. JJLâît, efta’al;
iyi», eftaraq, se séparer, de ^, faraq, séparer.IX. J*» l, ef’all; — ^i£-l, efo» a>T, devenirrouge.
X. J^iijiij, estaf al; — yubii}, estag/i)/ar, demander
pardon,
de Ci.
ghrafar, pardonner.
Nous ne pouvons faire ici de philologie comparée: ilnous suffit d’indiquer le rapprochement entre la IIe formeet le Piél hébreu, le Paël araméen et assyrien; entre laIVe et VAphel araméen, YHiphil hébreu; entre la Xe etV Eschtaphal araméen, Ylstaphal assyrien. On peut aussirapprocher la VIIIe de VHitpaël hébreu dans les verbesqui commencent par une sifflante: zz?~-, hislabbê[, de tia*, sâbaf.
On voit en somme que «l’arabe est à beaucoup d’égardsle résumé des langues sémitiques. On dirait que toutesles ressources lexicographiques et grammaticales de lafamille se sont donné rendez-vous pour composer cevaste ensemble. L’hébreu, le syriaque, l’éthiopien, n’ontguère de procédés que l’arabe ne renferme pareillement, tandis que l’arabe possède en propre une série de mécanismesprécieux. Il est vrai que plusieurs des propriétéscaractéristiques de l’arabe se trouvent d’une façon rudimentairedans les autres langues sémitiques: ainsi lesformes modales du futur sont en germe dans le futurapocope des Hébreux; les flexions finales, dans les terminaisonsparagogiques ou emphatiques de l’hébreu etde l’araméen; presque toutes les formes du verbe régulièrementemployées en arabe existent en hébreu ou ensyriaque à l’état de formes rares et anormales; mais cene sont là que des germes à peine indiqués, tandis qu’enarabe ces mécanismes sont arrivés à l’état de procédésréguliers, et constituent un des ensembles grammaticauxles plus imposants que jamais langue soit arrivée à revêtir». E. Renan, Histoire des langues sémitiques, p. 384.
2° Vocabulaire. — La richesse lexicographique del’arabe est prodigieuse, mais elle fait du dictionnaire uneespèce de chaos où l’étendue est au détriment de la clarté.Jamais lexique n’a mieux mérité ce nom de Qâmous, «océan,» que les Arabes donnent au leur, et, en voyantles sens divers et presque contradictoires qui s’y pressentsous chaque mot, on éprouve une sorte de vertige. Ouvronsle dictionnaire de Freytag, Lexicon arabico-latinum, Halle, 1830, t. iii, p. 112, au mot -, /£, «vieillard,»
nous y trouverons bien près d’une centaine d’expressionscomme celles-ci: Tremor, agmen, vitium, vicus, claudicalio, viator, cœlutn, terra, febris, etc. Les difficultésréelles de la langue ont été ainsi exagérées par les lexicographesorientaux, suivis par les Européens, qui ontmentionné plus volontiers les significations rares que lessignifications ordinaires des mots, les métaphores, lesépithètes, les explications parfois erronées des commentateurs, et souvent aussi ont admis dans leurs recueilsdes expressions provinciales, étrangères ou spéciales, excessivement rares. Il n’est donc pas étonnant qu’unlexicographe arabe ait prétendu avoir trouvé dans salangue 12 305 412 mots. Un autre nous dit qu’il existe aumoins mille mots pour signifier Vëpée. Dans un mémoirespécial, Dos Kamel, extrait des Mémoires de l’Académiede Vienne, classe de phil. et d’hist., t. vii, un savant, M. de Hammer, a énuméréles mots relatifs au chameau, et en a trouvé 5 744. En faisant la part des exagérations, l’arabe n’en reste pas moins un phénomène entre toutesles langues pour l’abondance des synonymes. Il iaut direcependant que cette abondance se trouve plus ou moinschez chaque peuple pour les choses qui lui sont naturelles.L’hébreu lui-même, pourtant fort pauvre, possède uneample moisson de synonymes, qui offrent au poète degrandes ressources pour le parallélisme: voir le psaumecxviii, où la loi divine est désignée par dix synonymesdivers.
Entre l’arabe et l’hébreu, il existe, au point de vue duvocabulaire, une ressemblance frappante, qu’il est facilede constater en ouvrant un dictionnaire comme le Thésaurusde Gesenius. Suivant certains auteurs, les deux tiers; des racines hébraïques se retrouvent dans l’arabe avec lesmêmes lettres et le même sens ou un sens approchant.En tenant compte de la correspondance des lettres dansles deux langues ou de leur permutation naturelle, quandelles appartiennent au même organe, on peut arrivermême, dit-on, à retrouver les neuf dixièmes des racines.Il faut cependant, sous ce rapport, une critique sévère; car, depuis Schultens jusqu’à nos jours, l’abus du dictionnairearabe pour l’éclaircissement des mots sémitiquesobscurs a eu de grands inconvénients. La philologie comparée, avec ses progrès, a fourni des exemples, posé deslois, en uu mot tracé une route dont l’homme de sciencene doit plus s'écarter pour se lancer dans des rapprochements plus spécieux que fondés. Sur les rapports del’arabe et de l’hébreu, voir Fr. Delitzsch, Jesurun, Grimma, 1838, p. 76-89.
3° Style — L’arabe, en absorbant les autres languessémitiques par sa domination universelle en Orient, opéradans la littérature et le style une révolution capitale. Auxrécits historiques, aux sentences morales, à la poésie libreou versifiée, qui constituent en particulier le fond de lalittérature biblique, viennent s’ajouter les domaines nouveaux et variés de la pensée abstraite: grammaire, jurisprudence, philosophie, théologie, sciences physiques et mathématiques, écrits techniques, bibliographie. Alors le verset, qui, jusqu’au Coran inclusivement, est la loi du style sémitique, est remplacé par des formes compliquées et des délicatesses de syntaxe inconnues à l’hébreu et à l’araméen. Cette ampleur néanmoins et ces progrès ne vont pas sans quelques défauts. Au lieu des formes sobres et harmonieuses de l’hébreu, on sent une raideur monotone et pédante; au lieu des faciles allures des vieux idiomes, c’est une culture artificielle et savante; au lieu de la grave beauté du style antique, ce sont des ornements de rhéteurs et des finesses de grammairiens. Enfin, quoique aussi continu que celui des langues indo-européennes les plus développées, le style arabe n’arrive pas à la netteté, à la limpide précision qui semble le partage exclusif des idiomes aryens.
4° Métrique. — La poésie est aussi plus compliquée enarabe qu’en hébreu. Si le parallélisme, auquel il fautjoindre parfois l’assonance et l’allitération, forme le caractère particulier de la poésie hébraïque et lui donne saphysionomie propre, on sait maintenant que ce n’est passon unique élément. Elle comprend des strophes dontchaque vers est constitué par la quantité prosodique, seloncertains auteurs, par le nombre des syllabes, suivant lesautres. Voir Poésie hébraïque. On trouve les caractèresgénéraux du rythme hébraïque dans les parties poétiquesdu Coran; mais déjà les poèmes antéislamiques étaientbasés sur une prosodie des plus savantes. Quelle fut l’origine de cette métrique, et quelle en est la véritable nature? C’est une question qui n’est pas encore absolument élucidée. Les auteurs arabes ont exposé en détail les règles de cette prosodie, d’après les exemples qu’ils avaient sous les yeux dans les Moallakât ou les Kasida; mais ils n’ont pas considéré l’essence même de la poésie. Nos orientalistes modernes, reprenant les matériaux laissés par les grammairiens indigènes, ont établi diverses théories fondées, comme pour nos langues classiques, sur la combinaison des longues et des brèves. Cf. H. A. Ewald, De metris carminum arabicorum libri II, in-8°, Brunswick, 1825; Freytag, Darstellung der arabischen Verskunst, in-8°, Bonn, 1830; Silvestre de Sacy, Traité élémentaire de la prosodie et de l’art métrigue des Arabes, in-8°, Paris, 1831; H. Coupry, Traité de la versification arabe, in-8°, Leipzig, 1874. En 1876, la question a été reprise par Stanislas Guyard à un point de vue très intéressant. Se fondant sur les rapports de la musique et de la prosodie, il applique à la métrique arabe les règles du rythme naturel du langage, dont les éléments constitutifs sont l’arsis et la thesis, le temps frappé et le temps levé. Cf. Journal asiatique, mai-juin 1876, p. 413-579; août-septembre 1876, p. 101-252; octobre, 1876, p. 285-315. Il y aurait peut-être profit à tirer de ces études pour lamétrique hébraïque.
Le vers arabe se compose de pieds, qui ont chacun leur individualité et leur nom technique. Ils sont au nombre de sept, ayant trois, quatre ou cinq syllabes. De leurs combinaisons résultent seize mètres, dont les noms sont des adjectifs destinés à caractériser le vers: et-tanuil, «le long;» el-madid, «le prolongé,» etc. Chaque mètre comprend deux hémistiches, La même rime est quelquefois conservée dans toute l'étendue de la pièce de vers; quelquefois elle est alternée, suivant le genre et la nature de la composition.
III. Divisions et caractères. — 1° Arabe littéral et arabe vulgaire; dialectes. — Ce que nous venons de dire s’applique principalement à l’arabe littéral, c’est-à-dire à la langue des monuments écrits. Mais dans la bouchedu peuple le langage a revêtu une forme plus simple, qu’on appelle l’arabe vulgaire. Cependant il faut bien se garder de faire des deux idiomes deux langues séparées, en comparant l’une au latin, l’autre aux langues néo-latines.
L’arabe vulgaire n’est au fond que l’arabe littéral dépouillé de sa grammaire savante et de son riche entourage de voyelles, Il supprime les désinences casuelles et les inflexions finales qui expriment les modes des verbes.Aux mécanismes délicats de la syntaxe littérale, il en substitue d’autres plus analytiques. Des préfixes et des mots isolés marquent les nuances que l’arabe littéral exprime par le jeu des voyelles finales; les temps du verbe sont déterminés par des mots que l’on joint aux aoristes pour en préciser la signification. Ainsi, dans le dialecte de Syrie, ou ajoute souvent la lettre ba à toutes les personnes de l’indicatif présent, imparfait, futur simple et antérieur, et du conditionnel présent, excepté à la première personne du pluriel, exemple: ʾana bʾaktob, «j'écris,» au lieu de ʾaktob. À la première personne du pluriel, le ba se remplace par un mim; exemple: manktob, «nous écrivons,» au lieu de naktob. Le futur peut être précédé de sa, s’il est prochain, ou de la particule saouf, s’il est éloigné, etc.
Au point de vue du vocabulaire, l’arabe vulgaire a laissé tomber également cette surabondance de mots qui encombrent l’arabe littéral. À part quelques mots étrangers, différents selon les provinces, il ne connaît que le fonds courant des vocables sémitiques, parfois légèrement détournés de leur signification ancienne. Ainsi, des remarques que nous venons de faire, se dégage un fait notable, c’est que l’arabe vulgaire est bien plus rapproché que l’arabe littéral de l’hébreu et du type essentiel des langues sémitiques.
En somme, l’arabe littéral n’est pas plus un idiome factice ou une invention des grammairiens que l’arabe vulgaire n’est une corruption de l’idiome littéral. Il a existé une langue ancienne, plus riche et plus synthétique que l’idiome vulgaire, moins réglée que l’idiome savant, et dont les deux sont sortis par des voies opposées. «On peut comparer l’arabe primitif à ce que devait être la langue latine avant le travail grammatical qui la régularisa, vers l'époque des Scipions; l’arabe littéral, à la langue latine telle que nous la trouvons dans les monuments du siècle d’Auguste; l’arabe vulgaire, au latin simplifié que l’on parlait vers le vie siècle, et qui, à bien des égards, ressemblait plus au latin archaïque qu'à celui de Virgile ou de Cicéron.» E. Renan, Histoire des langues sémitiques, p. 406.
L’arabe littéral, comme toutes les langues savantes, n’a pas de dialectes; mais l’arabe vulgaire en possède, comme toutes les langues parlées. On en compte quatre: ceux d’Arabie, de Syrie, d’Egypte, et le maghreby ou dialecte de l’Afrique septentrionale. Les trois premiers sont fortpeu distincts l’un de l’autre: une certaine quantité de locutions propres, des termes particuliers et la prononciation différente de quelques lettres, en constituent toute la diversité. Le dialecte d’Arabie est le plus pur de tous. Le maghreby offre plusieurs divergences grammaticales et des particularités plus caractérisées, mais qui ne vont pas jusqu'à le rendre inintelligible pour les habitants des autres contrées.
2° Caractères. — Les deux principaux caractères de l’arabe sont l’universalité et l’invariabilité. Universel dans les genres de littérature qu’il a embrassés, il ne l’est pas moins dans l'étendue des pays qu’il a envahis, dans l’action qu’il a exercée, comme organe d’une pensée politique ou religieuse supérieure aux diversités de races. Le grec et le latin, dont le domaine et l’influence ont été si considérables, lui sont inférieurs sous ce rapport. Le grec aété parlé de la Sicile au Tigre, de la mer Noire à l’Abyssinie; le latin, de la Campanie aux îles Britanniques, du Rhin à l’Atlas; tandis que l’empire de la langue arabe embrasse l’Espagne, l’Afrique jusqu’à l’équateur, l’Asieméridionale jusqu’à Java, la Russie jusqu’à Kazan. En s’imposant comme langue des livres dans les pays conquis par l’islamisme, il exerça la plus grande influence sur presque tous les idiomes de ces régions. Le persan et leturc lui empruntèrent son alphabet, et de l’Inde jusqu’à l’Europe des mots arabes s’infiltrèrent dans le langage.Cf. Dozy et W. H. Engelmann, Glossaire des mots espagnols et portugais dérivés de l’arabe, in-8°, Leyde, 1869; pour le français, voir E. Littré, Dictionnaire de la langue française, Paris, 1882, Supplément; Dictionnaire étymologique des mots d’origine orientale, par Marcel Devic.
Malgré cette extension, la langue arabe conserva partout et toujours une merveilleuse unité. D’un bout à l’autre de ce vaste cordon formé par la conquête musulmane, on voit un même style chez les écrivains, lesmêmes études, le même enseignement grammatical. Chaque auteur apporte dans sa manière de dire plus ou moins d’élégance ou de correction; mais il est impossible de classer ces diversités par âge et par pays. Sur les lèvres des Bédouins qui dressent leurs tentes dans les déserts de l’Arabie, on retrouve encore un grand nombre de formes antiques, et la langue écrite de nos jours nediffère pas de la langue de Mahomet. Cf. W. G. Palgrave, Narrative of a year’s journey through central and eastern Arabia, Londres, 1865, t. I, p. 463 et suiv. Cette espèce d’immutabilité, qui forme un des caractères desidiomes sémitiques, se remarque également dans l’assyrien, resté sensiblement le même pendant une période de plus de deux mille ans. C’est pour cela qu’on ne saurait la refuser à l’hébreu, qui a pu aussi se conserver durant des siècles sans changement: il n’est pas plus étonnant de retrouver la langue du Pentateuque dans les Psaumes et les Prophètes que la langue du Coran dansl’arabe moderne.
À ce double caractère de l’arabe nous ajouterons celui d’une réelle utilité pour les études bibliques, ce qui ressort d’ailleurs des rapprochements que nous avons établis entre cette langue et l’hébreu. Comme langue parlée,elle fait revivre pour nous l’idiome sacré avec sa phonétique, ses expressions usuelles, depuis l’essalâm ʿaleik, «paix sur toi», qui rappelle le šâlôm lekâ, de l’Écriture, Jud., vi, 23, etc., jusqu’aux tournures de phrases les plus poétiques. On retrouve aujourd’hui sur les lèvres du fellah de Palestine, et en termes identiques, les proverbes usités parmi les Juifs au temps des prophètes, Ezech., xvi, 44; xviii, 2; Jer., xxxi, 29. Cf. Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1889, p. 141. Impossible d’entendre parler un Arabe sans qu’à chaque instant un mot hébreu ne vous revienne à la mémoire, et ainsi le peuple ismaélite nous instruit autant par son langage que par ses mœurs. Comme langue écrite, l’arabe offre à l’exégète de nombreux et riches monuments où il peut, à l’aide de la critique, chercher l’explication des mots obscurs en hébreu ou des ἄπαξ λεγόμενα; ainsi בולם, bôlês, Amos, vii, 14, s’explique par l’arabe بَلَسٌ, balas, «figuier»; גָּלַשׁ, gâlaš, Cant., iv, 1, par جَلَسَ, djalas, «s’asseoir», etc. Cf. Fr. Delitzsch, Jesurun, p. 87-89. Voir un exemple de l’usage de l’arabe dans la discussion sur l’almah d’Is., vii, 14, dans Le Hir, Les trois grands prophètes, Paris, 1877, p. 78-80. La géographie sacrée n’est pas moins intéressée à cette étude. Les noms bibliques se sont conservés sous la forme arabe ou sans altération ou avec de légers changements: noms communs tels que ʿaïn, «source;» nahr, «fleuve»; ʿarabah, «désert,» etc. Cf. Palestine Exploration Fund, 1876, p. 132-140; noms propres, comme on peut s’en convaincre par les articles géographiques de ce Dictionnaire; hébreu: ʿAkkô, arabe: Akkà, Accho; hébreu: Yâfô, arabe: Yâfâ, Jaffa, etc. Les géographes, comme Aboulféda, Édrisi, etc., et les historiens arabes rendent d’éminents services pour l’orthographe des noms, la position respective des différentes villes et leur état à certaines époques de l’histoire. On sait quels emprunts le Coran a faits à la Bible. Il y a donc dans la connaissance de cette langue un intérêt continuel pour la philologie sacrée, aussi l’Église l’a-telle souvent recommandée. Clément V, en particulier, voulut que des maîtres spéciaux fussent chargés de l’enseigner dans les grandes universités de Paris, d’Oxford, de Bologne et de Salamanque. Clément., lib. v, tit. I, de Magistris.
IV. Écriture. — On peut voir à l’article Alphabet comment l’écriture arabe se rattache à l’alphabet phénicien, et quels sont ses points de ressemblance avec les autres caractères sémitiques; nous avons déjà parlé de ses éléments au point de vue des consonnes et des voyelles. Il nous suffit d’indiquer en deux mots ses formes et son origine. L’écriture cursive habituelle est appelée neskhi. L’écriture hiératique, aux formes carrées, lapidaires, employée dans les inscriptions monumentales et sur les monnaies, et, pendant plusieurs siècles, usitée dans les copies du Coran, a reçu le nom de koufique, de la ville de Koufa, dans l’Irâk-Arabi, où l’on croit qu’elle fut inventée. On pense généralement que l’écriture n’a pas été connue des Arabes de l’Hedjaz et du Nedjed plus d’un siècle avant l’hégire, et qu’elle leur fut apportée par les Syriens. Les formes de l’alphabet koufique se rapprochent, en effet, beaucoup de celles de l’alphabet syriaque estranghelo, et l’ordre primitif des lettres de l’alphabet arabe est identique à celui des alphabets hébreu et syriaque. Cependant, à la suite de Fr. Lenormant, Inscriptions sinaïtiques, dans le Journal asiatique, janvier 1859, p. 53 et suiv., M.Renan, Hist. des langues sémitiques, p. 353, admet volontiers une double origine pour l’écriture arabe: l’une syrienne (le koufique sorti de l’estranghelo), l’autre sinaïtique pour le neskhi.
De formes très ornementales, comme on peut le voir dans certaines inscriptions où les lettres composent de gracieuses arabesques, l’écriture arabe est d’une lecture difficile. On n’écrit souvent les voyelles que par exception, on oublie les points diacritiques, et le déchiffrement des noms propres serait presque impossible si les écrivains ne prenaient la précaution d’épeler en toutes lettres les mots rares et importants: tel est l’usage dans les dictionnaires de géographie. Le neskhi s’est un peu transformé avec les siècles et selon les pays: l’écriture maghrébine (Algérie, Maroc) diffère sur certains points de l’écriture orientale ou de Syrie. Voir sur cette question de l’écriture arabe le travail de M. de Sacy, dans les Mémoires de l’Académie des inscriptions, t. l, et dans le Journal des savants, août 1825, et dans le Journal asiatique, avril 1827.Voir aussi Carsten Niebuhr, Beschreibung von Arabien, in-4°, Copenhague, 1772, p. 94-104.
V. Bibliographie. — Nous indiquons ici les ouvrages les plus importants pour l’étude de la langue arabe. 1° Grammaires: arabe littéral, Th. Erpenius, Rudimenta linguæ arabicæ, 1re édit., in-4°, Leyde, 1613; édit. Schultens, 1733, 1748; Silvestre de Sacy, Grammaire arabe, 2 in-8°, Paris, 1810; 2e édit., 2 in-8°, Paris, 1831; H. A. Ewald, Grammatica critica linguæ arabicæ, 2 in-8°, Leipzig, 1831; C. P. Caspari, Grammatik der arabischen Sprache, in-8°, Leipzig, 1859; traduite en français sur la 4e édition allemande, et en partie remaniée par Uricœchea, in-8°, Paris, 1881, une des meilleures; H. Zschokke, Institutiones fundamentales linguæ arabicæ, in-8°, Vienne, 1869; arabe vulgaire: Abougit, Principes de la grammaire arabe à l’usage des écoles de français en Orient, in-12, Beyrouth, 1862; Caussin de Perceval, Grammaire arabe vulgaire pour les dialectes d’Orient et de Barbarie, in-4o, Paris, 1824; in-8o, 1833; in-8° 1858; in-8o, 1880; A. Bellemare, Grammaire arabe (idiome d’Algérie), Paris, Alger, 1850. — 2° Dictionnaires: J. Golius, Lexicon arabico-latinum, in-f°, Leyde, 1653; Freytag, lœxicon arabico-latinum, 4 in-4o, Halle, 1830-1837; édition abrégée, in-4o, Halle, 1857; A. Handjéri, Dictionnaire français, arabe, persan et turc, 3 in-4o, Moscou, 1840-1841; Kazimirski, Dictionnaire arabe-français, 2 gr. in - 8°, Paris, 1860; Lane, Arabic-English Dictionary, 5 in-4o, Londres, 1863-1875; Cuche (R. P.), Dictionnaire arabe-français, gr. in-8o, Beyrouth, 1862; nouv. édit., 1883, pratique; Vocabulaire français-arabe, par un missionnaire de la compagnie de Jésus en Syrie, in-8o, Beyrouth, 1867; A. Cherbonneau, Dictionnaire français-arabe pour la conversation enAlgérie, in-12, Paris, 1872. — 3° Chrestomathies: Silvestre de Sacy, Chrestomathie arabe, Paris, 1806; 2e édit., 3 in-8o, Paris, 1826; G. L. Kosegarten, Chrestomathia arabica, in-8o, Leipzig, 1828; A. Oberleitner, Chrestomathia arabica una cum glossario arabico-latino, 2 in-8o, Vienne; Chrestomathie arabe, publiée par lesPP. Jésuites, 2 in-8o, Beyrouth, 1879-1881.
A. Legendre.
3. ARABES (VERSIONS) des Écritures. Il est difficile d'établir à quelle époque la Bible fut traduite pour la première fois en langue arabe. On rapporte qu’un certain Warka Ibn - Naufel avait traduit l’Ecriture en arabe dès le commencement du vne siècle, et que c’est dans cette version que Mahomet puisa sa connaissance de la Bible. Cela est assez problématique. En tout cas, il ne reste rien de cette prétendue version, non plus que de celle que Jean, évêque de Séville, avait fait exécuter en717. Les versions arabes que nous possédons sont toutes de date relativement récente. De fait, le besoin de ces versions ne dut se faire sentir que lorsque les différentes contrées soumises à l’islamisme eurent abandonné leurs langues respectives pour adopter celle de leurs conquérants, c’est-à-dire entre le vme et le xe siècle de notreère. Les versions arabes furent alors entreprises par les juifs et par les chrétiens. Les manuscrits sur lesquels elles furent faites étaient ceux dont on se servait dans les synagogues et dans les églises. Ils représentaient les recensions les plus diverses, et, comme on peut le supposer, ils n'étaient pas toujours des meilleurs. Les traducteursse préoccupèrent moins de reproduire le texte le plus pur que de mettre la Bible à la portée des fidèles, en la débarrassant de toutes ses obscurités. Le cardinal Wiseman, dans ses Essays (t. i, Miracles of the New Testament), a décrit d’une manière fort ingénieuse la façon dont ces traducteurs ont dû procéder. Tous les livres de l’Ecriture Sainte n'étaient pas également lus dans les synagogues ni dans les églises. Les Juifs lisaient surtout la Loi, c’est-à-dire le Pentateuque. Les chrétiens, endehors du Nouveau Testament, qui était leur principale Écriture, ne lisaient guère, dans leur entier, que le Psautier et les Prophètes. On se borna, tout d’abord, à traduire ces livres; quant aux autres, on n’en traduisit que les parties qui étaient disséminées dans les livres liturgiques. C’est ainsi qu’aucune des versions arabes les plus anciennes ne s'étend à toute la Bible. Plus tard, quand on voulut avoir l’ensemble des Saintes Écritures, pour l’usage du clergé, qui lui-même n’entendait plus suffisamment les langues anciennes, on se contenta de réunir les versions déjà faites des différents livres ou portions de livres, et on combla les nombreuses lacunes par de nouvelles traductions faites sur les exemplaires complets des anciennes versions coptes ou syriaques. Ilen résulta de véritables mosaïques, dont le fameux manuscrit de Brèves est un exemple frappant, comme on le verra plus bas. Les versions arabes n’ont donc pas beaucoup d’autorité. Cependant la critique y trouve parfoisdes variantes qui jettent une lumière inespérée sur la version syriaque, et surtout sur la version alexandrine. En tout cas, elles occupent une place importante dans l’histoire de la Bible.
I. Versions arabes de l’Ancien Testament. — Nous les grouperons en cinq catégories. Les quatre premières comprendront celles qui sont basées sur l’hébreu, sur les versions syriaques, sur les Septante, ou sur d’autrestextes; dans la cinquième, nous traiterons de quelques éditions que l’on ne peut pas encore classer avec certitude.
1° Versions arabes basées sur le texte hébreu. — A) La plus célèbre est celle de Saadias Haggàon (891 -941), juif originaire du Fayoum, en Egypte, directeur de l'école talmudique de Sora. Elle se rapproche beaucoup desParaphrases Targumiques, en sorte qu’elle est plus utile pour l’exégèse que pour la critique du texte. L’examen des différents manuscrits que nous en avons montre qu’elle a subi de nombreuses et importantes interpolations.La question de savoir si cette version s'étendait à toute la Bible est encore fort débattue. Il est certain qu’elle comprenait le Pentateuque et Isaïe; on admet généralement que Job, les petits Prophètes et les Psaumesavaient aussi été traduits par Saadias.
a) Manuscrits. — Parmi les manuscrits qui contiennent des parties de la version de Saadias, on peut nommer les suivants: 1. Le manuscrit arabe de la Bibliothèque nationale. Ce manuscrit avait appartenu au célèbre Savari de Brèves; il est d’origine égyptienne et date du XIVe siècle; Pentateuque. — 2. Un manuscrit de la bibliothèque Bodléienne à Oxford; il a été écrit à Hamath, sur l’Oronte, en Syrie, et date aussi du xrve siècle; Pentateuque. — 3. Le manuscrit oriental xxi de la bibliothèque Palatine Médicis, à Florence, xiiie siècle; Pentateuque. — 4. Manuscrit arabe 377, de la bibliothèque de Leyde; écrit à Mardin, au xive siècle; Genèse et Exode. — 5. Un manuscrit (Cod. Bodl., xl) de la bibliothèque Bodléienne contient le livre de Job et les petits Prophètes. — 6. Deux autres manuscrits de la même bibliothèque contiennent les Psaumes. Cf. Bleek, Einleitung in das alte Testament, édit. de 1860, p. 795. — 7. Le Codex Bodl. clvi (Pococke, 32) de la même bibliothèque, écrit en caractères hébreux et daté de 1244, contient Isaïe.
b) Éditions. — Les principales éditions sont les suivantes: 1. Le Pentateuque tétraglotte de Constantinople, 1546. Cette édition contient, en outre du texte original et du Targum d’Onkelos, la version arabe de Saadias et la version persane de Jacob Tùsi, le tout en caractères hébreux. — 2. La seconde édition fut faite à Paris, par Gabriel Sionite, dans la Polyglotte de Le Jay, d’après le manuscrit arabe 1 de la Bibliothèque nationale, dont nous avons parlé plus haut. — 3. Pococke réimprima cette deuxième édition dans le premier volume de la Polyglotte de Walton, et il publia ensuite, dans le cinquième volume du même ouvrage, les variantes de l'édition de Constantinople et du manuscrit d’Oxford (voir plus haut: Manuscrits 2). — 4. P. de Lagarde a publié la Genèse et l’Exode, d’après le manuscrit de la bibliothèque de Leyde, Materialien zur Kritik und Geschichte des Pentateuchs, Leipzig, 1867. — 5. Les prophéties d’Isaïe. avaient été publiées dès 1790, par Paulus, d’après le manuscrit d’Oxford, B. Saadiæ Phiumensis versio Isaise arabica cum aliis speciminibus, in-8o, Iéna, 1790-1791. — 6. Ewald, dans ses Beiträge zur Geschichte der alt. Auslegung und Spracherklärung des A. T., Stuttgart, 1844, a donné desextraits du livre de Job d’après le manuscrit d’Oxford.— 7. Schnurrer a publié des fragments de la version des Psaumes, d’après le manuscrit d’Oxford, Pococke 281, dans l’Allgemeine Bibliothek der biblischen Literatur d’Eichhorn, t. iii, p. 425. — 8. Osée et Joël ont été édités, d’après le manuscrit d’Oxford, par R. Schroter dans Archiv fur wissensch. Erforschung des A. T., i et ii. — 9. Enfin, Adler a donné dans l’Einleitung in das A. und N. Testament, d’Eichhorn, des variantes du manuscrit de Florence. P. de Lagarde a aussi publié dans ses Materialien, II, une version paraphrastique de la Genèse, d’après le manuscrit arabe 230, de la Bibliothèque de Leyde; le manuscrit est écrit en caractères syriaques, et date de l’an 1528. Cette version, dit simplement M. de Lagarde, est à peu près la même que celle d’un manuscrit d’Oxford dont Paulus s’est occupé dans ses Specimina versionum Pentateuchi septem arabicarum, § 7 et 12.
Quelques savants, entre autres Tychsen dans le Repertorium d’Eichhorn, t. xi, p. 82 et suiv., avaient contesté l’identité de la version de Constantinople et de la version imprimée dans les Polyglottes de Paris et de Londres. Pococke, dans la préface à son Arabica versio, démontraque cette identité est certaine, et Silv. de Sacy, Mémoire sur la version arabe des Livres de Moïse (dans les Mémoires de l’académie des Inscriptions, t. xlix, 1808, p. 67), s’est rallié à Pococke.
B) Les Juifs possèdent encore une autre version arabe du Pentateuque, faite par un Juif de Mauritanie, au XIIIe siècle. Elle suit l’hébreu massorétique de très près, servilement quelquefois. On ne lui reconnaît presque aucune valeur exégétique ni critique. Walton, Proleg., § 14, 16, dit pourtant qu’elle offre «des exemples d’une rare habileté, d’un esprit judicieux et d’un grand respect de la divine Majesté». On n’en connaît qu’un manuscrit, qui appartint à Jos. Scaliger et qui est maintenant à la bibliothèque de Leyde (Cod. arab., 33). Il est en caractères hébreux. Erpenius l’a publié, assez imparfaitement, en caractères arabes, Pentateuchus Mosis arabice, in-4o, Liège, 1622. On appelle pour cela cette version Arabs Erpenii.
Il faut encore citer parmi les versions arabes faites sur l’hébreu: — C) Celle du livre de Josué qui a été imprimée, d’après le manuscrit arabe 1 de la Bibliothèque nationale, dans la Polyglotte de Paris, et réimprimée dans celle de Londres. Nous n’en connaissons ni l’auteur nila date. — D) La version de III Reg., xii-IV Reg., xii, 16, qui, d’après Rédiger, De origine et indole arabicæ librorum V. T. historicorum interpretationis libri II, Halle, 1829, serait d’un Juif de Damas du XIe siècle. Elle a été publiée, d’après le même manuscrit que la précédente, dans les Polyglottes de Paris et de Londres. — E) La version du passage II Esdr., i-ix, 27; imprimée aussi dans les deux mêmes Polyglottes, d’après le même manuscrit que les deux précédentes, ressemble beaucoup à la version du livre de Josué; mais on croit qu’elle a étéinterpolée par un chrétien de Syrie. — F) Nous avons aussi des portions importantes d’une version arabe faite sur l’hébreu au x» siècle par un juif Karaïte, Yapheth ben-Heli. Les Psaumes ont été publiés en entier par l’abbé Barges, d’après le manuscrit de la Bibliothèque nationale, Libri Psalmorum David, Regis et Prophetes versio a R. Yapheth ben-Heli, Paris, 1861. — G) Une version (Genèse, Psaumes et Daniel) contenue dans le manuscrit Harl. 5505 du Musée Britannique. Voir Doderlein, dans leRepertorium d’Eichhorn, t. ii, p. 153.
H) Mais, de toutes les versions arabes faites sur l’hébreu, la plus célèbre, après celle de Saadias, est celle du Pentateuque par un Samaritain, Abou Saïd. Il la fit pour l’usage de ses coreligionnaires, qui en étaient réduits à se servir d’exemplaires plus ou moins corrompus de laversion de Saadias. L’auteur n’a pas travaillé sur la version samaritaine, comme on pourrait le supposer, mais bien sur le texte hébreu original, écrit en caractères samaritains. Il montre pourtant que la version de Saadias lui était familière; il s’en est servi plusieurs fois. Il aaussi fait usage de la version samaritaine, telle qu’elle a été imprimée plus tard dans la Polyglotte de Paris. La date précise de cette version est incertaine. Tout ce que l’on peut dire, c’est qu’elle est postérieure au Xe siècle et antérieure au xiiie. D’après Silv. de Sacy, Mémoire sur la version arabe, p. 104, cette version serait fort utilepour la critique du texte samaritain. Voir Abou -Saïd.
a) Manuscrits. — Voici les principaux: i. Celui de la bibliothèque Barberini, à Rome. C’est un manuscrit tritaple (hébreu, version samaritaine et version arabe), écrit tout entier en caractères samaritains. Il est daté de l’hégire 624. — 2. Le manuscrit Usher à la bibliothèque Bodléienne d’Oxford; il est bilingue ( version samaritaine et version arabe), et fut écrit en l’an 1525 de notre ère. — 3. Le manuscrit Taylor, à la même bibliothèque; il est en caractères arabes. — 4. Le manuscrit arabe 5 (ancien fonds 2) de la Bibliothèque nationale, xve siècle. — 5. Lemanuscrit arabe 6 (ancien fonds 4), même Bibliothèque et même date.— 6. Le manuscrit arabe 8 (ancien fonds 12), même Bibliothèque, XVIe siècle. Ce manuscrit, qui a appartenu à Melchisédech Thévenot, a cela de particulier que le copiste ayant un exemplaire de Saadias sous les yeux l’a complété par cette version. — 7. La Bibliothèque de Leyde possède aussi un manuscrit de cette version, que Sacy appelle Codex Damascenus. Avant d’entrer à la Bibliothèque de Leyde, il avait appartenu successivement à Van Tyl et à Schultens. — 8. Un autre manuscrit est mentionné dans la Bibliotheca Wittiana, 1701; on ignore ce qu’il est devenu. — Tous ces manuscrits représentent une seule et même version, malgré des variantes asseznombreuses surtout dans les passages obscurs. Ils ont été décrits par Silv. de Sacy, Mémoire sur la version arabe, p. 105 et suiv.
b) Éditions. — La version d’Abou Saïd n’a jamais été publiée en entier. Voici ce que nous en avons. — 1. Hottinger, dans son Promptuarium, sive bibliotheca orienlalis, Heidelberg, 1658, a publié Gen., xi, 1-23, d’après un fragment qui lui appartenait. — 2. Blanchini, dans let. n de son Evangeliarium quadruplex latinæ versionis antiquæ, 1749, fit graver une page du manuscrit Barberini contenant Num., v, 30-vi, 9. — 3. Durell, The Hebrew text; of the parallel prophecies of Jacob and Moses relating to the twelve tribes to which are added 1° the Samaritan Arabic version, etc., 1763, publia Gen., xlix, 6, 28; Deutér., xxxiii, 1-29, d’après le manuscrit d’Usher; et Gen., xlix, 1-4, d’après le manuscrit de Taylor. — 4. Ch. Hwiid publia à Rome, en 1780, Gen., xlix, d’après le manuscrit Barberini, dans son Spécimen inédits, versionis arabico-samaritanæ Pentateuchi e codice samaritano bibliothecæ Barberinæ, in-8°. — 5. Adler, Biblisch-kritische Reise, a publié Num., xxiv, 7-9, d’après le manuscrit Barberini et le manuscritarabe 6 de la Bibliothèque nationale. Il a aussi fait connaître d’autres passages du manuscrit Barberini dans le Liter. Briefwechsel, de J. D. Michaëlis. — 6. Paulus, dans sa Commentatio critica exhibense biblioth. oxon. Bodlejana specimina verss. Pentateuchi seplem arabicarum nondum editarum, léna, 1789, a donné divers extraits du livre de la Genèse, d’après le manuscrit deTaylor. — 7. Van Vlpten publia en 1803 quelques fragments, d’après le manuscrit de Leyde, dans son Spécimen philologicum continens descriptionem codicis MS.Bibliothecse Lugdun. Batavorum partemque inde excerptam versionis samaritano-arabicx Pentateuchi, Leyde, 1803. — 8. Silv. de Sacy, dans son Mémoire, p. 150-196, en a publié plusieurs fragments. Ils sont pris de différentsmanuscrits, quoique plus généralement du manuscritarabe 6 delà Bibliothèque nationale; les variantes de tousles manuscrits ont été soigneusement recueillies pourchaque passage. — 9. En 1851, Abr. Kuenen publia laGenèse d’après trois manuscrits et, en 1854, l’Exode etle Lévitique. Cf. Keil, Manual of hislorico-critical Introduction, Edimbourg, 1870, t. ii, p. 279-80.
2° Versions arabes basées sur la version syriaque. —A moins d’indication contraire, il s’agira de la versionSimple ou Peschito.
A) Rédiger, De origine et indole arabicse interprétationis, donne comme faites sur la Peschito les versionsarabes des livres suivants: Juges, Ruth, I et II Rois; III Rois, i-xi; IV Rois, xii, 17-xxv; Paralipoménes, Job, qui ont été imprimées dans les Polyglottes de Paris et de Londres, d’après le manuscrit arabe 1 de la Bibliothèque nationale. Ces versions ont été faites par des chrétiens au xiiie ou au XIVe siècle. Elles ont peu de valeur. P. de Lagarde a publié une nouvelle édition du livre de Job d’après la Polyglotte de Paris, ainsi qu’une autreversion du même livre, mais de recension égyptienne, d’après un manuscrit de Berlin, dans son ouvrage intitulé: Psalterium, Job, Proverbia arabice, Gœttingue, 1876.
B) Deux versions des Psaumes faites par des chrétiens du mont Liban. L’une a été éditée en 1585 et en 1610, au monastère maronite de Saint -Antoine, à Kouzheyya (au nord d’Ehden), dans le Bescherréh, mont Liban. Cette édition, dont les exemplaires sont très rares en Europe, est en carschouni. P. de Lagarde a réimprimél'édition de 1610 d’après l’exemplaire de la bibliothèquede Nuremberg, Psaller., Job, Prov. L’autre est contenuedans le manuscrit 5469, in-12, du Musée Britannique(Cureton, Catalogue, n° vi). Cf. Ddderlein, dans leRepertorium d’Eichhorn, t. ii, p. 156 et suiv.
C) P. de Lagarde a publié, dans le même ouvrage, les Nombres, le Lévitique et le Deutéronome, d’après le manuscrit arabe 377 de la Bibliothèque de Leyde, dont nous avons déjà parlé à propos de la version de Saadias.
D) Enfin plusieurs manuscrits contenant des versions arabes faites sur la Peschito se trouvent dans les différentes bibliothèques d’Europe, pour la plupart inconnus, ou tout au moins inédits, comme on peut s’en assurer enparcourant les catalogues de ces bibliothèques. Tels sont, par exemple, les manuscrits arabes 17-21 de la Bibliothèque nationale. Paulus, dans sa Commentatio critica, a donné quelques spécimens de versions du Pentateuque d’après des manuscrits de la bibliothèque Bodléienne.
E) Il existe aussi une version arabe faite au xve siècle par Ḥàreth ben-Sinàn sur la version syro-hexaplaire. Cette dernière ayant été faite sur le grec des Hexaples d’Origène, on pourrait compter cette version arabe avec celles qui sont basées sur les Septante. On en connaît plusieurs manuscrits: deux à la Bibliothèque nationale, manuscrits arabes 13 et 14; deux à la bibliothèque Bodléienne, à Oxford; un à la bibliothèque Vaticane (Cod. arab., 1); un à la bibliothèque Palatine Médicis, à Florence (Cod. palat., or. xviii). Les cinq premiers manuscrits contiennent le Pentateuque, le sixième contient la Sagesse, l’Ecclésiaste, les Proverbes, l’Ecclésiastique, et le Cantique des cantiques. D’après Et. Ev. Assemani, Catalog. codd. arable, biblioth. Vatic. p. 2, dans la Scriptorum veterum nova Collectio, de Mai, t. iv, le manuscrit du Vatican serait de l’an 1329 de notre ère.L’auteur de la version serait donc antérieur au xve siècle, comme Assemani le déclare lui-même, ouvr. cilé, bien que dans son Catalogue de la bibliothèque Laurent, et Palat. Médicis, p. 61, il eût positivement dit que les deux Hàreth (car il en distingue deux) avaient vécu vers la fin du xve siècle. De Slane, Catalogue des manuscrits arabes de la Bibliothèque nationale, p. 4, dit aussi que l’auteur de notre version vivait vers la fin du xve siècle.— Quelques fragments de cette version ont été seuls publiés dans le t. vi de la Polyglotte de Londres et dans White: Letter to the bishop of London, Oxford, 1779. — Plusieurs savants comptent la version de Hàreth avec celles qui ontété traduites directement sur les Septante des Hexaples.
F) Assemani, Bibliotheca orientalis, t. ii, p. 309, citeun texte de Bar-Hébræus d’où il ressort qu’un nestorien nommé Aboul-Faradj ben at-Tayyib avait traduit toute la Bible eu arabe. Cette version, qui jusqu’ici n’a pas été retrouvée, pour l’Ancien Testament au moins, était sans doute faite sur le syriaque.
3° Versions arabes basées sur les Septante. — Parmi les principales on peut citer:
A) La version des Prophètes (Daniel excepté, qui est Taduit sur Théodotion), imprimée dans la Polyglotte de Paris, d’après le manuscrit arabe 1 de la Bibliothèque nationale, et réimprimée dans la Polyglotte de Londres. Elle a été faite par un prêtre d’Alexandrie, comme l’indique une note du copiste placée à la fin des petits Prophètes. Cornill, qui, dans son Buch des Proph. Ezechiël, Leipzig, 1886, p. 49-57, a étudié en détail cette version pour le livre d’Ezéchiel, dit qu’elle a été faite directement sur le grec. Le manuscrit dont s’est servi le traducteurétait en lettres onciales, sans esprits ni accents, et lesmots n'étaient pas séparés. Comme le Codex Alexandrinus, ce manuscrit contenait la recension égyptienne des Septante; on y voit des traces de l’influence des Hexaples, mais moins que dans le Codex Alexandrinus.Le manuscrit de Paris offrait quelques lacunes auxquelles les éditeurs de la Polyglotte de Londres ont suppléé par les passages correspondants d’un manuscrit d’Oxford de recension syrienne.
B) Les versions des livres de Tcbie, Judith, Esther, Proverbes, Ecclésiaste, Cantique des cantiques, Sagesse, Ecclésiastique, et des deux livres des Machabées, imprimées dans la Polyglotte de Paris (excepté les deux premiers et l’avant-dernier) et dans celle de Londres.
C) La version des Psaumes, imprimée dans les deux Polyglottes. Elle est aussi faite sur une recension égyptienne des Septante. P. de Lagarde l’a réimprimée, ainsi que la version des Proverbes dont nous venons de parler, Psalterium, Job, Proverbia, etc. Mais nous avons deux autres versions des Psaumes:
D) L’une est basée sur une recension syrienne des Septante. Il y en a deux éditions. La première a été publiée en 1516 par Giustiniani, évêque de Nebbio, August. Justiniani Psalterium Octaplum, in-f°, Gênes, 1516; la seconde a été publiée une première fois, en arabe seulement, par Gabriel Sionite et Victor Scialak, à Rome, en 1614, Psalmi arabici ex græco; une deuxième fois, avec la traduction latine, même année, Liber Psalmorum Davidis regis, et une troisième fois en arabe et en latin, en 1619, Davidis régis et Prophetæ Psalmi. Ces deux dernières réimpressions (si tant est que ce soient des réimpressions) ne diffèrent que par le titre. P. de Lagarde a réimprimé cette version dans son Psalterium, Job, Proverbia. Le manuscrit de Gabriel Sionite, qui a servi aux éditions de 1614, est conservé à la bibliothèque Laurentienne à Florence, Biblioth. Palat. Méd., cod. x; il fut terminé en 1612. Voir le catalogue d' Assemani, p. 56.
E) L’autre est d’après une recension spéciale qui est en usage chez les grecs Melchites. Son auteur, 'Abdallah 'Ibn-'El-Fadl, vivait au xiie siècle environ. Elle a été publiée à Padoue, en 1709, in-8°; et aussi à Alep, en 1706, in-4o; au monastère melchite de Saint-Jean-Baptiste(Màr yochanna e3-souaïr), dans le Chesrouan, mont Liban, en 1735, 1739, 1753 et 1764, in-8°. La Society for promoting Christian knowledge fit imprimer la même version à Londres, en 1725, in-8o, d’après un manuscrit envoyé d’Alep; l’impression fut surveillée par SalomonNegri de Damas. P. de Lagarde, Psalter., Job, Prov., a fait réimprimer l'édition de 1706 sur l’exemplaire de la bibliothèque de Dresde. La même version avait encore été publiée à Vienne avec un commentaire arabe.
4° Les catholiques ont publié, à l’usage des chrétiens d’Orient, quelques versions qui sont fondées principalement sur la Vulgate. Voici les plus remarquables:
A) L'édition de la Propagande, 3 in-f°, 1671. Lee et Mac Bride (aux frais de la société Biblique) l’ont réimprimée à Londres en 1822, in-8°, après avoir retranché la Préface, les Livres deutérocanoniques et la traductionlatine. — B) L'édition de Mgr Tuki, vicaire apostolique de l'Église copte. Une partie seulement a paru: le Pentateuque, Josué, les Juges, Ruth, les Rois, les Paralipomènes, Esdras et Tobie. — C) L'édition des PP. Dominicains de Mossoul, 4 gr. in-8o, 1875-78. — D) L'édition desPP. Jésuites de Beyrouth, 3 gr. in-8°, 1876-78. — E) Les protestants ont aussi une version particulière. En 1856, la Society for promoting Christian knowledge publiât, par les soins de MM. Lee, Fares et Jarrett, une édition de la Bible d’après la Version anglaise autorisée; mais leur manuscrit fut ensuite revisé sur les textes originaux. 5° Voici enfin quelques éditions qui ne peuvent pas encore être classées avec certitude:
A) Édition de toute la Bible faite à Bucharest, 1700, par les soins du patriarche melchite d’Antioche. — B) Le premier Psaume en copte et en arabe, avec traduction latine par Petrseus, Leyde, 1663. — G) Le Cantique des cantiques en éthiopien et en arabe, avec traduction latine par Nisselius, à Leyde, 1656. — D) Deux éditions des Psaumes, par la Propagande, Rome, 1744 et 1749, in-4
— E) L’édition faite par Carlyle pour la société Biblique, Newcastle, 1811, in-4o. — F) L’édition protestante de Londres, 1831, in-8o. — G) L’édition protestante de Van Dyck, Beyrouth, 1865, in-8o. (Cf. Journal of the American oriental Society, t. xi, p. 276-86.)
Voir Rôdiger, De origine et indole arabicæ librorum V. T. historicorum interprétations librill, Halle, 1829; Pococke, Arabica versio Pentateuchi cum R. Saadix versione tam quæ in codd. mss. quam quæ in Bibliis constantinopolitanis extat, collata. Præfatio (dans laPolygl. de "Walton, t. v); Hottinger, Dissertatio historico-theologicade Heptaplis parisiensibus ex Pentateucho instituta, in-4o, Zurich, 1649; Schnurrer, De Pentateucho arabico polyglotto, Tubingue, 1780; Dissertationes philologico-criticæ, Tubingue, 1790; Paulus, Commentatio critica exhibens e biblioth. Oxon. Bodlejana specimina verss. Pentateuchi septem ardbicarum nondam editarum, Iéna, 1789; Durell, The Hebrew text of the parallel prophecies of Jacob and Moses relating to the twelve tribes, ... to which are added 1° the SamaritanArabic version, etc., 1763; Hwiid, Specimen ineditæ versionis arabico -samaritanæ Pentateuchi e cod. samaritano biblioth. Barberinæ, in-8°, Rome, 1780; Van Vloten, Specimen philologicum continens descriptionemcodicis ms. Lugduno-Batavæ, partemque inde excerptam versionis samaritano-arabicas Pentateuchi mosaici, in-4°, Liège, 1803; Silv. de Sacy, Mémoire sur la version arabe des livres de Moïse, à l’usage des Samaritains, et sur les manuscrits de cette version, dans les Mémoires de l’Académie des inscriptions, t. xlix, 1810; White, Letter to the bishop of London, Oxford, 1779 (spécialement pour les versions faites sur la version syro-hexaplaire ); Doderlein, sur les versions des Psaumes, dans Eichhorn, Repertorium, IIe part., p. 151 et suiv.; IVe part., p. 57 et suiv.
II. Versions arabes du Nouveau Testament. — Les versions arabes des Évangiles nous étant (depuis quelques années surtout) beaucoup mieux connues que celles des autres livres du Nouveau Testament, nous devrons traiter séparément: 1° des versions des Évangiles; 2° des versions des Actes, des Épîtres et de l’Apocalypse.
1° Versions arabes des Evangiles. — Ce sujet a été traité tout récemment dans un mémoire de la Reale Accademia dei Lincei, 1888, par M. Ignace Guidi, Le traduzioni degli Evangeli in arabo e in etiopico. En voici le résumé. Les Évangiles furent peut-être traduits en arabe avant Mahomet. Sprenger, Das Leben und die Lehre des Mohammad, 3 in-8°, Berlin, 1861-1865, t. i, p. 131-132; cf. Gildemeister, De Evang. in arabic, p. 35. D’après un texte de Bar-Hébræus, une autre traduction aurait été faite entre 631 et 649 de notre ère. Bar-Hébræus, Chronic.eccles., édit. Abbeloos et Lamy, t. i, p. 275; Assemani, Biblioth. orient., t. ii, p. 335; cf. Gildemeister, De Evang.in arabic. p. 30, note 1. Mais ces premières traductions ne constituent que des faits isolés et discutables. En revanche, les manuscrits sont là pour nous attester que dès le viiie siècle les versions arabes des Évangiles étaient déjà assez communes chez les chrétiens de la Syrie.M. Guidi divise les textes des nombreux manuscrits des Évangiles en arabe en cinq classes. — A) Textes traduits directement du grec. — B) Textes traduits sur la Peschito, ou tout au moins retouchés sur cette version. — C) Textes traduits sur la version copte-memphitique, ou modifiés d’après elle. — D) Textes de recensions éclectiques faites au xiiie siècle dans le patriarcat d’Alexandrie. — E) Textes se distinguant par leur forme plus spécialement littéraire.
— À ces cinq classes nous en ajouterons une sixième, qui comprendra F) les versions arabes d’origine occidentale.
A) Textes traduits directement du grec. — C’est au couvent de Saint-Sabas ou dans ses environs qu’il faut chercher les origines de la littérature arabo-chrétienne; car c’est là qu’ont été trouvés les plus anciens manuscrits se rapportant à cette littérature. On voit par leur contenu que la traduction des Évangiles fut un des premiers soucis de l’école littéraire de Saint-Sabas; on la trouve dans un grand nombre de manuscrits, dont quelques-uns sont les plus anciens représentants de la littérature arabo-chrétienne. La plupart de ces manuscrits sont encore au couvent de Saint-Sabas, ou à celui de Sainte-Croix, à Jérusalem. Plusieurs ont été transportés en Europe, notamment à Leipzig (mss. Tischendorf). Rome en possède quelques-uns, dont deux (Vatic. arab., 13, viiie siècle, et mus. Borg., k. ii, 31, vme ou ixe siècle) sont les plus anciens que nous connaissions. On n’a pas de données positives sur l’origine de ces deux manuscrits, mais l’examen de leur texte ne laisse aucun doute sur leur provenance. Le manuscrit du musée Borgia contient absolument le même texte qu’un fragment (Matth., x, 19-xi, 4; xiv, 13-xv, 2) de lectionnaire de Leipzig, qui a été apporté de Saint-Sabas (cod. Tischendorf, xxxi, À; cf. Tischendorf, Anecdota, etc., p. 70, et Fleischer, dans la Zeitschrift der deutschen morgenländisclien Gesellschaft, t. viii, p. 586); et le manuscrit du Vatican, pour être paraphrastique, ne laisse pas que de se rattacher à la même famille. On a dit que ce dernier manuscrit venait d’Émèse, en se fondant sans doute sur une certaine note en vers grecs, inscrite au verso du dernier folio; mais cette note n’est pas du même copiste que le manuscrit.
— La version contenue dans les manuscrits provenant de Saint-Sabas a été faite sur une version grecque de recension syro-antiochienne ou mixte. Elle est due à l’initiative privée, et n’a jamais été canoniquement approuvée. Le manuscrit Borgia, k. ii, 31, dont nous avons déjà parlé, la contient dans sa forme primitive. On la retrouve corrigéeau point de vue de la grammaire dans les manuscrits Borgia, k. ii, li, xie ou xiie siècle; Leyd., 2376, A. D., 1179, et Leyd., 2377, A. D., 1331; et, sous le rapport dustyle, dans les manuscrits Bodl., xv (catal. Nicoll), A. D., 1564, et xxix (catal. Uri), A. D., 1256.
B) D’autres manuscrits assez anciens offrent des versions qui suivent assez bien la Peschito; elles sont d’époques différentes. 1. La plus ancienne est celle d’un manuscrit Tischendorf, de Leipzig, que Gildemeister place entre 750 et 850. Mais on ne saurait dire si cette version a été faite directement sur la Peschito, ou si elle a été simplement revisée sur elle. — 2. Le Codex Vaticanus 13, contientaussi quelques feuillets (1-15, 47-55) dont le texte suit égalementla Peschito. — 3. La version du Diatessaron de Tatien, publiée par le P. Ciasca, a été faite au xie siècle par Ibn-at-Tayyib, dont nous avons parlé, col. 849, à propos des versions de l’Ancien Testament basées sur le syriaque; elle est fort différente de la version du manuscrit de Leipzig. — 4. Le même Ibn-at-Tayyib, dans ses commentaires sur saint Matthieu, suit une traduction différente des deux premières, et de celle même de son Diatessaron, comme on peut le voir par l’examen des deux manuscrits, qui se trouvent l’un au musée Borgia (Diatessaron), l’autre à Leyde (Comment., 2375). — Enfin quelques manuscrits, par exemple, Vatic. syr., 19 (A. D., 1420; cf. Guidi, oui’)', cit., p. 15, n. 2) et 197 (A. D., 1488), contiennent des versions syriennes d’origine, mais fortementinfluencées par la recension alexandrine.
C) De même que les Syriens accommodèrent plusieurs fois le texte grec à leur version nationale, ainsi les Coptes l’adaptèrent à la version indigène, qui était regardée comme officielle dans le patriarcat d’Alexandrie, celle qui était en dialecte memphitique. Le magnifique Codex Vaticanus copt., 9, est un représentant de cette version copto-arabe.
D) Toutes ces versions étaient privées, aucune n'était canoniquement reconnue; ce qui se comprend quand on réfléchit qu'à l'époque à laquelle elles remontent, les langues anciennes étant encore suffisamment comprisesdes gens instruits, on ne voyait pas la nécessité de sanctionner aucune des traductions que des personnes privées avaient entreprises. Mais bientôt ces traductions devinrent nécessaires; on pensa alors à établir canoniquement un texte qui devait être la base de la liturgie et de toute la littérature ecclésiastique. Ce travail commença d’abord en Égypte, où l’arabe se répandit plus rapidement à cause de la disposition topographique du pays. On se basa pour cela non seulement sur la version copte, mais encore sur les versions canoniques grecques et syriaques, l’influence des Melchites et des Nestoriens étant alors considérabledans le patriarcat d’Alexandrie. Ce travail fut entrepris par Al-As’ad Abùl-Faradj Ibn-al-'Assâl, vers 1250. Ou le trouve dans un manuscrit de Milan (Ambros., C. 47. Inf.) daté de 1280, et avec de légères variantes dans le Vatic. ar., 610, le Vatic. copt., 10, le Leyd., 2374 (Scalig., 223) et les deux Bodl. (Ùri) xxiv et xxv; mais, tandis que quelques-uns ont conservé l’apparatus criticus d’el-'Assàl (Ambros. et Bodl., xxiv), les autres n’ont que le texte. Tous sont du xiiie ou du xive siècle. — Cette recension cessa bientôt d'être en vogue, sans doute parce qu’elle était tropcompliquée. Elle fut remplacée par une autre recension alexandrine, que l’on peut nommer la Vulgate. Celle-ci est basée sur l’ancienne version canonique copte, telle que nous l’avons dans le Cod. vatic. ar., 9, dont nous avons déjà parlé, sinon sur ce manuscrit lui-même. Cependantle grec, et le syriaque furent aussi mis à profit, tant pour compléter la version copte, dans laquelle des mots avaient été omis, que pour l'éclaircir ou même la corriger. Pour le travail de revision sur le syriaque, on se servit des commentaires d’Ibn-at-Tayyib. Il en résulta un texte clair, coulant, tenant suffisamment compte des trois versionscanoniques en usage, et suffisamment correct. Cette édition est la seule qui ait été imprimée.
a) Manuscrits. — Les manuscrits en sont nombreux et de deux différentes origines: les uns, les plus nombreux, venant d’Égypte, et les autres venant de Syrie. Ces derniers ont naturellement de temps en temps quelques-unes des variantes caractéristiques des versions d’originesyrienne. Voici l’indication des principaux manuscrits d’origine égyptienne. Oxford, biblioth. Bodl. (catalogue d’Uri), codd. 23 [de 1326]; 22; 31 (?); 32 [de 1478]. — Brit. Museum, arab., 12 [de 1337]. — Vatic. arab., 15 [de 1328]; copte, 11 et 8. —Vienne, 1544 et 1545. — Saint-Pétersbourg, Mus. asiat., 3. — Leyde, 2370, 2371, 2373, 2379. — Paris, Bibliothèque nationale, manuscrit arabe, 51. — Ce dernier manuscrit avait été, semble-t-il, copié sur un autre manuscrit dont un folio a été conservé dans la copie; ce folio porte la date 1037 des martyrs. Le manuscrit auquel il appartenait serait donc de 1321, ce qui est important à noter pour déterminer la date de la seconde recension alexandrine. Parmi les manuscrits d’origine syrienne, M. Guidi mentionne le Vatic. syr., 407 [de 1476]; le mus. Borg., k. viii, 2; le n° 49 du collège des Maronites.
6) Éditions. — On les divise en deux classes, suivant qu’elles ont été faites sur des manuscrits d’origine égyptienne ou sur des manuscrits de provenance syrienne. D’après M. Guidi, il faut compter parmi les éditions de la recension alexandrine, origine égyptienne, celle d’Erpenius: Novum Testamentum arabice, cura Thomæ Erpenii, Leyde, 1616, in-4° (d’après un manuscrit qu’il tenait de Scaliger, et qui est maintenant à l’université de Cambridge, Gg. v, 33), et celle de P. de Lagarde (d’après le manuscrit de Vienne, 1544). Erpenius croyait que ses Évangiles avaient été traduits du grec; là n’est pourtant pas la difficulté, car le jugement d’Erpenius sur cette matière est loin de valoir celui de M. Guidi. Mais il faut observer que, d’après Richard Simon, Histoire critique des versions du Nouveau Testament, ch. xviii, Erpenius transcrit, dans sa préface, une note de son manuscrit ainsi conçue: «Absoluta est hujus libri descriptio die 16 mensis Baunæse anni 988 martyrum justorum. Descriptus autem est ex emendatissimo exemplari cujus descriptor ait se id descripsisse ex alio exemplari emendato exarato manuJoannis, episcopi cophitæee, qui Joannes dicit se suum descripsisse ex exemplari emendatissimo quod ediderat D. Nesiulaman, F. Azalkefati.» Si cette note est authentique, il s’ensuit clairement que le manuscrit Scaliger, qu’a publié Erpenius, est de l’an 1272; que la version qu’ilcontient est plus ancienne encore (beaucoup plus que ne le serait la deuxième recension alexandrine, suivant M. Guidi), et enfin que le nom de l’auteur de la recension vulgate d’Alexandrie est connu. Ces conclusions sont acceptées par Assemani, dans son Catalogue de la Biblioth. Laurent. Palat. Médicis, p. 62, sur la foi de la préface d’Erpenius. Scrivener, qui semble avoir été mieux informé encore, non seulement sur le livre d’Erpenius, mais aussi sur le manuscrit lui-même, adopte les mêmes conclusions. A plain introduction to the Criticism of the New Testament, 1883, p. 414. Il est vrai que dans le même ouvrage de R. Simon, et précisément au même endroit, on lit une note qui recule presque d’un siècle la date de notre manuscrit; cette note, tirée du Catal. Biblioth. Lugd. Batav., p. 279, est ainsi conçue: «Novum Testamentumintegrum scriptum in deserto sancto in monaster. D. Joannis, anno Diocl. 1059, i. e. Christi 1342. In Act., Epist. et Apoc. accuratissime annotata; sunt (par Raphelenge, comme le dit Simon) variæ lectiones in alio codice ms. atque ex hoc exemplari suam Nov. Testam. editionem expressit Erpenius.» — Cette note me paraît bien suspecte; elle est d’ailleurs en désaccord avec tout ce que j’ai pu recueillir de renseignements sur le manuscrit d’Erpenius. Est-elle réellement de Rich. Simon? Nous nous en remettons à M. Guidi pour une réponse satisfaisante. Cf. Michælis, Introduction to the New Testam., édit. Marsch, notes to chapt. vii, sect. xvi.
À côté de l'édition de 1616, il faut citer celle de Londres, 1829, qui n’en est qu’une réimpression, et les deux éditions de Rome, 1671, et de Londres, 1820, dont nous avons déjà parlé à propos des versions de l’Ancien Testament. À la même classe appartient aussi l'édition faitepar P. de Lagarde, en 1861, d’après le manuscrit 1544 de Vienne. — Parmi les éditions de la même version faites sur des exemplaires d’origine syrienne, il faut nommer au premier rang: 1. L'édition de Rome de 1591, reproduite plusieurs fois sans modifications dans le texte. — 2. Celle de 1645, dans la Polyglotte de Le Jay, par Gabr. Sionite. L'éditeur s’est servi d’un exemplaire de l'édition de Rome, en se contentant d’en purifier le style. Cet exemplaire appartint d’abord à Séguier, puis à Picques. — 3. Celle de Londres, simple réimpression de celle de Le Jay. — 4. Celle de Rome, 1703, en carchouni, d’après un manuscrit de Chypre (collège des Maronites, à Rome, n° 49), et celle de 1824, Paris, réimpression de celle de 1703. — L'édition melchite d’Alep, 1706, a du être faite sur des exemplaires de la même version; mais je ne saurais dire si elle a été influencée par les exemplaires ordinaires de Syrie.
E) Parmi les manuscrits qui se distinguent par leur forme plus spécialement littéraire, il faut citer celui de Leyde, 2348, et ceux du Vatican, codd. arab., 17 et 18. Ces deux derniers sont de la fin du Xe siècle. Tous les trois contiennent le même texte. C’est une version en prose rimée. M. Guidi croit que son auteur était un des médecins ou philosophes syriens qui fleurirent sous les Califes, au IXe ou Xe siècle. — Une autre version du même genre fut faite en Syrie par ʿAbhdîšô, métropolitain de Nisibe († 1318). Cette version est mentionnée dans le manuscrit arabe 58 de la Bibliothèque nationale. (Voir de Slane, Catalogue, p. 13.) Elle a servi de base aune autre version littéraire faite par un Maronite, Ja’qùb ad-Dibsi, en 1691. Elle se trouve dans le manuscrit arabe 58, dont nous venons de parler, et, dit-on, aussi dans un manuscrit qui est à Alep. Cette dernière version n’est pas rimée. Une autre version littéraire se trouve dans trois manuscrits, deux d’Oxford, Bodl., xv et xxix, et un de Milan, Ambros. E. 95, sup. Elle se rapproche de la version des mss. Borg., k. ii, 6; Leyde, 2376 et 2377; Vatic. ar., 467, dont nousavons déjà parlé plus haut (A.). Cette version remonte au moins au xiiie siècle, le Cod. bodl. xxix étant de l’an 1256.
F) Nous traiterons ici de deux versions très différentes de toutes les autres, qui se trouvent dans deux manuscrits, Londres, Brit. Museum, xiii, et Munich, 238. Ce dernier a été copié sur un manuscrit de l’an 1145. La version qu’il contient se trouve aussi dans un manuscritdes archives de la cathédrale de Léon. Une note qui se lit dans le manuscrit de Londres et dans celui de Munich dit que cette traduction fut faite, en 946, par Isaac Velasquez de Cordoue. Ces manuscrits sont écrits en caractères maugrébins; ils contiennent l’introduction aux Évangiles dite de saint Jérôme, les chapitres sont divisés plus à l’occidentale qu’à l’orientale. Comme le remarque M. Guidi, ce groupe de manuscrits fait penser à la version de Jean de Séville, dont nous avons déjà parlé, etqui était, diton, traduite de la Vulgate. M. Guidi observe que la version des trois manuscrits en question semble se rapprocher plus de l’Italique que de notre Vulgate.
Nous devons ici dire un mot des différentes hypothèses que l’on a émises sur l’origine de l’édition princeps des Évangiles, publiée à Rome en 1591. Richard Simon, sans la critiquer aussi vivement que l’édition de 1671, observe qu’elle a «été retouchée en quelques endroits sur notre édition latine». Davidson, A Treatise on biblical criticism, t. ii, p. 222, bannit avec dédain du domaine de la critique cette édition «faite sur la Vulgate». Il ne fait d’ailleurs pas plus de cas de l’édition d’Erpenius, qui n’est, dit-il, que la réimpression de la même version d’après un manuscrit de Leyde (!). D’un autre côté, Juynboll, dans sadescription d’un manuscrit arabe de Franeker (publiée en 1838), a remarqué que ce manuscrit suit l’édition de 1591, et que l’un et l’autre étaient conformes à la Vulgate, en sorte qu’on ne saurait accuser l’éditeur Raimondi d’avoir retouché la version arabe sur la Vulgate, le manuscritdont il s’est servi pouvant être du même genre que celui de Franeker. — Juynboll identifie ensuite son manuscrit et l’édition princeps avec la version de Jean de Séville. Ce dernier point fut contesté par Gildemeister, dans ses communications à Tischendorf. (Tischendorf, Novum Testamentum græce, édit. de 1859, Proleg., p. ccxxxix.) Quoi qu’il en soit, il ne serait pas impossible que le manuscrit de Franeker appartînt à la même famille que ceux de Londres, de Munich et de Léon; etces trois derniers prouvent bien qu’il y a eu au moins une version arabe faite en Espagne sur un texte latin.
2° Versions arabes des Actes, des Épîtres et de l’Apocalypse. — On n’a pas encore suffisamment étudié l’histoire des versions de cette partie du Nouveau Testament, on se contente de dire d’une manière un peu vague qu’elles sont dérivées du syriaque. Mais il est bien probable qu’une étude judicieuse des manuscrits conservés dans les différentes bibliothèques d’Europe conduirait à des résultats analogues à ceux auxquels M. Guidi est arrivé pour les Évangiles. Les Actes des Apôtres et les Épîtres, celles de saint Paul surtout, étaient trop lues dans les Églises d’Egypte et de Syrie pour que des traductions privées ou canoniques n’en aient pas été faites à plusieurs reprises. On trouvera l’indication des manuscrits à utiliser dans les catalogues des grandes bibliothèques.
Je me contenterai de citer ainsi un manuscrit du IXe siècle, conservé à Leipzig. Cf. Tischendorf, Anecdota, Leipzig, 1861, p. 13. — Les Actes, les Épîtres et l’Apocalypse se trouvent: 1. dans l’édition d’Erpenius, Leyde, 1616, que nous avons déjà citée plusieurs fois, et dans la réimpression de Londres, 1829; — 2. dans les Polyglottes de Paris et de Londres; — 3. dans l’édition carchouni de Rome. 1703, et dans sa réimpression, Paris, 1824; — 4. dans l’édition complète de Rome, 1671, et sa réimpression à Londres, 1820. — Ont été publiés séparément les livres suivants: 1. Les Actes des Apôtres, par D.-J.-H. Callenberg, Halle, 1742. — 2. L’Épître aux Romains, par Erpenius, Leyde, 1616. — 3. La même, par Callenberg, Halle, 1741. — 4. L’Épître aux Hébreux, par le même, Halle, 1742. (Les éditions da Callenberg ne sont que des réimpressions de la Polyglotte de Londres.) — 5. L’Épître aux Galates, d’après un manuscrit d’Heidelberg, Heidelberg, 1583. — 6. L’Épître à Tite, avec traduction latine interlinéaire par Jean Antonidas, 1612. — 7. Les Épîtres des saints Jacques, Jean et Jude, en arabe, éthiopien et latin, par Nisselius et Petræus, Leyde, 1654. — 8. Les Épîtres de saint Jean, par Raphelenge, Leyde, 1612. — 9. L’Épître de saint Jacques, avec traduction latine par Nicolas Panecius, Wittenberg, 1694. — 10. Les Épîtres de saint Jean, par Jonas Hambræus, in-16, Paris, 1630. — 11. L’Épître de saint Jude, d’après un ancien manuscrit d’Heidelberg, in-f°, Breslau, 1630.
Voici enfin quelques autres éditions faites par les soins des sociétés bibliques protestantes. 1. Tout le Nouveau Testament, traduit par Sabat, revu par Thomason, Calcutta, 1816. Réimprimé à Londres en 1825, sous la direction de Lee, et à Calcutta, 1826, sous celle de Thomason.— 2. Le Nouveau Testament publié par Salomon Negri, aux frais de la Society for promoting Christian knowledge. C’est une réimpression de la Polyglotte de Londres, avec modifications par l’éditeur; Londres, 1827. — Enfin on trouvera encore le Nouveau Testament dans les éditions complètes de la Bible, catholiques ou protestantes, dont nous avons parlé à propos de l’Ancien Testament.
Voir Storr, De Evangeliis arabicis, Tubingue, 1775; Gildemeister, De Evangeliis in arabicum e simplici syriaca Translatïs, Bonn, 1865; Richard Simon, Histoire critique des versions du Nouveau Testament, chap. xviii; Holzmann, Lehrbuch der histor. kritischen Einleit. in das Neue Testament, Fribourg-en-Brisgau, 1886.
H. Hyvernat.
ARABIE (hébreu: ערב ,ערב, ʿǎrab, ʿǎrâb), pays situé à l’est et au sud-est de la Palestine, et composé en grande partie de déserts parsemés de petites oasis plus ou moins fertiles. L’étymologie de ce nom est incertaine. On ne saurait guère penser à ערב , ʿǎréb, «doux, agréable;» mais plutôt à ערבה, ʿârâbàh, «pays plat, plaine déserte.» Ce nom géographique ne figure dans aucun livre biblique antérieur au viiie siècle avant J.-C. La première mention en est faite dans Isaïe, xxi, 13; celle de l’adjectif ערבי, ʿârâbi, «Arabe,» se trouve pour la première fois dans Isaïe, xiii, 20, avec le sens d’«habitant du désert» et de «nomade». Dans les annales assyriennes, on constate le même sens pour Aribi ou Aribâa; un chef arabe du nom de Gindibû a combattu avec beaucoup d’autres rois syriens contre Théglathphalasar II à la bataille de Qarqar, dans l’Hamathène.
I. Géographie. — L’Arabie de l’époque biblique et assyro-babylonienne ne comprenait ni la péninsule sinaïtique, appelée plus tard Arabie Pétrée, ni la plus grande partie de la péninsule arabique que les géographes grecs ont nommée Arabie heureuse. Cette dernière contréeporte dans la Genèse le nom général de «pays de Kousch», c’est-à-dire d’Éthiopie, nom qui s’est transmis aux Grecs, lesquels appliquent également à l’Arabie heureuse la dénomination d’Éthiopie orientale. L’Arabie biblique, au sens le plus vaste, était donc limitée au sud par le Hedjàz actuel, à l’ouest par la Palestine transjordanique, la Damascène et l’Hamathène, à l’est par les solitudes du désert syrien, l’Arabie déserte des géographes classiques; mais il est impossible d’en fixer les limites du côté du nord et de l’est, et de décider d’une part, si elles dépassaient l’Euphrate, de l’autre, si elles englobaient le territoire de Palmyre.
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205. — Carte d’Arable.
Au sens plus étroit, l’Arabie biblique comprenait la province actuelle du Hauran, au sud-est de Damas, avec les oasis adjacentes, l’Arabia prima de l'époque romaine et l’Arabaya des inscriptions achéménides. L’unité géographique de cette province remonte à une haute antiquité. A l'époque patriarcale (vers 1900 avant J.-C), les peuplades ismaélites qui l’habitaient transportaient en Egypte les plantes aromatiques qui croissaient sur les montagnes du Galaad du nord. Gen., xxxvii, 25.
Des divers territoires arabes qui sont mentionnés dans la Bible, nous ne pouvons identifier avec plus ou moins de vraisemblance que les noms suivants, en procédant du nord au sud:
Auran, חזרן, Havrân), «blanc,» c’est la province principale de l’Arabie biblique. Le nom semble dû aux neiges qui couvrent les sommets des montagnes pendant une grande partie de l’année; il forme parallèle à celui du Liban (לבנן), qui a le même sens. Jusqu’aux derniers temps, on plaçait dans cette province l’Alsadamus mons de Ptolémée; mais, en réalité, la forme plus exacte Asalmanus, donnée par un manuscrit, répond à l’hébreu העלטזן, qui est une des dénominations du mont Hermon.
La ville de Chanath, קנת, conquise par les fils de Machir, Num., xxxii, 42, est la Canatha des Grecs, aujourd’hui Qanawât. La paraphrase chaldaïque mentionne la ville de טתנן, la Motha de Ptolémée (aujourd’hui Imtan), qu’elle confond à tort avec le Basan, בשו, des Hébreux, qui est la Bathanée.
Rohob (רהב, Rehob), «largeur,» Un chef de cette contrée a fourni une troupe d’auxiliaires aux Ammonites contre David. II Sam. (Il Reg.), x, 6. Il se peut que ce soit l’ancien nom de l’oasis de Saffa, dans laquelle Ptolémée semble placer les Ρααϐηνοι, et qui porte le nom de rom dans les inscriptions que MM. de Vogué et Waddington y ont découvertes. La possibilité d’entendre sous ce nom la ville galiléenne de Rohob mentionnée dans Jos., xix, 28, paraît beaucoup moins vraisemblable.
Tob (טזב, Tôb), «bon.» Les troupes d’un chef de ce pays (איש טזב) ont pris part à la bataille dont il vient d'être question et ont combattu dans les rangs des ennemis de David. Il Sam. (Il Reg.), x, 6. À l'époque des Juges, Jephté, chassé par ses frères, se réfugie dans le pays de Tob. Jud., xi, 3, 5. C’est probablement le district dans lequel se voit actuellement la ruine nommée eṭ-Ṭâïbe, à peu près à moitié chemin entre Derʿat ou Edreʿat (Edraï) (אדרעי) et Boçra. Dans 1 Mach., v, 13, l’expression «pays de Tob» est devenu «pays de Tobie»; Vulgate: Tubin.
Selcha (סלבח, Salkah), ville d’Og, roi de Basan. Deut., iii, 10. On l’identifie ordinairement avec la ville de Salchat, tout près de laquelle passait, à l'époque romaine, la limite de l’Auranite et de la Nabatène; et comme les divisions territoriales changent peu dans ce pays, il y a présomption que c'était aussi le cas dans l’antiquité. Cependant l’orthographe hébraïque סלבח, que l’aspiration du ב semble caractériser comme une forme contractée de Sallakhat, diffère considérablement du nom nabatéen צלחד, qui a produit la forme arabe צרחד, Carkhad. Il faut donc supposer que la forme nabatéenne repose sur une étymologie populaire, déterminée par la forte position de la citadelle, צל חד = צלע-חד (=ם) «rocher pointu (?).»
Bostra ou Bosora (בערא), ville considérable et colonie romaine, située à moitié chemin entre Tayibe (= טזב) et Salkhat. Elle n’est mentionnée que dans le premier livre des Machabées, v, 26 (Bosor). Judas Machabée détruisit la ville et délivra les Israélites qui y étaient assiégés par Timothée, chef des Ammonites. L’antiquité de cette localité est attestée par son nom, qui signifie «forteresse» en hébreu, et ne peut pas s’expliquer par l’araméen.
Depuis le sud de la Moabitide jusqu’au golfe d’Akaba, on ne connaît aucun nom de localité. Les stations du désert mentionnées dans les Nombres, xxxiii, 41-44, ne peuvent guère être déterminées, et on ignore même si elles se trouvaient à l’est ou à l’ouest de l’Idumée.
À partir du golfe d’Akaba, les noms de territoire deviennent plus fréquents dans la Bible. À l’entrée de ce golfe, nous rencontrons depuis une haute antiquité deux villes voisines l’une de l’autre: Élath (אילת, ʾElaṭ), et Asiongaber, (עצין נבר, ʿÉṣyiôn Gàbêr). La première devaitson nom à une forêt de chênes ou de térébinthes qui se trouvait dans son voisinage, et qui fournissait le bois nécessaire à la construction des navires, ce qui donnait un grand prix à sa possession; la seconde formait un bon port abrité contre les tempêtes. Elles appartenaient nominalement aux Iduméens, mais paraissent avoir souventjoui d’une grande indépendance et formé une sorte de territoire libre et ouvert à toutes les tribus du désert. Les Hébreux, n’ayant pu obtenir libre passage à travers le mont Séir ou l’Idumée propre, sortirent de l’Arabie Pétrée, près des villes que je viens de nommer, sans avoir été molestés par les Iduméens. Deut., ii, 8. Cet état de liberté relative du territoire littoral du golfe à l'égard du royaume édomite explique en même temps la facilité avec laquelle certaines tribus de l’Arabie Pétrée, comme les Madianites et les Amalécites, quittaient leurs pâturages pour entreprendre des razzias dans la Moabitide et dans la Palestine transjordanique, et même dévaster la Palestine occidentale, après avoir traversé le Jourdain. Gen., xxxvi, 35; Jud., vi, 3; vii, 24.
La Genèse, xxv, 1-4; 12-16, divise les habitants de ce pays en deux familles distinctes, quoique étroitement apparentées, les Ismaélites et les Céturéens; ces deux peuples sont d’origine abrahamide, et par conséquent issus du même père que les Israélites, mais non pas dela même mère, et ils se sont mélangés avec les autres races.
Les Céturéens (mTBp >33) doivent leur nom à la femme libre (tton) qu’Abraham épousa après la mort de Sara.
Les auteurs arabes nomment une tribu Qaturâ, qui habitait avec les Gurhum, dans la contrée de la Mecque; mais l’exactitude de cette donnée semble bien douteuse. Zamrân ( pnî, Zou.êpïv, Zeu.6pâ}i) rappelle les Zamareni de Pline, H. N., vi, 32, et aussi Za6pi[i, la capitaledes Cinédocolpites, Ptolémée, VI, vii, 5; mais l’orthographe de ce dernier nom est incertaine; on le trouve souvent écrit Zaapii.. Si le royaume de Zimri (Zanibri)mentionné dans Jérémie, xxv, 25, appartenait à l’Arabie, le rapprochement avec la capitale que je viens de citergagnerait en vraisemblance.Jecsan (rji^i Yoqsân, 'IsÇâv), inconnu. La tribu de
yogis, que les généalogistes arabes placent dans le Yémen, parait être d’origine biblique.Madan (pn, Medàn, Ma8â^), Gen., xxv, 2; ce nom
ne reparaît que dans la Genèse, xxxvii, 36, commeéquivalent à celui de Midyân (Madian); c'était unebranche de cette dernière peuplade. Le géographe arabeYâqùt mentionne un Ouadi Medàn près de Dedân, etune idole gurhumite porte aussi le nom de Madân.Madian (l’TD, Midyân, MaSiâv); c’est le peuple le plus
connu des Céturéens, qui fut très puissant jusqu'à la finde l'époque des Juges. Il habitait primitivement, à cequ’il paraît, les parages occidentaux du golfe d’Akaba, non loin du mont Sinaï. Exod., ii, 15. Des caravanes madianites allaient chercher en Galaad des essences aromatiques qu’elles transportaient en Egypte. Gen., xxxvii, 25, 28. Après la sortie des Israélites d’Egypte, les Madianites semblent être remontés vers le nord et avoir eul’intention de s’emparer de l’Idumée, mais sans pouvoir yréussir. Chassés de ce dernier pays par le roi Adad, ilsfurent poursuivis jusque dans la plaine moabite, et ysubirent une grande défaite. Gen., xxxvi, 35. De là ilspassèrent dans la Moabitide, où les Israélites les trouvèrentcomme alliés de Balac, roi de Moab, leur adversaire, etleur infligèrent une terrible défaite, dans laquelle lesMadianites perdirent plusieurs de leurs chefs. Num., xxii, 4; xxxi, 2-12. Au temps des Juges, ils séjournaient surles pâturages du Haurân, et se sentaient assez forts poursoumettre la Palestine du nord, avec le secours des Amalécites et d’autres tribus du désert; mais la vigoureuserésistance de Gédéon brisa définitivement leur force, Jud., vm, 28, et depuis ce temps on ne les cite que comme deriches marchands de bétail. Is., lx, 6. À l'époque dela dynastie perse, les Madianites étaient déjà redescendusdans le sud; mais sur la rive orientale du golfe d’Akaba,
où Ptolémée, VI, vii, 2, signale une ville du nom de Modiana, ville connue aussi des géographes arabes. Dansces derniers temps, le capitaine Burton a découvert dansce territoire d’anciennes mines exploitées par les Romains.Jesboc (p3tft, Ysbâq, 'iEuëûx); ce pays, resté inconnu
pendant longtemps, paraît dans les annales de Salmanasar II, qui raconte avoir fait prisonnier le chef Bwanate de Yasbouqa, dans la bataille livrée au roi de Patin, près de l’Oronte inférieur. Selon toutes les vraisemblances, le territoire de Ysbâq était situé non loin de l’Euphrate.Sué (nîti, Sûak, Swié, Sau-^sî; ) est souvent mentionné,
dans les annales assyriennes, sous le nom de Suhu. Ilétait situé sur l’Euphrate, près de l’embouchure du Balih.La situation si éloignée de l’habitation de cette tribu versle nord n'étonne pas, quand on sait que les Ituréens, etplus tard les Nabatéens, ont aussi poussé leurs pérégrinations très loin au nord. Ces derniers ont même constituéle royaume d'Édesse, et au commencement des conquêtesde l’islamisme les Ghassanides du Gaulan ont émigré enAsie Mineure. Néanmoins une localité du nom de m* a
dû exister en Arabie, dans le voisinage de Themâ, Job, II, 11, localité qui formait le point de départ des Suhiteseuphratiques.
Parmi les peuplades issues de Jecsan, celles que l’auteur de la généalogie céturéenne nomme Assurim, Latusim et Loomim, dhîto, Qtïr.Eb et D>ONb, ne peuvent
plus être identifiées, car les noms analogues que l’on rencontre dans les légendes musulmanes sont empruntés àla Bible; mais on trouve dans les inscriptions nabatéennesles noms d’homme i-hwn et turcS, dont le premier dumoins est sans aucun doute antérieur à l'époque perse, pendant laquelle la chuintante s'était déjà changée en ndans les dialectes araméens, où l’on prononçait TinN pourTton. Le rapprochement des Leummîm et des Benôu Lâmarabes est inadmissible.
Les deux autres peuplades jecsanites Saba et Dadan, ÏG.H et pi, reviennent dans la liste des peuples de l’Arabie
méridionale. Gen., x, 7. Cette circonstance fait voir quel’auteur admet l'émigration d’une partie de ces tribus couschites vers le nord et le mélange des Ismaélites avec cesémigrants. Des faits de cette nature se passent continuellement en Arabie: des tribus du sud, poussées par leursvoisins ou par la famine, se transportent loin au nord, et des tribus septentrionales s’en vont jusqu'à l’extrêmesud de la péninsule. Les récents voyages de MM. Doughty, Euting et Huber, nous ont fait connaître l’existence d’uneriche colonie sabéo-minéenne établie à el-'Olâ, un peuau sud de la ville nabatéenne d’el-Higr ou Égra. Lesinscriptions minéennes montrent que la colonie est restéeen rapport avec la mère patrie et sous la dépendance deson gouvernement. Tel a dû être aussi le cas aux époquesplus anciennes. Le Saba septentrional est mentionné dansles textes de Théglathphalasar Ier et de Sargon, au milieud’autres territoires arabes conquis par ces rois. Le dernierreçut le tribut d’It’amara le Sabéen, nom qui se rencontre, dans les inscriptions de l’Arabie méridionale, sousla forme -! ONyn>, comme un nom royal; il est cependantdifficile de faire de ce roi un contemporain de Sargon, par cette simple raison que le It’amara auquel fait allusion le monarque assyrien ne porte pas le titre royal. Ilfaut donc se Contenter de savoir que les textes assyriens, comme la Genèse, attestent l’existence d’un Saba septentrional, cf. Job, i, 15, et par conséquent que la reine deSaba qui se rendit auprès de Salomon n'était pas de ce pays, mais de la Sabée méridionale, conformément à l’opiniongénérale. Cette dernière contrée était renommée danstoute l’antiquité pour sa richesse en essences aromatiques, comme pour ses mines d’or. Quant à la question de savoirsi le Saba du nord était un territoire ou seulement uneville, elle est résolue par les textes assyriens, qui écrivent tantôt er Saba, «ville de Saba,» tantôt mat Saba, «pays de Saba;» la ville de ce nom était donc la capitale d’un territoire assez considérable. Il me paraît assez vraisemblable que la ville d’el-ʿOlâ, qui a fourni aux voyageurs modernes de nombreuses inscriptions appartenant auxtrafiquants venus du sud, représente sinon la capitale de la Sabée septentrionale elle-même, du moins une des villes qui faisaient partie de son territoire. À cette hypothèse, il n’y a qu’une seule objection sérieuse, c’est qu'à l'époque où les inscriptions méridionales furent gravées, la ville d’el-ʿOlâ était la capitale d’un royaume indigène des Lihyân, les Lechieni de Pline. Cependant cette difficulté peut bien n'être qu’apparente: d’abord la formation du royaume lihyanite peut avoir eu lieu à une époque plus tardive, par exemple après l’expédition de Nabuchodonosor en Arabie, qui paraît avoir amené un grand bouleversement dans l’ancienne situation des tribus à l'égard les unes des autres; ensuite l’auteur de la généalogie céturéenne a pu regarder les Lihyàn eux-mêmes, en admettant que cette tribu ait existé de son temps, commeun mélange de Céturéens et de Sabéens, dans lequel ce dernier élément formait la majorité. L’idée que la ville d’el-ʿOlâ serait une localité de l’ancienne Sabée septentrionale peut donc se défendre provisoirement, jusqu'à ce que de nouvelles découvertes viennent nous apporter lavraie solution du problème.
Dadan (דדן, Dedân, Δαδάν, Δεδάν, Δαιδάν) est la ruine Daïdân, située dans le Hedjâz septentrional, à l’est de Teimâ et au sud-est d’Aïla, aux contins du royaume édomite. Ezech., xxv, 13. Les Dadan livraient des tapis précieux au marché de Tyr. Ezech., xxvii, 20. Ils étaient originaires du sud, et voilà pourquoi ils figurent dans la liste des peuples couschites dans la Genèse, x, 7; et cette donnéeest confirmée par la présence du nom דדן dans les inscriptions sabéennes.
Des peuplades issues de Madiân, on peut identifier les suivantes:
- Êpha (עיפה, ʿEfâh, Γεφάρ, Γαιφά) est mentionné dans Isaïe, LX, 6, comme une tribu commerciale, riche en chameaux, et transportant de Saba l’or et l’encens. Les textes assyriens la mentionnent sous la forme Hayapâa, et les inscriptions du Saba présentent עפה comme un nom d’homme.
- Opher (עפר, ʿÊfer, Ἀφείρ) peut être la localité de 'Ofr, que les géographes arabes placent entre la Sarrat ou montagne du Tihâma et Abân.
- Hénoch (חנך, Ḥǎnôk, Ἐνώχ), assez probablement à identifier avec la ville de Hanakia, à trois journées au nord de Médine. On a fait remarquer que les noms ʿEpha, ʿÊfer et Hanok, se retrouvent comme noms de famille dans les tribus de Juda, de Manassé transjordanique et de Ruben, et on en a conclu que plusieurs familles madianites se sont jointes aux Hébreux. Cette conclusion est bien vraisemblable, quand on se rappelle que Moïse était allié à une famille sacerdotale de, Madian. Exod., iii, 1. Il y a même lieu de penser que le ערב רב, ʿêréb rab, qui se joignit aux enfants d’Israël à leur sortie d’Egypte n'était pas simplement «une grande cohue mixte (ἐπίμικτος πολύ, vulgus promiscuum innumerabile)», mais «une grande multitude d’Arabes», dans laquelle les Madianites étaient en majorité. Les rapports amicaux entre les Hébreux et les Madianites datent, dans tous les cas, de la première période du séjour dans le désert; plus tard, les rivalités et les questions d’intérêt ont provoqué une haine implacable entre ces deux peuples abrahamides.
- Les noms ethniques Abida (אבידא, ʾAbidâʿ) et Eldaa (אלדעה, ʾEldàʿâh) sont inconnus. La série des peuplades ismaélites semble se dérouler dans un ordre plus strict, procédant du sud au nord. Gen., xxv, 13-15.
- Nabaioth (נבית, Nebâyôṭ, Nαϐαιώθ) représente la nation considérable des Nabatéens, qui, à partir de l'époque perse, formèrent un puissant royaume dont la capitale était la ville célèbre de Pétra, l’ancienne résidence des rois iduméens, dont est tirée la dénomination d’Arabie Pétrée. Jusqu’au temps de Nabuchodonosor, ils habitaient sur les limites du Hedjâz, et leur ville principale était חנר ou Egra. Les voyageurs récents y ont découvert un grand nombre d’inscriptions funéraires, dont quelques-unes sont antérieures à l’ère chrétienne. En 169 avant J.-C, le grand prêtre renégat Jason se réfugia auprès d’Arétas (חרתת) Ier, roi des Nabatéens, II Mach., v, 8, et déjà, en 312, les Nabatéens furent assez forts pour repousser l’attaque d’un détachement grec conduit par Athénée, un général d’Alexandre, et le succès remporté sur eux par Démétrius fut peu décisif. Diodore, xix, 94-100; Plutarque,
Demetr., vii.
Le nom national des Nabatéens est, dans les inscriptions et les légendes monétaires des rois de Pétra, נבשו, avec un ש, t; mais l’orthographe hébraïque est confirmée par les textes assyriens, qui écrivent Nabayâta. On a longtemps discuté la question de savoir si les Nabatéens étaient Arabes ouvraméens; la première opinion est soutenue par des savants très compétents, je crois cependant avoir prouvé que la seconde alternative était beaucoup plus vraisemblable. La langue des inscriptions, loin de montrer une uniformité et une stabilité qui distinguent les langues littéraires, diffère considérablement de l’araméen du nord, tel qu’il se présente dans les inscriptions de Palmyre, et dont la forme la plus ancienne nous a été conservée dans l’inscription de Teimâ. La masse énormede courtes inscriptions ne contenant que des noms propres, et qui ont visiblement pour auteurs les classes les moins instruites de la nation, serait inexplicable, si l’on y voit l’usage d’une langue étrangère et savante. Enfin le développement de l'écriture nabatéenne, si différent de celui que nous constatons chez les autres peuples araméens, fait bien supposer un usage très prolongé de cette écriture, et par conséquent aussi de la langue qu’elle exprime. On objecte, il est vrai, qu’un grand nombre de noms propres nabatéens sont d’origine arabe; mais cela prouverait seulement que les populations de race arabe exerçaient déjà à cette époque une puissante influence sur leurs voisins araméens; ne voit-on pas les noms propres islamiques portés par des personnes qui ne sont pas derace arabe? Mais en réalité, quelle que soit leur origine, les noms propres nabatéens se distinguent par la terminaison u (ו), qui n’existe pas dans les dialectes arabes voisins; il y a donc ici une formation spécialement nabatéenne.
Cédar (קדר, Qêdâr, Kηδάρ) est mentionné à côté des Nabatéens, aussi bien dans la Bible (cf. Is., lx, 7) que dans les inscriptions assyriennes. Ils habitaient dans des tentes noires, Cant., i, 5, et des villages dépourvus de murailles; ils possédaient de riches troupeaux de bétail et de chameaux, dont ils faisaient un commerce lucratif.Ezech., xxvii, 21. Ils sont toujours restés les alliés fidèlesdes Nabatéens; même aux derniers temps de l’existence du royaume nabatéen, les Cedrei étaient inséparables des Nabatæi. Pline, H. N., v, 12. Cette circonstance donne à penser que dans la formule si fréquente dans les inscriptions nabatéennes, חרם נבשו ושלפו, «interdit des Nabatéens et des Salamiens,» le second nom ethnique est un remplaçant moderne de l’ancien nom de Qêdâr. Etienne de Byzance explique le nom de Σαλομιοι par «hommes de paix» ( = שלסא), et ajoute ces mots:» On les appelle ainsi parce qu’ils se sont ralliés aux Nabatéens (ἀπὸ τοῦ ἔνσπονδοι γενέσθαι τοῖς Nαϐαταίοις).» Les Targums rendent l’hébreu קיני, Num., Qêni, xxiv, 2, par שלמאה, Salàmʾâh, «Salamiens.»
Adbéel (bssiN, 'Adbe'êl, NaëSerj).); cette tribu est mentionnée dans les inscriptions de Téglathphalasar II, sousle nom de Idibaïli. Après leur soumission, le roi assyrienleur confia la surveillance des tribus voisines de l’Egypte.
Les deux tribus suivantes, Mabsam (sfzs, Mibsâm,
Mxaçiji) et Masma (yrsn, Misma*, Maurjiîa), sont inconnues; mais ces noms reviennent dans deux famillessiméonites, I Par., iv, 25; peut-être y faut-il voir unindice de la fusion de ces Ismaélites avec la tribu deSiméon.
Dumà i AoCiii, Dûmâ) est généralement identifié avecl’oasis nommée Doumat el-Djendel, à sept journées deDamas, à treize de Médine et à quatre journées au nord deTeima. Elle porte de nos jours le nom d’el-ûjôf, et formela ligne de démarcation entre le Schâm (la Syrie) et l’Iraq(la Babylonie). Il n’y a point de raison suffisante pour voirune localité différente dans la Dùmâh d’Isaïe, xxi, II. Sile prophète s’adresse à un gardien du Sé'ir pour avoir lesnouvelles de cette oasis, c’est que de son temps la plupart des territoires ismaélites étaient des possessions iduméennes. Lament., iv, 21; Abd., 1, 9.
Massa (>» is3, Massa') se trouve dans les inscriptions de
Téglathphalasar II et dans celles d’Assurbanipal, sous laforme Mas’a, comme nom de ville et de territoire. Le livredes Proverbes, xxxi, 1-9, a consigné quelques dictonsd’un roi de ce pays nommé Lamuel.Hadar ("Hn, Jfâdar, XoêSâv, Xo66œ8), inconnu.
Théma (nd’p, Têmâ", ©aipiî) est une très importante
oasis, à quatre journées de marche au sud-ouest de Duma, avec laquelle elle est mentionnée dans les annalesde Théglathphalasar 11. MM. Euting et Huber y ont découvert une grande inscription en araméen archaïque, etplusieurs autres inscriptions moins anciennes, qui nousfont connaître les noms de plusieurs divinités locales, ainsique celui du grand prêtre.Jélhur (v, ts>, Yetûr, Iêtoûp); cette tribu, originaire
du sud, où elle n’a point laissé de trace, s’est transportéede bonne heure dans le centre du Hauran, où se trouvel’iturée des géographes classiques. Strabon, XVI, ii, 20. Delà elle s’est répandue jusque dans le Liban et l' Anti-Liban, au nord de Damas. Quelques auteurs confondent Ylturseaavec la Trachonitis. Pendant le règne de Saùl, les tribushébraïques de Ruben et de Gad firent essuyer de gravesdéfaites aux lturéens et aux tribus apparentées dont nousallons parler ci-après, I Par., v, 10, 19, et le roi Aristobule les força à se convertir au judaïsme. C'étaient desmontagnards sauvages et pillards; les Druses d’aujourd’huisont peut-être leurs descendants.Naphis (w>SJ, NâfiS, Naçé; ), tribu jadis alliée avec
les lturéens contre les Israélites transjordaniques, I Par., v, 19; leur nom a disparu plus tard.
Cedma (noip, Qêdmâh, Ksôixâ) rappelle le désert de
Qedêmôf (n’iolp; Vulgate: Cademoth), d’où Moïse envoya des messagers à Séhon, roi amorrhéen d’Hésébon.Deut., ii, 26. Une ville du même nom appartenait à latribu de Ruben, mais on n’en sait pas exactement la situation. La dénomination de Gedmonéen, Qadmônî, Gen., xv, 19, peut bien désigner la population nomade de cedésert, qui va du sud du Hauran jusqu’au golfe d’Akaba.Cette circonstance, qui semble ressortir de ce passage danslequel le Cedmonéen est nommé conjointement avec lesCiuéens et les Cénézéens, qui habitaient dans l’ArabiePétrée. Dans 1 Par., v, 19, le nom de Nodab, z-rz, qui
suit Jéthur et Naphis, doit sans doute être corrigé enETp, Qédém, et celui-ci n’est autre que le Qêdma de la
Genèse, c’est-à-dire une tribu ismaélite particulière, elnon l'équivalent du terme général Benê-Qédém (=-r-->: z),
qui s’applique à toutes les populations de l’Arabie déserte.
Outre les noms céluréens et ismaélites énumérés dansla Genèse, il y en a un certain nombre qui figurent dansles autres écrits bibliques, et que les dernières recherchespermettent de déterminer avec quelque apparence de probabilité:
Asor ( Tsn, Hâsôr); le royaume de ce nom a été défait
par Nabuchodonosor en même temps que les Cédar. Jer., xlix, 28-33. C'était probablement la localité nomméeaujourd’hui el-Akhdar, presque à moitié chemin entreTeboûk et Teima.Naama ("ï?: , Na'âmâh); Sophar, un des amis de
Job, était originaire de ce lieu. Job, ii, 11. Une inscription nabatéenne du me siècle avant J.-C, trouvée parM. Euting au sud A’el-Higr, porte le nom de Ma’naHahîde Na’ama. Si ce nom de lieu n’est pas celui de l’endroitmême, il prouve du moins l’existence d’une localité dece nom dans l’ancienne Nabatée. À comparer aussi lemoderne Na’amé, désignant un mamelon de la chaînerugueuse nommée Harrat-elA’wêrid, à l’ouest d’elvkhdar.
II. Histoire. — Malgré la nature aride et uniforme dudésert, les tribus ismaélites et céturéennes qui habitaientl’Arabie biblique ont une histoire très ancienne et desplus tourmentées. Elle forme d’ordinaire le prolongementdes événements qui se passaient dans les territoires adjacents de la Mésopotamie et de la Syrie, et auxquels lesArabes ne manquaient guère de contribuer d’une manièreplus ou moins directe. À défaut de la littérature indigène, qui ne nous est pas parvenue, nous sommes obligés dela puiser dans les seules sources qui nous restent del’antiquité sémitique: la Bible et les inscriptions assyrobabyloniennes. Conformément aux derniers résultats del'épigraphie sémitique, nous croyons utile de diviser l’histoire ancienne des Arabes, comme celle des autres Sémitesseptentrionaux, en quatre époques différentes: époquebabylonienne, époque assyrienne suivie du court réveilde Babylone après la chute de Ninive, époque perse, époque grécoromaine.
1° À l'époque archaïque de la prédominance de la civilisation babylonienne chez les Sémites occidentaux appartient l’immigration des Abrahamides en Palestine (vers2100 avant J.-C). La tradition hébraïque nous montre lesdeux branches abrahamides issues d’Ismaël et de Céturacomme établies aussitôt dans leurs territoires afférents, où ils s’assimilèrent des éléments égypto-couschites. LesMadianites étaient alors le peuple le plus considérable, aussi bien par leurs relations commerciales avec l’Egypteque par l’organisation fixe de leur sacerdoce, qui paraitavoir été restreint à une seule famille, pareille à celle deLévi chez les Hébreux. Exod., ii, 15-18; xviii, 1. Plusieurs mesures législatives de Moïse sont même attribuéesaux conseils d’un prêtre madianite. Exod., xviii, 14-26.Le mouvement des tribus hébraïques vers le nord sembleavoir déterminé un mouvement parallèle chez les Madianites. Impuissants à se maintenir sur la plaine moabitecontre les Iduméens limitrophes, Gen., xxxvi, 35, ilss'établirent provisoirement dans la Moabitide septentrionale, mais en furent chassés par les Hébreux. Deut. rxxxi, 2-10. Alors ils remontent dans le Hauran, et, renforcés par les Amalécites et quelques autres nomades, ilssaccagent à plusieurs reprises la Palestine du nord, jusqu'à ce qu’ils soient gravement défaits et poursuivis parGédéon, ainsi que je l’ai déjà indiqué plus haut. À partirde ce moment les Madianïtes renoncent aux entreprisesguerrières et se contentent d'être de paisibles chameliers; leur ancien commerce avec l’Egypte passe aux tribus plus, méridionales.
2° À l'époque des conquêtes assyriennes en Syrie (duIXe au VIe siècle), l’Arabie a souvent retenti du bruit desarmes formidables des guerriers ninivites et chaldéens.Assurnaçir-pal (885-860) reçut le tribut d’Il-Bani, chefde Suhi, lequel, ainsi que ses prédécesseurs, semble avoir été un gouverneur babylonien. Quelque temps après, le nouveau gouverneur de Souhi, Schadoudou, ayant reçu du secours du roi de Babylonie (nommée alors «pays de Kardouniyasch» ), tenta une résistance qui finit par la soumission et la ruine totale du pays. Sous Salmanasar II (860-845), le cheikh de Yasbaq (ישבק), Bour-Anaté, fut fait prisonnier dans une bataille livrée à plusieurs rois de la Syrie septentrionale et de la Cilicie. Plus tard, les Assyriens, vainqueurs à la bataille de Karkar, en Hamathène, enlèvent mille chameaux au chet arabe Gindibou.Le prestige des armes assyriennes rend tributaires de Théglathphalasar III (845-827) tous les rois de la Syrie, depuis l’Euphrate jusqu'à l’Egypte. Les tribus du désert suivent ce mouvement et envoient des présents au monarque ninivite, qui comprend tout de suite le parti qu’il peut tirer de ces agiles vassaux contre un retour offensif de l’Égypte. Le passage qui raconte cette soumission est très intéressant, malgré son état de mutilation: «…Les hommes de Mas’a, deTeima, de Sab’a, de Hayapa, de Badana (aujourd’hui Béden)…, dont personne ne connaissait le nom et qui demeurent au loin, (ayant entendu [?]) la gloire de ma royauté, (m’envoyèrent) tous ensemble leur tribut en chameaux, chamelles et plantes aromatiques de diverses espèces. J'établis les Idibi’li comme gardiens du pays d’Égypte, et dans tous les autres pays ( dont je fis la conquête je plaçai des tribus arabes pour en taire la garde).» La dernière phrase restituée cadre bien avec le sens général de la narration, et sera confirmée par un fait analogue dont il sera question tout à l’heure. La prise de Damas et la transportation des tribus israélites du nordde la Palestine mirent les Assyriens presque en contact avec les Arabes du Hauran, qui étaient gouvernés alors par la reine Zabibiéh. Le tribut que cette reine envoya à Théglathphalasar III consistait, outre les chameaux, les chevaux et autres animaux domestiques, en or, en argent, en plomb, en étofles teintes de pourpre (arjomannu = pnx) et d’hyacinthe ( takiltu = rtan), en selles de couleur pourpre (article que les Dedàn exportaient sur le marché de Tyr, Ezech., xxvii, 20), en oiseaux à plumage éclatant, en peaux de bœufs de montagne (cf. juc t-i» 3N, Ps. xxli, 13), en poutres de chêne (cf. tai^a pran, Is., Il, 13, etc.). Après la mort de Zabibiéh, la reine Samsiéh, qui lui succéda, s'étant engagée dans une tentative d’insurrection fomentée par l’Égypte, fut ramenée à l’obéissance et obligée de payer une lourde rançon.
Sargon II (722-705), qui mit fin au royaume d’Israël en 721, remporta une grande victoire sur les tribus méridionales de Tamoud (les 2'hamydeni des géographes classiques, le peuple fabuleux des Thémoùd, dans le Koràn), d’Ibadid, de Marsiman et de Hayapa, qu’il établit en partie en Samarie, évidemment dans le but de surveiller les pays voisins. On ne trouve nulle part la mention de la marche de Sargon dans l’extrême sud de l’Arabie déserte; la victoire dont il s’agit paraît plutôt due à un vassal fidèlelimitrophe de ces tribus, probablement au roi de l’Idumée, dont les possessions englobaient plusieurs oasis ismaélites.Les colons arabes disparurent presque aussitôt devant les colonies plus nombreuses des gens originaires des pays de l’est, II (IV) Reg., xvii, 24; quelques familles arabes s’y perpétuèrent néanmoins jusqu'à l'époque perse, où nous trouvons l’Arabe Geschem ou Gaschmou faisant cause commune avec les ennemis des Juifs rapatriés. I Esd., H, 19; iv, 1; vi, 1, 6. Après cet acte de répression, Sargon reçut le tribut de Samsiéh, reine du Hauran, et d’It’amara, roi de Saba, et la tranquillité de l’Arabie se maintint pendant le reste de son règne et durant le règne de son successeur Sennachérib (705-681), qui étouffa sans grand effort la révolte d’Hazaël, roi d’Arabie, qui avaitsuccédé à Samsiéh; à cette occasion, la ville forte d’Adoumou fut pillée et ses dieux furent transportés à Ninive. À l’avènement d’Asarhaddon (681-668), Hazaèl, à force de présents et de supplications, obtint la restitution des statues divines; mais le grand roi y fit graver les louanges des dieux assyriens, ainsi que son propre nom. La royauté réelle de l’Arabie (ut donnée à une princesse nommée Taboua, élevée au palais royal. Hazaël mourut peu de temps après; le monarque assyrien nomma roi le fils d’Hazaël, Yaiou, qui fut tenu de payera l’Assyrie, outre le tributordinaire, une surcharge annuelle de deux mines d’or, mille pierres biruti, cinquante chameaux et mille grains (?) d’encens (?). Asarhaddon se rendit après cela dans ledistrict éloigné de Bazou, visiblement le Buz des Hébreux, Gen., xxii, 21; Jer., xxv, 23, peut-être le Nadjd ou DjebelSchammar actuel. Des nuit chefs ou dynastes qui gouvernaient la contrée, un seul put s’enfuir; l’oasis fut dévastéeet ses divinités emportées. Au retour de l’armée assyrienne, le huitième chei, qui était en tuite, vint à Ninivepour implorer le pardon du vainqueur. Asarhaddon lenomma roi de Bazou, et lui rendit les statues qu’il avaitprises après y avoir tait graver son propre nom.
Une tentative pour secouer le joug de l’Assyrie, sous lerègne d’Assurbanipal (668-626), amena un terrible désastresur l’Arabie. Lors de la révolte de son frère SamaSSoum-oukin ou Samugnès, roi de Babylonie, les Arabesenvoyèrent des troupes auxiliaires à celui-ci, et firent enmême temps des razzias dans les pays syriens, afin d’occuper les garnisons assyriennes échelonnées le long dudésert. Après avoir pris Babylone et ruiné la Susiane, quis'était ralliée à la révolte, Assurbanipal décida de châtierles Arabes. Les troupes assyriennes, ayant chassé lespillards, envahirent aussitôt l’Arabie. Le roi Ouaïté eutpeur et s’entait chez les Nabatéens; le roi de Cédar, Ammouladi, fut pris dans la Moabitide avec Adiya, l'époused’Ouaïté, et transporté en Assyrie. À la place d’Ouaïtë, Assurbanipal nomma Abyaté', fils de Tè'ri, un des généraux des auxiliaires arabes de Samughès, qu’il croyait favorable à l’Assyrie; mais celui-ci ne tarda pas à se rallier auxNabatéens, qui lui envoyèrent des secours. Assurbanipalalla à leur rencontre à travers le terrible désert de Mas', défit les Isammé (Ismaélites[?]) et les Nabatéens, et fitprisonniers les chefs arabes avec leurs familles. À sonretour à Damas, les Arabes prirent de nouveau l’offensive, espérant que la fatigue empêcherait le vainqueur derecommencer une nouvelle expédition; mais l’infatigablemonarque rebroussa chemin et atteignit les Arabes dansl’Auranitide. Ceux-ci furent écrasés dans une grandebataille: les fuyards périrent de soit; les autres furenttransportés en Assyrie avec un butin immense et d’innombrables chameaux. L’Arabie demeura presque anéantiependant un demi-siècle.
3° À partir de ce moment les textes cunéiformes se taisentsur les événements de l’Arabie, mais nous savons par laBible que Nabuchodonosor, après avoir détruit les royaumesde Juda, d’Ammon, de Moab et d'Édom, dévasta également les oasis éloignées de Cédar, de Haçor, de Théma etde Dedan. Jer., xxv, 23, 24. Ces ravages amenèrent ladisparition des peuplades trop réduites et leur fusionnement avec des tribus moins atteintes. Les Nabatéens, peu entamés par les invasions des Assyriens et des Chaldéens, devinrent dès lors la nation principale de l’Arabie; les Cédar, réduits désormais au rôle de satellites, se rallièrent indissolublement aux Nabatéens, sous le nouveaunom de Salamiens. Ainsi fortifiés, les Nabatéens remontentau nord aussitôt après le départ des Chaldéens, et au commencement de la domination perse on les trouve déjà établis à Pétra, l’ancienne capitale des Iduméens.
4° À l'époque grécoromaine, la Nabatée devient unroyaume puissant, renfermant les territoires de Moab etd’Ammon, parfois même l’Arabie et la Damascène; maiscette histoire est déjà éloignée de l'époque biblique.
J. Halévy.
ARACÉENS (hébreu: Hâ'arqî; Septante: à 'ApouxaTo; ; Vulgate: Aracxus). Nom donné à un rameau dela famille chananéenne qui habitait la ville d’Arca, au
I. — 30
nord de la Phénicie. Les Aracéens ne sont nommés queGen., x, 17 et I Par., i, 15, dans la liste de la descendancede Chanaan. La ville d’Arca n’est jamais désignéeelle-même directement dans l’Écriture, mais de tout
206.
Monnaie d’Arca.
Tête laurée d’Antonin le Pieux. ANT KAI TI AIA AAPANTQNE1NOS - $). KAISAPEIAS AIBANOT. Antoninle Pieux, debout, en costume de légionnaire, tenant unvexillum de la main droite et un arc de la main gauche.Dans le champ, la date EST (an 462).
temps on a reconnu que c’était d’elle que les Aracéenstiraient leur nom. Josèphe, Ant. jud., i, vi, 2; S. Jérôme, Queest. in Gen., x, 15, t. xxiii, col. 954. Arca, appeléeaussi Arcé (Josèphe, Ant. jud., i, vi, 2; VIII, ii, 3; Pline, H. N., v, 16; Ptolémée, v, 15) était située au pied occidentaldu Liban, à trente-deux milles romains d’Antaraduset à dix-huit milles au nord-est de Tripoli. Lesruines en subsistent encore et ont conservé leur nomantique. À deux heures ou deux heures et demie demarche de la mer Méditerranée, à huit kilomètres environau sud du Nahr el-Kebir, l’ancien Éleuthérus, s’élève au-dessusdu Nahr-Arka un monticule rocheux appelé Tell-Arka.Il a une trentaine de mètres de hauteur. Là se trouventdes débris de murailles et d’habitations anciennes: ce sont probablement les restes de l’ancienne acropoleou citadelle. À l’est et au sud du Tell, sur une élévation, les ruines abondent: grands blocs de pierres taillées, débris de murs, fragments de colonnes de granit, quiattestent qu’Arca a été autrefois une cité importante.Elle était célèbre dans l’antiquité par le culte qu’on yrendait à Astarté, la Vénus phénicienne. Macrobe, Sat., I, 21, 4, édit. Teubner, p. 117.
D’après Josèphe, Ant. jud., VIII, ii, 3, Baana, intendantde la tribu d’Aser, sous le règne de Salomon, III Reg., iv, 16, était gouverneur d’Arca et des environs.Si l’historien juif était bien renseigné et si l’Arca dontil parle est, comme on le croit communément, la villede ce nom voisine de Tripoli, il en résulterait que, dutemps de Salomon, les Aracéens étaient soumis aux Hébreux.Le roi d’Assyrie Théglathphalasar II s’emparad’Arca dans la campagne qu’il fit contre le royaumed’Israël. Voir E. Schrader, Die Keilinschriften und dasAile Testament, 2e édit., p. 104; Keilinschriften undGeschichtsfoi’schung, p. 116, 450. Cette ville fit plus tardpartie du royaume d’Hérode Agrippa. Josèphe, Bell, jud., VII, v, 1. Titus y passa à son retour de la prise de Jérusalem.Josèphe, Bell, jud., VII, v, 1. C’est à Arca quenaquit l’empereur Alexandre Sévère, dans un temple qui yavait été élevé à Alexandre le Grand (Lampride, Alexand.Sev., 5, 12, dans Histoire d’Auguste, collection Nisard, p. 454, 457), ce qui fit donner pendant quelque tempsà cette cité le nom de Cxsarea Libanii (Aurel. Victor, DeCses., xxiv, édit. Panckoucke, 1846, p. 242; cf. Lampride, Alexand. Sev., 12, collection Nisard, p. 457), qu’on litsur ses monnaies (fig. 206). Cf. Eckhel, Doctrina numorum, t. iii, p. 360. Elle ne tarda pas cependant à reprendreson nom primitif. Elle devint le siège d’un évêchéet joua un rôle assez important dans les croisades. Untremblement de terre la détruisit complètement, en 1202.Il s’est élevé depuis, au milieu des débris de son anciennesplendeur, un pauvre village habité par quelques
familles grecques et musulmanes. Voir Th. Shaw, Travelsor Observations relating toBarbary, in-f°, Oxford, 1738, p. 327-328; Burckhardt, Travels in Syria, in-4°, Londres, 1822, p. 162; Ed. Robinson, Later BiblicalBesearches, in-8°, Londres, 1856, p. 578-582; A. Knobel, Die Vôlkertafel der Genesis, in-8°, Giessen, 1850, p. 325326; Michaud, Histoire des Croisades, 1. iii, 8e édit., 4 in-8°, Paris, 1853, t. i, p. 203; Poujoulat, Correspondanced’Orient, lettre eux, t. vi, p. 422-424.
F. Vigouroux.
- ARACH##
ARACH (hébreu: ’Érék; Septante: ’Op£-/ > Strabon: ’Op-/ôrj; textes cunéiformes: Euruk et Arku, actuellementWarka), ville située sur la rive gauche de l’Euphrate, à une lieue environ du lit actuel du fleuve, à deuxcents kilomètres au sud-est de Babylone.
La Genèse, x, 10, mentionne cette ville comme faisantpartie de la tétrapole du Sennaar, gouvernée par Nemrod.Il n’en reste plus, à l’heure présente, que des ruinesinformes et absolument désertes, couvertes la plupart dutemps par les eaux stagnantes du bas Euphrate (fig. 207).Elles forment un cercle irrégulier de près de trois kilomètresde diamètre. Le rempart, qui dessine encore autourde la ville une enceinte à peu près continue, atteint à certainsendroits jusqu’à douze mètres de hauteur. Autrefoisl’Euphrate venait baigner le pied des murs de la ville. Onvoit encore, longeant l’enceinte de l’est au nord, les restesd’un canal de trente mètres de largeur. L’amas de ruinesle plus remarquable se nomme Bowariyéh, c’est-à-direnattes de roseaux, parce que les couches de briquescrues dont il se compose sont séparés par des lits horizontauxde roseaux entrelacés et noyés dans le bitume.Sur ce soubassement s’élevait autrefois une pyramide àétages, ou temple de la déesse Nana, bâti par l’antiquesouverain de la Chaldée, dont le nom se lit provisoirementUr-Gur, ou bien Ur-BagaS. Plus tard, au xxiiiesiècle avant J.-C., le roi élamite Koudour-Nanhoundienvahit le Sennaar, pilla Arach et son temple, et enemporta la statue vénérée. Mais, en 615, Assurbanipal, ayant à son tour conquis le pays d’Élam, y retrouva l’anciennestatue de Nana et la réintégra dans le templed’Ur-Bagas. — La déesse Istar, l’Astaroth de la Bible, identifiée avec la planète Vénus, était aussi particulièrementhonorée à Arach, dont elle était même regardéecomme la divinité tutélaire. Cette ville fut encore illustréepar les exploits d’Isdubar, le Nemrod chaldéen. VoirNemrod.
C’est sans doute à ces souvenirs et aussi à son antiquitéqu’Arach dut le privilège de devenir la principalenécropole de la Chaldée. Le nombre des tombeaux, à l’intérieuret à l’extérieur de son enceinte, est littéralementincalculable; on les y a accumulés durant plus de troismille ans, depuis la fondation de cette ville jusqu’à sachute sous les Parthes. Les inscriptions nombreuses qu’ony a découvertes s’échelonnent de même depuis Ur-Bagasjusqu’à Séleucus IV, Antiochus IV et Démétrius Soter(187-164), depuis le caractère tout à tait archaïque jusqu’auplus moderne.
Les anciens, tels que l’auteur du Targum de Jérusalem, , saint Jérôme, saint Éphrem, suivis par quelques modernes, Buttman, Bohlen, Winer, ont cru retrouver l’Arach deNemrod dans la ville syriaque d’Édesse ou Callinhoé, actuellement Orfa, en Mésopotamie septentrionale. Lenom syriaque d’Édesse, XJrhoï, a sans doute été la causepremière de cette confusion. Mais rien ne permet d’accorderà Édesse une antiquité si reculée; elle est debeaucoup trop éloignée du Sennaar pour avoir fait partiede la tétrapole nemrodienue. L’Arecca de Ptolémée etd’Ammien-Marcellin, située sur les bords du Tigre, prèsdes frontières de la Susiane, malgré les autorités deBochart, Rosenmûller, Gesenius, doit être rejetée pourles mêmes raisons. Tous les suffrages demeurent maintenantacquis à la Warka chaldéenne. Voir G. Ravtlinson, The five great monarchies, t. 1, p. 18; Fr. Delitzseh, W»
lag des Paradies? p. 221; des captifs originairesd’Arach sont mentionnés I Esd., IV, 9.
E. Pannier.
- ARACHITE##
ARACHITE (hébreu: ’Arkî; Septante: ô’Apa-/(; Vulgate: Arachites), habitant d’Archi (Arach ou Érék).Jos., xvi, 2. Cet Arach ne doit pas être confondu avecla ville de Babylonie qui portait le même nom. Gen., x, 10. Dans Josué, Archi désigne une localité occupée alorspar les Chananéens. Elle se trouvait sur la limite méridionaledes possessions attribuées à Ephraïm, vers Béthelet Atharoth. Voir Archi. C’est de là qu’était originaireChusaï, surnommé pour ce motif l’Arachite, et qui lutl’ami et le conseiller intime du roi David. II Reg., xv, 32; xvi, 16; xvii, 5, 14; I Par., xxvii, 33. Le nom d’Arachite
n’est plus mentionné après David.
H. Lesêtre.
1. ARAD (hébreu: ’Àrâd; Septante: ’Apà8; dansJosué, xii, 14, "ASep; Vulgate: Arad; dans Josué,
sur leur ennemi. Dieu les exauça, et ils exterminèrent lesChananéens et détruisirent leurs villes. Num., xxi, 2-J.Cependant, comme Moïse n’avait point l’intention de commencerla conquête de la Palestine par le sud, dont Jesmontagnes rendaient l’accès fort difficile, le peuple nepoussa pas alors plus loin. — Quelques années après, il yavait de nouveau un roi à Arad, relevée de sa défaite. Ilfut battu à son tour par Josué, xii, 14. (Dans ce passage, laVulgate appelle la ville d’Arad Héred.) — Cette localité n’estplus nommée qu’une fois dans l’Écriture, Jud., 1, 16, pDurindiquer que les Cinéens habitèrent au sud d’Arad, dansle désert de Juda, et nous ne savons plus rien de son histoire, si ce n’est qu’elle eut des évêques au VIe siècle. Gams, Séries Episcoporum, 1873, p. 454. Voir E. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Boston, 1841, t. ii, p. 473, 620-622; C. Ritter, Erdkunde, t. xiv, 1848, p. 120-122; W. Thomson, The Land and the Book, SouthernPalestine, 1881, p. 286-287; Schubert, Reise in
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207. — Ruines d’Arach. D’après Loftus, Travels in Chaldœa, p. 167.
Héred), ville chananéenne à l’extrémité méridionale dela Palestine, aujourd’hui Tell Arad, à environ vingt-cinqkilomètres au sud d’Hébron. Tell Arad est un monticulearrondi avec des traces de ruines antiques; il s’élève aumilieu de collines plus basses, sur le plateau ondulé etsans arbres qui s’incline vers le sud-est de la mer Morte, et qui est séparé du désert de Pharan par des montagnescalcaires à pentes escarpées. On voit sur le sommetquelques débris de poteries; du côté sud est un réservoirruiné.
Arad est nommé dans le Pentateuque. Pendant que lesIsraélites, à l’époque de la mort d’Aaron, étaient au pieddu mont Hor, le roi chananéen d’Arad apprit qu’ils s’étaientainsi approchés du sud de la terre de Chanaan, «par lechemin des ha’âtârim,» c’est-à-dire, selon la traductionde la Vulgate, qui est la plus probable, «par le chemindes espions,» ou par le désert de Sin. Craignant sansdoute qu’ils ne voulussent s’emparer de son pays, le roid’Arad résolut de les prévenir; il marcha contre eux, lesbattit et leur prit un certain nombre de prisonniers. Num., xxi. 1. Les enfants de Jacob, humiliés de leur défaite, promirent de livrer à l’anathème (voir Anathème, col. 546, 6)les villes du vainqueur, si Dieu leur donnait la victoire
das Morgenland, 3 in-8°, Erlangen, 1839, t. ii, p. 457; C. W. M. Van de Velde, Narrative of a Journey throughPalestine, t. ii, 2 in-8 D, Londres, 1854, p. 83-85; J. B. Roth, Reise durch die Araba, dans Petermann’sMittheilungen aus J. Perthes’geographischer Anstalt, 1857, p. 261; C. Geikie, The Holy Land and the Book, 2 in-8°, Londres, 1887, 1. 1, p. 265, 352; Survey of WesternPalestine, Memoirs, t. iii, p. 403, 415.
2. ARAD, ARADE, ARADUS (hébreu: ’Arvad, Ezech., xxvii, 8, 11; Septante: ’Apâêioi, "Apa80c; Vulgate: Aradii; Aradon), aujourd’hui Ruad, petite île phéniciennede la Méditerranée (fig. 208), à moins de trois kilomètresde la côte de Syrie, à peu près à moitié cheminentre Latakiéh (Laodicée) et Tripoli, au nord de l’embouchuredu Nahr el-Kebir (Éleuthérus). C’est, comme la décritSlrabon, XVI, ii, 13, un rocher qui s’élève au milieu desIlots; il est de forme oblongue et mesure environ 800 mètresde long sur 500 mètres de large. Malgré son peu d’étendue, Arad jouit dans l’antiquité d’une grande prospéritéet ne le céda en puissance, parmi les Etats phéniciens, qu’à Tyr et à Sidon, avec qui elle fonda, en fournissant sontiers de colons, la ville de Tripoli. Strabon, XVI, ii, 15. La
population s’accumula sur ce rocher isolé (PomponiusMêla, H, 7, 6); et comme il n'était pas assez grand pourcontenir tous ses habitants, les Aradiens imaginèrentde bâtir, contrairement à l’usage oriental, des maisonsà plusieurs étages, Strabon, XVI, II, 13; ils débordèrent aussi sur le continent, dans la Phénicie septentrionale. On voit encore le long du littoral, sur un espacecontinu de plus de quinze kilomètres, les ruines des «filles d’Arad», depuis Marathus (Amrit) jusqu'à Antaradus (Xortose). Voir Targum Hieros., sur Gen., x, 18.
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208. — Statère d’Arad, antérieur à Alexandre le Grand.
Tête laurée du dieu Melkart. - ^. J fia (no = d’ACrad]), y marque d'émission. Galère phénicienne, ornée d’une figurede patèque.
Sa puissance s'étendit au loin, et l’on dit que Tarse futune de ses colonies. Dion Ghrysostome, Orat. xxxiii, édit.Teubner, t. ii, p. 14.
L'île d’Arad avait l’avantage d'être alimentée, non seulement par des citernes et par les fontaines du continent, mais aussi par une source d’eau douce que ses habitantsavaient découverte en pleine mer dans le voisinage, et quileur fournissait de quoi boire en temps de guerre. Strabon, XVI, ii, 13; Lucrèce, vi, 888; Pline, H. N., ii, 103; v, 31; Geoponica, ii, 6. Les habitants de Ruad connaissentencore aujourd’hui des sources sous-marines. F. Walpole, The Ansarijii, witk Travels in further East, 3 in-8', Londres, 1851, t. iii, p. 391. Dans l’Ile même, on voit lesnombreuses citernes que l’on avait creusées autrefois dansle rocher et qui continuent à servir. À l’ouest et au sudde l'île subsistent encore des restes d’un double mur phénicien. Ils sont composés d'énormes blocs qui reposentsur les arasements naturels des rochers. Ces blocs ontla forme de prismes quadrangulaires de deux mètres dehauteur sur quatre ou cinq mètres de longueur. Ils étaientsuperposés, sans aucune trace de ciment. Du côté de laterre, les murailles de la ville formaient un port en demilune, divisé en deux bassins par une jetée. E. Renan, Mission de Phénicie, in-f°, Paris, 1864, p. 39-40.
Arad, fondé par les descendants de Chanaan, Gen., x, 18; I Par., i, 16 (voir Aradieh), dut sa prospérité àson commerce et à l’habileté de ses marins, dont Ézéchiel, xxvii, 8, 11, fait l'éloge, de même que les auteurs profanes. Strabon, XVI, ii, 14. Aujourd’hui encore les matelots et les plongeurs de Ruad sont renommés, et lesbarques qu’on y construit sont considérées comme lesmeilleures de la Svrie. Voir G. Ebers et H. Guthe, Palâstina, 2 in-4o, Stuttgart, 1883-1884, t. ii, p. 42.
Les habitants d’Arad furent d’abord indépendants eteurent des rois particuliers, comme les autres cités phéniciennes. Les inscriptions cunéiformes nous ont fait connaître les noms de plusieurs de ces rois. Voir Eb. Schrader, Die Keilinschriften und das aile Testament, 2e édit., p. 104-105. La région qui s'étendait depuis Paltus jusqu'àSimyra paraît leur avoir été soumise. Du temps du prophète Ézéchiel, xxvii, 8, 11, vers 590 avant notre ère, ilsétaient assujettis à Tyr; du moins lui fournissaient - ilsdes rameurs et des soldats, mais peut-être à titre d’alliésou de mercenaires. Quand la Phénicie tomba au pouvoirdes rois de Perse, Arad partagea le sort commun. Son roiGérostrate servait dans la flotte perse, à l'époque de lacampagne d’Alexandre le Grand. Straton. fils de ce prince, qui gouvernait à sa place, se soumit volontairement au
conquérant, et les Aradiens combattirent au siège de Tyrdans les rangs des Macédoniens. Arrien, Exped. Alex., n, 13, 7; 20, 1. Sous les successeurs d’Alexandre, Arad, en 320, tomba au pouvoir de Ptolémée Ier Soter avec lereste de la Phénicie et la Cœlésyrie. Elle paraît avoir reconquis son indépendance pendant la guerre qui eut lieuentre Ptolémée II Philadelphe et Antiochus II Théos; dumoins son autonomie vers cette époque est-elle attestée
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209. — Monnaie autonome d’Arad.
Tête de femme voilée et tourelée. —% APAAIQN. Victoiredebout, tenant dans la main droite une proue et une palmedans la main gauche.
par ses monnaies (fig. 209). Cf. Eckhel, Doctrina numorum veterurn, t. iii, p. 303. Elle soutint Séleucus IICallinicus contre Antiochus Hiérax, et elle en fut récompensée, en 242, par le droit d’asile que lui accorda le roide Syrie, ce qui augmenta beaucoup sa puissance. Strabon, XVI, ii, 14. Elle put de la sorte s’allier avec Antiochus 1Il le Grand. Polybe, v, 68, 7. Cependant elle perdittous ses avantages pendant le règne d’Antiochus IV ÉpUphane. Ce prince, à son retour d’Egypte, s’en empara, ainsi que de tout le territoire qui lui appartenait. S. Jérôme, In Dan., xi, 44, t. xxv, col. 573. Quand la guerreéclata entre Antiochus VIII Grypus et Antiochus IX Cyzicène, Arad prit parti pour ce dernier, et lorsqu’il eutété tué par Séleucus VI Épiphane, son fils Antiochus XEusèbe se réfugia chez les Aradiens, qui soutinrent sonparti jusqu'à ce que la Syrie se soumit à Tigrane, roid’Arménie. Dans la suite, Rome acquit peu à peu la prépondérance dans tout le pays. Le premier livre des Machabées, xv, 23, nous apprend que le consul Lucius écrività Arad (Vulgate: Aradon), de même qu’aux autres Étatsalliés ou soumis aux Romains, afin de leur recommanderde se montrer bienveillants envers les Juifs. Il n’est plusquestion de cette île dans les Livres Saints; mais, d’aprèsune tradition, saint Pierre serait allé à Arad pour y admirer des colonnes colossales et des tableaux de Phidias.Recogn., Hom. xii, 12, t. ii, col. 312; 1. vii, 26, 1. 1, col. 1300; Pseudo-Abdias, i, 13, édit. Fabricius, p. 425; cf. Nicéphore, H. E., ii, 35, t. cxlv, col. 848. Ce qui est certain, c’estque le christianisme s’y établit dès les premiers siècles.On y trouve des évêques depuis le me siècle jusqu’auVIe inclusivement. La ville antique fut prise et rasée, en648, sous l’empereur Constans II, par Moaviyah, lieutenantdu calife Omar. Cédrénus, Hist. Comp., édit. de Bonn, 1. 1, p. 755. La population actuelle de Ruad est d’environ2 500 âmes. Elle n’a guère d’autre industrie que la pêchedes éponges et la construction des bateaux.
Voir ilignot, Description géographique de la côte dePhénicie, dans les Mémoires de l’Académie des Inscriptions, 1770, t. xxxiv, p. 229-235; K. Mannert, Géographieder Gnechen und Rômer, 10 in-8o, t. vi, part, ii, 2e édit., Leipzig, 1831, p. 309-311; R. Pocoeke, Description ofthe East, 3 in-f, Londres, 1743-1745, t. ii, p. 2O1-202; J. S. Buckingham, Travels among the À rab tribes, in-4o, Londres, 1825, p. 509-512, 522-524; C. Niebuhr. Reisebeschreibung nach Arabien, 3 in-4o, Copenhague etHambourg, 1774-1837, t. iii, p. 92-93; E. F. C. Rosenrnûller, Handbuch der biblischen Alterthumskunde (avecles citations des voyageurs Maundrell, Shaw, Pocoeke et
Volney), 1826, t. ii, part, i, p. 6-9; F. C. Movers, DiePhônizier, 1849, t. ii, part, i, p. 98-103; C. Ritter, Erdkunde, t. xvii, 1854, p. 39, 50-55, 868-879; E. Reclus, L’Asie antérieure, 1884, p. 770-772; F. Walpole, TheAnsaryii and the Assassins with Travels in furtherEast, 3 in-8°, Londres, 1851, p. 389-399.
F. VlGOUROUX.
- ARADA##
ARADA (hébreu: Harâdâh; Septante: XapiSiO; Vulgate: Arada). Une des stations des Hébreux au désert, entre le mont Sépher et Maceloth. Num., xxxiii, 24. Lasituation en est inconnue. On conjecture qu’Arada estpeut-être l’ouadi el - Kharaizéh, entre la pointe du golfeÉlanitique et le mont Sépher, représenté par le Djebelesch-Schoureif ou le Djebel esch-Scheràfeh. Le nom decette station, comme celui de la plupart des autres, a sansdoute été inspiré par l’aspect des lieux, ou par quelquecirconstance que nous ignorons. Il n’est rien moins quecertain, d’autre part, que les noms donnés par Moïse auxdifférentes stations aient été conservés par la traditionlocale. Dans quelques-uns des endroits où se sont arrêtésles Hébreux, on a retrouvé des campements; mais on estencore loin d’avoir fouillé toute la presqu'île sinaïtique, et, l’eut-on fait, qu’on n’obtiendrait probablement pasencore des identifications d’une certitude absolue. Le motharâdâh veut dire «terreur». Peut-être les Hébreuxfurentils témoins, dans cette station, d’un phénomène
qui les effraya.
H. Lesêtre.
- ARADIEN##
ARADIEN (hébreu: Hû'arvâdî, avec l’article; Septante: 'ApâSto; ; Vulgate: Aradius), descendant de Chanaan. Gen., x, 18; I Par., i, 16. — Josèphe, Ant. jud., i, vi, 2, dit que «l’Aradien eut l'île d’Arad». Les Aradienssont, en elfet, dans l’Ancien Testament et chez les auteursprofanes, les habitants de l'île d’Arad, en Phénicie; maisil y a cependant tout lieu de supposer que les Chananéensqui portèrent les premiers ce nom habitèrent la côte voisine avant de s'établir dans l'île, de même que les Tyrienshabitèrent la terre ferme avant de se fixer dans l'île deTyr. Voir A. Knobel, Die Vôlkertafel der Genesis, 1850, p. 329-330. D’après Strabon, XVI, ii, 13, Arad fut peupléepar des Sidoniens fugitifs, et d’après la Chronique arménienne d’Eusèbe, cet événement se serait passé en 761avant notre ère. Chron., ii, édit. Aucher, Venise, 1818, p. 173. De savants critiques pensent que Strabon a confondu l'île d’Arad, au nord de la Phénicie, avec Arad duCarmel, que Scylax, Peripl., 104, nomme parmi les villesdépendantes de Sidon.Voir Knobel, Die Vôlkertafel, p. 320.Quoi qu’il en soit, l'île d’Arad était déjà habitée avant levme siècle, et comme l’a remarqué Movers, Die Phônizier, 1819, t. ii, part. î, p. 99, des Sidoniens ont pu s’enfuir de Sidon et augmenter la population, en même tempsque la puissance de l'île d’Arad, déjà habitée par d’autresChananéens. Voir aussi Ritter, Erdkunde, t. xvii, p. 384.— La Vulgate nomme encore les Aradiens dans Ézéchiel, xxvii, 8, 11, là où le texte original porte Arvad = Arad.Voir Arad 2. F. Vigouroux.
ARADON. Xom de l'île phénicienne d’Arad dansI Mach., xv, 23. Voir Arad 2.
- ARAIA##
ARAIA (hébreu: Harhâyâh, «s’irrite Jéhovah (?)» Septante: 'Apxyiw; ), père d'Éziel, l’orfèvre qui aida àrebâtir Jérusalem. II Esdr., iii, 8.
- ARAIGNÉE##
ARAIGNÉE (hébreu: 'akkâbîs; Septante: kpâyv^).Petit animal au corps articulé, à huit pattes et deux palpes, sans ailes ni antennes. Dans le langage commun, onapplique ce nom à divers ordres de la classe des arachnides; mais scientifiquement il est réservé à la secondesection des aranéïdes ou arachnides fileuses, section quicomprend de nombreux genres et des espèces variées.Parmi ces araignées proprement dites, les unes sontsédentaires, construisent des toiles d’une grande variété
de structure ou jettent des fils pour capturer les insectes; les autres sont vagabondes, courent à la recherche deleur proie et se retirent ensuite dans des cavités tapisséesde leurs fils. Le nombre des unes et des autres est trèsconsidérable en Palestine: on en compte plusieurs centaines d’espèces. Entre les plus communes se placent lesTégénaires de Walckenaër, qui attachent leur toile auxangles des murs dans les appartements, et aussi dans lesarbres, les haies. Cette toile, à fils très serrés, placés parcouches et se croisant, est à peu près horizontale; à l’undes coins, d’ordinaire à l’angle du mur, se trouve un tubecylindrique, où l’araignée se tient à l’affût, attendantpatiemment qu’un imprudent insecte vienne s’embarrasser dans ses filets. La plus répandue est l’araignéedomestique, Tegenaria domestica, noirâtre avec deuxrangées de taches brunes, à l’abdomen de forme ovale
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210. — Araignée domestique.
(fig. 210). On trouve encore très fréquemment diversesespèces des genres Thomise, Agelena, Épeire, etc.: latoile de ces dernières, ordinairement verticale ou inclinée, est à réseaux réguliers et en spirale; l’araignée se tientau milieu, la tête en bas. Pour commencer cette toile, l'Épeire se laisse pendre à son fil (fig. 211) afin d’atteindre,
SU. — Araignée Épeire commençant sa toile.
grâce à un coup de vent, une branche opposée, ou parson propre poids un rameau inférieur. Elle y attachel’autre extrémité de son fil; alors elle peut circuler facilement sur ces premiers fils pour ourdir sa toile (fig. 212).On sait que les fils d’araignée, surtout des genres Epeireet Thomise, s’agglomèrent souvent comme en écheveaux: l’air et le soleil les dessèchent et les blanchissent. Emportéspar les vents, ils retombent en longs filaments blancs sigracieusement nommés fils de la Vierge.
De l’araignée ou plutôt de sa toile, les écrivains sacrésont tiré une juste et expressive comparaison; elle se renoontre deux fois dans le texte hébreu. Les espérances del’impie sont comparées à la maison de l’araignée, Job, vin, li, édifice fragile, ꝟ. 15. La Vulgate rend par telaaraneantm le bét 'akkâbiS, «maison de l’araignée,» dui texte original: ce qui revient au même. Dans Isaïe,
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212. — Toile de l’araignée Epeire.
Lix, 15, le mot toile est employé. «Ils (les impies) tissentdes toiles d’araignées, qûrê 'akkâbîs, c’est-à-dire ne fontrien de solide,» }. 16.
Les versions font mention de l’araignée dans d’autrespassages où le texte original n’en parle nullement. Ainsiles Septante et la Vulgate, au Psaume xxxviii, 12, rendentpar «araignée» le mot K as, qui signifie «teigne». Aulieu de: «Vous dissolvez (détruisez) sa vie comme lateigne» (qui s’attaque aux vêtements et les fait tomber enpoussière, ci. Job, xiii, 18), on a: «Vous faites que savie s'épuise comme l’araignée.» Les anciens croyaientque, à force de tirer d’elle-même sa toile, l’araignée s'épuisait jusqu'à en périr. De même au Psaume lxxxix, 10, selon les Septante et la Vulgate, «les années de notrevie sont comparables à l’araignée,» c’est-à-dire s'épuisentcomme elle. On lit dans le texte hébreu: «Nous consumons nos années comme un soupir,» c’est-à-dire avecla même rapidité.— Il est dit dans Osée, viii, 6 (Vulgate), que le veau d’or de Samarie sera détruit comme unetoile d’araignée, avec la même facilité. À la place de aranearum telas, l’hébreu a le mot Sebâbîm, «fragments, morceaux.» «Le veau d’or de Samarie sera réduit enmorceaux,» allusion au veau d’or d’Aaron, mis en piècespar Moïse. — Les Septante ont encore ajouté le mot araignéedans Job, xxvii, 18. Pour montrer que la fortune de l’impie est caduque, on dit dans ce passage que «sa maisonsera comme la maison de la teigne»; les traducteursgrecs ajoutent: «et comme la maison de l’araignée, >: aulieu de ces mots du texte: «et comme l’abri que se faitle gardien des vignes.»
Quelques auteurs veulent traduire par araignée le motèemâmit, Prov., xxx, 28; d’autres' pensent qu’il s’agit dela tarentule. La Vulgate plus justement y a vu une sortede lézard, le stellion vulgaire, que les Grecs appellentencore <ja|r.anîv8ï). Cf. Bochart, Hierozoicon, part, ii, lib. iv, cap. xxiii, et part, i, lib. iv, cap. vu.
E. Leyesql’E.
ARAM (hébreu: 'Arâm, c haut, élevé;» Septante: 'Apijji). Nom d’homme (1-6) et de pays (7-12).
1. ARAM, cinquième fils de Sem, père des peuples deSyrie ou Aram. Gen., x, 22, 23; 1 Par., i, 17.
2. ARAM, fils de Camuel et petit-fils de Nachor, frèred’Abraham. Au lieu d’Aram, la Vulgate traduit par Syrorum «(père) des Syriens» (Septante: E-jpwv). Gen., xxii, 21.
3. ARAM (hébreu: 'Oren, «pin;» Septante: 'Apâ|i), troisième fils de Jéraméel, qui était fils aîné de Hesron, de la tribu de Juda. I Par., ii, 25.
4. ARAM, fils d’Esron ou Hesron et père d’Aminadab, un des ancêtres de Notre - Seigneur selon la chair. Rulh, iv, 19: Matth., i, 3, 4; Luc, iii, 33. Dans I Par., ii, 9, 10, il est nommé Ram.
5. ARAM, fils de Somer, de la tribu d’Aser. I Par., vu, 34.
6. ARAM. Il est appelé Aran, I Par., i, 42. Voir Ahan 2.
7. ARAM (hébreu: 'Ârârn, [pays] haut), nom sémitique du pays que la Vulgate appelle Syrie. Le nom d’Aramn’a été conservé qu’une fois par saint Jérôme dans sonacception géographique, Num., xxiii, 7, où Balaam dit: «D’Aram (c’est-à-dire ici de la Mésopotamie) Balac m’afait venir.» Voir Syrie. — Diverses parties du pays d’Aramsont distinguées dans la Bible hébraïque par l’additiond’un mot qui en restreint le sens. Ces parties qui reçoivent un nom particulier sont les suivantes:
8. ARAM BETH REHOB ('Ira»! bêt-rehôb), II Sam.(Reg.), x, 6. Vulgate: Syrum Rohob. Voir Rohob.
9. ARAM DAMMÉSEQ ('Ârarn danmiéséq), II Sam.(Reg.), viii, 5, 6, appelé dans la Vulgate Syria Damasci.Voir Syrie de Damas.
10. ARAM MAACHA ('Ârarn ma'âkâ/i), I Par., xix, G.
Vulgate: Syria Maacha. Voir Maacha.
11. ARAM NAHARAÏM (' Ârarn nahâraïm), Gen., xxiv, 10, etc. Vulgate: Mesopotamia. Voir Mésopotamie.
12. ARAM SOBA {'Ârarn sôbâ'), II Sam. (Reg.), X, 6, 8. Vulgate: Syrus Soba. Voir Soda.
1. ARAMA (hébreu: Hâràmâh, «la hauteur,» avecl’article, ce qui fait que plusieurs versions et les interprètes modernes appellent simplement cette localité Rama; Septante: 'Apar, ).; Codex Alexandrinus: Pap.â), villede la tribu de Nephtali, mentionnée seulement une foisdans Josué, xix, 36. C'était une ville forte, située surune hauteur, comme l’indique son nom, qu’elle conservetoujours sous la forme Raméh. Encore aujourd’huiRaméh est un village important, bien bâti, sur la pented’une montagne, à dix kilomètres environ au sud-ouestde Safèd, au nord d’une belle et fertile plaine, dans lapartie septentrionale de la basse Galilée. Il possède unesource excellente et est entouré de plantations d’oliviers.La population actuelle se compose de Druses et de chrétiens. On n’y a trouvé aucun reste de monuments antiques.Voir Robinson, Biblical Researches, t. iii, p. 79; Thomson, The Land and the Book, t. i, p. 515.
2. ARAMA. Au premier livre des Rois, xxx, 30, laVulgate appelle Arama la ville de Sephaath, située au sudde la Palestine; elle l’appelle «Horma», Num., xxi, 3; Jud., i, 17; «Herma», Jos., xii, 14; «: Harma», Jos., xix, 4. Voir Horma 1.
3. 'ARÂM À Isaac, ben Môseh, ben Méir, Juif érudit, né vers 1430, à Zamora, en Espagne, et mort à Naples, où il s'était réfugié après la proscription de 1492. Il a composé, sous le titre de 'Aqêdat Yiçhâq, «Sacrifice d’Isaac, j
un commentaire homilétique et philosophique du Pentateuque et des cinq Megilloth. Cet ouvrage, imprimé àSalonique, in-f», 1522, obtint un grand succès parmi sescoreligionnaires et eut de nombreuses éditions. S’il y ad’heureuses explications, il faut avouer qu’on y trouvetrop de subtilités. Sa philosophie cependant ne l'égaréjamais loin de la voie de l’orthodoxie; il est du restel’ennemi du rationalisme, qu’il combat dans son opuscule intitulé: Ifàzût qâsâh, «Dure vision.» Is., xxi, 2.On a encore de lui un commentaire des Proverbes deSalomon, Yad 'Absâlôm, «Stèle d’Absalom,» II Reg., xviii, 18, in-4°, Constantinople, sans date, et un commentaire sur le livre d’Esther, publié avec le texte, in-4o, Constantinople, 1518. E. Levesque.
4. 'ARÂMA Méir, ben Isaac, appelé aussi Méïri, filsdu précédent, né à Saragosse, suivit son père dans sonexil à Naples. Après la mort de ce dernier, il alla à Salonique, où il finit ses jours en 1556. Outre des ouvragestalmudistes, il composa des commentaires philosophiquessur Isaïe et Jérémie, 'Urim vetummîm, in-4°, Venise, 1608; sur le Cantique des cantiques, dans la Bible deMoïse Frankfurter, in-f°, Amsterdam, 1724-1727; sur Job, avec le texte ponctué, in-f°, Salonique, 1517; in-4o, Venise, 1567; et sur les Psaumes, in-4°, Venise, 1590.
E. Levesque.
ARAMAISMES. On donne ce nom, soit à certainesexpressions, soit à des tournures araméennes ou syriaquesqui ont été employées par quelques écrivains hébreux, parce qu’ils affectionnaient les termes étrangers ou exotiques, ou bien parce qu’ils étaient en contact avec despopulations qui parlaient araméen, et auxquelles ils empruntaient quelque chose de leur langage. Ainsi le motaraméen 'âtàh est employé dans Job, iii, 25, au lieu del’hébreu bâ', «venir.» Les aramaïsmes se rencontrentsurtout dans les auteurs les moins anciens, comme Jérémie, Ézéchiel, etc. Ils ont une importance réelle pourl'étude critique et l’histoire littéraire de l’Ancien Testamentet seront signalés dans les articles consacrés aux auteurssacrés qui en ont fait usage.
- ARAMÉEN##
ARAMÉEN, langue parlée par les Araméens qui habitaient le pays d’Aram en Syrie. Dans la Vulgate elle estappelée syriaque. Cf. IV Reg., xviii, 26; Dan., H, 4; I Esd., iv, 7; II Mach., xv, 37. L’araméen biblique estsouvent appelé chaldéen. Voir Ciialdéenne (Langue) etSyriaque (Langue).
1. ARAN (hébreu: Ilârân, «le montagnard;» Septante: 'Appàv), le troisième fils de Tharé, le second frère d’Abraham, le père de Lot, de Melcha qui épousa son oncleNachor, et de Jescha. Aran mourut avant Tharé, sonpère, dans son pays natal, Ur de Chaldée. Tharé, à partirde sa soixante-dixième année, engendra successivementAbram, Nachor et Aran, puis il mourut à deux cent cinqans. Aran naquit donc au plus tôt quand son père avaitsoixante-treize ans, et mourut avant qu’il n’en eût deuxcent cinq, par conséquent vécut moins de cent trentedeux ans. Comme d’autre part la mort d’Aran est rapportéeavant le départ d' Abram, et que celui-ci quitta la Chaldéeà l'âge de soixante-quinze ans, on peut en conclurequ’Aran n’atteignit pas sa soixante-douzième année. L'Écriture mentionne d’ailleurs sa mort comme prématurée, etce fut parce que Lot était devenu orphelin qu’Abraml’emmena avec lui. Gen., xi, 26-xii, 4. Les anciens Juifsavaient imaginé toute une légende sur la mort d’Aran: il aurait péri par le feu en Chaldée, sur son refus d’adorerle feu, comme les Ghaldéens. S. Jérôme, Quxst. in Genesim, t. xxiii, col. 956. Cette fable repose uniquement surune traduction fausse d’Pr Kasdim. Le Targum de Jonathan, Gen., xi, 28, donne à 'ûr le sens de «feu», quoiquece mot signifie, en hébreu, «lumière,» et qu"il ait le sensde s ville a c’est-à-dire «ville des Chaldéens,» dans le
nom d’Ur Kasdim; le Targum traduit donc à tort: «Aranmourut, à la vue de Tharé, son père, dans la fournaisede feu des Chaldéens,» au lieu de: «Aran mourut à Ur
des Chaldéens.»
H. Lesêtre.
2. ARAN (hébreu: 'Arân, «chèvre sauvage.;» Septante: 'Apiv), fils de Disan, de la race de Séir. I Par., I, 42; Gen., xxxvi, 38. Dans ce dernier passage, la Vulgate l’appelle Aram.
3. ARAN (hébreu: Ilârân, «montagnard;» Septante: 'Aav; Codex Alexandrinus: 'Apiv), un des fils de Séméi.lévite de la famille de Gerson. Il fut établi chantre pa*.David. I Par., xxiii, 9.
- ARANEO Clément##
ARANEO Clément, théologien italien, né à Raguse, en Dalmatie, mérite d'être compté parmi les Dominicainsles plus éminents du xvie siècle, par son savoir théologique, par sa sobre érudition et aussi par sa rare éloquence. Outre les ouvrages dont nous n’avons pas à nousoccuper ici, il a écrit un commentaire de VÊpître auxRomains, destiné principalement à réfuter les erreursde Luther. En voici le titre: Expositio cum resolutionibus occurrentiurn dubiorum, etiam Lutheranorumerrores validissime confutantium, secundum subjectammateriam super Epistolam Pauli ad Romanos, in-4°, Venise, 1547. Voir Quétif-Échard, Scriptores ord. Prsedicalorum, t. ii, p. 131. M. Férotin,
ARAPHA. Ce mot se lit quatre fois comme nompropre. II Reg., xxi, 16, 18, 21, 22. Dans le premierlivre des Paralipomènes, xx, 6, 7, il est écrit Rapha.Cette différence d’orthographe provient de ce que l’articlehébreu, hà, qui se lit dans le texte original, hâràfâh, a étéconservé dans la version des Rois et ne l’a pas été danscelle des Paralipomènes. Les Septante ont toujours supprimé l’article et transcrit Pacpâ. II Reg., xxi, 16, 18; 20, 22; I Par., xx, 8. Dans le passage I Par., xx, 6, lestraducteurs grecs n’ont pas conservé le mot hébreu, maisen ont rendu le sens en mettant: à7tôyovoç yivôvrav, «de la race des géants» ou «d’une race de géants».C’est, en effet, ce que signifie le texte hébreu, qui indiqueseulement de plus par le mot râfâh que les quatre géantsde Geth dont parle l’historien sacré, Jesbibenob, Saph, Goliath (différent de celui qui fut tué par David), et unquatrième, dont le nom n’a pas été conservé, étaienttous de la race des géants qui était connue sous le nomde Raphaïm. Voir Raphaïm. La Vulgate a voulu exprimercette double idée par une répétition qui n’est pas dansl’original, quand elle a traduit II Reg., xxi, 18: Saph, de stirpe Arapha de génère gigantum. «Saph, de la raced’Arapha (ou des Raphaïm), de la race des géants.»
- ARARAT##
ARARAT (hébreu: 'Âràrât; Septante: 'Apapât, 'Apapà8, 'ApjiEvia). On désigne sous ce nom un groupede montagnes, d’origine volcanique, situé en grande partiedans l’Arménie russe, gouvernement d'Érivan, aux confins méridionaux de la Russie, de la Turquie et de taPerse. L’Ararat présente l’aspect d’une masse coniqueblanche de neige, rayée de noir par les scories et leslaves. Du côté de Nakhidehevan on dirait un seul pic aveccollines et plateaux accidentés, s'étendant en plaines à labase. Mais d’ailleurs, on distingue parfaitement deux montagnes; elles sont alignées suivant la direction du Caucase (fig. 213). L’une, qui s’appelle le grand Ararat, s'élèveau nord-ouest avec double pointe; les calculs hypsométriques auxquels on s’est livré pour évaluer la hauteurdu grand Ararat varient de cinq mille cent soixante àcinq mille quatre cents mètres. À sa gauche, au sud-est, se dresse le petit Ararat, qui a un peu moins de quatremille mètres. La cime en est arrondie, il est séparé dugrand Ararat par une dépression profonde, qui s'étendà une distance de onze ou douze kilomètres. L’ensemble 879
ARA RAT
des deux montagnes occupe, entre Bayazid et Érivan, une surface de neuf cent soixante kilomètres carrés. Sides pentes douces, assez semblables à celles de l’Etna, paraissent rendre aisée l’ascension de l’Ararat, les couléesde laves et, plus haut, des fondrières de neige ramolliefont, au contraire, cette expédition dangereuse et pénible; sans compter que la superstition des Arméniens entourela montagne d’une vénération ridicule, et soumet les voyageurs qui veulent l’explorer à toutes sortes de vexations.Toutefois les neiges ne commencent, du moins à l'étatpersistant, qu’au niveau de quatre mille trois cents mètressur le grand Ararat. Jusqu'à trois mille quatre centsmètres, la végétation est complète et variée; mais, unpeu plus haut, les graminées disparaissent pour ne laisserque la flore des hautes Alpes. Du reste, même sur lapartie inférieure de la pente, cette végétation est misédans Russ. Archiv, 1851, p. 608; Longuimofi et Abich, L’ascension de l’Ararat, dans le Bulletin de la Société degéographie de Paris, ive série, t. i, 1851, p. 52, 66, 515; Abich, Reise in Arménien, 1860; Id., Ararat in seinergenetischen Bildung, dans le Bulletin de la Société degéographie allemande, 1870; Douglas Freshfield, Travels in the Central Caucasus, Londres, 1869; Brice, Transcaucasia und Ararat, in-8°, Londres, 1877, p. 242; dans L’Exploration du 9 novembre 1882, le récit de l’ascension d’un voyageur anglais; Markoff et Kowalosky, Na Gorakh Araratskikh, Moscou, 1889; J. Leclercq, Voyage au mont Ararat, Paris, 1892.
Si, dans la nomenclature géographique actuelle, l’Araratdésigne une montagne, cela n’est pas aussi certain pourla géographie bibliqje. Le terme Ararat se lit cinq foisdans l'Écriture, savoir: Gen., viii, 4; 1°V Reg., xix, 37;
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213. — Le mont Ararat. D’après une photographie.
rable et flétrie. Les pentes de l’Ararat sont, en effet, extrêmement arides, malgré les neiges du sommet. Oncroit que les eaux s'écoulent, par des fissures, sous lescendres et les laves, dans l’intérieur de la terre. Aussi lesvoyageurs signalent-ils l’Ararat comme un véritable désert, les indigènes n’y conduisent guère leurs troupeaux; on n’y rencontre que rarement un animal, le bouquetintour, la fouine et une espèce de lièvre; peu ou pointd’oiseaux. Depuis l'éruption de 1840, qui détruisit le couvent de SaintJacques et le village d’Argouri, la montagne est de moins en moins habitée.
Les Turcs donnent à l’Ararat tantôt le nom d’Agridagh (mont escarpé), tantôt celui d' Arghi-dagh (mont del’Arche); les Persans l’appellent Koh-i Nouh, c’est-à-direla montagne de Noé. Chez les Arméniens, la seule appellation en usage est celle de Masis ou Massis, qui signifie: «élevé, haut.» Nicolas de Damas, au témoignage de.Tosèphe, Ant.jud., 1, m. 6, désigne l’Ararat par le nomde Baris. On peut consulter pour la géographie physiquede l’Ararat les monographies suivantes: K. von Raumer, Der Ararat, der P’ison und Jérusalem, dans Hertha, Zeitschrift fur Erdkunde, 1829, t. xiii, p. 333 et suiv.; D r Parrot, AuthentischeNachrichtenvon der Besteigungdes Ararat, dans Sophronizon, 1830. t. xir. 4e livr., p. 1; ld., Reise zum Ararat, Berlin, 1835; Jloritz gagner, Reisc nach dem Ararat, Leipzig, 1845; Monteilh, Laplaine d' Ararat, dans Annales des voyages, 1850. t. iii, p. 159; Khodzko, Besteigung des grossen Ararat in 1850,
Tob., i, 21, seulement dans le texte grec; Is., xxxvii; 38; Jer., li, 27 (Septante, xxvii, 38). La Genèse et le livre deTobie parlent des «montagnes» d' Ararat; le livre desRois et Isaïe de la «terre»; Jérémie du «royaume» d’Ararat. Voilà pour les textes originaux; dans les diversesversions, les interprètes ont plutôt commenté que traduit.C’est ainsi que la Vulgate porte successivement pour cesdivers passages: super montes Armenise, in terram Armeniorum, in terram Ararat, regibus Ararat. Les Septante ont ètz tï op7] Tï 'Apapx-r, Et; yîiv 'ApapàÔ, s! ; taopr, 'Apxçif), eî; 'Apiisviav (deux fois).
De l’ensemble de ces passages, Franz Delitzsch, Commentai- ûber die Genesis, l re édit., p. 221, inférait que, dans la langue de la Bible, Ararat est plutôt le nomd’un pays. Si l’on objecte que Gen., viii, 4, et Tob., i, 21, parlent clairement de «montagnes»,-rà op-rj, les critiquesrépondent que si l’on tient compte du pluriel hàrê, «montagnes,» et d’un passage similaire, Jud., xii, 7, letexte de la Genèse et celui de Tobie peuvent se traduire «surles montagnes [du pays] d’Ararat». C’est ainsi qu’ont traduit MM. Xôldeke, Untersuchungen zur Kritik des altenTestaments, chap. i, Der Landungspunkt Noah’s, p. 146, et Guidi, Délia sede primitiva dei popoli semitici, dansMémoires de la classe des sciences hist. et phïl. de l’Académie royale des Lincei, 3e série, t. iii, p. 50.
Quel est le pays que la Bible désigne sous le noiïL.d’Ararat? Bochart. Geographia sacra; Westen, Arc/ixologia, t. xviii, p. 302; Saint-Martin, Mémoires historiques
et géographiques sur l’Arménie, enseignent que la grandemajorité des anciens interprètes grecs et latins ont admisl’identité de l’Ararat et de l’Arménie. Nous avons déjàcité les Septante et la Vulgate traduisant deux fois Araratpar 'ApjiEvia; la version arménienne de la Bible fait demême, et dans le texte persan de l’inscription de Béhistoun, Armaniya, Armina correspond à l’assyrien Urartu, Arartu. Spiegel, Die altpersischen Keilinschriften, p. 12, 17. Parmi les Pères, on peut citer Théodoret, InJerem., li, 27, t. lxxxi, col. 751-; Eustathe d’Antioche, In Hexameron, t. xviii, col. 753; S. Jean Chrysostome, In orat. de perf. carit., édit. Gaume, t. vi, p. 350; Eusèbe, Preep. evang., ix, 12, t. xxl, col. 699; S. Jérôme, Comrn. in 1s. proph., xi, 27, t. xxiv, col. 389; Liber desitu et nom. loc. hebr., t. xxiii, col. 859. Ces interprétations trouvent surtout leur appui dans Jérémie, li, 27, oùle royaume d' Ararat est énuméré avec ceux de Minni etd’Ascenez. Or ces données désignent clairement l’Arménie. Cf. Nicolas de Damas dans Josèphe, Ant. jud., I, iii, 6; Patkanof, Muséon, t. i, p. 545; Sayce, Journalof the Royal Asiatic Society, t. xiv, part, iii, p. 377-496; Delattre, Le peuple et l’empire des Mèdes, p. 71; Lenormant, Les origines de l’histoire, t. ii, p. 388-395; H. Rawlinson, dans Herodotus, t. iv, p. 246; G. Smith, Historyof Assurbanipal, p. 93. Les documents anciens confirment le sentiment des interprètes. Dans les Annales deSargon et d' Assurbanipal, l’Ararat revient souvent sousla forme d’JJrartu ou Arartu pour désigner le nord-estde l’Arménie. Moïse de Khorène nous dit que les écrivains arméniens appliquent à la même contrée l’appellation d’Ararad, Ayrarad.
Il y a pourtant une tradition divergente dans l'Égliseorientale, qui semble plutôt identifier le pays d’Araratavec le Kurdistan, au nord de la Mésopotamie et de l’Assyrie. Ainsi pensent Bérose, dans Josèphe, Ant. jud., I, iii, 6, la Paraphrase ehaldaïque d’Onkélos, les Targums du Pentateuque et des prophètes, dont il reste unvestige dans le texte corrompu de saint Ambroise, De Noeet Arca, cap. 17: Sedit arca… super montera Quadrati, t. xiv, col. 390. La Peschito traduit Ararat parQardu. Cf. saint Éphrem, dans Assemani, Bibl. orient., t. i, p. 113; t. iii, 2e part., p. 734, et S. Épiphane, Adv.hxres., i, 18, t. xli, col. 259.
D’autres légendes font des assimilations plus étrangesencore. Josèphe place l’Ararat dans le Caucase, les Samaritains à Ceylan, les livres Sibyllins sur le mont Célèneen Phrygie, les Persans sur l’Elvend, près d’Ecbatane.En ces derniers temps, Fr. Lenormant a rajeuni l’opinionde Raleigh et Schukfort, Histoire universelle des Anglais, t. i, p. 194, de l’abbé Mignot, Mémoires de l’Académiedes inscriptions, t. xxxvi, p. 27, et d’Obry, Du berceaude l’espèce humaine selon les Indiens, les Perses et tesHébreux, Paris, 1858. Pour Fr. Lenormant, Les originesde l’histoire, t. ii, p. 1-45, il faut renoncer à l’assimilation traditionnelle de l’Ararat de Moïse avec les régionsarméniennes, et retrouver dans le massif montueux del’Hindou-Kousch le lieu où abordèrent Noé et ses fils. Ontrouvera une étude complète et une réfutation détailléede cette opinion dans la Revue des questions scientifiquesde Bruxelles, 1883. En voici le résumé. L’hypothèse deFr. Lenormant repose sur les arguments suivants: 1° l’incertitude des données traditionnelles et le peu de fixitédes indications qui assignent l’Arménie comme secondberceau de l’humanité; 2° les inductions contraires qu’onpeut tirer du chapitre xi de la Genèse et que confirmentles plus anciens souvenirs historiques de la race aryenne; 3° enfin les découvertes récentes de l’anthropologie et del’archéologie préhistorique.
On peut répondre: 1° La divergence des traditions neprouve rien, car la Bible disant: harê 'Arârât, «lesmontagnes de l’Ararat,» laisse toute liberté pour désigner diverses cimes dans les limites du pays d’Ararat. —2° La plus forte de ces inductions contradictoires est l’impossibilité de marcher de l’est à l’ouest pour aller d’Arménie aux plaines du Sennaar. Or le cours du Mouradtrace de l’est à l’ouest, sur une longueur de plus de troiscents kilomètres, la route naturelle d’Arménie en Babylonie. De plus, pour trouver une objection dans le chapitre xi de la Genèse, il faut admettre, contrairement àde fortes probabilités, que cette émigration vers les plainesdu Sennaar fut le fait du genre humain tout entier, et nonpas seulement d’une fraction des Noachides. Quant auxlégendes aryennes, les mythes du Mérou et du HarâBerezaiti n’ont plus aucun caractère primitif. Rien n’estmoins défini, ni plus obscur que la géographie des Pourânas et du Boundehesh. Il n’y a aucune raison pour fairede l’Ararat un vocable aryen, car le prétendu termed’Airyâratha est fabriqué de toutes pièces. — 3° Si l’anthropologie conduit à placer en Asie la première apparition de l’espèce humaine, M. de Quatrefages la déclareincompétente pour préciser davantage la solution dupoint de départ des Noachides. Enfin l’archéologie préhistorique, en faisant connaître les premiers foyers del’industrie métallique, nous laisse complètement libresd’attribuer les plus anciennes exploitations de l'étain pourla fabrication du bronze, soit aux filons métallifères del’Ibérie caucasique, soit à ceux du Paropamise. Or, en arrêtant son choix sur les premiers, on se trouve précisément dans les limites tracées par l’opinion traditionnelle.Et les plus récents travaux de l’archéologie autorisentpleinement ce choix en faveur des régions arméniennes.Cf. E. d’Acy, L’origine dubronze, dans le Compte rendudu Congrès scientifique international des catholiques, Paris, 1891. Section d’anthropologie, p. 200-206.
En résumé, si l’on ne peut établir avec une entière certitude que l’arche s’est arrêtée au sommet du montMassis, le moderne Ararat, il est cependant plus probable que lepremier séjour des Noachides, sauvés du déluge, doit êtreplacé en Arménie. L’hypothèse qui fait aborder Noé surles hauteurs de l’Hindou-Kousch est inadmissible, et lesessais qui tendent à reculer si considérablement à l’estle théâtre de l’ancienne histoire génésiaque doivent êtrerejetés. J. van den Gheyn.
- ARARI##
ARARI, ARARITE (hébreu: harâri, ou, avec l’article, hâharâri), surnom signifiant «le montagnard», donné àtrois guerriers de David: à Semma ( Septante: ô 'ApouX<x «k; Vulgate: de Arari, II Rois, xxiii, 11, et de Orori, ꝟ. 33; à Sage (Septante: 'AptoSÎTric; Vulgate: Ararites.I Par., xi, 33; à Sachar, ou plutôt à Ahiam, son fils(Septante: ô 'Apapo; Vulgate: Ararites). IPar., xi, 34. VoirArorite 1. Cependant ce nom désigne plus vraisemblablement le lieu d’origine de ces guerriers, Harar, localitéinconnue.
- ARATOR##
ARATOR, poète chrétien, né au VIe siècle dans laLigurie, et officier de la cour de l’empereur, avait quittéle monde et était devenu, eu 541, sous-diacre de l'Égliseromaine, sous le pape Vigile. On a de lui une Historiaapostolica ex Luca expressa, poème en vers hexamètres, divisé en deux livres. Il fut d’abord présenté au souverainpontife dans l'église vaticane, le 6 avril 544, puis lu enlecture publique à Saint-Pierre-aux-Liens, à la demandede tous les amis des belles-lettres, tant ecclésiastiquesque laïques, de la ville de Rome. Cette lecture dura quatrejours, et le poème fut ensuite envoyé, avec une lettre, à un ami dans les Gaules, où il reçut une nouvelle publicité. Les Actes des Apôtres y sont assez bien rendus, etArator y a ajouté quelques circonstances tirées principalement du Nouveau Testament. Il fait mourir saint Pierreet saint Paul le même jour, mais non la même année.Ce poème a été imprimé à Milan, in-8°, 1469. VoirMigne, Patr. lat., t. lxviii, col. 45-252; Ceillier, Histoire des auteurs ecclésiastiques, l re édit., t. xvii, p. 356.
C. Rigault.
- ARATUS##
ARATUS ("ApaTo; ). Poète grec, né àSoli, en Gilicie.
La date de sa naissance est inconnue, mais on sait qu’ilvécut dans la première moitié du 111e siècle (270 avant J.-C); il était médecin à la cour d’Antigone Gonatas, roi deMacédoine. De ses œuvres il nous reste deux poèmesastronomiques ou deux fragments du même poème, LesPhénomènes (732 vers) et Les Pronostics (422 vers). C’estau premier de ces poèmes (Phénom., 5) qu’est empruntéetextuellement la citation que saint Paul, dans son discourssur l’Aréopage, extrait des poètes grecs: Toû yàp xcci yévo; è<j[i! v, «Nous sommes de sa race.» Act., xvii, 28. VoirSchmid, De Arato, Iéna, 46£H; Schaubach, Geschichteder griechischen Astronomie, p. 215. E. Jacquier.
- ARAXE##
ARAXE, fleuve d’Asie qui sort du voisinage de lasource occidentale de l’Euphrate et se jette dans la merCaspienne. Il est identifié par beaucoup de commentateursavec le Géhon du paradis terrestre. Gen., ii, 13. Voir
Géhon.
- ARBATES##
ARBATES (Septante: h’ApôixToi; ; Vulgate: inArbatis), localité de Palestine dont le nom ne se lit queI Mach., v, 23. L’orthographe même n’en est pas certaine.Au lieu de iv’Apêci-r-coi?, le Codex Alexandrinus porte’ApëaxTOi; ; d’autres manuscrits lisent: ’ASpaëÛTioiç, ’ApêaTÔvoiç. Voir W. Grimm, Das erste Buch der Maccabâer, 1853, p. 82. Le syriaque a Ardbôt. Comme on neconnaît en Galilée aucune ville du nom d’Arbates, la plupartdes commentateurs croient aujourd’hui que cette dénominationdésigne un district. — Ewald, Geschichte desVolkesIsraël, 2e édit., 1852, t. iv, p. 359-360, note, s’appuyantsur la leçon de la version syriaque, conjecture qu’Arbatesest la région appelée aujourd’hui Ard el-Batïbah, aunord du lac de Tibériade. — Reland, Palxstina, 1. 1, c. 32, t. i, p. 192, a supposé que la lecture actuelle était unecorruption du nom de la toparchie dont parle Josèphe, Bell, jud., III, iii, 4, 5, l’Acrabatène, située entreSichem et Jéricho. (Voir plus haut col. 150-151.) — Drusiuset beaucoup d’autres pensent qu’Arbates est la transcriptiondu mot hébreu’arbôf ou de la forme araméenneanalogue, signifiant «prairies, pâturages», et qu’il désigneici par conséquent la partie de la vallée du Jourdainsituée au nord du lac de Tibériade. Cette région, d’aprèseux, serait souvent appelée dans la Bible hébraïque’Aràbdh(’Arbôt dans quelques-unes de ses parties); mais cettedernière affirmation est inexacte. Ni la vallée du Jourdainni ses environs, excepté la plaine de Moab en face de Jéricho, ne sont jamais appelés’Arbôp dans l’Ancien Testament.Voir Aradah, col. 821. — Hitzig, Geschichte desVolkes Israël, p. 397, croit qu’Arbates est la toparchiesituée à soixante stades de Césarée du côté de la Samarie, que Josèphe, Bell, jud., II, xiv, 15; xviii, 10, appelleNarbatha. — Que penser de ces opinions diverses? L’identificationde cette localité reste douteuse, au milieu de ceconflit d’hypothèses dont aucune ne repose sur un argumentpropre à faire pencher la balance en sa faveur. —L’auteur sacré parle d’Arbates en même temps que dela Galilée, à l’occasion de la campagne que Simon Machabéefît dans ce dernier pays, après les premiers exploitsremportés par Judas sur les armées syriennes. Simon futchargé par son frère de délivrer les Galiléens du jougennemi; il remporta de brillants succès au nord de laPalestine et y fit un grand butin, en particulier à Arbates.I Mach., v, 20-23.
- ARBATHITE##
ARBATHITE (hébreu: ha’arbâti; Septante: à Tapiëai61), natif d’Arabah ou Betharaba dans le désert de Juda.Abialbon, vaillant guerrier de David, est appelé Arbathiteparce qu’il était originaire de Betharaba. II Reg., xxi, 31; I Par., xi, 32.
1. ARBE (hébreu: ’arba’, «quatre»; Septante: ’Apyôé), géant de la race des Énacim, qui donna son nom â laa ville d’Arbé», Jos., xiv. 15, plus connue sous le nom
d’Hébron. Arbé n’est mentionnée dans l’Écriture qu’àl’occasion de cette ville, Gen., xxiii, 2; xxxv, 27 (où laVulgate écrit «Arbée» ), Jos., xiv, 15; xv, 13, 54; xxi, 11; Jud., i, 10; II Esdr., xi, 25. Dans le livre de Josué, xiv, 15, le texte original porte: «Hébron était appeléeauparavant Ville d’Arbé, homme très grand parmi lesÉnacim». Le mot «homme» est exprimé en hébreu par’âdàm. La Vulgate, au lieu de rapporter le mot’âdâm àArbé, comme le demande le sens, en a fait un nompropre et a traduit: Adam maximus ibi inter Enacimsitus est, ce qui a fait croire à quelques commentateursignorants qu’Adam, le premier homme, avait été enterré(situs est) à Hébron.
2. ARBÉ, ARBÉE ( CARIATH), (hébreu: ’arba’; Septante: ’Apêôx, ’ApY<16), nom primitif d’Hébron. DansJos., xiv, 15; xv, 13, 54; xxi, 11; Jud., i, 10; II Esd., xi, 25, la Vulgate écrit: Gariatharbé. Dans Gen., xxiiij2 et xxxv, 27, elle traduit le mot cariath (qiryat) par «ville d’Arbée». Arbé (Voir Arbé 1), fondateur d’Hébron, donna sans doute d’abord son nom à la ville qu’il bâtit; c’est du moins ce que semble insinuer Jos., xv, 13 Jxxi, 11. Voir Hébron.
- ARBÈLE##
ARBÈLE (h’ApêïjXoiç), lieu mentionné une seulefois dans l’Écriture. I Mach., IX, 2. Il sert à déterminerla position d’une autre place, qui n’est également citéequ’en ce seul endroit, Masaloth, prise par Bacchide etAlcime au début de la campagne dans laquelle périt JudasMachabée. Ce passage est plein d’obscurités. D’abordMasaloth, MamaXtiS, ME<7<ra).w6, est elle-même inconnue.Ensuite quelle était cette Galgala, dont les Syriens prirentle chemin? Nous en connaissons trois de ce nom: 1° Galgala (Gilgâl), Jos., IV, 19, etc., aujourd’hui TellDjeldjoul, au-dessous de Jéricho; il ne peut en êtrequestion pour une expédition de l’armée syrienne en Judée; 2° Galgala, IV Reg., ii, 1; iv, 38, aujourd’hui Djildjilia, au nord de Jérusalem, entre Béthel et Sichem; 3° Galgal, Jos., xii, 23, aujourd’hui Djeldjouliyéh, dans la plaine deSaron, au nord-est de Jaffa. Keil pense qu’il s’agit de cettedernière, parce que l’expression ôSôv vriv etç r&yaa., «laroute de Galgala,» semble indiquer une voie bien connue, une route stratégique, telle que celle de Damas enEgypte, sur laquelle se trouvait Galgala; et puis unearmée qui voulait marcher vite devait suivre le cheminbattu des caravanes, à travers la plaine, plutôt que des’engager dans le pays montagneux de Sichem à Jérusalem.Dans ce cas, il faudrait chercher Masaloth entreDjeldjouliyéh et la ville sainte, à l’entrée’des montagnes.Cf. C. F. Keil, Commentar ùber die Bûcher der Makkabâer, Leipzig, 1875, p. 148. Enfin une troisième difficultévient de ce que le nom d’Arbèle s’applique lui-mêmeà plusieurs localités. Eusèbe en signale trois: l’uneà l’extrémité de la Judée vers l’est; la seconde au delàdu Jourdain, non loin de Pella; la troisième dans «lagrande plaine» d’Esdrelon, à neuf milles de Légio. Onomasticon, Gœttingue, 1870, p. 21 i. La première estinconnue. L’Arbèle orientale est identifiée avec celle desMachabées par certains auteurs, sous prétexte que laversion syriaque et quelques manuscrits donnent Galaadau lieu de Galgala; ce serait alors Irbid, au sud-est dulac de Tibériade. Outre la base fragile de cette opinion, on ne voit pas bien quel besoin avaient les générauxsyriens d’assiéger cette ville avant d’accourir à Jérusalem.D’autres enfin veulent lire Galilée au lieu de Galgala; Xï<ra), (o6, Casaloth, Jos., xix, 18, au lieu de Masaloth, contondant cette dernière avec lksal, ville de la plained’Esdrelon, dans le voisinage de laquelle eût été notreArbèle, la troisième d’Eusèbe: ce changement de nomsest tout à fait arbitraire. Cf. Keil, Makkabâer, p. 149, note 1.
Josèphe, Ant. jud., XII, xi, 1, rapportant le mêmefait que l’auteur sacré, place Arbèle en Galilée, iv’Apgr,
Xoiç iriXei ttk TaXiXafaç. Ailleurs il en précise la situationen la montrant près de Sepphoris, non loin du lac deGénésareth: il signale, dans le voisinage, un grandnombre de grottes inaccessibles, reruge des voleurs etdes insurgés, et qui furent le théâtre de scènes sanglantes, au temps d’Kérode; lui-même les iortilia plus tard, lorsde l’invasion romaine. Cl. Ant. iud., XIV, xv, 4, 5; Bell, jud., i, xvi, 2-4; Vita, 37. Tous ces détails topographiques conviennent bien à Khirbet lrbid ou Arbed,
214.
Vue des collines rocheuses d’Arbèle.
située à l’ouest d’El-Medjdel, et au pied des collines deQoroun Hattin.
Presque tous les auteurs admettent cette identification.La permutation entre l et d se retrouve en bien deslangues: chaldéen, '"tn, 'âzal; hébreu, itn, 'âzad,
'OSuuuev; , Ulysses. Ensuite le mot Me<ro-aXu>6 peut bienn'être que l’hébreu ni'îDO, mesillôf, «degrés, étages,»
et l’endroit ainsi appelé, indiqué comme se trouvant surle territoire d’Arbèle, répond probablement aux cavernesjadis fortifiées par Josèphe, auxquelles on monte par desdegrés. Cf. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. ii, p. 398-399. Enfin la route qui vade Nazareth et du Thabor au lac de Tibériade avait uneimportance que connaissaient les armées syriennes.
Arbéle est peut-être la ville de Beth-Arbel, citée dansle texte hébreu du prophète Osée, x, 14, et qui tut ravagée
par Salmanasar. Voir Beth-Arbel. On peut y reconnaîtreaussi celle dont parle le Tahnud, la patrie du docteurNithaï ha-Arbeli, qui y fit construire une grande synagogue. Cf. A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 219.
Les ruines de Khirbet lrbid couvrent les pentes d’unplateau élevé qui domine YOuadi el-Hamâm. «Ce sontcelles d’une petite ville renversée de fond en comble.On peut suivre néanmoins encore çà et là. au milieu desbroussailles, les traces d’un mur d’enceinte qui avaitété bâti avec des pierres basaltiques et mesurait quatrevingt-dix centimètres d'épaisseur. Au dedans de cette enceinte aux trois quarts rasée, on heurte à chaque pas lesdébris confus de maisons écroulées, construites elles aussiiadis, pour la plupart, avec des matériaux basaltiques.Une source abondante, renfermée dans un puits revêtuintérieurement de pierres régulières de moyenne dimension, fournissait de l’eau aux habitants. Ils avaient, enoutre, creusé dans le roc de nombreuses citernes et deuxbassins, qui avaient été bâtis là où le roc faisait défaut, et qui sont actuellement à moitié comblés. Les samedis, ils se réunissaient dans une synagogue construite avecde belles pierres de taille calcaires, et qui a malheureusement subi une dévastation complète. Elle était ornéede colonnes, les unes corinthiennes, les autres ioniques, d’un moindre module, dont plusieurs gisent encore àterre avec leurs chapiteaux mutilés. Là, on admire lesdébris d’une jolie porte décorée de moulures à crossettes.» V. Guérin, Description de la Palestine, Galilée, t. i, p. 198-199.
Au pied du plateau où s'élève lrbid, un ruisseau, formépar une source assez abondante, qui coule entre desroseaux, des agnus-castus et des lentisques, serpente dansune gorge très profonde, quo bordent et resserrent deuxchaînes parallèles de hautes collines rocheuses. Les flancsescarpés de ces collines, semblables sur beaucoup de pointsà des murailles gigantesques, sont percés à différentsétages d’innombrables cavernes, creusées jadis par la mainde l’homme (fig. 214). Les plus remarquables sont désignées sous le nom de Qala’at Ibn Ma'ân ou de Qala’atoued el-Hamâm. Après trois quarts d’heure d’une gymnastique difficile on arrive, par un escalier pratiqué surdes flancs presque verticaux, au niveau des premièresgrottes. Une porte basse et un long couloir ogival, voûtéen pierres soigneusement appareillées, conduisent dansl’intérieur de la grotte principale, dont l’entrée est ferméepar un véritable rempart, construit en belles assises alternativement blanches et noires. De cette vaste chambreun escalier conduisait aux étages supérieurs. On trouveainsi toute une série de réduils communiquant les unsavec les autres par des ouvertures, des corridors, desgaleries tantôt bâties sur les corniches, tantôt creuséesen pleine montagne. Un troisième étage renferme lesmêmes dispositions. De la terrasse qui termine cet ensemble de constructions, la vue est splendide sur l’extrémité du lac de Tibériade, sur les montagnes de Safed etsur la plaine de Génésareth. Actuellement inhabitées, ces grottes servent d’asile à des milliers de colombes quiy vivent en sécurité. C’est de là que vient à la vallée lenom de Ouadi el-Hamâm, «vallée des colombes.» Cf. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, dans le Tour dumonde, t. xliii, p. 210-218.
Ces cavernes ont joué un rôle important pendant lesguerres dont parle Josèphe dans les passages cités plushaut. En passant à Arbèle, Bacchide en fit le siège ets’empara d’un grand nombrede Juifs qui s’y étaient réfugiés. Hérode fut obligé d’imaginer tout un plan d’attaquepour se rendre maître des brigands qui s'étaient retranchés dans ces asiles, en apparence inexpugnables. Voirle récit tragique de Josèphe, Bell, jud., i, xvi, 2-4.
A. Legexdre.
ARBI (hébreu: hâ'arbî; Septante: OOpaiosp-^t), patriede Pharai, l’un des héros de David, d’après la Vulgate.
II Reg., xxiii, 35. La version latine a reproduit servilementla forme du nom hébreu, qui n’est autre que celui d’uneville de la tribu de Juda, Arab, avec l’article et la terminaison i, pour indiquer la relation d’origine; le sens estdonc simplement: «Pharai l’Arabite.» Voir Arab. On litdans 1 Par., xi, 37, à propos du même personnage: bén'Ezbâï, «fils d’Asbai,» au lieu de hâ'arbî, ce qui sembleune faute facile à expliquer par la confusion entre le -, zaln, et le T, resch. Les Septante ont uni les deux nomspropres, et, dans le dernier, ont pris le: , beth, pour un
s, caph.
A. Legendre.
- ARBITRAGE##
ARBITRAGE, ARBITRE. On entend par «arbitre» celui qui, dans un différend ou un débat d’intérêts entredeux parties, est désigné, ordinairement par les partieselles-mêmes, pour dirimer la controverse. Tantôt lesparties recourent d’elles-mêmes et spontanément à desarbitres; tantôt, d’après les prescriptions de la loi ou undécret judiciaire, elles sont obligées d’y recourir, quoiqu’elles restent libres dans le choix des personnes; quelquefois les personnes mêmes des arbitres sont imposéespar la loi ou le tribunal. On entend par «arbitrage» ladécision rendue par les arbitres. L’arbitrage étant unmode simple et naturel de trancher les discussions d’intérêt, nous ne pouvons douter qu’il n’ait existé chez lesHébreux. La Vulgate emploie le mot c< arbitres» dans lepassage suivant, Exod., xxi, 22: «Si des hommes sequerellent, et que, l’un d’eux ayant frappé une femmeenceinte, elle accouche d’un enfant mort, sans qu’ellemeure elle-même, il sera obligé de payer ce que le maridemandera et qui sera réglé par des arbitres: quantummarilus mulieris expetierit, et arbitri judicaverint.» D’après le texte hébreu, il reste quelque obscurité sur lecaractère des personnages ici désignés; ils sont appeléspelilîm; ce mot n’est employé que deux autres fois dansla Bible, Deut., xxxii, 31 et Job, xxxi, 11. Dans le premierde ces passages, il signifie «juges» dans un sens général: «Que nos ennemis en soient les juges (de la puissancede notre Dieu);» dans le second passage, Job, xxxi, 11, il signifie «juges» proprement dits: «Un tel acte est uncrime de juges,» c’est-à-dire un crime de nature à fairecomparaître son auteur devant les juges, comme nousdisons: un fait de police correctionnelle, de cour d’assises.Ct. Gesenius, Thésaurus linguse hebrsese, p. 1106. Toutefois, comme le mot pelilîm n’est pas le mot ordinairedont se sert l’auteur du Pentateuque pour désigner les «juges» proprement dits (ce mot est sôfét, Exod., ii, 14; Deut., xvi, 18; xvii, 9, 12; xxv, 2), et comme, dans lepassage cité de l’Exode, xxi, 22, il ne s’agit pas précisément d’un jugement à rendre, mais d’un fait à constater et d’une appréciation à faire, nous devons dire quela conclusion de l’affaire, prononcée par ces pelilim, ressemble bien plus à un arbitrage qu'à une sentencejudiciaire, quoique peut-être ceux qui devaient déciderne fussent pas différents des juges mêmes institués déjàpar Moïse. Exod., xviii, 13-26.
Ce mode de trancher les discussions d’intérêt s’est transmis d'âge en âge chez les Hébreux, comme chez les autrespeuples. L' «arbitrage» est mentionné par la Mischaa. «Les causes pécuniaires sont jugées par trois hommes; chacune des deux parties en choisit un, et ensuite untroisième juge est nommé,» soit par les parties elles-mêmesd’un commun consentement, soit, comme disent quelquesrabbins, par les deux juges nommés d’abord. Mischna, traité Sanhédrin, iii, 1, édit. Surenhusius, t. iv, p. 218220. On reconnaît là, de la manière la plus évidente, les «arbitres», désignés ou agréés par les parties.
Plusieurs commentateurs voient aussi des «arbitres» dans ces juges que l’apôtre saint Paul ordonne aux fidèles jde Corinthe de désigner parmi eux, pour juger leurs 'différends, au lieu de recourir aux magistrats païens.I Cor., vi, 1-fi. Ainsi pensent Adalb. Maier, Commentai'ûber den ersten Korintherbrief, Fribourg-en-Brisgau,
1857, sur le chap. vi, y. 5-6, p. 125; Al. Messmer, Erklârung des ersten Korintherbrief s, Inspruck, 1862, au même endroit, p. 116; telle est aussi l’opinion de laplupart des exégètes protestants contemporains. Une autreopinion voit, dans ces juges qui devaient terminer lesdifférends des chrétiens, non pas des «arbitres», maisdes «juges» proprement dits. Cf. Cornely, Commentariusin S. Pauli priorem epistolam ad Corinthios, Paris, 1890, p. 140-141. Voir Juge. S. Man-y.
- ARBOREUS Jean##
ARBOREUS Jean, de Laon, théologien français, docteur en théologie de la maison de Sorbonne, n’est connuque par ses ouvrages. Il vivait dans la première moitié duXVIe siècle. On a de lui: Theosophix tomi î et //; Expositio difficillimorum locorum Veteris et Novi Testamenti, in-f°, Paris, 1540. Il y établit, au moyen des passagesrecueillis avec soin des Pères grecs et latins, diverses propositions importantes et curieuses tant sur les dogmesque sur les textes scripturaires. Commentaria in Ecclesiasten et Canticum canticorum, in-f°, Paris, 1531 et1537; In Proverbia, in-f°, Paris, 1549; In quatuor Evangelistas, in-f°, Paris, 1529 et 1551; In Epistolas diviPauli, in-f°, Paris, 1553. L’auteur paraphrase le texte, explique le sens littéral et traite les questions qui se présentent de théologie et de controverse. Il a souvent recoursau texte grec. On peut tirer beaucoup de profit des œuvresde cet habile théologien, sage et modéré dans ses sentiments, net et précis dans ses expressions. Voir Du Pin, Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, XVIe siècle, t. v, p. 140. C. Rigault.
1. ARBRES mentionnés dans la Bible. — La seuletrace d’une sorte de classification populaire du règnevégétal, dans la Bible, se rencontre dans le texte, Gen., î, 11, 12, où Moïse fait le récit de la création. L’auteursacré énumère successivement trois catégories de végétaux, qu’il appelle ainsi: désé', «gazon;» 'êséb, «plantesherbacées; s 'es péri, «arbres fruitiers.» Par le motdésê ', il faut entendre en général tous ces petits végétauxdont la germination n’est pas ou n’est guère apparente, et qui rentrent dans la catégorie des plantes que nousappelons aujourd’hui «acotylédones» ou «cryptogames».En effet, quand Moïse signale les végétaux de la secondeespèce, 'êséb, il ajoute ces mots: (les plantes) «semantleur semence»; donc, puisqu’il distingue les plantes appelées déSé' de celles qu’il appelle 'êséb, c’est que les premières, aux yeux de Moïse et de ses contemporains, n'étaient pas censées «semer leur semence», parce queleur germination n'était pas apparente. Telle est du restel’interprétation commune, soit des Juifs, soit des chrétiens. Rosenmùller, In Genesim, i, 11. Le mot 'êiébdésigne les végétaux herbacés dont la germination estapparente; Moïse les distingue de la troisième catégorie, qui comprend les végétaux ligneux, 'es, «bois, arbre.» On le voit, cette classification populaire, qui n’a aucuneprétention scientifique, est fondée sur des caractères toutextérieurs, en général très apparents, et propres à lafaire comprendre de ceux auxquels Moïse s’adressait. Lesvégétaux herbacés, 'êséb, et les arbres portant des fruits, 'es péri, sont encore mentionnés plus loin, Gen., i, 29, où Dieu les assigne comme nourriture à l’homme.
Nous donnons ici la liste de tous les arbres mentionnésdans la Bible. Sous le mot «arbres», nous comprenonsles arbres, les arbrisseaux et les arbustes, en un mot tousles végétaux «ligneux»; c’est, du reste, le sens de l’hébreu 'es; sous le mot Herbacés (végétaux), nous donnerons la liste de tous les végétaux non ligneux, comprenant les deux premières catégories, désé', et 'êiéb, signalées par Moïse; et ainsi sera complète la nomenclature dela flore biblique.
La liste des arbres est donnée par ordre alphabétique; àcôté du nom français de chaque arbre, nous donnonsd’abord le mot hébreu qui le désigne, puis le mot qui
correspond à l’hébreu dans les Septante et la Vulgate; enfin, s’il y a lieu, le nom grec de l’arbre, soit dans leslivres grecs de l’Ancien Testament, soit dans le NouveauTestament. Des articles spéciaux sur chaque arbre compléteront les renseignements qui le concernent.
Abricotier, désigné, d’après quelques auteurs, par lemot hébreu tappûâh. Voir Pommier.
Acacia seyal; hébreu: sittim, Exod., xxv, 10, 13, 23; xxvi, 15, etc.; les Septante ont traduit S’jXov areirrov, «bois incorruptible;» la Vulgate a conservé ordinairement le mot hébreu ligna setim, «bois de selim.»
Acacia d’Egypte. Voir Mimosa.
Agalloche. Voir Aloès.
Aloès ou aquilaire agalloche; hébreu: 'àhâlhn, 'âhâlôf, Num., xxiv, 6; Ps., xuv, 9; Prov., vii, 17; Cant, iv, 14; ces mots désignent tantôt l’arbre, d’où provientla substance résineuse et aromatique appelée aloès, tantôtcette substance elle-même. Septante: axrpal (Num., xxiv, 6), (TTaxTii, cû, u>r; Vulgate: tabernacula (Num., xxiv, 6), gutta, aloe. — Nouveau Testament: àXôr„ Joa., xix, 39; Vulgate: aloe.
Amandier; désigné par deux mots hébreux: 1. lûz, Gen., xxx, 37; Septante: quêoov) xap-jîvy; v, «baguettede coudrier;» Vulgate: ( virgas) amygdalinas; 2. sâqôd, «le vigilant,» Gen., xun, 11; Num., xvii, 8; Septante: àfrJySaXov, v.âpuov; Vulgate: amygdala.
Aquilaire. Voir Aloès.
Arbustes épineux, buissons, épines. Un certain nombre de mots hébreux désignent des arbustes épineux, desépines, buissons, broussailles, etc. Quelques-uns de cesmots, comme hédéq, 'àtâd, sdmîr, sé'ëlîm, senéh, ontété, d’une manière plus ou moins probable, identifiésavec une espèce particulière d'épines ou d’arbustes épineux; voir Morelle, Lyciet, Paliure, Jujubier lotus, Mimosa. Voici les autres, désignant les épines en général, sans qu’il soit possible de distinguer s’il s’agit de végétaux ligneux ou de végétaux herbacés: A) 1. barqdnîm, Jud., viii, 7, 16; Septante: TpîêoXoc; Vulgate: tribuli; —
2. dardar, Gen., iii, 18; Ose., x, 8; Septante: Tpt’SoÀoç; Vulgate: trïbulus; — 3. hârûl, Job, xxx, 7; Septante: çp’jyavov, «broussailles;» Vulgate: sentes; — 4. hôahjI Reg., xiii, 6 (texte hébreu; Vulgate: in abditis); IV Reg., xiv, 9; Job, xxxi, 40; Cait., ii, 2; Septante: à'xav, axavOa, xv! 6?), àx-^oii-/; Vulgate: carduns, tribulus, paliurus, lappa, «bardane;» — 5. na'âsûf, Is., vii, 19; lv, 13; Septante: armer, , «potérium épineux;» Vulgate: fruteta, saliunca; — G. qimmôs, Is., xxxiv, 13; ou qimsônim, Prov., xxiv, 31; qimô! S, Ose., ix, 6; Septante: àxàvfhva £0Xa, axavfla; Vulgate: spinse, lappa; — 7-qôs, qôsim, Gen., iii, 18; Exod., xxii, 6; Jud., viii, 7, etc.; Septante: axonOa; Vulgate: spina; — 8. sallôn, ou sillon, Ezech., xxviii, 24; Septante: <7X(5Xo<]/; Vulgate: spina; —9. sayit, Is., v, 6; vii, 23, 24, 25 etc.; Septante: axavOa; une fois ^ipioc, «herbe;» une fois xaXà[/.r|, «paille;» Vulgate: spina; — 10. sêk, Hkkim, Num., xxxiii, 55; Septante: axôloty; Vulgate: clavus; — 11. sinnâh, seninîm, sinnîm, Num., xxxiii, 55; Jos., xxiii, 13; Job, v, 5; Prov., xxii, 5; Septante: TpîëoXot, «chardons;» (SoXîSec, «traits;» xaxdv, «mal;» Vulgate: sudes, lancese, arma; — 12. sîrim, Ps. lvii, 10; Eccl., vii, 7; Septante: i’xavôx; Vulgate: spina. — B) NouveauTestament: 1. Sxavôo, Matth., vii, 16; Luc, vi, 44; Heb., vi, 8, etc.; Vulgate: spina; — 2. (Jatoc, Luc, IV, 44; Act., vii, 30, 35, etc.; Vulgate: rubus; —
3. Tpt'êoXo; . Matth., vii, 16; Heb., vi, 8; Vulgate: tribulus; — 4. çpvyavov, Act., xxviii, 3; Vulgate: sarmenta. — Les arbustes ou plantes épineuses connues sous1 i nom de cactus ou figuier de Barbarie, d’agave, d’aloèssocotrina, etc., sont comprises, d’après certains commentateurs, dans les noms généraux énumérés ci-dessus, mais leur opinion n’est pas fondée, parce que ces diversesplantes ont été importées en Palestine à une époque relativement récente.
Arroche halime. Voir Pourpier de mer.
Astragale; hébreu: nekô't, Gen., xxxvii, 25; xliii, 11; nekôlôh, IV Reg., xx, 13; Is., xxxix, 2; Septante: 6vu.c’a[/.ix; Vulgate: aromata.
Balanite, ou Faux-Baumier de Galaad; hébreu: sôrî, Gen., xxxvii, 25; xun, 11, etc.; Septante: p-QTtvi,; Vulgate: résina.
Balsamier; hébreu: bâsâm, besâm, III Reg., x, 2, 10; Cant., v, 1, etc.; ces mots désignent tantôt le baume, tantôt l’arbre d’où il provient; Septante: r|Sû<r[/.aTa, àpw(lita; Vulgate: aromata.
Balsamier à myrrhe; hébreu: mûr, Exod., xxx, 23; Prov., vii, 17; Cant., i, 12, etc.; ce mot désigne surtoutla myrrhe; Septante: (rjrjpva; Vulgate: myrrha. — Eccli., xxiv, 20: (TfrJpvi; Nouveau Testament: (7[rjpva, Matth., il, 11; Joa., xix, 39; Vulgate: myrrha.
Bananier. Quelques commentateurs ont admis, sanspreuves, que le figuier dont il est question, Gen., iii, 7, est le bananier.
Boswellie, arbre d’où l’on extrait l’encens. Voir Encens.
Bubon galvanifère; le galbanum, gomme-résine provenant de cet arbrisseau, est mentionné dans la Bible; hébreu: hélbenàh, Exod., xxx, 34; Septante: -/aXêivri; Vulgate: galbanum.
Buis; hébreu: te’assûr, Is., xli, 19; lx, 13, etc., ou'âsûr, Ezech., xxvii, 6; Septante: itû^oç, xéôpoc; Vulgate: buxus.
Buissons. Voir Arbustes épineux.
Byssus. Voir Lin.
Cactus. Voir Arbustes épineux.
Cannelier. Voir Cassier; Cinnamome.
Câprier; la câpre, fruit de cet arbrisseau, est nomméedans la Bible; hébreu: âbîyyônâh, Eccl., xii, 5; Septante: xârniap; ; ; Vulgate: capparis.
Caroubier; le caroube, fruit de cet arbre, est signalédans le Nouveau Testament: x^pàtiov, Luc, xv, 16; Vulgate: siliqua.
Cassier; la casse, espèce de cannelle, provenant decet arbre, est mentionnée dans la Bible; hébreu: qiddâh, Exod., xxx, 24; Ps. xuv, 9; Ezech., xxvii, 19; Septante; ïpc; , xacrt’a; Vulgate: casia.
Cédratier; désigné, d’après quelques auteurs, par lemot hébreu fappûah. Voir Pommier.
Cèdre; hébreu: 'éréz, Lev., xiv, 4; Num., xxiv, 6; Septante: en plus de trente-cinq endroits, xéSpoç; envingt-six endroits (EuXov) xéSptvov; en quelques endroits, xuniptcïcroî ou xumxpi’amvov; Vulgate: cedrus; — Nouveau Testament: xéSpoç (*/sî[i» ppoç Tùiv xéSpwv, Joa., xviii, 1, d’après le teœlus receptus).
Chalet, ou olivier de Bohême; hébreu: 'es sémén, «arbre à huile,» III Reg., vi, 23; II Esdr., viii, 15; Is., XLI, 19; Septante: £iXov xunaptaffcvov, II Esdr., viii, 15; Vulgate: lignum olives, ligna olivarum (sauf II Esdr., oùelle a traduit lignum pulcherrimum). D’après quelquesauteurs, le 'es Sémén serait l’olivier sauvage.
Chêne; désigné par cinq mots hébreux: 1. 'êl, «lefort,» Gen., xiv, 6; Septante: Tcpéëtv80 «; Vulgate: campes tria; ce mot, au pluriel, 'élim, Is., i, 29; lvii, 5, aété traduit par les Septante et la Vulgate: EÎSwXa, idola, d'à, parce que les idoles étaient souvent installées dansdes chênaies. Gesenius, Thésaurus linguee hébreux, p. 47; — 2. 'êlôn, Gen., xiii, 18; xiv, 13; xviii, 1, etc.; Septante: 8p0ç; Vulgate: convallis; — 3. 'allôn, Gen., xxxv, 8; Ezech., xxvii, 6; Septante: gàXavo; , (î<ttoç) èXdtTivo; ; Vulgate: quercus; — 4. 'allàh, Jos., xxiv, 26; Septante.repéëiv90c; Vulgate: quercus; 5. 'ilàn (mot chaldaïque), Dan., iv, 7, 8, 11, 18, 20; Septante: SévSpov; Vulgate: arbor (ne pas confondre avec 'êlâh, ordinairement térébinthe).
Cinnamome, ou cannelier de Ceylan; hébreu: qinnâmôn, Exod., xxx, 23; Prov., vii, 17; Cant., iv, 14; Septante: xiw» (i.wp.6v; Vulgate: cinnamomum; — Nouveau
Testament: y.tvâjj.6)jiov ou xivvdt[i.(ofiov, Apoc, xviii, 13; Vulgate: cinnamonvum.
Citronnier, désigné, d’après quelques auteurs, par lemot hébreu appûàh. Voir Pommier. D’après la traditionjudaïque, le citronnier serait désigné par les mots 'eshâdâr, Lev., xxiii, 40; Septante: Ç-JXov wpaïov, «beaubois;» Vulgate: arbor pulclierrima. Gesenius, Thésaurus linguse hebræse, p. 307.
Cognassier, désigné, d’après quelques auteurs, par lemot hébreu pappûâh. Voir Pommier.
Cotonnier; hébreu: karpas, Esther, i, 6; Septante: xotpnoesîva; Vulgate: (coloris) carbasini.
Cyprès, désigné en hébreu par deux mots: 1. berôs, II Reg., vi, 5; III Reg., v, 8; II Par., ii, 8, etc.; les Septante ont traduit très diversement: xurcâpiairo; (le plussouvent), iseOxï) ou (! j-JXov) ttïvixivov, xÉSpo; ou (ÇùXov)xéSpivov, à'pxeu60c ou (£ûXov) àpxeùBivov, èXercr), Ç'jXovAiëdcvou, hîtuç; Vulgate: presque toujours, abies ou ( ligna)abiegna; quelquefois (ligna) arceuthina, fabrefacta; — 2. probablement gôfér, Gen., VI, 14, quoique les Septante et la Vulgate aient traduit: (ijùXa) Texpâyaiva, (ligna)Isevigata. — Eccli., xxiv, 17; L, 11: y.unàps<j<jo; ; Vulgate: cypressus.
Ëbène; hébreu: hobni, Ezech., xxvii, 15; Septante: eêsvoç; Vulgate: (dentés) hebenini.
Encens (Arbre à) ou boswellie; hébreu: lebônâh, Lev., Il, 1; v, 11; Cant., IV, 6, 14, etc.; Septante: Xi'ëavoç, une fois Xiëava>T<iv, «encens;» Vulgate: thus. — Nouveau Testament: Xîëavo; , Matth., ii, 11; Apoc, xviii, 13; Vulgate: thus.
Épines. Voir Arbustes épineux.
Épine du Christ, espèce de jujubier, à épines dures, longues et acérées: Nouveau Testament: axav6a, Matth., xxvii, 29; Joa., xix, 2; Vulgate: spinse.
Figuier; hébreu: te'ênâh (désigne tantôt le figuier, tantôt la figue), Gen., iii, 7; Num., xiii, 23 (Vulgate, 24), etc.; Septante: tantôt <juxyi, «le figuier,» tantôt cOxov, «la figue,» une fois <rux<ov, «lieu planté de figuiers;» Vulgate: ficus, ficulnea. — Nouveau Testament: <juxï„Matth., xxi, 19, 21; xxiv, 32; Marc, xi, 13, etc.; <j-jxov, Matth., vii, 16, etc.; Vulgate: ficus, ficulnea.
Figuier de Barbarie. Quelques commentateurs l’ontrangé à tort parmi les arbustes épineux de la Bible. VoirArbustes épineux.
Galbanum. Voir Bubon galvanifère.
Genêt; hébreu: rôtém, III Reg., xix, 4-5; Job, xxx, 4; Ps. exix, 4; Septante: pa6|iév, çut6v, ijûXov, av6pa|itoi; èpr, (iixoïç (en hébreu: «charbons ardents du genêt» ); Vulgate: juniperus, (cum carbonibus) desolatoriis (Ps.exix, 4).
Genévrier; hébreu, au moins probablement: 'ar'àr, Jer., xvii, 6; xlviii, 6. Les Septante ont traduit différemment: à-|-pio(iup! y.r|, ainsi que la Vulgate: myrica. SaintJérôme a traduit par genévrier le mot hébreu rôpém, IIIReg. xix, 4-5; Job, xxx, 4. Voir Genêt.
Gomme (Arbre à). Voir Balsamier, Balsamier à myrrhe, Lentisque.
Grenadier; hébreu: rimniôn (désigne tantôt le grenadier, tantôt la grenade), Num., xiii, 23 (Vulgate, 24); xx, 5, etc.; Septante: poâ; Vulgate: malogranatum oumalum punicum.
Henné; Lawsonia inermis ou alba, hébreu, très probablement: kôfer, Cant., i, 13; iv, 13; Septante: x-jnpoc; Vulgate: cyprus.
Houx; désigné, d’après quelques auteurs, par le motgrec Tipïvo; , Daniel, xiii, 58; Vulgate: prinus. Ce motdésigne plutôt l’yeuse. Voir Yeuse.
Jujubier Épine du Christ. Voir Epine du Christ.
Jujubier lotus (ne pas confondre avec le lotus, planteherbacée); hébreu: sé'ëlim, Job., xl, 21, 22, d’aprèsl’opinion aujourd’hui commune. Les Septante traduisent, d’une mfiuière générale, 7: av-o85: î; i SévSpa, Sévopa (lefàXa, et la Vulgate: umbrx, «arbres ombreux,» Job, XL,
16, 17. — D’après Tristram, le jujubier lotus serait encore 'signifié par le mot hébreu na'â?û$. Voir Arbustes épineux.
Laurelle ou laurier-rose, désignée, d’après quelquesauteurs, par le mot grec p<560v, Eccli., xxiv, 18; xxxix, 17; L, 8; cette identification est très douteuse. VoirRosier.
Laurier; hébreu: 'êzrâh, Ps. xxxvi (hébreu, xxxvii), 35, au moins d’après l’opinion commune, malgré l’autorité des Septante et de la Vulgate, qui ont traduit: xsSpo; toC Aiêdtvoy, cedrus Libani.
Laurierrose. Voir Laurelle.
Lentisque; ne se trouve que dans l’histoire de Susanne, Daniel, xiii, 54: ir/ïvoç; Vulgate: schinus.
Lierre; II Mach., vi, 7: xio-o-ô; ; Vulgate: hedera.
Lotus. Voir Jujubier lotus.
Lyciet; hébreu: 'àtàd, Jud., ix, 14; Ps. lvii, 10, d’aprèsune opinion probable. Les Septante traduisent: pâjivoç, etla Vulgate: rhaninus.
Mimosa du Nil, espèce de petit acacia, désigné peutêtre par le mot hébreu senéh, Exod., m., 2, 3, 4; Deut., xxxm, 16; Septante: (JiToç; Vulgate: rubus.
Morelle; hébreu, probablement: hêdéq ou hédéq, Prov., xv, 19; Mich., vii, 4; les Septante ont traduit: à'xav6a et(7Y-; , «la teigne,» et la Vulgate: spinse, paliurus. VoirPaliure.
Mûrier; hébreu, probablement: bekd'îm; mais lesSeptante et la Vulgate traduisent par «poirier». VoirPoirier, — I Mach., vi, 34: (j.ôpov ou p.<jpov, «mûre, fruit dumûrier;» Nouveau Testament: <juxâ[i.tvo<; , Luc, xvii, 6; Vulgate: morus.
Myrrhe. Voir Balsamier à myrrhe.
Myrte; hébreu: hâdds, II Esdr., viii, 15; Is., xli, 9; Zacharie, i, 8, 10, 11; Septante: (j.upuivri (toutefois, dansles trois passages de Zacharie, les Septante, ayant probablement sous les yeux une autre leçon, ont traduit: opoç, «montagne» ); Vulgate: myrtus, myrtela.
Nerprun: Baruch, vi, 70: pàp.voç; Vulgate: spina alba.D’après quelques auteurs, il serait désigné, en hébreu, par le mot sàmir. Voir Paliure.
Noyer; hébreu: 'ëgôz, Cant., vi, 11 (Vulgate, 10); Septante: xap-ia; Vulgate: nux.
Olivier; hébreu: zayit (désignant à la fois l’olivier etl’olive), Exod., xxvii, 20; Num., xxviii, 5; Deut, viii, 8, etc.; Septante: ÈXata, èXguwv, «bois d’oliviers;» Vulgate: olea, oliva, olivetum. — Eccli., xxiv, 19; l, 11, etc.: klaia. — Nouveau Testament: èXaca, Marc, xiv, 26; Rom., xi, 17, 24; Apoc, xi, 4; xaXXiéXaio; (opposé à à-fpiéXaioç), Rom., xi, 24; Vulgate: oliva, bona oliva.
Olivier sauvage, désigné, d’après quelques auteurs, par le mot hébreu 'es sêmén, «arbre à huile;» voirChalef. — Nouveau Testament: âypiéXaioî, Rom., xi,
17, 24; Vulgate: oleaster.Olivier de Bohême. Voir Chalef.
Oranger, désigné, d’après quelques auteurs, par le mothébreu tappûâh. Voir Pommier,
Orme; hébreu: tidhâr, Is., xli, 19; lx, 13; cetteidentification est contestée; les Septante ont traduit: îite).éa, «orme,» et tieuxti, «pin;» de même la Vulgate: ulmus et pinus.
Osier, désigné, d’après quelques auteurs, par le mothébreu 'ârâbim. Ce mot désigne surtout le saule (voirSaule); mais il est possible que le même mot signifie àla fois le saule et l’osier, comme ayant beaucoup de traitsde ressemblance.
Paliure à aiguillon, désigné, d’après la Vulgate, par lemot hêdéq; voir Morelle; d’après une meilleure opinion, il est désigné par le mot hébreu sàmir, Is., v, 6; vii, 23, 24, 25, etc.; Septante: -/épao; , «désert;» Septante: spinse.
Palmier; désigné par trois mots hébreux: 1. tàmâr, Exod., xv, 27; Num., xxxiii, 9; Lev., xxiii, 40, etc.; Septante: çomÇ; Vulgate: palma; — 2. pâmer, qui ne
diffère du précédent que par les voyelles, Jud., iv, 5; Septante: çoîviS; Vulgate: palma; — 3. kippdh, Is., ix, 13 (Vulgate, 14); xix, 15, employé par métaphore: kippâhve’agmôn, «le palmier et le jonc;» Septante: (iîY av **’( «xpôv; àp-/T)v xoù tû.oc, Vulgate: caput etcauda. — Le mot fimmôrâh, I (III) Reg., vi, 29, etc., signifie le palmier peint ou sculpté. — Eccli., xxiv, 18; L, 14: mohil; Vulgate: palma. — Nouveau Testament: <po: vi£, Joa., xii, 13; Apoc., vii, 9; Vulgate: palma.
Peuplier; hébreu: libnéh, Gen., xxx, 37; Ose., iv, 13; Septante, quëSoç) o-rjpaxcvri, «baguette de styrax,» XsuxtJ; Vulgate: (virgas) populeas, populus. D’aprèsquelques auteurs, appuyés sur la traduction des Septante, Gen., xxx, 37, le mot libnéh désignerait le styrax. VoirStyrax.
Pin; hébreu: ’ôrén, Is., xliv, 14; Septante: m’-nj; ; Vulgate: pinus. D’après quelques auteurs, le pin seraitaussi désigné par le mot hébreu berôè; ce mot désigneplutôt le cyprès. Voir Cyprès.
Pistachier; la pistache, fruit de cet arbre, est désignéeen hébreu: botnîm, Gen., xliii, 11; les Septante onttraduit: TEps61v60; , et la Vulgate: (modicum) terebinthi.
Platane; hébreu: ’armôn, Gen., xxx, 37; Ezech., xxxi, 8; Septante: nXiravo; (au premier endroit), èXiTT), «sapin,» (au second); Vulgate: plalanus. — Eccli., xxiv, 19: TcXiiavo; ; Vulgate: platanus.
Poirier; hébreu: bekâ’îm, II Reg., v, 23, 24; I Par., xiv, 14, 15; Septante: amov (sauf II Reg., où ils ont traduity.Xsc-j6|xwv, «lieu des pleurs,» qui est le sens du motau singulier, bâkâ’); Vulgate: pyrus. D’après l’opinionplus commune aujourd’hui, le mot bekâ’îm désignerait lemûrier. Voir Mûrier.
Pommier; hébreu: (appûâh, Prov., xxv, 11; Cant., ii, 3, 5; vii, 8; Joël, i, 12; Septante: |xï, Xov; Vulgate: malus, malum. Cette identification est fort douteuse: cinq autresarbres sont proposés comme représentants du tappûâfy, l’abricotier, le cognassier, le cédratier, le citronnier etl’oranger.
Pourpier de mer ou arroche halime, désigné probablementen hébreu par le mot mallùah, Job, xxx, 4; Septante: a), t[ia; Vulgate: herbas et cortices.
Ronce, désignée probablement par l’hébreu barqânirn, Jud., toi, 7, 16; Septante: TpiooXoç; Vulgate: tribuli; elle peut être désignée aussi par un de ces mots génériquesqui signifient «arbuste épineux». Voir Arbustesépineux. — Nouveau Testament: fiscTo; , Marc, xii, 26; Luc, vi, 44; xx, 37; Act., vii, 30, 35; Vulgate: rubus. Le «buisson ardent» de Moïse, Exod., iii, 2, 3, 4, était, d’aprèsplusieurs, un buisson de mimosa. Voir Mimosa.
Roseau à quenouille, espèce de roseau à tige demiligneuse; voir le mot Roseau dans la liste des Herbacés(végétaux).
Rosier: pôàov, Sap., ii, 8; Eccli., xxiv, 18; xxxix, 17; L, 8; Vulgate: rosa.
Santal; hébreu: ’almugîm ou’algûmim, III Reg., x, 11, 12; II Par., ii, 7 (8); ix, 10, 11; Septante: itsXexitj-ci, «arbres coupés avec la hache,» III Reg., et ( ÇûXa) iteOxiva, «bois de pin,» II Par.; Vulgate: Ihyina. L’interprétationdes Septante est abandonnée; le pin est désigné parun autre mot hébreu; voir Pin; l’interprétation de laVulgate est aussi communément rejetée.
Sapin; les Septante ont traduit une fois, Is., xli, 19, par ÈXârn, <( sapin,» le mot berôs; la Vulgate a traduitpresque toujours le même mot berôS par abies, «sapin;» le sapin est peut-être désigné en hébreu par les mêmesmots que le cyprès et le pin, avec lesquels il a tant d’analogie.Voir Cyprès, Pin.
Saule; hébreu: ’âtâbim, Lev., xxiii, 40; Ps. cxxxvi, 2; Is., xliv, 4; Septante: ïtsi; Vulgate: salix. D’aprèsplusieurs auteurs, le saule est encore désigné par le motsafsàfâh, Ezech., xvii, 5; mais les Septante traduisent: éiîio), sit(iu.=vov, et la Vulgate: in superficie.
Styrax; hébreu, très probablement, nâlâf, Ex., xxx, 34;
Septante: oraxTr,; Vulgate: stade. — Eccli., xxiv, 21: araxir,; Vulgate: storax ou gulta. D’après quelquesauteurs, le styrax serait désigné par le mot hébreu; , libnéh; ce mot signifie plutôt le peuplier. Voir Peuplier.
Sycomore; hébreu: siqmâh, ne se trouve qu’au plurieldans l’Ancien Testament, siqmbn, III Reg., x, 27; I Par., xxvii, 28; Amos, vii, 14, etc.; une fois Siqmôf, Ps. lxxvii, 47; Septante: <rjxâ|xivo; (mot qui signifie aussi «mûrier» ); Vulgate: sycomorus, ficela, morus. — Nouveau Testament: trj-/.aLoç, ii, Luc, xix, 4; Vulgate: sycomorus.
Tamaris; ’êsél, Gen., xxi, 33; I Reg., xxii, 6; xxxi, 13, malgré la traduction des Septante: â’po-jpa, <t champlabouré,» et de la Vulgate: nemus.
Térébinthe; hébreu: ’êlâh, Gen., xxxv, 4; Jud., vi, 11; I Reg., xvii, 2, etc. Les Septante ont traduit ce mot, cinqfois par Tepéëiv&oç; deux fois par gàÀscvo: , «gland;» onzefois par 5pû; , «chêne;» une fois par vtyo; , «hauteur.» La Vulgate a suivi à peu près constamment les Septante.D’après les Septante et la Vulgate, le térébinthe seraitaussi désigné par l’hébreu botnîm, qu’ils traduisent parreps’6tv90; et terebinthus; ce mot désigne plutôt les pistaches.Voir Pistachier. — Eccli., xxiv, 22: T£p» |xiv80; ; Vulgate: terebinthus.
Thuya; serait désigné par l’hébreu’algûmim, III Reg., x, 11, 12, d’après la Vulgate, qui traduit ce mot par (ligna)thyina; cette identification est aujourd’hui abandonnée.Voir Santal. — Nouveau Testament: (5-JXov) 6-iïvov, Apoc, xviu, 12; Vulgate: (lignum) thyinum.
Tremble, désigné probablement, en hébreu, par le mêmemot que le peuplier, avec lequel il a beaucoup de ressemblance.Voir Peuplier.
Vigne; hébreu: hérém, Gen., ix, 20; géfén, xl, 9, 10, etc.; quelquefois, quand il faut une grande précision, comme dans les lois, géfén hayyayin, «vigne de viii,» Num., vi, 4, etc.; Septante: cinquante-deux fois, à’pmeXoç; une fois, à|X7teXwv, «vignoble;» une fois, ô|x<pct£, «verjus;» Vulgate: vitis, vinea. — Une espèce de vigne plusestimée est désignée par le mot sôrêq, èàrêqâh, Gen., xlix, 11 (où sont mentionnées et distinguées les deuxespèces, le géfén et le sôrêq), Is., v, 2; Jer., ii, 21; Septante: ÊXiij, «pampre,» a|A7CE).o; So>pr, x, apizzloç xapno ?ôpo; .; Vulgate: vitis, vinea electa. — Eccli., xxiv, 23: a(j.71sXo?; Vulgate: vitis. — Nouveau Testament: 5(j.71e), oç, Matth., xxvi, 29; Marc, xiv, 25, etc.; Vulgate: vitis, vinea.
Vigne de Sodome, désigne très probablement l’arbrisseauappelé: calotropis gigantea; hébreu: géfén Sedôm, Deut, xxxii, 32 (d’après quelques-uns aussi Jer., ii, 21: géfén nokriyàh, «vigne étrangère» ); Septante: 3li.tzù.’i; SoSùjacov; Vulgate: vinea Sodomorum.
Yeuse, espèce de chêne vert: hébreu, très probablement: tirzâh, Is., xliv, 14; Septante: àYpioëaXavo; ; Vulgate: ilex. — Daniel, xiii, 58: itpïvoç; Vulgate: prinus.
Zizyphus Spina Christi. Voir Épine du Christ.
Bibliographie. — Levinus Lemnius, De Planlis sacris, in- 12, Lyon, 1588; Ludovicus Rumetius, Scripturss SacrseViridarium, in-12 de 900 pages, Paris, 1628; J. H. Ursinus, Arboretum Biblicum, in-12, Nuremberg, 1CC3; MatthseusHillerus, Hierophyticon, in-4o, Utrecht, 1725; Celsius, Hierobotanicon, 2 in-12, Amsterdam, 1748; Forskal, Flora segyptiacoarabica, in-4o, Copenhague, 1775; Calcott, Script. Herbal, in-8°, Londres, 1842, Osborne, Plants of the Holy Land, in-4o, Philadelphie, 1860; R. P. Cultrera, Flora Biblica, ovvero Spiegazionedélie Piante mentovate nella sacra Scrittura, in-8°, Palerme, 1861; F. Hamilton, La botanique de la Bible, étude scientifique, historique, littéraire et exégétique desplantes mentionnées dans la Sainte Écriture, in-8o, Nice, 1871; G. Smith, Bible plants, their history, etc., in-8°, Londres, 1878; P. Bourdais, Flore de la Bible, in-8o, Paris, 1879; C. J. von Klinggràff, Palàstina und seine Végétation, dans Y Œslerreichische botanische Zeitschrift, 30° année, Vienne, 1880; I. Loew, Aramàische Pfîanzennamen, in-8o, Leipzig, 1881. S. Maxy.
2. ARBRES DE LA VIE ET DE LA SCIENCE DU BIENET DU MAL, mentionnés spécialement, Gen., ii, 9, aunombre des ai’bres de toute espèce qui ornaient le paradis terrestre. Les rationalistes les considèrent comme desmythes d’importation étrangère. Littré, Du mythe del’arbre dévie, Philosophie positive, t. v, novembre 1869, p. 340-344, pense que l’auteur de la Genèse les a empruntés aux livres mazdéens de l’Iran. M. Renan les fait dériverdes traditions babyloniennes, conservées oralement pendant des siècles dans la mémoire des Hébreux. Histoiredu peuple d’Israël, Paris, 1887, t. i, c. v, p. 70-79. Lesouvenir s’en était transmis avec une assez forte variante. «Selon une version, l’arbre central du paradis était l’arbrede vie; selon une autre, c'était l’arbre de la distinctiondu bien et du mal. Le rédacteur jéboviste prend le partide les mettre tous deux au milieu; dans la suite du récit, les deux arbres se distinguent et se confondent tour àtour.» Ibid., t. ii, 1889, p. 344.
La parenté entre les traditions iranienne et babylonienneet le récit de la Genèse est indéniable; car non seulementles monuments assyro-babyloniens et les livres mazdéensreprésentent ou connaissent un arbre sacré qui donne lavie (voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., 1889, 1. 1, p. 224-232; Les Livres saints et la critique rationaliste, t. iii, 1887, p. 412-416; F. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, 9e édit., 1881, 1. 1, p. 33-35; Les origines de l’histoire, 2e édit., 1880, t. i, p. 74-98); mais toutes les autres traditions paradisiaques le mentionnent. Les Védas des Hindous parlent d’un arbre d’oùdécoule la sève de vie, le soma, et dont le bois sert à ornerle ciel et la terre. Dans le paradis terrestre des Chinois, il croît des arbres enchanteurs; ce jardin fleuri a produitla vie. Il est le chemin du ciel, et la conservation de la viedépendait du fruit d’un arbre. Un ancien commentaireappelle cet arbre l’arbre de vie. H. Luken, Les traditionsde l’humanité, trad. franc., t. i, p. 101. Ce souvenir, conservé chez tous les peuples, est donc des plus antiques, si même il n’est originel et primitif. Or, si les Hébreuxl’avaient emprunté à des étrangers, ce ne serait pas à lapopulation de l’Iran, mais plutôt à celle de la Ghaldée.Abraham avait pu l’apprendre dans sa patrie, où il formaitune des croyances les plus vivaces et les plus populaires.Cette tradition patriarcale que Dieu voulait nous fairetransmettre par Moïse resta pure dans la mémoire desenfants de Jacob. Or le récit biblique distingue toujoursles deux arbres autant par leurs caractères que par leurseffets. Leurs noms sont différents. Seul le fruit de l’arbrede la science est interdit à nos premiers parents sous peinede mort. C’est lui que le serpent montre à Eve, en larassurant contre la crainte de la mort; et quand Adam, après en avoir mangé, connaît le bien et le mal, Dieu lechasse du paradis et l'éloigné du fruit de l’arbre de la vie, dont l’efficacité arrêterait les suites de la vengeance divine.
Ces deux arbres, réels et non mythiques, étaient uneproduction du sol, comme tous ceux qui ornaient le paradis terrestre. Gen., ii, 9. Leurs noms provenaient doleur destination providentielle et de leurs effets. Théodoret, Qusestiones in Genesim, int. xxvi-xxvii, t. lxxx, col. 123-126.
1o Varbre de la vie devait conférer à l’homme l’immortalité. S. Augustin, De Civitate Dei, xiii, 20, et xiv, 26, t. xli, col. 394 et 434; Opus imperfectum contra Julianum, vi, 30, t. xlv, col. 1580-1581. Suivant saint Thomas, l a, q. 97, a. 4, il ne la produisait pas absolument et simplement, soit en donnant à l'âme la force de conserver lecorps vivant, soit en rendant le corps humain incorruptible. Sa vertu était limitée; il eut exempté pour un tempsle corps de l’homme de la corruption; ce temps écoulé, l’homme eût passé sans mourir à la vio spirituelle etcéleste, ou, si sa vie terrestre devait encore se prolonger, il eût mangé de nouveau du fruit de vie. Quelques commentateurs ont supputé la durée des effets d’une seule-aanducation de ce fruit; les résultats de leurs calculs
arbitraires varient de deux mille à dix mille ans, mais l’onne sait rien à ce sujet. La vertu de l’arbre de vie était-ellenaturelle à ses fruits, ou extraordinairement attachée parDieu à leur manducation? Assurément il était au pouvoirdu Créateur de leur donner une puissance miraculeuse; mais le texte sacré n’insinue pas que Dieu l’ait fait, etles théologiens catholiques pensent généralement que lavertu de l’arbre de la vie était naturelle. Voir Bossuet, Elévations sur les mystères, Ve semaine, iv c élévation, dans ses Œuvres, édit. de Versailles, t. viii, p. 129.
Après le péché de nos premiers parents, l’arbre de lavie ne périt pas. Dieu chassa du paradis les coupables etfit garder l’entrée du jardin, pour qu’Adam ne put mangerdu fruit de vie. Gen., iii, 22 et 24. En eùt-il mangé, Adamn’eût pas reconquis le don de l’immortalité, mais seulement prolongé sa vie mortelle. S. Thomas, 2o 2*, q. 164, a. 2 ad 6o m. '
Nous n’avons pas à nous arrêter aux fables talmudiquessur les arbres du Paradis terrestre. Certains rabbins ontdonné à l’arbre de la vie une longueur démesurée, tellequ’il eût fallu cinq cents ans pour le parcourir, et qu’ilreprésentait la soixantième partie de l’Eden. R. Juda prétendait même que le tronc seul avait cette longueur, etque tous les cours d’eau de la création partaient de sespieds. Talmud de Jérusalem, traité Berakhoth, i, 1; trad.franc., Paris, 1871, p. 7. Ce sont là des rêveries où l'Écriture n’est pour rien.
Indépendamment de sa réalité historique, l’arbre de lavie a reçu de l'Écriture elle-même et des Pères de l'Égliseune signification symbolique. Dans le livre des Proverbes, l’expression «arbre de vie» est devenue synonyme decause de biens. La sagesse est un arbre de vie pour ceuxqui l’embrassent; elle rend heureux ceux qui s’attachentà elle, et leur confère l’immortalité. Prov., iii, 18. Lesactions du juste, qui servent d’exemple et portent aubien, Prov., xi, 30, la réalisation d’un désir qui rend lavie, Prov., xiii, 12, et la langue pacifique qui apaise etguérit, Prov., xv, 4, sont des arbres de vie. Dans le paradiscéleste, il y a un arbre de vie, dont les fruits sont donnéspar l’Esprit au victorieux. Apoc, ii, 7. Planté sur les deuxrives du ileuve qui jaillit du trône de Dieu et de l’Agneau, il porte douze fruits pour chaque mois de l’année, et sesfeuilles guérissent les saints, les dispensent de toute misèrecorporelle, et leur accordent une éternelle jeunesse. Apoc, xxil, 1, 2 et 14. Les Pères ont développé cette explicationanagogique; souvent aussi ils ont comparé à l’arbre dela vie l’arbre de la croix, qui nous a rendu la vie perduepar la faute d’Adam. Jésus-Christ, qui pend à la croix, est le vrai fruit de vie, et les chrétiens le mangent dansl’Eucharistie, où il est pour eux un gage d’immortalité.Voir Bossuet, loc. cit., p. 130.
2o L’arbre de la science du bien et du mal fut ainsiappelé plutôt en raison du précepte dont il fut l’objetqu’en raison de ses propriétés essentielles. Pour éprouverla fidélité d’Adam et d’Eve, Dieu leur avait défendu souspeine de mort de manger des fruits de cet arbre. Gen., il, 17, et iii, 3. Les motifs de cette défense, qui paraît àquelques-uns enfantine, ont été nettement exposés parBossuet: Discours sur l’histoire universelle, 2e partie, ch. Ier. Dieu, dit-il, «donne un précepte à l’homme pourlui faire sentir qu’il a un maître; un précepte attaché àune chose sensible, parce que l’homme était fait avec dessens; un précepte aisé, parce qu’il voulait lui rendre lavie commode, tant qu’elle serait innocente.» Cf. S. JeanChrysostome, Hom, xii in Gen., 6, t. lui, col. 133.Les fruits de cet arbre, qui étaient beaux d’aspect etparaissaient savoureux, Gen., iii, 6, n’avaient pas unevertu nuisible et pernicieuse. Ils ne devaient pas produirepar eux-mêmes la connaissance du bien et du mal et lamort du corps et de l'âme; seule la transgression du précepte divin causa ces déplorables effets. L’un d’eux a valuson nom à l’arbre, instrument de la désobéissance et dupéché. Quant à la science du bien et du mal qu’acquirent 897
ARBRES DE LA VIE ET DE LA SCIENCE — ARC
Adam et Eve en mangeant du fruit défendu, ce n’est pas, comme le prétendent les Juifs et Rosenmùller, le premier discernement du bien et du mal, qui suit l’usage dela raison. Nos premiers parents furent créés avec l’intelligence du bien et du mal, Eccli., xvii, 5 et 6, que suppose d’ailleurs la prohibition divine. Le fruit défendu n’estpas non plus, comme l’ont pensé quelques rabbins (voirEisenmenger, Entdecktes Judenthum, t. i, p. 371 etsuiv.; Cornélius Agrippa, De oriqinali peccato, et M. Schœbel, Le mythe de la femme et du serpent, Paris, 1876), lesymbole de l’acte naturel par lequel la race humaine seperpétue. Dieu, qui a créé l’homme mâle et femelle et luia donné l’ordre de se multiplier, Gen., i, 27 et 28, n’a pasinterdit ce qu’il avait commandé et ce qu’exige la propagation de l’humanité. Adam et Eve n’ont donc pas connule bien et le mal en usant du mariage. S. Augustin, DeGenesi ad litteram, 1. xi, c. xli, t. xxxiv, col. 452. Siimmédiatement après leur désobéissance ils remarquèrentleur nudité, Gen., iii, 7 et 11, c’est que les effets désordonnés de la concupiscence étaient une suite de leur péché.Comme le serpent le leur avait astucieusement annoncé, Gen., iii, 5, leurs yeux s’ouvrirent, et ils eurent dès lorsla connaissance expérimentale du mal. S. Augustin, Depeccatorum meritis et remissione, ii, 21, t. xliv, col. 172; De Genesi ad litteram, 1. viii, c. vi, 12, t. xxxiv, col. 377; De Civitate Dei, xiii, 13, t. xli, col. 386; De nuptiis etconcupiscentia, i, 6, t. xliv, col. 417-418; S. Jean Chrysostome, Hom. xii in Genesim, 5-6, t. lui, col. 131-133; S. Hilaire, In Genesim, viii, dans le Spicilegium Solesmense, t. i, p. 162.
On ignore de quelle essence était l’arbre de la sciencedu bien et du mal. R. Méir a pensé à la vigne, par cetteraison que le vin est ce que les hommes aiment le plus; R. Néhémie au figuier, l’arbre qui a provoqué la fauteayant servi à en réparer les effets, Gen., iii, 7; R. Juda aufroment, car l’enfant ne sait pas dire «père, mère», avantd’en avoir goûté. Talmud de Babylone, traité Berakhoth, vi, 2, trad. franc., Paris, 1871, p. 391. Théodoret et Procope de Gaza, pour la même raison que R. Néhémie, ontnommé le figuier; beaucoup, à cause d’une interprétationinexacte de Cant., viii, 5, ont pensé au pommier. La question n’est guère plus avancée qu’au premier jour de la discussion. L’inspection des monuments anciens où cet arbreest représenté, fournit peu de lumière sur le sens des tradilions des premiers siècles chrétiens. Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 2e édit, p. 20-21.
Cet arbre a été regardé comme la figure de l’arbre dela croix, par qui est venue aux hommes la science complète du bien et du mal. La croix nous a fait connaîtrele suprême degré de la vertu dont l’humanité est devenuecapable en la personne de Jésus-Christ, et l'énormité dupéché qu’un Dieu seul a pu expier. Le bois vivant duparadis nous a donné la mort, afin que le bois mortdu Calvaire nous donnât la vie. Aussi l'Église chantet-elle qu’au jour de la chute, Dieu «marqua le boispour qu’il réparât le mal causé par le bois». Ipse lignumtune notavit, damna ligni ut solverel. Hymne de laPassion.
Voir Pereira, Comment, in Genesim, Mayence, 1612, 1. ni; Malvenda, De paradiso voluptatis, Rome, 1605, c. lxvii-lxxiv, p. 209-241; Chérubin de SaintJoseph, Summa critiese sacrée, t. iii, Bordeaux, 1710, disp. i et ii, p. 1-96; Kirchenlexicon, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, t. ii, p. 60-62; Agnellus Merz, De arbore scientiee boni etmali secundum Scripturas et Ecclesiee ac S. Augustinidoctrinam, i"(x>; *Ziegra, Dissertatio de arbore scientiteboni et mali, Wittenberg, 1679; * Chemnitius, Disputatio de arbore scientise boni et mali, léna, 1683.
E. Maxgexot.
ARC, en hébreu: qé'séf [qas-t, de la racine qas, «être
recourbé» ). Cet instrument destiné à lancer des flèches
était, chez les anciens, la principale arme de jet. Dés
l'époque des patriarches, on s’en sert à la chasse, Gen.,
xxvii, 3; cf. xxi, 16, 20, et à la guerre. Gen., xlviii, 22.Aux époques postérieures, il en est encore question pourla chasse, Is., vii, 24; mais c’est le plus souvent commearme de guerre que les écrivains sacrés ont eu occasionde la mentionner, à côté des autres armes offensives et
S15. — Roi d’Assyrie chassant le iion avec l’arc.Victor Place, Ninive et l’Assyrie, pi. 55.
défensives: de la fronde, II Par., xxvi, 14; du simple bouclier, II Par., xiv, 8; xvii, 17; Is., xxii, 3 (hébreu); surtoutde l'épée, Gen., xlviii, 22; I Reg., xviii, 4; Os., i, 7; ls., xxi, 15, etc. La tribu de Benjamin comptait des archerscélèbres, I Par., viii, 40; II Par., xiv, 8; certains même
216.
Roi d’Assyrie tenant une coupe de libation dans la maindroite et son arc dans la main gauche.Layard, Monuments of Nineveh, t. i, pi. 12.
étaient ambidextres, I Par., xii, 2, c’est-à-dire aussihabiles à tirer l’arc ou lancer la fronde de la main gaucheque de la main droite. Il y avait aussi des archers dansles tribus transjordaniques, I Par., v, 18, et dans celled'Éphraïm. Ps. lxxvii, 9. Les jeunes gens s’exerçaientau tir de l’arc sur une cible (mattârâh), comme le montrent le récit de I Reg., xx, 20-38, et les allusions de LaI. — SI
ment., iii, 12; Job, xvi, 43. L’arc n'était pas seulementl’arme du soldat, mais encore celle des chefs, des princeset du roi, comme nous le voyons dans les histoires deJonathan, fils de Saùl, I Reg., xviii, 4; II Reg., i, 22, deJéhu, IV Reg., ix, 24, et de Joas d’Israël, IV Reg., xiii, 16. Le roi d’Assyrie est aussi armé de l’arc à la chasse(fig. 215) et à la guerre; c’est son arme distinctive, il la
217. — Rot chaidôen tenant l’arc de la main gauche et deuxflèches de la main droite. Musée britannique.
tient ou on la porte derrière lui quand il reçoit les hommages des vassaux (fig. 37, col. 235) ou quand il offre dessacrifices (fig. 216). On la trouve de même entre les mainsd’un roi chaldéen du xiie siècle (fig. 217), Marduk-ahéiddin. Chez les Égyptiens, le roi se sert de l’arc à laguerre, tantôt monté sur un char (fig. 218), et tantôtà pied (fig. 219); un roi éthiopien est également repré218. — Roi égyptien sur son char, tirant de l’arc. Grand templede Thèbes. D’après Lepsius, Denkmàler, Abth. iii, pi. 13.
sente avec l’arc (fig. 220), et les rois de Perse le tiennentaussi en main dans leurs basreliefs (fig. 221). Ces représentations nous expliquent comment l’arc est pris souvent par les écrivains hébreux comme symbole de la puissance: briser l’arc d’un peuple, c’est abattre sa puissance, Jer., xlix, 35; li, 56; Ose., i, 5; Zach., IX, 10; Ezech., xxxix, 3; I Reg., ii, 4; Ps. xlv, 10; lxxv, 4; donnervigueur à l’arc de quelqu’un, c’est le rendre puissant.Gen., xlix, 24; Zach., IX, 13; Job, xxix, 20.
L'Écriture nous montre l’usage de Tare, non seulementchez les voisins immédiats des Hébreux: les Philistins,
I Reg., xxxi, 3; I Par., x, 3; les Syriens, III Reg., xxii, 34;
II Par., xviii, 33; les Arabes de Cédar, Is., xxi, 47; cf.Gen., xxi, 20, mais encore chez des peuples éloignés: les
219. — Roi égyptien combattant a pied et tirant de l’aro.D’après Rosellini, Monumenti Btorici, t. i, pi. 131.
Lydiens, Is., lxvi, 19; Jer., xlvi, 9; les Élamites, Is., xxii, 6; Jer., xlix, 35; cf. Xénophon, Anab., iii, 3, 10; les Mèdes. Is., xiii, 18. Dans l’armée d’invasion, qui sedistingue par «ses flèches aiguës et ses arcs tendus»,
220. — Roi éthiopien tenant l’arc de la main gauche.D’après Lepsius, DenhmcUer, Abth. v, pi. 49.
Is., v, 28, nous reconnaissons aujourd’hui les Assyriens, bien qu’ils ne soient pas nommés.
Si nous voulons savoir quelle était la forme de l’arcchez les Hébreux et de quelle manière on s’en servait, nous n’avons qu'à jeter un coup d’oeil sur les monumentsde l’Egypte et de l’Assyrie, où nous trouvons l’arc figurédans des scènes de chasse (fig. 222 et 223), mais surtout
dans des représentations militaires. Nous voyons tour àtour comment on tient l’arc au repos (fig. 224), en marche, pendant l’action. Chez les Égyptiens, des troupes d’infanterie légère (fig. 225) sont armées de l’arc, comme lesécuyers montés sur des chars (fig. 226). Les Assyriens tirentl’arc à pied (fig. 227), à cheval (fig. 228), sur des chars(fig. 229). Cf. Jer., iv, 29. Les archers fantassins sont parfois
- J
221. — Rot perse tendant l’are de la main gauche.Tombeau de Persépolis. D’après Coste et Flandin, Perse, pi. 164.
en ligne, plus souvent isolés (fig. 57, col. 303); ils tirentdebout ou agenouillés; dans les sièges, ils sont montéssur des tours qu’on avance vers les remparts; cf. Jer., l, 14, 29; ils vont ordinairement deux par deux, l’un protégeant l’autre avec un bouclier (fig. 230); en général ils
222. — Assyriens chassant avec l’arc.D’après Layard, Monuments of Xinevek, t. i, pi. 32.
sont légèrement vêtus, parfois ils portent une longue cottede maille qui les rend invulnérables (fig. 57, col. 303).
L’arc était en bois, dur, mais flexible, Hérodote, vii, 65, 69, 92, et tel il nous apparaît sur les monuments; ilest aussi question, au moins dans la poésie, «d’arc d’airain.» Job, xx, 21; Ps. xvii (xviii), 35; II Reg., xxii, 35; cf.Pindare, Nem., iii, 2, 61. Les arcs des monuments égyptiens ou assyriens diffèrent entre eux par la longueur etpar le degré de courbure; mais ils ne présentent pas aucentre la sinuosité de l’arc scythe (fig. 231), que l’on trouve
chez les Grecs, et en Italie chez les Étrusques. Cette sinuo223. — Égyptien chassant avec l’arc. Tombeau de Béni -Hassan.D’après Lepsius, Denkmïiler, Abth., ii, pi. 132.
site, que les anciens ont comparée à celle du S, venait de
S24. — Soldats assyriens portant l’arc et faisant l’ascension d’unemontagne. D’après Layard, Monuments of Nineveh, 1. 1, pi. 69.
ce qu'à l’origine ces arcs étaient faits des deux cornes
d’une antilope ou chèvre sauvage assemblées par leurbase. Tel était l’arc de Pandare que décrit Homère, Iliade, iv, 105 et suiv. Les Égyptiens et les Assyriens, qui pourleurs grandes expéditions militaires perfectionnèrent lematériel de guerre, avaient compris l’avantage d’avoirdes arcs dont le port ne fut pas fatigant, ni le maniement trop difficile; aussi, sur leurs monuments, l’arc
225. — Fantassins égyptiens armés de l’arc. Thèbes.D’après Wilkinson.
paraît-il toujours avec des proportions qui en rendentl’exercice facile à la main. D’autres peuples avaient conservé une lorme d’arc plus primitive peut-être, moinscommode, exigeant un grand effort pour le tendre; telétait l’arc des Éthiopiens envoyé à Cambyse (Hérodote, vu, 69); l’arc d’Ulysse, que ni Télémaque ni les préten216. — Cavalerie égyptienne armée de l’arc. Temple de Ramsès II, à Thèbes. D’après Lepsius, Denkmdier, Abth. iii, pi. 160.
dants ne purent bander. Odyssée, xxi, 177; xi, 375, 385.Dans les récits bibliques qui nous fournissent quelquesdétails, IVReg., xiii, 16-20, nous voyons que l’arc, chezles Hébreux, se tend aisément avec la main; mais à l’origine, il devait avoir eu aussi chez eux des proportions telles, qu’on ne pouvait le bander qu’en posant le pied sur unedes extrémités (fig. 232); de là, pour désigner l’action de
tendre l’arc, à côté des expressions: tirer, rnâSak, III Reg., xxii, 34; II Par., xviii, 33; Is., lxvi, 19; ou nâsaq, I Par., xii, 2; II Par., xvii, 17; déprimer, nihaf, Ps. xvil(xvin), 35; II Reg., xxii, 35; on se sert bien plus souventde la locution «fouler l’arc (avec le pied)». Ps. vii, 13, etc.Les auteurs profanes parlent de cet usage, Diodore de
227. — Archers assyriens combattant à pied.D’après Layard, Monuments of Mneveh, t. i, pi. 26,
Sicile, iii, 8; Curtius, viii, 14, 19; Xénophon, Anab., iv, 2, 28. Sur des monuments figurés égyptiens et aussi del'époque gréco-romaine (fig. 233), on voit de mêmeque quand la force du bras ne suffisait pas à plier l’arc, onl’appuyait sur le genou ou bien on le prenait entre lesjambes (fig. 234).
228. — Archers assyriens combattant à cheval.D’après Layard, Monuments of Nitwveh, t. r, pi. 26.
Les auteurs anciens nous disent que les cordes de l’arcétaient faites avec des nerfs de bœuf ou de chameau, Pline, H. N., Il, 109, avec des lanières de cuir ou descrins de cheval. Ovide, Pont., i, 2, 21. En hébreu, lacorde est appelée, d’une racine yâtar, «tendre,» tantôtyétér, Ps. xi, 2: «ils ont posé leurs flèches sur la corde» (la Vulgate traduit par pharetra «carquois», qui ne peut
du reste aller avec le contexte); tantôt méfâr, Ps. xxi, 13: «sur les cordes tu as posé contre leur face» (Vulgate: in reliquiis tuis præparabis vultum eorum).
Sur les monuments, nous voyons parfois l’arc enveloppé dans une gaine, comme celui du cavalier assyriende la figure 235; la partie centrale de l’arc, que tiennentles soldats égyptiens en marche (fig. 225), est revêtue d’uneenveloppe. Il devait en être de même chez les Hébreux,
229. — Archers assyriens combattant snr un char.D’après Layard, t. i, pi. 15.
ce qui explique l’expression d’Habacuc, iii, 9: «Ton arcest mis à nu» (Vulgate: suscitans suscitabis arcum tuutn, «tu lèveras ton arc;» le traducteur, ne connaissant passans doute ces anciens usages, a dû lire tâ'ir au lieu defê'ôr). Chez les Grecs aussi, l’arc était autrefois renfermédans un étui spécial appelé ToÇoO^xr, , ytopurd; , corytus.Servius, ad JEneïd., x, 109. On en a trouvé de magnifiques
est pris parfois pour les archers, Is., xxi, 17; xxii, 3: «Ils
Archers assyriens protégés par des soldats armésd’un bouclier. D’après Layard, t. I. pi. 19.
modèles dans les tombeaux des rois barbares du Pont.L'étui consistait parfois en une double gaine renfermantl’arc à côté des flèches, comme on le voit sur plusieursbas-reliefs (fig. 236).
L’usage de l’arc a donné lieu à certaines locutions quiméritent d'être signalées. «Le jet d’un arc» a servi àdésigner une distance déterminée. Gen., xxi, -16. L’arc
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231. — Arc scytbe. D’après Gerhard, Vases peints, 1. 1, pi. 63.
sont faits prisonniers par l’arc, c’est-à-dire par les archers» (Vulgate: dureque ligati $unt, «ils ont été liés durement»;
232. — Archers. Celui qui est à l’extrémité, à gauche, bande sonarc avec le pied. Tombeau de Béni -Hassan. D’après Rosellinl, Monumenti civill, pi. 117.
elle a rattaché miqqéséf à la racine qdSâh, «être dur» ).Dans Job, xli, 20, le contexte montre que bén qéSét, «fils de
— Archers. Le premier, a droite, bande l’aro avec le genou.Vase peint du musée de Naples. Musée, t. vii, pi. m.
l’arc», désigne, non l’archer, comme traduit la Vulgate,
mais la flèche. — L’expression «l’are trompeur», Ose., vil, 16, peut désigner l’arc maJ tendu qui ne part pas quand on
l’entendre dans Ps. lxxvii, 57: «Ils se sont tournéscomme un arc trompeur.» Cf. ꝟ. 9. (Vulgate: convei’risunt in arcum pravum, d’après les Septante, qui ont luun 3, iii, au lieu de un r, sicut). De même la langue qui
234. — Archer bandant son arc entre les Jambes. Vase peintdu musée du Louvre.
Compte sur lui, ou même qui blesse l’archer en se retournant contre lui; mais elle peut s’appliquer aussi à des
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236. — Carquois renfermant l’arc.
lance le mensonge est comparée à un arc par Jérémie, ix, 3. — Nous avons vu plus haut comment l’arc était devenuun symbole de force et de puissance; ajoutons que lespoètes hébreux le placent aussi entre les mains de Dieucomme un instrument de sa colère. Ps. vil, 13; Lam., il, 4; iii, 12; Hab., iii, 9, 11; cf. Deut., xxxii, 23, 42;
235.
Chasseur assyrien poursuivant un buffle, et portant son arc enveloppé dans une gaine. Bas-relief de Nimroud.
D’après Layard, t. i, pi. 32.
archers qui simulent la fuite et se retournent pour tirerde l’arc quand on ne s’y attend pas; aussi l’arc étaitilconsidéré par les anciens comme une arme perfide. Iliade, vin, 260; ix, 319, etc. C’est probablement ainsi qu’il faut
Job, vi, 4; Ps. xxxvii, 3. Sur les monuments assyriens, le dieu lui (fig. 237) et le dieu Sin sont représentésarmés de l’arc. — Enfin <c l’arc», Il Reg., i, 18, est lenom de l'élégie de David sur la mort de Saùl et de Jonathas,
à cause du jH 22: «L’arc de Jonathas n’a jamais reculé.»
237. — Le dieu Ilu, armé lie l’are.D’après Layard, Monuments' o/ Nlneveh, t. i, pi. 13.
La Vu] gale a traduit, ꝟ. 22, qését par sagitta, «flèche».Voir Carquois, Flèche. J. Thomas.
ARC DE TRIOMPHE. La Vulgate traduit par fornixtriumphalis, «arc de triomphe,» I Reg., xv, 12, le mo» *te; '|ip
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238. — Stèle punique. Corpus iwscriptionum semiticarum,
n° 309, pi. 52. Bibliothèque nationale, n° 524.
miment que Saûl, après avoir défait les Âmalécites, s'érigea à Carmel, ville de Juda. Mais ce n'était certainement
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239. — Stèle votive de Cartilage.
pas un arc de triomphe. Le texte original l’appelle yad, «une main,» comme Tout traduit les Septante (-/tïpoi).
C'était probablement une stèle, d’une forme analogue àcelle de Mésa, roi de Moab, et aux nombreuses stèles
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240. — Autre stèle votive de Cartnage.
qu’on a trouvées enPhénicie et à Carthage, et sur lesquellesune main est souvent figurée (fig. 238-240). Cf. Il Sam.(II Reg.), xviii, 18. Voir Main 2.
ARC-EN-CIEL. Ce phénomène céleste est simplementappelé en hébreu «l’arc», qését, Gen., ix, 14, 16; Ezech., i, 28; Eccli., xliii, 12, comme l’arme du même nom, etsans doute aussi à cause de sa forme recourbée. QuandDieu fait de l’arc-en-ciel le signe de son alliance avecNoé, après le déluge, il l’appelle «mon arc». Gen., IX, 13(et aussi au ꝟ. 14, d’après les Septante et la Vulgate). Iln’y a dans cette expression aucune trace des conceptionsmythologiques d’après lesquelles l’arc-en-eiel serait l’armede certains dieux. Elle suppose seulement que Dieu estl’auteur et le maître de l’arc-en-ciel comme de tous lesautres phénomènes naturels, Eccli., xliii, 12, et qu’ille prend dans la circonstance comme un signe spécialde ses volontés. L’alliance, berîf, qui suit le déluge estla première que Dieu t’ait avec l’homme; et comme elleest universelle, comprenant même toute âme vivante surla terre, Dieu choisit, non un signe qui puisse distinguerseulement une race, comme la circoncision, signe del’alliance faite avec la postérité d’Abraham; mais un signepris dans la nature même, et pouvant frapper tous lesregards. «Il daigna taire ce traité, dit Bossuet, non seulement avec les hommes, mais encore avec tous les animaux tant de la terre que de l’air, pour montrer quesa providence s'étend à tout ce qui a vie. L’arc-en-cielparut alors; Dieu en choisit les couleurs si douces et siagréablement diversifiées sur un nuage rempli d’une bénigne rosée plutôt que d’une pluie incommode, pour êtreun témoignage éternel que les pluies qu’il enverrait dorénavant ne feraient jamais d’inondalion universelle. Depuisce temps, l’arc-en-ciel paraît dans les célestes visionscomme un des principaux ornements du trône de Dieu, et y porte une impression de ses miséricordes.» Discourssur l’histoire universelle, IIe part., chap. I. Dans le récitde la Genèse, ni le contexte ni les paroles de Dieu nefont entendre, comme l’ont cru quelques interprètes, quel’arc-en-ciel n’avait pas encore paru avant le déluge. Leverbe nâtatti, Gen., ix, 13, au parfait, ne doit pas êtretraduit ici par le futur, comme dans la Vulgate ponam; il s’applique plutôt à une chose déjà existante, à laquelleon donne une nouvelle destination. Cf. Exod., vii, 1; 1 Reg., xii, 13; Jer., i, 5.
Dans la légende babylonienne du déluge, bien quel’arc-en-ciel ne soit pas présenté comme signe de l’alliance faite entre les dieux et les hommes, cependant ilparaît être aussi mentionné à la col. 3, 1. 52, de la tablettecunéiforme, Cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. iv, pi. 50-51, au moment où les dieux viennent respirerl’agréable odeur du sacrifice offert par le héros sauvé: «La grande déesse, à son approche, éleva les zones 911
ARC-EN-CIEL — ARCHE D’ALLIANCE
912
grandes que Anou (le ciel) a failes comme leur gloire.» Trad. Lenormant, Les origines de l’histoire, t. i, p. 615.Cependant le sens de l’idéogramme rendu par zones n’estpas encore solidement établi. Ajoutons que M. Hauptcroit devoir lire ban, l’idéogramme de qastu, «arc,» dansson Excurs sur le récit cunéiforme du déluge insérédans Sehrader, Die Keilinschriften und das aile Testament, , 1883, p. 59.
Dans Eccli., xliii, 12-13, l’arc-en-ciel est célébré parmiles autres phénomènes célestes à cause de sa beauté: «Vois l’arc, et bénis celui qui l’a fait. Qu’il est beau danssa splendeur! Il entoure le ciel de son cercle de gloire; les mains du TrèsHaut l’ont ouvert.» Ailleurs, Ezech., I, 28; Eccli., L, 7; Apoc, IV, 3; x, 1, il est pris commeterme de comparaison ou comme ornement dans lesdescriptions de visions célestes. Dans l’Apocalypse, il estdésigné par son nom grec, tpi; , qui a été simplementtranscrit dans le latin. J. Thomas.
ARCHAÏSMES. Il y a dans les plus anciens livresde la Bible hébraïque un certain nombre de termes, delocutions et de formes archaïques, qui tombèrent plus tarden désuétude. Quelques-unes de ces expressions et deces formes vieillies furent reprises par quelques écrivainshébreux qui, comme Ézéchiel, par exemple, s’efforcèrentd’imiter le style des auteurs plus anciens. L'étude de cesformes archaïques peut servir à caractériser le géniepropre des auteurs bibliques et servir aussi à montrerl’antiquité de certains écrits. La langue hébraïque a euune grande stabilité et n’a subi, dans la suite des temps, comme langue parlée ou du moins comme langue écrite, que peu de changements, de même que l’assyrien, qui estresté sensiblement le même dans les plus anciennes inscriptions cunéiformes et dans les plus récentes, quoiqueles premières soient séparées des secondes par un intervalle d’environ deux mille ans. Cependant, malgré cettefixité, qui est un trait caractéristique des langues des peuples sémites, on remarque, dans le Pentateuque, un certain nombre d’archaïsmes importants. Ainsi le mot 'abîb, désignant «le mois des épis», Exod., ix, 31, etc., n’estusité que dans les livres de Moïse. Le pronom personnelde la troisième personne, sin, hû', t< lui,» y est employécent quatre-vingt-quinze fois à la forme masculine aulieu de la forme féminine, N>n, hV, «elle,» ce qui n’apoint lieu dans les autres livres de l’Ancien Testament.La forme masculine ~i ?2, na’ar, y est aussi employée vingtet une fois pour la forme féminine my: , na’arâh, «jeunefille,» laquelle est seule en usage dans les autres partiesde la Bible hébraïque. Quand deux mots sont à l'état construit, comme on l’appelle, c’est-à-dire lorsque un substantif ou un mot employé substantivement a pour complément un autre substantif, le Pentateuque marque quelquefois cette liaison par un yod ajouté au premier mot; ainsi Gen., xxxi, 39, «vol de jour et vol de nuit» ou «(brebis) volée le jour et volée la nuit» est exprimée pargenubti yôm ûgenubti lâyelâh. On ne retrouve plus quede rares vestiges de cette forme antique de constructiondans la langue postérieure. Voir F. Vigoureux, Manuelbiblique, 7e édit., t. i, n° 247, p. 381; Les Livres Saintset la critique rationaliste, 4e édit., t. iii, p. 159.
ARCHANGE fvpxâYY 5 ^; ), mot qui signifie «chefdes anges», et qui ne se lit que dans le Nouveau Testament, I Thess., iv (15), 16; Judæ, 9; il était inconnu auxauteurs classiques. Quoiqu’il ne soit pas employé dansl’Ancien Testament, les archanges y sont cependant désignés sous le nom de hasiârîm hârïsônim, «premiersprinces,» Dan., x, 13; sar haggâdôl, «grand prince,» Dan., xii, 1; ou seulement de sar, «prince.» Dan., x, 13, 20. L’archange Raphaël est simplement appelé «ange» dans le livre de Tobie, xii, 15, etc., comme l’archangeGabriel dans l'Évangile de saint Luc, i, 19, 26 (Gabrielest appelé 'ii, «homme,» dans Daniel, ix, 21). Il y a sept
] principaux archanges qui «se tiennent devant le Sei| gneur». Tob., xii, 15; cf. Luc, i, 19; Apoc, rai, 2.| Voir Ange, col. 577; Gabriel, Michel, Raphaël.
! 1. ARCHE D’ALLIANCE. Hébreu: 'àrôn; Septante: f, xiêoytG: . À ce mot s’ajoutent ordinairement différents déterminatifs: 'ârôn hâ'êdût, ^ zlômtq; to-j (iapiu' piou, «arche du témoignage;» berit Yehôvâh, tïj; StaSTjxY,;
K-jpsov, «de l’alliance du Seigneur;» habberit, «de l’alliance;» Yehôvâh, «de Jéhovah.» Ces noms étaient donnés à l’arche, d’abord parce qu’elle contenait les tablesde la loi, qui étaient le témoignage de la volonté divineet de la soumission promise par le peuple; ensuite parcequ’elle était elle-même la marque visible de l’alliancecontractée entre le Seigneur et Israël; enfin parce qu’elleservait de trône à l’invisible divinité.
I. Sa raison d'être. — Les Hébreux avaient été encontact pendant plusieurs siècles avec les Égyptiens idolâtres. Ils avaient vu sur les bords du Nil les représentations multiples des plus étranges divinités. Ils s'étaientfamiliarisés avec le spectacle de ces dieux et de ces déessesd’or, d’argent, de pierre ou d’argile, portant des têtesd’homme, de singe, de bélier, de chacal, d'épervier etd’autres animaux. Ils avaient été témoins de ces fastueusesprocessions dans lesquelles on promenait les images desdieux ou les emblèmes sacrés (fig. 241). Ces objets vénérésétaient cachés, ou quelquefois placés à découvert, dansun petit naos ou temple d’or, d’argent ou de bois précieux.Un de ces’petits naos de bois se trouve au musée des antiquités de Turin. Le naos était ordinairement placé sur unebari, ou barque sacrée, de même forme que celles quinaviguaient sur le Nil. La barque était ornée d’emblèmesreligieux, et parfois de personnages divins qui abritaientle naos de leurs longues ailes étendues (fig. 242). VoirVigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., t. ii, p. 524.
Au milieu d’une nation si profondément plongée danstoutes les pratiques de l’idolâtrie, Dieu avait conservé ausein de son peuple les traditions du monothéisme spiritualiste. Quand ce peuple se trouva assez nombreux, etsuffisamment formé pour être constitué en nation distincte, Dieu le tira d’Egypte et l’emmena au désert. Les merveillesqui avaient accompagné la sortie d’Egypte soutinrentd’abord son courage. Mais dans l’isolement du désert, pendant que Moïse était sur le Sinaï, les Hébreux sesentirent comme abandonnés, et ils réclamèrent un dieusensible, qui frappât leurs yeux, à qui ils pussent fairehonneur de leur délivrance, et dont la protection assurâtleur avenir. Exod., xxxii, 1, 4. Aaion leur fabriqua unveau d’or, à l’imitation de l’Apis égyptien. Il y avait quelquechose de légitime dans la réclamation des Hébreux; ilsavaient hesoin d’une représentation sensible qui leur rappelât sans cesse la présence de la divinité attentive à leursbesoins. Dieu le savait, et même avant leur acte de coupable idolâtrie, Exod., xxv, 10-22, il s'était proposé deleur donner un signe sensible de sa présence, mais sousune forme qui ne pût éveiller aucune idée idolâtrique nimême anthropomorphique. Il commanda de faire l’arche.L’arche est une imitation du naos égyptien, l’objet donton pouvait le plus facilement exclure tout souvenir idolâtrique. C’est un 'ârôn, un coffre destiné à garder lesobjets; ce n’est pas une (êbâh, comme l’arche de Noé oula nacelle dans laquelle Moïse enfant fut déposé, Gen., vi, 14; Exod., ii, 5; ce n’est pas non plus une barquesacrée: elle ne rappelle en rien la bari égyptienne, qui' était le véhicule des dieux et des morts sur le Nil céleste.
: La «barque de Iahvé», dont aiment tant à parler les ratio! nalistes, n’existe donc que dans leur imagination. Ensuite
l’arche, comme nous allons le voir, ne renfermait et ne
! portait aucune image de la divinité; elle était seulement; le signe de la présence divine et le lieu où se manifestait
I cette présence. C'était donc comme une sorte de sacre! ment, révélant par sa réalité visible la présence de celui qu’on ne peut voir, sans qu’il y eût péril de confondre jamais le symbole matériel avec la divinité spirituelle. Bossuet explique en ces termes le rôle de l’arche: «Depuis que Dieu s’est fait un peuple particulier, à qui il a donné une loi et prescrit un culte, sa présence s’est tournéeen chose ordinaire, dont il a établi la marque sensible et perpétuelle dans l’arche d’alliance. La présence de Dieu se rendait sensible par les oracles qui sortaient intelligiblement du milieu de l’arche, entre les deux chérubins. L’arche, en cet état, était appelée l’escabeau des piedsdu Seigneur, I Par., xxviii, 2; on lui rendait l’adorationqui était duo à Dieu, conformément à cette parole: Adorez l’escabeau de ses pieds, Ps. xcviii, 5, parce que Dieu y habitait et y prenait sa séance.» Élév. sur les myst., IXe sem., 8. Jusqu’à sa disparition, l’arche garda cette haute signification.
II. Description de l’arche. — C’était un coffre fabriqué selon les prescriptions du Seigneur lui-même. Exod., xxv, 10-2-2. Il était en bois de setim, c’est-à-dire d’acacia. Voir Acacia, col. 103. Les dimensions sont indiquées en coudées: deux et demie pour la longueur, soit de 1 m 30 à 1 m 40; une et demie pour la largeur et autant pour la hauteur, soit de 0m 78 à 1m 84. Des plaques d’or très pur la revêtaient à l’intérieur et à l’extérieur, et une bordure saillanteou guirlande de même métal régnait tout autour. Aux quatre angles, et vraisemblablement vers le haut, étaient fixés des anneaux d’or sur les deux faces latérales; dans ces anneaux entraient des perches d’acacia revêtues d’or, au moyen desquelles on portait l’arche. Ces perches restaient là à demeure, même dans le Saint des saints du templede Salomon. III Reg., viii, 7, 8.
Pour couvrir l’arche, le Seigneur ordonna de fabriquer un kappôréṭ, mot qui signifie étymologiquement «couvercle» et «ce qui couvre le péché, ce qui rend propice». Le premier sens est ici très secondaire, et les versions ont avec raison adopté le second: Septante: ἱλαστήριον; Vulgate: propitiatorium. L’or très pur dont cet objet devait être fabriqué indiquait d’ailleurs qu’il ne pouvait être un simple couvercle. Sur le propitiatoire étaient deux Chérubins d’or martelé, un de chaque côté, étendant leurs ailes horizontalement, de manière à couvrir le propitiatoire. Le mot «Chérubin» a différents sens dans la Bible. Bien que d’origine sémitique, il désigne ici des figures qui ont sans doute plus d’analogie avec les divinités ou personnages ailés d’Égypte qu’avec les kirubi à ailes d’aigle d’Assyrie.
241. — Barque sacrée portée en procession. D’après Lepsius, Denkmäler, Abth. iii, pl. 189.
Les Chérubins de l’arche étaient des personnages probablement debout, comme furent plus tard ceux du Saint des saints. II Par., iii, 13. Fr. Lenormant, Origines de l’histoire, t. i, p. 158, pense qu’ils avaient des têtes d’aigles ou de vautours, parce que ces oiseaux sont appelés kurub en assyrien. Mais cette idée est inacceptable. De grands oiseaux d’or eussent rappelé trop vivement les divinités égyptiennes à tête d’ibis ou d’épervier, tandis que la figure humaine pouvait exprimer le respect et l’adoration, et, avec les grandes ailes, représenter sans danger d’idolâtrie les anges, serviteurs de Jéhovah. Ces figures de Chérubins furent la seule exception apportéeà la loi qui défendait de faire des images taillées. Mais cette exception ne pouvait créer de difficulté, parce qu’elle était ordonnée de Dieu même, et que l’arche était toujours voilée aux yeux du peuple. Voir Chérubins.
Nous donnons ici deux essais de reconstitution de l’arche d’alliance, d’après les données bibliques et les monuments égyptiens. Il est évident en effet qu’on ne peut emprunter qu’à ces derniers les éléments figurés de cette reconstitution. Les ouvriers hébreux du désert
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ARCHE D’ALLIANCE
n’avaient d’autres notions artistiques que celles du peuple au milieu duquel ils avaient vécu si longtemps, et ils ne connaissaient d’autres procédés d’exécution que ceux dont eux-mêmes avaient pratiqué l’usage dans les ateliers égyptiens.L’arche pouvait être à côtés perpendiculaires (fig.243), comme le coffre de la figure 241, ou à côtés légèrementobliques (fig. 244), comme dans le meuble qui soutient labari de la figure 242. Elle était presque certainement surmontée de la gorge si nettement accusée qui sert de corniche à la plupart des œuvres égyptiennes, meubles ou édifices. Le texte sacré parle d’une sorte de guirlande ou de bordure décorative en or entourant l’arche. Cette décoration devait être soit la corniche elle-même, ornée de motifs en relief, comme dans la figure 244, soit une frise placée au-dessous, comme dans la figure 243.
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243. — Essai de reconstitution de l’arche.
Les monuments égyptiens sont riches en décorations de ce genre. Les Hébreux ont dû naturellement en choisir qui fussent dépourvues de caractère idolâtrique, et empruntées soit au règne végétal, soit à ces combinaisons de lignes géométriques, dont les artistes égyptiens tiraient des effets si gracieux et si variés. Les bâtons et les anneaux qui les soutiennent ont leur place indiquée au-dessous de la corniche ou de la frise, comme dans la figure 245, oùsont représentés deux prêtres portant une arche sacrée.11- n’y a pas à hésiter quant à la forme qu’il convientde supposer aux Chérubins de l’arche d’alliance. Lesorfèvres hébreux avaient eu sous les yeux en Égypte desreprésentations analogues; il est probable que, tout eny attachant une signification différente, ils en ont reproduit le type et l’attitude, à en juger par ce que dit l’Exode, xxv, 18-20; xxxvii, 7-9. Dans l’une de nos reconstitutions (fig. 243), les Chérubins sont debout; dans l’autre (fig. 244), ils sont agenouillés. Ces deux attitudes différentes se trouvent aux deux étages du naos de la figure 241. La description fournie par le texte sacré est trop vague pour qu’on puisse décider laquelle de ces deux hypothèses répond le mieux à l’antique réalité. On peut cependant alléguer, pour préférer l’attitude droite, que c’est ainsi que Salomon fit représenter les Chérubins du Saint des saints, II Par., iii, 13. Il est certain en tout cas que, dans une reconstitution de ce genre, la logique réclame qu’on fasse dériver l’œuvre hébraïque de l’art égyptien.Tour qu’il en fût autrement, il faudrait recourir à uneintervention directe de Dieu, et ici il n’y a pas de raison suffisante pour la supposer.
III. Destination de l’arche. — L’arche était faite toutd’abord pour contenir le «témoignage», c’est-à-dire lestables de la loi. Exod., XL, 18; Deut., x, 5. Moïse reçut ensuite l’ordre de mettre dans le tabernacle, près de l’arche, une urne d’or renfermant de la manne, Exod., xvi, 34, et la verge d’Aaron qui avait fleuri. Num., xvii, 10.
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244. — Autre essai de reconstitution de l’arche.
On comprend que, surtout pendant les longuespérégrinations du désert, il fut bien plus commode etbien plus sur de garder ces deux objets dans l’arche même.Saint Paul, Heb., vii, 4, dont la parole est ici confirméepar la tradition juive, dit qu’en effet ils y furent placés.Dom Calmet croit qu’on y renferma de même le livre où
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245. — Prêtres égyptiens portant un coffre sacré.D’après la Description de l’Égypte.
Moïse avait écrit la loi. Deut., xxxi, 26. Moïse prescrivitque ce livre fût mis «sur le côté de l’arche»; mais aucuntexte ne permet de savoir s’il fut introduit à l’intérieur, comme la mesure de manne et la verge d’Aaron. Quandle temple fut bâti, on ne laissa plus dans l’arche que lestables de la loi. III Reg., viii, 9.
L’arche était surtout destinée à supporter l’oracle, c’est-à-direl’espace délimité par la table du propitiatoire et lesailes des Chérubins. Le Seigneur avait dit à Moïse: «Delà j’ordonnerai, et je te dirai sur le propitiatoire, dumilieu des deux Chérubins qui sont sur l’arche du témoignage, tout ce que je commanderai par toi aux enfants’d’Israël.» Exod., xxv, 22; xxx, 36. Pour parler à Moïse, le Seigneur manifestait sa présence par l’apparition d’une nuée. Lev., xvi, 2; Num., xvii, 4. En même temps que Moïse voyait la nuée, «il entendait la voix de celui qui lui parlait du propitiatoire, qui est au-dessus de l’arche du témoignage, entre les deux Chérubins.* Num., vii, 89. Le Seigneur parla de même à Josué, Jos., vii, 6-10, et ensuite aux grands prêtres, du moins dans certaines circonstancesplus graves. Dans tout l’Ancien Testament, il est parlé du Seigneur comme de celui qui est assis entre les Chérubins. I Reg., iv, 4; Il Reg., vi, 2; IV Reg., Xix, 15; Ps. lxxix, 2; xcviii, 1; Is., xxxvii, 16; Dan., iii, 55. «Dieu est au-dessus de tout et incompréhensible à toute créature, dit saint Thomas; c’est pourquoi, au lieu de représenter par un simulacre sa nature invisible, on se contentait de figurer son trône. La créature intelligibleest, en effet, au-dessous de Dieu, comme le trône au-dessous de celui qui est assis.» 1° 2 æ, en, IV ad 6. C’est cette présence divine, sous l’apparence de nuée au-dessus de l’arche, que les Juifs ont appelée plus tard sekînàh, cx^vioaic, c’est-à-dire «résidence», du verbe Mkan, employé continuellement dans l’Écriture pour marquer que Dieu réside en quelque endroit.
IV. Histoire de l’arche. — L’arche fut construite par Béséléel, conformément aux prescriptions du Seigneur. Exod., xxxvii, 1-9. Le premier mois de la seconde année après la sortie d’Egypte, la fabrication du tabernacle et de tous les objets nécessaires au culte fut achevée, et l’on en fit l’inauguration. Moïse mit les tables de la loi dans l’arche, passa les bâtons dans les anneaux, disposa le propitiatoire à sa place, introduisit l’arche dans le tabernacle, et suspendit en avant un voile qui devait la dérober aux regards. Exod., xxx, 6; XL, 1-3, 18, 19. Ce jour-là se montra pour la première fois au-dessus du tabernacle la nuée glorieuse qui révélait la présence du Seigneur, et qui, par sa disparition ou sa permanence, devait régler les départs et les séjours de l’immense émigration. Parmi les lévites, ceux de la famille de Caath furent chargés de garder l’arche, Num., iii, 31, et aucun membre des autres tribus, ni même des autres familles lévitiques, n’avait le droit de la porter, ni seulement de la toucher. Jos., iii, 4; II Reg., vi, 6; I Par., xv, 2. Quand on levait le camp, les lévites détachaient le voile qui fermait l’entrée du Saint des saints et en enveloppaient l’arche. Ils mettaient par-dessus une couverture de peau teinte en bleu, et une troisième enveloppe couleur d’hyacinthe. Num., iv, 5, 6. Toutes choses étaient remises en état, quand on s’arrêtait pour un séjour prolongé. Dans les marches, l’arche étaittoujours portée en avant. Quand on l’élevait pour le départ, ou qu’on la déposait à l’arrivée, on entonnait un chant solennel. Num., x, 33-36. Le cantique du départ a été par la suite magnifiquement développé dans le Psaume lxvii.
L’arche était la garantie de l’assistance divine dans levoyage et dans les combats. On le comprit surtout quand, après le retour des explorateurs de Chanaan, le peuplerévolté, puis châtié, voulut marcher contre les Amaléciteset les Chananéeus. Comme le Seigneur n’approuvait pascette entreprise, l’arche ne sortit pas du camp, et enson absence les Hébreux furent défaits. Num., xiv, 44.Pendant le séjour au désert, l’arche guida ainsi le peupleet présida à tous ses actes.
Sous Josué, c’est à son contact que les eaux du Jourdainse séparèrent, et permirent à tout le peuple de traverserle fleuve. Jos., iii, 1-iv, 18. Elle fut ensuite portée pendantsept jours autour de Jéricho, jusqu’à l’écroulement desmurs de la ville. Jos., vi, 6-16. Enfin elle présida, entre! le mont Hébal et le mont Garizim, à la scène grandiose |des bénédictions et des malédictions. Jos., viii, 33. Dès |l’établissement dans la Palestine, il avait fallu se préoccuperde trouver au tabernacle et à l’arche qu’il contenaitun lieu de résidence ordinaire. Le lieu choisi fut
Silo, dans la tribu d’Éphraïm, au centre du pays conquis.Jos., xviii, 1. Là fut établie la «maison du Seigneur», Jud., xviii, 31; xx, 18; I Reg., i, 21, auprès de laquelledemeurait le grand prêtre. I Reg., iii, 3. Mais commealors le tabernacle était fixé dans des conditions qui nepermettaient plus de le déplacer facilement comme audésert, l’arche était emportée seule en cas de guerre.C’est ainsi qu’on la trouve à Béthel pendant la luttecontre les Benjamites, Jud., xx, 18, 26, 27 (et non à Silo, comme saint Jérôme l’explique à tort au y. 18). Sous legrand prêtre Héli, elle fut emmenée à la guerre contreles Philistins et prise par eux. Cette catastrophe inouïeplongea tout Israël dans la plus amère désolation, I Reg., iv, 3-22; mais Dieu lui-même allait prendre soin’de sagloire. Aux yeux des Philistins, la capture de l’archeétait la victoire remportée par leur dieu sur le Dieu desIsraélites; aussi placèrent-ils le glorieux trophée dans letemple de Dagon, à Azot. Mais deux jours de suite ilstrouvèrent leur idole d’abord renversée, puis mutiléedevant l’arche. En même temps, une maladie honteusefrappa les habitants d’Azot, et de terribles fléaux fondirentsur leur région. Les Philistins promenèrent alors l’archede ville en ville; mais partout où elle arrivait, la colèredivine se déchaînait, si bien que les gens d’Accaron refusèrentde lui ouvrir leurs portes. I Reg., v. Enfin, aubout de sept mois, sur le conseil de leurs prêtres et deleurs devins, les Philistins la placèrent sur un chariotneuf traîné par deux vaches, y joignirent des présentsexpiatoires, et laissèrent les animaux aller où ils voulurent.Ceuxci se dirigèrent vers le pays des Israélites.Dès que les habitants de Bethsamès, dans la tribu deJuda, virent arriver l’arche, ils furent au comble de lajoie. Les lévites la déposèrent sur une grande pierre, et l’on immola devant elle les deux animaux qui l’avaientconduite. Mais les Bethsamites jetèrent volontairementsur elle des regards indiscrets, soit qu’elle n’eut plus sesvoiles, soit qu’ils eussent eu la témérité de les soulever. Uncertain nombre de Bethsamites payèrent de leur vie cetteirrévérence. Les survivants envoyèrent alors dire auxgens de Cariathiarim de venir chercher l’arche. I Reg., vi.Ceux-ci arrivèrent, et, instruits par l’expérience de leursvoisins, se comportèrent avec plus de respect. On ne voulutpas, sans une révélation spéciale, reconduire l’archejusqu’à Silo, et on l’arrêta à Gabaa, colline voisine deCariathiarim, I Par., xiii, 6; on la plaça dans la maisondu lévite Abinadab, et on consacra son fils Eléazar pourla garder. Elle resta là pendant vingt ans, I Reg., vii, 1, 2, et Saùl vint l’y prendre pour l’emmener avec lui dans laguerre contre les Philistins. I Reg., xiv, 18.
Après avoir battu à son tour ces irréconciliables ennemis, David voulut retirer l’arche de sa demeure provisoire, afin de la placer à Sion, le siège de sa puissance.Pendant près de trois siècles, elle avait été à Silo, sousla garde de la tribu d’Éphraïm, alors prépondérante.Avec David, la suprématie politique passait à la tribu deJuda, à qui la prophétie de Jacob promettait de si glorieusesdestinées. Il importait que le centre religieux nefut pas distinct du centre politique. Les veaux d’or érigésà Béthel et à Dan ne montrent que trop ce qu’on eut fait àSilo, si l’arche y eût résidé encore au temps de Jéroboam.David se rendit à Gabaa avec les hommes de Juda, et fitplacer l’arche sur un chariot neuf, que dirigeaient Ozaet Ahio, fils d’Abinadab; le roi et ses hommes jouaientdes instruments dans le cortège. À un moment, un fauxpas des bœufs fit vaciller l’arche, et Oza étendit la mainpour la soutenir. Il fut aussitôt frappé de mort, sans douteparce que, bien que lévite, il s’était arrogé un droit quin’appartenait qu’aux descendants de Caath. Xum., iii, 31.Cet accident effraya David, qui laissa l’arche dans la maisond’Obédédom le Géthéen, probablement dans le voisinagede Jérusalem. Elle y devint une source de bénédictionspour toute la maison où elle résidait. Au bout de troismois, le roi vint la reprendre, et en fit la translation solennelle dans le nouveau tabernacle qu’il avait élevé à Sion. II Reg., vi, 1-17; I Par., xiii, 3-14; xv-xvi, 1. À l’occasion de cette fête furent composés les Psaumes xxiii et civ; le Psaume cxxxi, de date plus récente, rappelle les principaux détails de cette translation.
Toutefois l’arche n’avait encore à Sion qu’un abri précaire; David et ses officiers y songeaient avec peine, II Reg., vii, 2; xi, 11, et le saint roi préparait tout pour que son fils put élever un temple digne d’elle. Dans son respect pour l’arche, il ne voulut pas qu’on l’éloignât de Jérusalem, quand lui-même eut à fuir devant Absalomrévolté, et il ordonna au grand prêtre Sadoc et aux lévites qui la lui apportaient de retourner avec elle à Sion.II Reg., xv, 24-29. Salomon alla offrir des holocaustes devant l’arche, à la suite du songe où il avait demandé à Dieu la sagesse, III Reg., iii, 15, et il eut l’honneur de l’installer dans son sanctuaire définitif, après la dédicace solennelle du temple. III Reg., viii, 1-21; II Par., v, 7-9.La sortie de l’arche n’est plus mentionnée sous les successeurs de Salomon. Il est à croire pourtant que des rois impies, comme Manassé et Amon, la retirèrent du Saint des saints pour la reléguer ailleurs; car Josias dut ordonner aux lévites de la remettre à sa place, en leur défendant de la transporter désormais. II Par., xxxv, 3.
Aux approches de la captivité, Jérémie annonça que le rôle de l’arche était fini; désormais, surtout au temps du Messie, «on ne dira plus: l’arche de l’alliance du Seigneur. On n’y pensera plus, on ne s’en souviendra plus, on ne la visitera plus, et elle ne sera pas rétablie.» Jer., iii, 16. Le prophète eut lui-même mission de la faire disparaître avant les mauvais jours. Dans une lettre des Juifs de Jérusalem à ceux d’Égypte, le fait suivant est rapporté comme extrait d’un écrit de Jérémie: «Le prophète, sur un ordre reçu de Dieu, commanda qu’on apportât avec lui le tabernacle et l’arche, jusqu'à ce qu’il fût arrivé à la montagne sur laquelle Moïse était monté, et d’où il avait vu l’héritage de Dieu. Quand Jérémie y fut parvenu, il y trouva l’emplacement d’une caverne, y plaça la tente, l’arche et l’autel des parfums, et en boucha l’entrée. Or quelques-uns de ceux qui étaient avec lui s’approchèrent pour remarquer l’endroit, et ils ne purent le trouver, Jérémie s’en aperçut et les blâma en disant: Cet endroit restera ignoré jusqu'à ce que Dieu rassemble la famille de son peuple et lui fasse miséricorde. C’est alors que le Seigneur manifestera ces choses, que la majesté du Seigneur apparaîtra, et qu’il y aura une nuée comme celle qui se montrait à Moïse, et comme celle que vit Salomon quand il demanda que ce lieu fut consacré au Dieu souverain.» Cette lettre, consignée au second livre des Machabées, ii, 4-8, ne participe pas, d’après certains exégètes, à l’inspiration du livre, parce qu’elle y est simplement rapportée; mais elle représente assurément une tradition sérieuse, antérieure de plus d’un siècle à l'ère chrétienne, et bien plus digne de foi que le récitdu IVe livre apocryphe d’Esdras, x, 22, qui fait prendrel’arche par les Chaldéens, ou que celui des Talmudistes, d’après lesquels Josias aurait caché l’arche dans un réduit très secret, ménagé par Salomon, en prévision de la prise et de l’incendie du temple. Les rabbins pensent que l’arche sera retrouvée à la venue du Messie.
Ce qui est certain, c’est que l’arche n'était pas dans le second temple. Il n’en est jamais fait mention, dans les occasions mêmes où son souvenir s’imposait, par exemple dans les récits de la consécration du temple ou de la restauration du culte. Il est vrai qu’au second livre des Paralipomènes, v, 9, le chroniqueur, qui est probablement Esdras, dit de l’arche: «Elle fut là jusqu’au jour présent.» Mais tout le monde reconnaît que l’auteur a puisé à des sources diverses, et a inséré dans son œuvre des documents antérieurs. La remarque qui précède doitappartenir à un de ces documents, écrit avant la captivité et cité mot à mot, tel que le rédacteur des Paralipomènes l’a trouvé dans ses sources.
V. Allégations rationalistes. — Nous les empruntons à deux auteurs qui font habituellement écho aux rationalistes allemands.
1° «Dès leur séjour dans le pays de Gosen (Gessen), les Israélites se firent sans doute une arche» semblable à celle des Égyptiens; «ils l’emportèrent probablement avec eux quand ils quittèrent le pays.» Renan, Histoire du peuple d’Israël, t. i, p. 145. Le même auteur cite plus loin, p. 179, avec complaisance l’opinion de ceux qui prétendent qu’Aaron n’est autre chose que le nom de l’arche ʾârôn devenu nom d’homme, et que les beni-ahron sont tout simplement les porteurs de l’arche. — Cette dernière opinion n’a d’autre base que la similitude des mots ʾârôn et ʾAhârôn, et le besoin de dire le contraire de ce queraconte la Bible. Quant à l’arche même, les Israélites n’enfurent en possession qu’un an après la sortie d’Egypte.Le critique n’a ici à opposer au récit positif de l’Exodequ’un «sans doute» et qu’un «probablement».
2° «Nous n’avons aucun motif pour admettre qu’il n’y eut jamais qu’un coffret de cette espèce sur le territoire israélite; la vraisemblance, tout au contraire, est que plusieurs sanctuaires possédaient des objets qualifiés arches de Dieu.» M. Vernes, Du prétendu polythéisme des Hébreux, t. i, p. 108. — La même arche a été transportée successivement dans plusieurs endroits, jamais il n’est question de l’existence simultanée de différentes arches. M. Renan le constate expressément: «L’arche israélite était une chose unique par essence; il ne vint jamais à la pensée de personne qu’on put créer une seconde arche.» Histoire du peuple d’Israël, t. i, p. 294.
3° «Dans l’arche divine du temple de Jérusalem, comme dans les autres, nous devons supposer la présence d’un objet sacré, probablement d’une pierre précieuse… Il est malheureux que nous ne possédions aucune donnée authentique sur le coffret sacré de Jérusalem: nous ignorons la nature de son contenu.» M. Vernes, Du prétendu polythéisme des Hébreux, t. 1, p. 109, 110. — Cette ignorance et cette supposition ne sont possibles que si, comme les rationalistes, on commence par ne tenir aucun compte des livres historiques. On a vu plus haut ce que l’Exode et le troisième livre des Rois disent du contenu de l’arche.
4° L’arche n’aurait été qu’un objet d’idolâtrie, analogue aux bari d’Égypte. La Bible dit bien qu’elle n'était que le siège du Dieu spirituel et invisible; «l’idée à elle seule est d’une incomparable beauté, d’une réalité spirituelle avec laquelle rien ne saurait rivaliser.» Mais «assurément l’arche de Dieu n’a jamais existé dans ces conditions, soit avant l’entrée en Palestine, soit dans la période qui court de 1100 à 600 environ avant notre ère». — «Avant de rendre un culte à Yahvéh sous la forme d’un taureau, comme à Dan et à Béthel, d’un serpent, commeà Jérusalem, etc., les Israélites, cela est conforme àtoutes les analogies, ont dû l’adorer sans images, c’est à-dire dans les objets informes, dans les pierres, par exemple.» M. Vernes, Du prétendu polythéisme des Hébreux, t. i, p. 149, et Revue de l’histoire des religions, janvier 1882, mai 1883. — Cette accusation d’idolâtrieest une des thèses favorites du rationalisme, quand ils’occupe du peuple hébreu. Jusqu'à la captivité, il estvrai, les Israélites ont manifesté des tendances à l’idolâtrie, et ils ont fréquemment succombé à la tentation.Mais les livres historiques démontrent clairement quejamais, de Moïse jusqu'à l’exil, l’idolâtrie ne fut la religion officielle, universelle et incontestée des Israélites; que jamais surtout le culte de Jéhovah ne fut un culteidolâtrique. Les analogies n’ont pas de prise contrel’histoire positive, et l’on ne peut conclure logiquementde l’idolâtrie des Égyptiens à celle des Hébreux du désert, ni de quelques écarts idolâtriques à l’idolâtrie légale desIsraélites. Tout, au contraire, dans l’histoire bibliquemontre l’action de Dieu pour faire de son peuple le dépositaire des grandes traditions spiritualistes et mono923
ARCHE D’ALLIANCE — ARCHE DE NOÉ
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théistes, traditions dont l’origine naturelle n’est pas plusexplicable après la captivité, quand le monde entier étaitpolythéiste, qu’elle ne l’est au temps de Moïse. Dieu estintervenu à son heure: l’histoire en fait foi, et les raisonnements ne peuvent entamer son témoignage.
VI. Symbolisme de l’arche. — Conformément au principe posé par saint Paul: «Toutes ces choses leur arrivaient en figure,» I Cor., x, 11, la tradition catholiquea trouvé dans l’arche d’alliance le symbole des réalitésmerveilleuses de la loi de grâce. L’arche représentedonc:
1° Le Fils de Dieu incarné. «L’arche représentait auvieux peuple le Fils de Dieu fait homme, qui est le princedu peuple nouveau.» Bossuet, Sermon pour l’Ascension, 1656, exorde. Voici comment s’explique le symbole: «LeChrist lui-même était signifié par l’arche; car de mêmeque l’arche était construite en bois de séthim, ainsi lecorps du Christ se composait de membres très purs. Elleétait revêtue d’or, parce que le Christ fut rempli de sagesse et de charité, dont l’or est le symbole. Dans l’archeétait une urne d’or: c'était la sainte âme contenant lamanne, c’est-à-dire la sainteté et la divinité dans touteleur plénitude. Il s’y trouvait aussi la verge, figure de lapuissance sacerdotale du Christ fait prêtre pour l'éternité.Enfin les tables de la loi, qu’on y avait placées, marquaientque le Christ est l’auteur de la loi.» S. Thomas, 1° 2 «, q. 102, a. 4, ad &'". Le symbole s’applique aussi au mystère de l’Ascension, par lequel Jésus-Christ remonte auciel après sa victoire, comme l’arche remontait à Sion, Ps. xlvi, 6, et au mystère de l’Eucharistie: «Les espècessacramentelles sont figurées par le voile, le corps du Christpar l’arche, l'âme par l’urne, la divinité par la manne.» S. Bonaventure, Serm. u in Domin. iv Advent.
2° La très Sainte Vierge. «Le prophète David dansadevant l’arche. Quelle est cette arche, sinon la bienheureuse Marie? Car, si l’arche renfermait les tables de laloi, Marie portait l’héritier même de la loi.» Serm. xlii(attribué à) saint Ambroise, Patr. lat., t. xvii, col. 089.C’est pourquoi, dans les litanies, l'Église appelle la trèsSainte Vierge Fœderis arca, «arche d’alliance».
3° L'Église. Isaïe permet de faite cette application à
l'Église militante, Is., iv, 5, et saint Jean à l'Église triomphante, Apoc, xi, 19.
H. Lesêtre.
2. ARCHE DE NOÉ, en hébreu tébâh, mot qui ne serencontre plus que dans l’Exode, ii, 3, pour désigner lapetite nacelle de papyrus dans laquelle Moise fut exposésur le Nil; dans le grec des Septante et dans Hebr, ix, 7, xiêoùTÔ; , et dans Josèphe XàpvaÇ. Ces noms et les détailsde sa description montrent que l’arche n'était pas unvaisseau proprement dit, muni de mâts, dévoiles, d’avirons, etc., quoique l’auteur de la Sagesse, xiv, 6, l’appellenaturellement par analogie <r/e813c, «navire;» mais plutôtune sorte de coffre, une énorme caisse flottante, sans quilleet à fond plat. Sa forme, apparemment cubique, étaitpeu favorable à la navigation, mais la rendait elle-mêmetrès propre à porter une forte cargaison et à bien se tenirsur l’eau. Saint Augustin, De Civitate Dei, xv, 27, t. xli, col. 475, a vu dans cette disposition une marque de laProvidence divine, et de fait Dieu, en qualité d’architecte de l’arche, Gen., vi, 14-16, a dû lui donner laforme qui répondait le mieux à sa destination. Un richemarchand hollandais, Pierre Jansen, construisit en 1604, à Hoorn, un bâtiment de mêmes proportions que l’arche, quoique plus petit, et il constata que s’il n'était pas apteaux voyages de long cours et à une marche rapide, ilétait très commode pour le fret: on calcula qu’il pouvaitcontenir un tiers de plus de marchandises que les autresvaisseaux, sans exiger un plus grand nombre de bras pourle manœuvrer.
L’arche était en bois de gôfer, sorte d’arbre résineuxdont on ne peut préciser la nature, et qui serait le cèdre, ou plutôt le cyprès, que sa légèreté et sa dureté rendent
très propre aux constructions navales. Les Septante etsaint Jérôme y ont vu des bois équarris ou aplanis. Lesais furent enduits de kôfer, bitume ou résine, à l’intérieuret à l’extérieur, pour que l’eau ne put pénétrer. Le dedansétait distribué en un certain nombre de qinnim ou nids, c’est-à-dire de petits compartiments isolés, destinés àrecevoir les diverses espèces d’animaux. Ces nids superposés formaient trois étages, appelés inférieur, deuxièmeet troisième. Contrairement au texte sacré, Pliilon, VitaMosis, ii, et Josèphe, Antiq.jud., i, iii, comptent quatreétages.
Les dimensions de l’arche étaient de 300 coudées enlongueur, de 50 en largeur et de 30 en hauteur. On abeaucoup discuté sur la valeur de la coudée. Origène, Hom. n in Genesim, t. xii, col. 165; Contra Celsum, IV, t xi, col. 1096, et saint Augustin, De civitate Dei, xv, 27, t. xli, 474; Quœstiones in Heptateuchum, i, 4, t. xxxiv, col. 549, pour répondre aux objections de Celse, ontsupposé, sans raison suffisante, que ces coudées valaientsix coudées ordinaires; ils aboutissaient à des chiffres invraisemblables. Il est plus probable que la mesure adoptéeétait la coudée commune, la coudée d’homme, commeMoïse s’exprime ailleurs, Deut., iii, 11, équivalant à lalongueur de l’avantbras ou à la distance du coude àl’extrémité du doigt du milieu, et évaluée approximativement à 525 millimètres. En nombres ronds, la longueurde l’arche était donc de 156 mètres, sa largeur de 26, etsa hau leur de 16; la capacité totale s'élevait à 64 896 mètrescubes.
Des ouvertures devaient laisser passer la lumière. Letexte ne permet pas de déterminer avec certitude si Noése contenta de la seule fenêtre par laquelle sortit le corbeau, Gen., viii, 6, ou s’il établit tout un système d'éclairage dont le détail est inconnu. Il est ridicule de dire avecR. Ahia-ben-Zeira qu’au milieu des ténèbres de l’archeNoé distinguait le jour de la nuit à l’aide de perles et depierres précieuses, dont l'éclat pâlissait le jour et brillaitla nuit, Talmud de Jérusalem, traité Pesahim, i, 1, traduction Schwab, Paris, 1882, t. v, p. 2, ou avec EdouardDickinson que Noé, très habile chimiste, avait découvertune huile éthérée, qui donnait une lumière aussi éclatante que le soleil. L’ouverture par laquelle sortit le corbeau avait un treillis ou un transparent, (lallôn, distinctde sôhar, qui pouvait s’ouvrir et se fermer. Gen., viii, 6.Nous ignorons comment elle était disposée, et si elle setrouvait sur un côté de l’arche ou sur le toit. Quelquesinterprètes pensent qu’elle allait en se rétrécissant, de tellesorte qu’elle n’avait plus au sommet qu’une coudée delargeur. Gen., vi, 16. Il est plus vraisemblable qu’il s’agitdans ce passage du toit de l’arche, dont l’inclinaisonn'était que d’une coudée. Une porte était ménagée sur undes flancs de l’arche. Dieu lui-même la ferma du dehors, quand Noé fut entré. Gen., vii, 16.
Obéissant avec crainte aux ordres divins, Noé, poursauver sa famille, Hebr., xi, 7, exécuta l’arche sur les plansque Dieu avait dressés. Gen., vi, 22. Quelques rationalistes se sont demandé comment Noé, seul avec ses fils, avait pu construire un vaisseau d’une si grande dimension. Mais ils supposent à tort que le patriarche n’eut pasd’autres aides que ses enfants. Le récit biblique, en attribuant à Noé la construction de l’arche, n’exclut pasl’emploi d’auxiliaires, il rapporte seulement au personnageprincipal la bâtisse de tout l'édifice; c’est ainsi qu’il estdit que Salomon a bâti le temple de Jérusalem. Noé a faitcomme les chefs de toutes les grandes entreprises, il arecouru aux bras de nombreux ouvriers. Ses contemporains, bien qu’incrédules à la prédiction du déluge, Matth., xxiv, 37; I Petr., iii, 20, ne lui refusèrent pas leur concours. Cf. S. Augustin, Quœstiones in Heptateuchum, i, 5, t. xxxiv, col. 549. Le temps ne lui a pas fait défautnon plus, puisque Dieu lui annonça longtemps à l’avancele commencement du déluge; et l’histoire a conservé lesouvenir de gigantesques constructions que les anciens ont terminées à la longue et, pour ainsi dire, par les seules forces de leurs bras.
L’arche était destinée à recevoir, outre Noé et sa famille, sept couples ou au moins sept têtes de chaque espèce d’animaux purs, et deux couples d’animaux impurs, Gen., vi, 18-21; vii, 1-3, 7-9, 13-16, des aliments appropriés non seulement pour toute la durée du déluge, mais encore sans doute pour le temps nécessaire aux premières productions du sol après le retrait des eaux. Or les dimensions de l’arche, toutes considérables qu’elles soient, ont paru insuffisantes pour fournir le logement nécessaire à toutes les espèces animales. Tant que le nombre desespèces connues fut peu considérable, les calculs plus ou moins ingénieux des Kircher, des Butéo, des Lepelletier, sur la distribution des animaux dans l’arche, satisfaisaient la légitime curiosité des croyants. Les progrès de la zoologie ont plus que décuplé le nombre des espèces décrites, et les savants les évaluent à plusieurs centaines de mille.Voir Vigouroux, Manuel biblique, 7e édit., t. i, p. 560, note. Il y a donc lieu de se demander si l’arche, si vaste qu’elle fût, aurait pu les contenir toutes. Pour résoudre cette difficulté, il est inutile de recourir avec quelques exégètes d’autrefois à des moyens extrêmes, que le texte sacré n’indique pas, tels que la diminution de la taille des animaux ou leur compénétration. Il importe d’abord de remarquer que certains savants exagèrent le nombre des espèces animales, parmi lesquelles ils introduisent de simples variétés. Du nombre réel, s’il était connu, il faudrait retrancher les espèces d’animaux fossiles, déjàéteintes avant le déluge, celles de beaucoup d’animaux aquatiques et amphibies, et celles enfin dont les larves ne sont pas détruites par l’eau. D’ailleurs, si l’on admet que le déluge ne s'étendit qu'à la terre alors habitée (voir Déluge), l’objection disparaît; car Noé ne prit dansl’arche que les espèces animales qu’il connaissait, et qui étaient relativement peu nombreuses. La capacité de l’arche répondait donc au but que son divin architecte s'était proposé.
Les eaux du déluge, en s'élevant, soulevèrent l’arche qui voguait à la surface, tandis que l’inondation dévastait la terre, Gen., vii, 17 et 18; Dieu gouvernait de sa main puissante le navire qui portait le salut du monde et le germe de la postérité future. Sap., xiv, 6. Seuls ses habitants échappèrent à l'épouvantable cataclysme. Gen., vii, 23. Le vingt-septième jour du septième mois, cinq mois après le commencement du déluge, l’arche se reposa sur les montagnes de l’Ararat, Gen., viii, 4, en Arménie, selon la traduction de saint Jérôme. Voir Ararat. Par sa position centrale dans l’ancien continent, ce lieu était très propre à favoriser le repeuplement de la terre et la dispersion des descendants de Noé. Deux montagnes particulières de la chaîne se disputent l’honneur d’avoir reçu l’arche. D’après Josèphe, Antiq. jud., i, iii, 6; Bérose, cité par Eusèbe, Præp. Evang., ix, 11, t. xxi, col. 697; les targumistes Onkélos et le pseudo - Jonathan; saint Éphrem, Hæres., 1, 4; xviii, 3, et la version syriaque, c’est le Djebel des monts Gordyens, dans le Kurdistan. Bérose ajoute qu’une partie du vaisseau de Xisuthrus y subsistait encore de son temps, et que les pèlerins raclaient l’asphalte des débris et s’en servaient comme d’amulettes pour repousser les maléfices. La tradition juive et arménienne a fixé le lieu du repos de l’arche sur le mont Ararat lui-même. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., 1889, t. i, p. 251-254.
Après un séjour d’un an et dix jours, Noé, ses enfants et tous les animaux, sur l’ordre de Dieu, quittèrent l’arche qui les avait préservés. Gen., viii, 14-19. L'Écriture ne nous dit pas ce que devint le grand navire, sauveteur du genre humain. Son souvenir ne s’est pas perdu, surtout dans le pays où l’arche s’est arrêtée. Du temps de l’empereur Auguste, les Arméniens assuraient qu’il y avait encore sur la montagne Barris [le vaisseau] des restes de l’arche. Saint Théophile d’Antioche, cité par saint Épiphane, Adversus hæreses, i, t. xli, col. 260, et saint Isidore de Séville, Etymolog., xiv, 8, t. lxxxiii, col. 521, ont enregistré cette tradition. Dans le ne et le iiie siècle de l'ère chrétienne, les autorités sacerdotales d’Apamée de Phrygie firent frapper des médailles qui ont pour type l’archeouverte, renfermant Noé et sa femme ( fig. 246). La ville elle-même s’appelait KiSidtoç.
246. — Monnaie d’Apamée de Phrygie.
AYTOK. A. ΣEΠT ΣEOYHPOΣ. Tête diadémée de l’empereur Septime Sévère. - R°. EΠI AΓΩNOΘETOY APTEMA T. En exergue: AΠAMEΩN. Sur l’arche: NΩE. Dans l’arche sont Noé et sa femme. Au-dessus sont deux oiseaux: l’un est perché sur le navire, l’autre arrive en volant vers le premier. Devant l’arche, à gauche, on voit Noé et safemme sortis du vaisseau qui les a sauvés.
Les premiers chrétiens du pays bâtirent au lieu désigné par la tradition comme le point d’arrêt de l’arche un couvent, dit le monastère del’Arche, où ils célébraient une fête annuelle en mémoire de la sortie de Noé et de sa famille.
L’arche de Noé a reçu dans le christianisme de nombreuses significations mystiques. L’abbé Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 2e édit., art. Noé, p. 501-502, a recueilli celles que lui donnent les monuments figurés. Les Pères, s’appuyant sur I Petr., iii, 20, ont surtout vu dans l’arche la figure de l'Église. L’arche était pour les contemporains de Noé le seul moyen de salut: en dehors de l’unique arche sacrée du Christ, les hommes ne peuvent se sauver. Cf. Jos. Brucker, L’universalité du déluge, Bruxelles, 1886, p. 38-49; Ch. Robert, La non-universalité du déluge, Paris et Bruxelles, 1887, p. 28-42. L’arche renfermant des animaux purs et impurs représentait l'Église, composée de justes et de pécheurs. Ces animaux d’espèces différentes et de tous les genres étaient l’image de la belle variété des membres de l'Égliseet de sa catholicité. Fortement ballottée sur les eaux du déluge, l’arche ne fut ni renversée ni submergée: symbole de l'Église, sans cesse roulée par les Îlots agités de l’océan du monde, sur lequel elle vogue, et échappant toujours à la tempête. Voir Tailhan, Christologia VeterisTestamenti, autographie, Laval, p. 37-41; Hurter, De arca Noe Ecclesiæ typo Patrum sententiæ, dans ses Opuscula Patrum selecta, Inspruck, 1868, t. iii, p. 217-233.
Bibliographie. — S. Ambroise, De Noe et arca, vi-ix, t. xiv, col. 368-374; Arias Montanus, Exemplar, sive de sacris fabricis Noah, etc., Anvers, 1672; Jean Butéo, De arca Noe, Lyon, 1554; Athanase Kircher, Arca Noe, Amsterdam, 1675; * Matth. Hosti, Inquisitio in fabricant arcæ Noe, Francfort, 1575, et Leyde, 1695; * G. Mœbius, Arca Noe conservatrix generis humani, Leipzig, 1686; * G. Gaspard Kirchmaier, Dissertatio de paradiso, arca Noe, diluvio, etc., Wittenberg, 1662; Matthieu Petitdidier, Dissertationes historicæ, etc., diss. xvii, sect. ii, Toul, 1699; Pereira, Comment. in Genesim, 1. x, De arca Noe, diss. 1-13, Mayence, 1612; Noël Alexandre, Historia ecclesiastica Veteris Testamenti, dissert, x; Jean Le Pelletier, Dissertation sur l’arche de Noé, Rouen, 1700; Bernard Lami, De tabernaculo fœderis, 1. ii, c. ii, Paris, 1720; Bible de Vence, Paris, 1767, t. i, p. 400-413.
E. Mangenot.
ARCHÉLAÜS (Ἀρχέλαος, «chef du peuple,») fils
d’Hérode le Grand et de la Samaritaine Malthace (fig. 247). Il fut élevé à Rome avec son frère Hérode Antipas. À la mort de son père (4 avant J.-C), il était âgé de dix-huit ans. D’après le dernier testament d’Hérode le Grand, Archélaüs devait, avec l’assentiment de l’empereur Auguste, hériter de la Judée, de la Samarie et de l’Idumée, et recevoir le titre de roi. Avant même les funérailles d’Hérode, qu’il fit d’ailleurs magnifiques, il se fit reconnaître par les soldats, et il essaya ensuite de gagner la faveur des Juifs par une diminution d’impôts.
247. — Monnaie d’Hérode Archélaüs.ΗPΩΔΟΥ. Grappe le raisin avec une feuille de vigne. —v. EΘNAPXOY. Casque avec une double aigrette et deuxparagnathides. Dans le champ, à gauche, un caducée.
Mais ceux-ci, rassemblés pour les fêtes de Pâques, sur le refus d’Archélaüs de destituer le grand prêtre Joasar, fils de Boéthos, crurent le moment venu de se débarrasser de la famille d’Hérode, et se révoltèrent. Archélaüs réprima cruellement l'émeute: trois mille Juifs furent tués. Joséphe, Ant. jud., XVII, IX, 1. Une députation juive alla à Rome demander à l’empereur Auguste de rattacher la Judée à la province de Syrie. De leur côté, Archélaüs et son frère Antipas se rendirent aussi à Rome, pour plaider chacun leur cause devant l’empereur. Quelques commentateurs ont cru que Notre-Seigneur avait fait allusion à ces événements dans une de ses paraboles, rapportée par saint Luc, xix, 12-14: «Un homme de grande naissance [lefils d’Hérode] s’en alla en un pays lointain [à Rome]pour recevoir un royaume [la Judée] et revenir ensuite…Or ceux de son pays [les Juifs] le haïssaient, et ils envoyèrent après lui une ambassade [à l’empereur Auguste], disant: Nous ne voulons point que cet homme règne surnous.» Les ambassadeurs juifs n’obtinrent pas gain decause. Pendant leur absence, la Judée s'était révoltéecontre l’autorité romaine.
Auguste confirma en partie le dernier testament d’Hérode, et Archélaüs eut en partage la Judée, la Samarie etl’Idumée, avec les villes de Césarée, Joppé et Sébaste; il avait six cents talents de revenu. L’empereur lui accorda seulement le titre d’ethnarque, mais lui promit celui de roi, s’il s’en rendait digne. Il ne l’obtint jamais. C’est donc dans son acception générale de «gouverner», que saint Matthieu, ii, 22, emploie le terme βασιλεύει en parlant d’Archélaüs. Josèphe cependant appelle Archélaüs βασιλεύς, Ant. jud., XVIII, iv, 3; mais les monnaies le qualifient toujours de ἐθνάρχης, «ethnarque». De Saulcy, Recherches sur la numismatique judaïque, p. 133-138; Madden, History of Jewish Coinage, p. 91-95.
Aucun événement important ne signala le règne d’Archélaüs; il fit rebâtir avec magnificence le palais de Jéricho et fonda la ville d’Archélaüs. Malgré la défense de laloi mosaïque, il épousa la veuve de son frère, Glaphyra, fille d’Archélaüs, roi de Cappadoce, laquelle avait eu desenfants de son premier mari. Il se montra digne fils deson père Hérode par ses cruautés et sa tyrannie. Poussésà bout, ses sujets, Juifs et Samaritains, portèrent plainte à l’empereur Auguste. Appelé à Rome, Archélaüs dut se défendre contre les accusations des premiers personnages de la nation. N’ayant pu se justifier, il fut dépouillé de ses biens, et envoyé en exil à Vienne, en Gaule. Il avait régné dix ans.
C’est donc avec raison, et parce qu’il connaissait lacruauté d’Archélaüs, que saint Joseph, à son retour del’Égypte, ne voulut pas, par crainte de ce fils d’Hérode, retourner en Judée. Instruit en songe, il alla demeurerà Nazareth, en Galilée, dans les États d’Hérode Antipas, dont le gouvernement était beaucoup plus doux. Matth., ' ii, 22-23.
E. Jacquier.
ARCHÉOLOGIE BIBLIQUE. C’est la science des choses anciennes qui se rapportent à la Bible, et dont la connaissance est nécessaire, ou du moins utile, à l’intelligence du texte sacré.
I. Son objet. — En principe, cette science devraitcomprendre tout ce qui concerne la doctrine philosophique et théologique de la Bible, l’histoire, la géographie, la linguistique, etc., en un mot tous les ordres deconnaissance impliqués par le texte sacré. Mais plusieursde ces matières sont si importantes, qu’elles forment àelles seules des sciences à part. L’archéologie restreintd’autant son domaine, ce qui lui permet de l'étudier plusà fond. Les objets dont elle s’occupe sont les suivants: 1° Antiquités domestiques: la famille, le mariage et sesconditions, les enfants, la santé et les soins qu’on luidonne, la mort et les funérailles, le vêtement et la parure, l’alimentation et les festins, la chasse et la pêche, les travaux de l’agriculture, de l'élevage et des métiers mécaniques. — 2° Antiquités sociales: les lieux habités, villes et villages, les relations amicales, hostiles ( guerre et armées) et commerciales, les monnaies, les poids et mesures, la division du temps, les institutions politiques et les fonctionnaires, les lois et leur sanction. — 3° Antiquités religieuses: le culte du vrai Dieu et des idoles, le culte primitif, patriarcal et mosaïque, les lieux du culte (tabernacle, temple de Salomon, de Zorobabel, d’Hérode, synagogues), les jours de fête, le sacerdoce (ses droits, ses pouvoirs, ses fonctions, ses vêtements), enfin les corporations d’ordre religieux, prophètes, sectes, etc. — 4° Antiquités littéraires et artistiques: écriture, poésie, musique et instruments, peinture, sculpture, architecture, épigraphie, élude et restitution des monuments anciens, etc. La géographie biblique, tant physique qu’historique, forme une science indépendante. Mais la configuration du pays est si nécessaire à connaître, pour se rendre compte des mœurs et des usages de la population et s’expliquer une foule de particularités du texte sacré, qu’on en joint ordinairement l'étude à celle de l’archéologie proprement dite. Du reste, il est souvent impossible de trouver à la topographie une autre base que l'épigraphie et l’examen des monuments. Enfin le peuple juif n’a été isolé ni géographiquement ni historiquement. Nous le voyons en relations tantôt amicales, tantôt hostiles, avec les Égyptiens, les Arabes, les Chananéens, les Phéniciens, les Assyriens, les Perses, les Grecs et les Romains. L’archéologie biblique doit donc, pour être complète, faire les emprunts indispensables aux archéologies de ces différents peuples. Sans nul doute la doctrine révélée est suffisamment claire par elle-même, indépendamment de toute notion archéologique; mais du moment que la révélation a eu un cadre historique, il y a un intérêt majeur à connaître par le détail tous les éléments qui composent ce cadre: le texte n’en est alors que mieux compris, et son authenticité trouve un point d’appui inébranlable dans l’impossibilité où sont les rationalistes d’adapter convenablement l’histoire sacrée à un milieu différent de celui que lui assigne la tradition.
II. Son développement. — À vrai dire, les écrivainssacrés ont été les premiers à se préoccuper de fournirdes éléments à l’archéologie. S’ils supposent beaucoupde choses connues de leurs lecteurs, il en est un grandnombre d’autres sur lesquelles ils prennent soin de lesrenseigner. Malheureusement ils ne pouvaient guère répondre qu’aux besoins de leurs contemporains, et n’avaient pas à prendre souci des détails qui seraient ignorés de longs siècles après eux. C'était l’enseignement oral qui suppléait chez les Juifs à l’insuffisance des connaissances archéologiques. Mais cet enseignement portait surtout surla doctrine et son interprétation. Josèphe s’en fait l’écho dans ses ouvrages, spécialement dans ses Antiquitésjudaïques, Ἀρχαιολογία Ἰουδαϊκή. Son œuvre n’apprendpresque rien en dehors de ce qui est connu directementpar la Bible, et encore les préjugés nationaux et personnels de l’auteur obligent-ils à n’accepter ses dires qu’avec réserve. Philon, qui a écrit sur la création, la vie de Moïse, le Décalogue, la circoncision, les sacrifices, etc., n’est pas non plus un guide sûr, à cause de la tendance qui le porte à chercher une origine juive à ses idées platoniciennes. Cf. Siegfried, Philo von Alexandria als Ausleger des alten Testaments, in-8o, Iéna, 1875. Les Talmuds sont des archéologies à leur manière. La Mischna traite des semences (agriculture, dîmes, année sabbatique, etc.), des fêtes, des femmes (mariage, famille, divorce, etc.), des dommages (législation civile et criminelle, idolâtrie, sanhédrin, etc.), des choses saintes (sacrifices et description du temple) et des purifications. Avec la Mischna, les Ghémaras de Babylone et de Jérusalem sont riches en renseignements sur l’antiquité juive. Mais les compilateurs de ces recueils se sont fait une conceptiontrop arbitraire de l’archéologie. Tantôt ils sont l’écho fidèle des traditions anciennes, tantôt ils présentent comme antiques des usages tout récents, tantôt même ils inventent de toutes pièces, de sorte qu’il est toujours difficile de savoir à quoi s’en tenir avec eux. Néanmoins, quand ils n’ont pas intérêt à inventer ou à vieillir les choses dont ils parlent, ils peuvent être reçus comme des témoins utiles.
Les premiers siècles chrétiens eurent autre chose à faireque de l’archéologie. Après Constantin, on commença às’en préoccuper dans l’explication de la Sainte Écriture.Mais les Pères d’Occident manquaient des éléments vouluspour l’étudier avec grand fruit. Aussi saint Augustin, dans la Cité de Dieu, fait-il surtout de l’archéologiegrecque et romaine. Parmi les Pères grecs, ceux d’Alexandrie étaient trop épris de l’allégorie pour attacher une importance suffisante aux choses tangibles. Les Pères de l’école d’Antioche s’en préoccupèrent davantage, et consignèrent dans leurs écrits bien des détails que leur voisinage des pays bibliques les mettait à même de connaître.Les deux écrivains anciens qui firent accomplir le plusde progrès à la science archéologique furent Eusèbe deCésarée et saint Jérôme; vivant tous les deux en Palestine, ils purent interroger, examiner et contrôler avec soin. Après eux et durant tout le moyen âge, l’archéologie biblique ne fut guère alimentée que par les récits des pèlerins de Terre Sainte. Ceux-ci avaient habituellement plus de piété que de critique, et acceptaient volontiers comme vrai tout ce qui était édifiant. Les savants de l’époque, absorbés par le travail de la spéculation philosophique ou théologique, laissèrent à faire aux siècles suivants un travail en vue duquel, il faut le reconnaître, ils n’étaient pas suffisamment outillés. L’occupation de la Palestine par les croisés fut trop précaire et trop agitée pour permettre une étude à fond du pays. Ce fut seulement quand on put parcourir la Terre Sainte avec plus de facilité et de sécurité que l’archéologie prit son essor. À la fin du xvie siècle, avec Arias Montanus, chapelain de Philippe II, elle commença à devenir une science à part. L’étude des anciens monuments écrits lui fournit un premier aliment. L’institut du Caire, fondé par Bonaparte pendant sa campagne d’Égypte, contribua puissamment à développer le goût des recherches archéologiques dans les pays orientaux, et montra ce qu’on pouvait attendre de travaux scientifiques exécutés sur les lieux mêmes. L’archéologie biblique profita de cette impulsion. Dans notre siècle, l’étude directe des pays bibliques, les fouilles nombreuses pratiquées sur l’emplacement des lieux célèbres de Palestine et des anciennes cités de l’Égypte et de l’Assyrie, les découvertes vraiment merveilleuses et inespérées qui ont récompensé les efforts des explorateurs, ont fait de l’archéologie biblique une science du premier ordre. Catholiques, protestants, rationalistes, tous s’y appliquent, avec des vues diverses sans doute, mais avec des résultats qui prennent d’eux-mêmes le chemin de la vérité. Les protestants anglais ont fondé à Londres, en 1865, une société intitulée Palestine Exploration Fund, pour l’étude exacte et systématique de l’archéologie, de la topographie, de la géologie, de l’histoire naturelle et de l’ethnographie de la Palestine. Elle a pour organe une revue, Quarterly Statement, et on lui doit un grand nombre de publications. En 1878, les protestants allemands, à l’exemple de leurs voisins, ont fondé à Leipzig une société d’études bibliques, qui a pour organe le Zeitschrift des deutschen Palästina Vereins. Une société américaine analogue s’est établie, après les deux autres, pour l’exploration des pays à l’estdu Jourdain. Enfin une école pratique d’études bibliquesfonctionne depuis 1890 au couvent de Saint-Étienne deJérusalem, sous la direction des Pères dominicains, etdepuis 1892 publie à Paris une Revue biblique. Pendantce temps, les recherches se poursuivent activement enÉgypte, en Assyrie et dans toutes les contrées où l’archéologie biblique peut recueillir d’utiles renseignements pour l’intelligence plus complète et la défense des Livres Saints. De grandes lacunes restent encore à combler.Mais les progrès accomplis au xixe siècle permettent d’espérer que de précieuses découvertes sont réservées aux siècles suivants, et que plus les attaques de l’incrédulité se multiplieront, plus Dieu fera surgir de partout des témoins irrécusables pour venger l’honneur de sa parole écrite.
III. Bibliographie. — Les ouvrages qui traitent de l’archéologie biblique peuvent se diviser en deux classes: les archéologies proprement dites et les dictionnaires.À ces ouvrages il convient d’ajouter ceux qui concernentl’archéologie des anciens peuples en rapport avecles Juifs. Nous ne donnerons pas la liste complète detous les travaux écrits sur le sujet; nous nous contenterons des principaux, en faisant remarquer que lesmeilleurs, parmi les plus récents, reproduisent ordinairement ce qu’il y a de plus utile dans les livres antérieurs. Les relations de voyages contiennent généralement des indications archéologiques souvent fort précieuses; les principales seront indiquées au mot Géographie biblique.
1o Archéologies bibliques proprement dites. — Segonius, De republica Hebræorum libri viii, in-f°, Francfort, 1585; Arias Montanus, Antiquitatum judaicarum libri ix, in-4o, Leyde, 1593; * Goodwin, Moses and Aaron, civil and ecclesiastical Rites used by the ancient Hebrews, in-4o, 1614; traduit en latin par J. H. Reiz, 1679; édition revue et augmentée par Hottinger, 1710; Menochius, De republica Hebræorum libri viii, in-f°; Paris, 1648; * H. Reland, Antiquitates sacræ veterum Hebræorum, Utrecht, 1708; Leipzig, 1713; édition augmentée par Vogel, Halle, 1769; Cl. Fleury, Mœurs des Israélites, in-12, Paris, 1681; * C. Iken, Antiquitates hebraicæ, in-4o, Brème, 1730; in-8o, Utrecht, 1810; * D. Jennings, Jewish Antiquities, 2 in-8o, Londres, 1730; * Canner, Antiquitates Hebræorum, 2 in-4o, Gœttingue, 1743; * J. G. Carpzov, Apparatus historico-criticus antiquitatum Sacri Codicis et gentis hebraicæ, in-4o, Leipzig, 1748; * Warnekros, Entwurf der hebräischen Alterthumer, Weimar, 1782; 3eédit. par Hoffmann, 1832; Ugolini, Thesaurus antiquitatum sacrarum, 34 in-f°, Venise, 1744-1769, ouvrage dans lequel sont reproduites les meilleures monographies archéologiques publiées antérieurement; * Rosenmüller, Handbuch der biblischen Alterthumskunde, 6 in-8o, Leipzig, 1816-1820; * De Wette, Lehrbuch der hebräischen jùdischen Archeologie, in-8o, Leipzig, 1814; 4eédit. par Ràbiger, 1864; * Pareau, Antiquitas hebraica breviter descripta, Utrecht, 1832; J. Jahn, Biblische Archeologie, Vienne, 1797-1805; 2e édit., 5 in 8°, Vienne, 1817-1825; Archæologia biblica in epitomen redacta, in-8o, Vienne, 1814; ouvrage amendé et amélioré par Ackermann, Archæologia biblica breviter exposita, in-8o, Vienne, 1826; de Montbron, Essais sur la littérature des Hébreux, 4 in-12, Paris, 1819 (archéologie sous forme romanesque, avec notes); W. Brown, The Antiquities of the Jews fromauthentic sources, and their Customs illustrated bymodem travels, 2 in-8o, Londres, 1820; Kalthoff, Handbuch der hebräischer Alterthümer, Munster, 1840;* G. L. Bauer, Kurzgefasstes Lehrbuch der hebräischenAlterthümer des alten und neuen Testament, 2e édit., par E. F. K. Rosenmüller, in-8°, Leipzig, 1835; * J. G.Palfrey, Academical Lectures on the Jewish Scripturesand Antiquities, 2 in-8o, Boston, 1840; Àllioli, Handbuch der biblischen Alterthumskunde, Landshut, 1844; * Ewald, Alterthümer des Volkes Israël, in-8o, Goettingue, 2e édit., 1858; Saalschütz quif), Archäologie der Hebräer, 2 in-8o, Königsberg, 1855; * Keil, Handbuch der biblischen Archäologie, 2 in-8o, Leipzig, 1858; Haneberg, Die religiösen Alterthümer der Bibel, Munich, 2e édit., 1869; Scholz, Handbuch der biblischen Archäologie, Bonn, 1834; Id., Die heiligen Alterthümer des Volkes Israël, Ratisbonne, 1868; * Kingler, Die biblischen Alterthümer, Calwer, 5e édit., 1877; * Thomson, The Land and the Book, in-8, Londres, 1863; Schäfer, Die religiôsen Alterthümer der Bibel, Munster, 1878; Schegg, Biblische Archäologie, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1886; Trochon, Archéologie biblique, dans l’Introduction générale à la Sainte Bible, in-8o, Paris, 1887, et abrégé, in-12, dans l’Introduction à l'étude de l'Écriture Sainte, 1890; V. Ancessi, Atlas géographique et archéologique pour l'étude de l’Ancien et du Nouveau Testament, in-4o, Paris, 1876; L. Cl. Fillion, Atlas archéologique de la Bible, in-f°, Paris, 1883.
2° Dictionnaires. — Dom Calmet, Dictionnaire de laBible, in-f°, Paris, 1730, plusieurs fois réimprimé; *Winer, Biblische Realwörterbuch, 2 in-8o, Leipzig, 3e édit., 1847; * Bost, Dictionnaire de la Bible, 2 in-8°, Paris, 1849; de Saulcy, Dictionnaire des antiquités bibliques, gr. in-8o, Paris, 1859; 'Smith, A Dictionary of the Bible, 3 in-8o, Londres, 1863; * Schenkel, Bibellexicon, 5 in-8o, Leipzig, 1869; * Riehm, Handwörterbuch der biblischen Alterthums fur gebildete Bibelleser, 2 in-8°, Leipzig, 1884, etc.Voir Dictionnaires de la Bible.
3° Archéologies orientales. — B. d’Herbelot, Bibliothèque orientale, ou Dictionnaire universel contenant tout ce qui fait connaître les peuples de l’Orient, leurs mœurs, leurs arts, in-f", Paris, 1697; 3 in-f°, La Haye, 1777-1779, etc.; *S. Burder, Oriental Customs, 2 in-8°, Londres, 1812; 5e édit., 1816; traduit et considérablement augmenté par G. F. C. Rosenmüller, Das alte und das neue Morgenland, 6 in-8o, Leipzig, 1818; * Th. Harmer, Observations on divers passages of Scriplure placingthem in new light, compiled from relations incidentally menlioned in books of voyages and travels into the East, in-8°, 1764; 2 in-8°, 1776; 4 in-8o, 1816; Id., Beobachtungen ùber den Orient aus Reisebeschreibungenmit Anmerkungen von J. C. Faber, 3 in-8°, Hambourg, 1772; * J. G. Wilkinson, Manners and Customs of the ancient Egyptians, 2e édit., par S. Birch, 3 in-8o, Londres, 1878; * Lane, Modern Egyptians, 2 in-12, Londres, 1836; Maspero, Archéologie égyptienne, in-8o, Paris, et Lectures historiques, in-18, Paris, 1890; Babelon, Archéologieorientale, in-8°, Paris; Lenormant et Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, 6 in-4o, Paris, 1881-1888; Ancessi, L’Egypte et Moïse, in-8o, Paris, 1875; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes en Palestine, en Egypte et en Assyrie, 5e édit., 4 in-12, Paris, 1889; Le Nouveau Testament et les découvertes modernes, in-12, Paris, 1887; Sayce, Fresh light from the ancient monuments, traduit en français par Trochon, La lumière nouvelle, in-12, Paris, 1888. On trouvera dans ces divers ouvrages les renvois aux nombreux travaux de toute espèce quiintéressent les points particulière de l’archéologie biblique.
H. Lesêtre.
ARCHER, celui qui tire de l’arc. Le premier archermentionné dans l'Écriture est Ismaël, Gen., xxi, 20; le second est Ésaù, Gen., xxvii, 3. Mais l’usage de l’arcétait connu avant eux. Quoique nous ignorions à quelleépoque on commença de s’en servir, les monumentségyptiens, sur lesquels les archers figurent en si grandnombre dès la plus haute antiquité (flg. 223, 225, col. 902 et 903), montrent que cette arme est extrêmement ancienne. Déjà, à la fin du récit du déluge, dansla Genèse, ix, 14, elle donne son nom hébreu, qését, àl’arc-en-ciel. Cependant les archers ne paraissent êtredevenus nombreux en Israël qu'à l'époque des rois. Ceuxde la tribu de Benjamin sont alors les plus renommés.I Par., viii, 40; xii, 2; II Par., xiv, 8; xvii, 17. Aprèseux viennent ceux des tribus transjordaniques, Ruben, Gad et Manassé, I Par., v, 18, et ceux d'Éphraïm.Ps. lxxvii (hébreu, lxxvhi), 9. Voir Arc.
ARCHI (hébreu: Hâ'arkî, avec l’article; Septante: 'A-zocTocpuOi, forme altérée des deux noms Archi et Ataroth, qui ont été à tort confondus en un seul), localité situéesur la frontière de la tribu d'Éphraïm et de Benjamin, Jos., xvi, 2, et d’où était originaire Chusaï, ami de David, appelé pour cette raison l’Arkite, ou, selon l’orthographede la Vulgate, l’Arachite. II Reg., xv, 32; xvi, 16; xvii, 5, 14; I Par., xxvii, 33. La forme hébraïque hâ'arkisignifie proprement Arkite ou Arachite, et ne semble pasdésigner directement un nom de ville; celle - ci devaits’appeler 'Érek (ou Arach), comme la ville de la plainede Sennaar, mentionnée Gen., x, 10, et de là avait ététirée la dénomination ethnique: Arachite, «originaired’Arach» ou «habitant d' Arach». Le passage de Josué, xvi, 2, qui a embarrassé beaucoup de traducteurs ancienset modernes, doit se traduire: «[La frontière d'Éphraïm]passe par le pays des Arachites [pour aller] vers Ataroth.» Plusieurs commentateurs ont supposé que lesArachites étaient une tribu chananéenne; mais ce n’estqu’une hypothèse.
D’après les savants du Palestine Exploration Fund, Archi ou Érech n’est pas autre que l’Ain Arik actuel.Conder, Tenlwork in Palestine, 1878, t. ii, p. 104; Id., Palestine, 1889, p. 253; The Survey of Western Palestine, Memoirs of the topography, 1883, t. iii, p. 7. Cetteidentification, sans être certaine, peut être considéréecomme probable. Ain Arik est un petit village complètement chrétien. G. Ebers et H. Guthe, Palâstina, t. i, p. 238. Il est situé entre Béthel et Béthoron, au fondd’une vallée. À l’ouest est une source d’eau excellente(Ain Arik, «source d’Arik» ), qui forme un petit ruisseau. Tout à l’entour sont des oliviers. Sur les bords del’eau, des citronniers et d’autres arbres forment un épaisbosquet. Marino Sanuto a marqué sur sa carte, en 1321, Ain Arik sous le nom d’Arécha.
ARCHIPPE ("Ap-/iimo; ), chrétien du premier siècle.Dans son épître aux Colossiens, iv, 17, saint Paul faitdire à Archippe de considérer le ministère qu’il a reçudans le Seigneur afin de le remplir; dans la lettre à Philémon, 2, il l’appelle son compagnon d’armes, <Tucrrpa-riiûT?); . Archippe était probablement de la famille de Philémon, peut-être son fils. Quel était le ministère qu’ilavait à remplir? On ne peut là-dessus qu'émettre desconjectures. Saint Jérôme, Théodoret et Œcuménius ontcru qu’il avait été évêque de Colosses; d’autres, Conslit.apost., vii, 46, 1. 1, col. 1053; Théodoret, In Col., iv, 17, t. lxxxii, col. 628, ont supposé qu’il était docteur, et qu’ilenseignait à Laodicée. D’après la tradition, Archippe auraitété un des soixante-dix disciples, et aurait souffert lemartyre à Chones, près de Laodicée. Les Grecs célèbrent
sa fête le 22 novembre, et les Latins, le 20 mars. VoirDietelmair, De Archippo, in-4o, Altorꝟ. 1750.
E. Jacquier.ARCHISYNAGOGUS (Ap-/t<W Y ur; ; Vulgate: archisynagogus), mot inconnu aux auteurs profanes etinventé par les Juifs hellénistes qui rendirent ainsi l’expression rôs hakkenésép, usitée en Palestine pour désignerle chef de la synagogue. Marc, v, 22, 35, etc.; Luc, viii, 49; xiii, 14; Act., xiii, 15; xviii, 8, 17. Voir Synagogue.
ARCHITECTE. Les Hébreux ne s'étant pas adonnésaux arts, il y eut chez eux des maçons et des constructeurs, mais non des architectes proprement dits. Hiram, l’architecte qui construisit le temple de Salomon, étaitPhénicien. III Reg., vii, 13. Il n’y avait même pas, dansl’ancien hébreu, de nom spécial pour désigner l’architecte. (Le mot architectus, qu’on lit dans la Vulgate, Is., m, 3, est la traduction de hàrâs, «ouvrier.» ) Il n’estnommé que dans les livres deutérocanoniques de l’Ancien Testament, Eccli., xxxviii, 27 (28); II Mach., Il, 29 (30), et dans le Nouveau Testament, I Cor., iii, 10^ «pXitéxtwv). L’Ecclésiastique en parle d’une manière peuprécise; l’auteur du second livre des Machabées dit quel’architecte édifie une maison nouvelle et prend soin detout ce qui se rapporte à sa construction; saint Paul, secomparant à un architecte sage, dit qu’il a commencé parposer solidement les fondements de l'édifice de la conversion des Corinthiens, et qu’un autre a continué son «euvre en bâtissant sur ses fondements. Voir Architecture HÉBRAÏQUE.
ARCHITECTURE HÉBRAÏQUE. — L’architectureest l’art de bâtir suivant des règles déterminées par ladestination des édifices. Cet art, quand il s’agit des monuments du passé, fait partie de l’archéologie, dont il estune des branches les plus importantes. Les monuments, en effet, forment une histoire très expressive des croyances, des mœurs, de la civilisation des peuples anciens. Leurétude est donc très utile; sans elle, pour la Sainte Écritureen particulier, il est bien des scènes et des expressionsdont on ne peut se faire une idée très exacte.
Si l’on considère l’architecture par rapport à la destination des monuments, on peut la diviser en religieuse, civile et funéraire. L’architecture religieuse comprend lesédifices destinés au culte: temple, synagogues; l’architecture civile: les maisons, les palais, les piscines et aqueducs, les forteresses; l’architecture funéraire: les tombeaux. Voir, pour les détails, ces différents mots.
De même que tous les arts, l’architecture a débutéd’une façon rudimentaire. Les grottes naturelles, lescabanes de feuillage ou les tentes furent les habitationsprimitives. Les hauts lieux ou les clairières des forêtsservaient de temple; un tertre en terre ou quelques pierresassemblées formaient un autel. Ce n’est pas à dire que lespremiers hommes fussent des sauvages: une civilisationmatérielle peu développée s’allie très bien avec un étatintellectuel et moral élevé. Ce que les exigences de lavie et la simplicité des goûts avaient commencé, le progrès de la civilisation, le sentiment du beau, la recherchedu bien-être et du luxe, l’achevèrent. Les édifices prirentdes formes plus correctes, plus agréables, plus savantes.C’est alors seulement que l’architecture constitua un art.La première mention d’une construction qui soit faitedans la Bible se trouve dans l’histoire de Caïn. Ce fut luiqui bâtit la première ville, Gen., iv, 17; ce qui sans doutene désigne encore qu’un ensemble de constructions assezrudimentaires, protégées par quelque fossé ou retranchement (voir col. 661). À l'époque du déluge, les hommes, habiles à travailler le bois et le fer, devaient bâtir avecplus d’art; mais nous n’avons aucune donnée sur leurarchitecture. Après le déluge, les races issues de Noé sedispersent par le monde; chaque peuple se développasuivant son génie particulier, qu’il traduisit par une architecture spéciale en rapport avec le climat où il avait fixésa demeure, et avec les matériaux qu’il avait sous la main.La tour de Babel, élevée probablement par des peuplesde la race de Sem, semble se rattacher au système desédifices à étages de la Chaldée. Gen., xi, 4. Les ancêtresdu peuple hébreu, Abraham, Isaac et Jacob, menèrent lavie pastorale dans la terre de Chanaan et habitèrent sousla tente. Eu Egypte, les nombreux descendants des patriarches échangèrent leurs habitudes nomades contreune vie plus sédentaire et s’initièrent aux arts d’une civilisation déjà avancée. Obligés de bâtir pour le Pharaonles importantes villes de Pithom et de Ramsès, ils durentaussi se construire pour eux des maisons semblables àcelles qu’ils avaient sous les yeux dans les villages égyptiens: petites huttes de terre, entourées d’un enclos deverdure, le amm si cher à l’habitant de la chaude valléedu Nil. Après la conquête de la Palestine, les Hébreuxs'établirent dans les maisons des Chananéens qu’ils avaientdépossédés, Deut., vi, 10, 11, et au besoin en élevèrentd’autres de même genre:-c'étaient de simples maisons enargile, en brique ou même en pierre, bâties sans style.Un monument, qui au dire de plusieurs savants date decette époque, sans être bien remarquable au point devue de l’art, a cependant un certain cachet architectural: c’est le tombeau de Josué à Tibnéh; il paraît être de stylechananéen. Pendant la période agitée des Juges et descommencements de la royauté, les enfants d’Israël nepurent cultiver les arts. Aussi, quand David voulut beconstruire m palais à Jérusalem, dut-il recourir aux habiles ouvriers que lui envoya Hiram, roi de Tyr. II Reg., v, 11. De même, pour diriger les travaux pendant la construction du temple et des palais royaux, Salomon employa des architectes et des ouvriers phéniciens. C’est cequi a fait penser à plusieurs auteurs que le style de cesédifices devait être phénicien. Mais, on le sait, ce peuplecommerçant ne fut pas original dans les arts; il empruntabeaucoup à l’Egypte et à l’Assyrie. Il ne faut pas oublierd’ailleurs que le temple de Salomon fut bâti d’après leplan du tabernacle mosaïque. Par ses dispositions générales, il rappelle certains temples de l’Egypte, commecelui de Khons à Karnak, ceux de Louqsor et de Dendérah. Dans quelle mesure l’art égyptien et assyrien, modifié déjà par les Phéniciens, adopta-t-il en Judée des éléments ou changements nouveaux de façon à présenterune certaine originalité? La question ne peut être élucidée que par une étude approfondie des édifices salomoniens. Voir Temple de Jérusalem. Il suffit de remarquerici, comme on peut le constater par ce qui reste desmurs de soutènement du temple et par quelques partiesdes souterrains dits de Salomon, que les constructions decette époque se distinguent par la grande dimension desmatériaux et par l’appareil à refends. Le grand roi constructeur fit faire aussi des piscines. Eccl., ii, 6. Voir Aqueduc. De plus, il fortifia Jérusalem et quelques autresplaces. Ses successeurs achevèrent les parvis du temple, II Par., xx, 5, et embellirent la ville. De leur côté, lesrois d’Israël se bâtirent une capitale, Samarie, <c la couronne d’orgueil d'Éphraïm; ils y élevèrent des palais: palais d’hiver, palais d'été, palais d’ivoire.» Ainos, iii, 15.Mais de toutes ces constructions il ne reste plus aucunetrace. Au retour de la captivité de Babylone, les Juifs, sousla conduite de Zorobabel, relevèrent de ses ruines letemple de Salomon; il ne fut pas rétabli avec la mêmemagnificence, et en plus d’un point le souvenir de l’artbabylonien et persépolitain dut se faire jour. À partirdes Machabées, surtout sous Hérode, l’art grec et romainexerça son influence en Judée. Les synagogues se bâtissent toutes à peu près dans le même style: la synagoguede Kefr-Birim, avec ses trois portes sculptées, les restesde sa colonnade intérieure et son style dorique romain, permet de se faire une idée du plan et de l’ornementation de ces édifices. Voir Synagogue. Plusieurs des bellestombes de la vallée de Josaphat et de la vallée d’Hinnom
présentent la même architecture gréco-romaine, modifiéed’après les principes judaïques, qui en particulier n’admettent pas dans les décors des figures d’animaux, maisempruntent de préférence l’ornementation au règne végétal. On sait qu’Hérode le Grand entreprit la reconstruction du second temple sur un plan plus vaste et plusriche, et qu’il embellit la ville de nombreux et splen’didesmonuments, comme son palais en marbre blanc et laforteresse Antonia agrandie; le temps et les révolutionsont tout détruit, sauf quelques murailles de l’enceinte dutemple.
Il ressort de ce rapide exposé que les Hébreux n’ontpas eu un art national, un style particulier nettementcaractérisé, mais des imitations plus ou moins modifiéesdes architectures égyptienne, assyrienne, phénicienne, grecque et romaine. Il est donc utile d'étudier l’architecture de ces différents peuples pour se rendre un compteplus exact de l’art judaïque, qui leur a fait des empruntssi considérables. Il l’est encore pour la pleine intelligencedes Livres Saints, composés dans ces divers pays; ainsiÉzéchiel et Daniel nous font vivre à Babylone, Esther aupalais de Suse. Les scènes décrites, les expressions employées ont une couleur locale qu’on ne peut bien saisirsans être initié à la civilisation de ces peuples étrangers, et en particulier à leur architecture.
Cf. £. Bosc, Dictionnaire raisonné d’architecture, 4 in-4o, Paris, 1877, aux mots Architecture et Assyrienne, Babylonienne, Persépolitaine (architecture); Phénicien(an); Perrot et Chipiez, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. iv, Judée, Paris, 1887; de Saulcy, Histoire del’art judaïque, in-8°, Paris, 1858; Batissier, Histoire del’art monumental, in-4o, Paris, 1860; J. Fergusson, History of architecture in ail countries, 2 in-8o, Londres, 1865-1867; J. Fergusson, The palaces of Nineveh andPersepolis restored, an essay on ancient Assyrian and Persian Architectures, in-8°, Londres, 1851; W. Liibke, Geschichte der Architekture, in-8o, Leipzig, 1865; The Dictionary of Architecture, in-f°, t. iv, Londres, 1868, p. 38-39. E. Levesque.
- ARCHITRICLINUS##
ARCHITRICLINUS, en vieux français, Architriclin.Le mot grec 'apyixp: .Y.}.v/n-, Joa., ii, 8, signifie «le chefdu TpsxXivov, triclinium». Le triclinium est proprement laréunion de trois lits de table, disposés de manière à former trois côtés d’un carré, comme le montre un bas-relief
[[File: [Image à insérer -->]|300px]]
248. — Triclinium. Bas-relief de Padoue.
trouvé à Padoue (fig. 248). Il y a, au milieu, un espacevide pour la table. Un côté reste ouvert, pour faciliter leservice aux esclaves. Le chef du triclinium ou architriclin est l’intendant du festin. Plusieurs commentateursont pensé que l’architriclin était un titre équivalent àcelui de symposiarque (<rju.îro<7Îap-/r l: ) chez les Grecs, magister ou rex convivii chez les Latins. Le symposiarqueou maître du festin était un des convives choisi pourdiriger la marche du repas et la manière dont on devaitboire. Xénophon, Anab., vi, 1, 30; Horace, Od., i, 4, 18;
h, 7, 25; Sat., ii, 2, 123. L’Ecclésiastique parle de ce personnage, qu’il appelle ^ycrjy.vio; : «Si tu es établi chef[du festin], ne t’enorgueillis pas. Sois au milieu [desconvives] comme l’un d’entre eux; prends soin d’eux etassieds-toi ensuite; quand tu as fait tout ce que tu doisfaire, prends ta place, afin que tu puisses te réjouir aveceux et recevoir la couronne pour la bonne ordonnancedu festin.» Eccli., xxv, 1-2 (texte grec); Vulgate, xxxii, 1-3. Il est probable que l’architriclin des noces de Canadont parle saint Jean, n’est pas, d’après le contexte, Joa., Il, 8-9, le symposiarque, mais une sorte de maitre d’hôtelchargé de préparer les tables et les lits où l’on s'étendaitpour manger, de disposer les plats, .de goûter les viandeset le viii, pour s’assurer qu’ils sont bons ou bien préparés. Héliodore, vii, 27. Ce n’est que par une méprisegrossière que quelques auteurs ont pu penser qu' Architriclin était le nom de l'époux de Cana, comme on le litdans le roman de Garin le Lorrain:
Par cil Dame Deu, qui de l’iau fit viii, Au jor des noces de saint Architriclin.
Saint Jean, ii, 9, distingue expressément l'époux de Varchitriclinus. Voir Walch, De architriclino, Iéna, 1753.
ARCHIVES. Lorsque la royauté eut été établie enIsraël, les rois eurent des archives dont la garde futconfiée au grand officier appelé en hébreu mazkîr, «l’historiographe.» (Vulgate: a commentariis.) Ces archivesrenfermaient les annales des rois, dont il est souventquestion dans l'Écriture, III Reg., xi, 41; xiv, 29; xv, 7, etc., et sans doute, de plus, tout Ce qui servait à l’administration du royaume. Les rois perses avaient aussides archives. Elles sont mentionnées expressément Esth., vi, 1, et I Esdr., iv, 15. Elles sont appelées, dans Esther, séfér hazzikrônôt; et dans Esdras, se far dâkrânayâ' dî'âbâhâtâk, «le livre des souvenirs (de tes pères).»
ARCHIVISTE. Lemazkîr (Vulgate: a commentariis)ou historiographe officiel, chargé à la cour des rois deJuda et d’Israël d'écrire les annales des rois (Voir Annaliste, col. 626), devait aussi les conserver et remplir lesfonctions que nous désignons aujourd’hui sous le nomd’archiviste. II Reg., viii, 16; xx, 24; III Reg., iv, 3; IV Reg., xviii, 18, 37; I Par., xviii, 15; II Par., xxxiv, 8; Is., xxxvi, 3, 22. C'était un des emplois les plus importants des cours orientales, parce que celui qui le remplissait était toujours un des principaux ministres et queson office était un poste de confiance qui mettait entreses mains les secrets d'État. Voir Archives.
- ARCONES##
ARCONES (André Luc de), commentateur espagnol, né à Grenade en 1592, entra au noviciat des Jésuitesen 1610, professa l'Écriture Sainte pendant trente ans, etmourut à Grenade, le 26 août 1658. Il a laissé un longcommentaire d’Isaïe: Isaiae prophétie dilucidatio literalis, mystica et moralis, exornata discursuum varietate, 2 in-f», Lyon, 1642-1652. C. Sommervogel.
- ARÇONS##
ARÇONS (César d'), physicien français, originairede Viviers en Gascogne, mort en 1681. Il était avocat auparlement de Bordeaux et s’occupa de physique et dethéologie comme de droit. On a de lui, relativement àl'Écriture Sainte, trois dissertations: Sur la dispute entresaint Pierre et saint Paul; Sur l’endroit où Jésus-Christétablit saint Pierre pour son vicaire en terre; Sur lagénéalogie de Jésus-Christ, in-4o, Bruxelles, 1680; Eschanlillon sur le premier des trois tomes d’un ouvragequi fera voir dans l’Apocalypse les traditions apostoliques ou les mystères de l'Église, passés, présents età venir, in-4°, Paris, 1658. L’auteur avait le projet dedécouvrir dans l’Apocalypse les sept sacrements, les septordres de la hiérarchie, etc.; mais il s’en tint à sonEschantillon, qui contient ce qu’il avait à dire de l’ancienne loi, de la Trinité et de l’histoire de Jésus-Christ. VoirMoréri, Dictionnaire historique, 1759, t.i, p.276.
ARCTURUS, étoile de première grandeur, la plusbelle de notre hémisphère boréal avec Véga; elle se trouvedans la constellation du Bouvier; mais comme on la rencontre sur la prolongation de la ligne courbe tracée parles trois étoiles qui forment la queue de la grande Ourse, les Grecs lui donnèrent le nom de Ἀρκτοῦρος, «la queuede l’ourse» (ἄρκτος, «ourse,» et οὖρα, «queue»). Enfait, elle ne paraît être nulle part spécialement mentionnéedans la Bible, quoique les Septante au moins une fois, la Vulgate quatre fois, se soient servis de son nom pourdésigner d’autres constellations ou phénomènes célestes.Ainsi: 1o dans Job, ix, 9, Arcturus rend le nom hébreu‘âš; d’après le contexte et l’autre passage de Job, xxxviii, 32, où ‘âš (’ayiš) se rencontre, et où la Vulgate le traduitpar Vesperum, ce mot désigne une constellation plutôtqu’une étoile en particulier, et, selon toute probabilité, la grande Ourse elle-même. La relation étroite danslaquelle, par sa position et par son nom, Arcturus setrouve avec la grande Ourse, explique comment saintJérôme a été amené dans ce cas à cette traduction. Deplus, dans ce même passage, Job, ix, 9, les Septantes’étaient servis du nom d’Arcturus pour rendre une destrois constellations nommées. — 2o Dans Job, xxxvii, 9, l’hébreu mezârîm, «ceux qui dispersent,» désigne sansdoute les vents du nord; ce qui cadre exactement avecle contexte: «Du midi vient l’ouragan, et des vents dunord le froid.» Dans la traduction de la Vulgate, et ab Arcturo frigus, Arcturus a été choisi peut-être pour désigner d’une façon générale la région boréale. — 3o Il estplus difficile d’expliquer comment Arcturus se trouve pourkesîl dans Job, xxxviii, 31, alors que la Vulgate a bientraduit ailleurs ce même mot par Orion. Job, ix, 9; Amos, v, 8. — 4o Dans Amos, v, 8, saint Jérôme a rendu parArcturus l’hébreu kîmâh, tandis qu’il y avait vu avec plusde raison les Pléiades dans Job, xxxviii, 31, et à tort lesHyades dans Job, ix, 9. On voit par cet exemple qu’il n’apas été en ces matières très constant dans ses traductions, malgré la note intéressante sur kîmâh et kesil que nousfournit son commentaire d’Amos, v, 8, Patrol. lat., t.xxv, col.1042: «Arcturus se dit en hébreu chima; Symmaqueet Théodotion le rendent par πλειάδα (Pléiade); on l’appelle vulgairement le bouvier (bootem). Orion, qui suitdans le texte, se dit en hébreu chasil; Symmaque le traduit simplement: les étoiles; Théodotion: Vesperus. LeJuif qui nous a instruit dans les Saintes Écritures pensaitque chasil peut s’interpréter éclat, splendeur, et signifierd’une façon générale astres brillants.»
Ces incertitudes expliquent les variations de notre traducteur latin; et comme d’Homère et Hésiode à Virgile etHorace, Arcturus est une des étoiles souvent célébrées parles poètes grecs et latins, son nom se présentait aussitôtà la pensée de saint Jérôme, si accessible aux réminiscences classiques, quand il se trouvait en présence de motshébreux rares et obscurs, là où le contexte laissait conjecturer le nom de quelque astre. Et voilà pourquoi, dans laVulgate, le même Arcturus a été employé pour les troisconstellations nommées dans l’hébreu ‘âš, kimâh, kesîl(probablement la grande Ourse, les Pléiades et Orion), et, de plus, pour traduire le nom obscur de mezârim.
J. Thomas.
ARCULFE, évêque français de la seconde moitié duviiesiècle. On ignore le siège qu’il occupait; ce seraitPérigueux, selon quelques critiques. (Alexis de Gourgues, Le saint Suaire, Périgueux, 1868, p.16.) Il semble plutôtavoir été ordonné seulement pour le service d’un monastère. Bède, Hist. eccles. Anglorum, v, 15, t.xcv, col.256, nous rapporte qu’au retour de son pèlerinage en TerreSainte, vers 670, Arculfe fut jeté par la tempête sur lescôtes des îles Britanniques: ce qui est difficile à croire, quand on songe que notre pèlerin se rendait de Rome enFrance. N’est-il pas plus probable qu’après être rentrédans sa patrie, il entreprit bientôt un nouveau voyagepour aller visiter Iona, appelée alors l’Île des saints? Aprèsavoir échoué sur les côtes occidentales de la Grande-Bretagne, il aurait atteint le but de son pèlerinage. Reçupar Adamnan, abbé du monastère de Columb-Hill, il luiraconta son voyage aux Lieux Saints, accompagnant sonrécit du dessin des sanctuaires qu’il décrivait. Adamnanrecueillit cette précieuse relation par écrit, et en la rédigeant fit quelques additions tirées de différents auteurs.Cet ouvrage est divisé en trois livres: 1o Jérusalem; 2o Bethléem et les villes principales de la Palestine; 3o Constantinople. Outre les éditions de Gretzer et deMabillon (voir Adamnan), nous en avons d’autresplus récentes: l’édition de Migne en 1850, réimpressionde celle de Mabillon, Patrol. lat., t.lxxxiii, col.779; cellede Delpit en 1870, Essai sur les anciens pèlerinages à Jérusalem, suivi du texte du pèlerinage d’Arculfe; c’estle texte de Mabillon avec quelques variantes tirées d’autresmanuscrits; enfin l’édition de Tobler, Arculfi relatio de Locis Sanctis, dans Itinera Terraæ Sanctæ, t.i, in-8o, Genève, 1877. Cf. Itinera hierosolymitana, de Tobleret Molinier, préface, p.xxx-xxxiii, in-8o, Genève, 1880, et M.Delpit, ouvr. cité; D. Ceillier, Histoire générale des auteurs ecclésiastiques, édit. Bauzon, t.xi, p.800-801.
E. Levesque.
ARDON (hébreu: ’Ardon, «fugitif;» Septante: Ἀρδών, fils de Caleb et d’Azuba, de la famille d’Hesron de Juda. IPar., ii, 18.
ARÉA (hébreu: ’Âraḥ, «émigrant;» Septante: Ἄρες, Ἡραέ, Ἡρα), chef de la famille dont les descendantsrevinrent de Babylone au nombre de sept cent soixante-quinze, d’après IEsdr., ii, 5; de six cent cinquante-deux, d’après IIEsdr., vii, 10. Le premier dénombrement futpeut-être fait à Babylone, et le second seulement après leretour en Judée. Un de ses descendants est appelé Séchénias, IIEsdr., vi, 18, et était gendre de Tobie l’Ammonite.
AREBBA (hébreu: Hârabbâh, avec l’article, «la grande;» Septante: Σωθηβᾶ; Codex Alexandrinus: Ἀρεββά), ville de Juda, nommée seulement dans Josué, xv, 60. Beaucoup de commentateurs modernes l’appellent «Rabba», en supprimant l’article. Elle est énumérée, avec Cariathiarim, dans le groupe des villes situées àl’ouest de Jérusalem, sur la frontière septentrionale dela tribu de Juda. Quelques commentateurs ont supposéqu’Arebba n’était qu’une épithète désignant Jérusalemcomme «la grande» ville, parce que Jérusalem n’estpas nommée par son nom dans la liste de Josué, xv, 48-60; mais c’est là une hypothèse peu vraisemblable: Jérusalemétant appelée de son vrai nom dans le reste du livre deJosué, v, 1, 3, 5, etc., pourquoi ne le serait-elle pas également ici? Cf. Jos., xv, 63. De plus cette ville fut donnée àla tribu de Benjamin, non à celle de Juda. Jos., xviii, 28.
La situation d’Arebba est douteuse. Plusieurs géographesmodernes l’identifient avec Rebba, au sud-ouest de Jérusalem, au nord-est d’Éleuthéropolis (Beit-Djibrin). Onpeut objecter contre cette identification qu’Arebba estnommée avec Cariathiarim (Kiriet el-Énab), dans letexte de Josué, xv, 60, et que Rebba est bien éloignéede Kiriet el-Énab, puisque cette dernière est à quatreheures de marche environ au nord-est. Cependant cetéloignement n’est pas suffisant pour rejeter l’identification, qui a pour elle la similitude du nom, Rebba étant lamême chose que hâ-Rabbâh et étant certainement comprise dans la tribu de Juda. — Rebba n’est plus aujourd’hui qu’un monceau de ruines «d’une assez grandeétendue, dit M.V. Guérin, Judée, t.iii, p.336; cesruines couvrent le sommet et les pentes d’une colline. De nombreuses citernes et des caveaux pratiqués dans leroc attestent une haute antiquité. Les maisons, de dimensions très restreintes, étaient pour la plupart construites avec des pierres de taille d’appareil moyen et généralement bien équarries; elles jonchent partout le sol deleurs débris. Un édifice renversé également de fond encomble paraît avoir été une église, ce qui prouve que, àl'époque chrétienne, cette localité était encore habitée.»
ARECON (hébreu: Hâraqqôn, avec l’article), villede la tribu de Dan, Jos., xix, 46. Le texte original porte ici מֵי הַיַרְקוֹן וְהָרַקּוֹן, mê hayyarqôn vehâraqqôn, «les eaux du Yarqon,» ou aquæ flavedinis, «eaux de couleur jaune,» ce que la Vulgate rend littéralement par Meiarcon et Arecon. Mais les Septante traduisent ainsi: ἀπὸ θάλασσης Ἰεράκων. Ils ont donc lu מִיָּם יְרַקוֹן, miyyâm Yeraqôn, «à partir de la mer, Yeraqon,» ne voyant dans le second mot, hâraqqôn, que la répétition du premier, ou bien ce mot lui-même n’existant pas dans leurs manuscrits. Les autres versions anciennes suivent l’hébreu.
Arecon, auparavant inconnue, a été identifiée par Conderet les explorateurs anglais avec Tell er-Rakkeit, localitésituée sur les bords de la mer, au nord de Jaffa. Meiarconse retrouverait ainsi dans le Nahr el-Audjéh, qui couleun peu plus au sud. Cf. Conder, Handbook to the Bible, Londres, 1887, p. 262; G. Armstrong, W. Wilson, Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 147, au mot Rakkon. Cette identification semble conforme à l'énumération de Josué, xix, 45, 46, et la frontière septentrionale de Dan se trouve par là mêmebien déterminée. Voir la carte de la tribu de Dan.
A. Legendre.
ARED (hébreu: En cours 'Ard, «fugitif (?);» Septante: Ἀράδ), dixième fils de Benjamin. Gen., XLVI, 21.
ARÉE (hébreu: Arah, «émigrant;» Septante: Ἀρά), un des fils d’Olla, de la tribu d’Aser. I Par., vii, 39.
ARÉLI (hébreu: 'Ar'êli; Septante: Ἀρεηλείς, Gen., xlvi, 16; Ἀριήλ, Num., xxvi, 17), septième fils de Gad, chef de la famille des Ariélites (hébreu: hâ'ar'êli). Gen., xlvi, 16. La Vulgate le nomme Ariel dans les Nombres, xxvi, 17. Voir Ariel 1.
AREM ( hébreu: Hârim, «camus;» Septante: Ἠράμ, chef de famille dont les descendants revinrent de la captivité de Babylone au nombre de mille dix-sept. Il Esdr., vii, 42. Il est appelé Harim, I Esdr., ii, 39; x, 21, et Harem, II Esdr., x, 5, probablement, dansles deux derniers cas, comme désignant la famille. VoirHarem et Harim 3.
ARÉOPAGE, nom d’une colline d’Athènes sur laquelleon supposait, d’après la tradition mythologique, que Marsavait du se justifier du meurtre d’Hallirrhotius, fils deNeptune (de là son nom ὁ Ἄρειος πάγος, «colline deMars» ), et plus tard Oreste de celui de sa mère (fig. 249). Un tribunal y siégea de très bonne heure, ἡ ἐν Ἀρείῳ πάγῳ βουλή, ou encore ἡ ἄνω βουλή, «le conseil d’en haut». On supposait le tribunal de l’aréopage fondé par Minerveelle-même par opposition à l’autre conseil, qui tenaitses séances dans un palais situé en bas, sur l’Agora.Voir Aréopagite. D’abord les Eupatrides seuls en firentpartie. Dans la suite il suffit d’avoir été archonte, et des'être honoré en remplissant dignement cette charge, poury siéger. Au reste, les attributions de l’Aréopage s'étendirent bientôt considérablement. Solon lui confia le soinde surveiller les mœurs publiques et de maintenir la constitution de l'État. L’iniluence de cette assemblée devintsi grande, qu’après avoir longtemps siégé lien que les troisderniers jours de chaque mois, elle se vit contrainte parla multiplicité des affaires à tenir des séances quotidiennes.Sous Périclès, chef du parti démocratique, une loi restreignit sa juridiction; mais, après l’expulsion des Trente, on lui rendit la plupart de ses anciennes attributions, ensorte que même à l'époque de la décadence d’Athènes, jusque sous les empereurs romains, l’Aréopage jouaitencore un rôle important.
Le livre des Actes, xvii, 19 - 22, raconte commentsaint Paul, prêchant dans l’Agora Jésus et la résurrection, se vit prié par les philosophes épicuriens et stoïciens de monter à l’Aréopage pour y exposer devant unauditoire plus compétent les doctrines dont il se faisait lepropagateur. De tout temps, les Athéniens se montrèrentavides de nouveautés en philosophie comme en politique.Bien que le tribunal de l’Aréopage eût spécialement qualité pour connaître des questions religieuses touchant deprès ou de loin à la morale publique, comme dans leprocès de Socrate, rien n’indique que Paul ait été traduitdevant l’auguste assemblée comme devant des juges. Lecontexte, au contraire, semble dire, qu’il fut polimentconduit ἐπιλαβόμενοι, cf. ix, 27; xxiii, 19) devant des curieux. De plus, il commence par ces mots: «Ἄνδρες Ἀθηναῖοι, «Athéniens,» qui ne peuvent s’adresser au tribunal, mais à la foule des auditeurs. Aussi le discoursqu’il prononce ne ressemble-t-il pas à une apologie. Dansle récit que saint Luc nous fait de l’incident, on netrouve trace ni d’accusation, ni de défense, ni de jugement; la séance se lève sans attendre que Paul ait finid’exposer ce qu’il a à dire, au milieu des plaisanteriesde moqueurs et de sceptiques qui le prient de remettrela suite à une autre fois. En réalité les Athéniens pouvaient bien être sévères envers quiconque semblait tendreà supprimer les dieux de la patrie; ils se montraient trèsaccueillants pour les nouveaux cultes importés du dehors, surtout quand ces cultes leur venaient de l’Orient. Strabon, x, p. 474; Philostrate, Vie d’Apollonius, vi, 7.
Il est aisé de retrouver aujourd’hui, à Athènes, le siteoù Paul parla si éloquemment du Dieu Inconnu. On sait, d’après Hérodote, viii, 52, que la colline de l’Aréopageétait en face de l’extrémité sud-ouest de l’Acropole, etque les Perses s’y établirent pour lancer des projectilesenflammés contre les fortifications de bois protégeant lacitadelle vers ce point, où elle était plus accessible àl’ennemi. Pausanias, qui, i, 28, nous a décrit le site del’Aréopage, donne la même indication topographique, etla tradition actuelle est absolument autorisée quand ellenous le montre au couchant de l’antique Acropole etséparé d’elle par une inflexion de terrain. Le lieu où setenait l’assemblée est encore marqué par un rectanglecreusé dans le rocher de la colline, où nous sommesmonté par seize degrés également taillés dans la pierreet usés par le temps. C’est au point où le renflement deterrain, après s'être élevé insensiblement de l’ouest àl’est, se termine tout à coup d’une façon abrupte, quese trouve cet étroit carré où siégeaient, debout, les Aréopagites. On sait qu’ils jugeaient en plein air, ὑπαίθριοι ἐδικάζοντο. Pollux, viii, 118. À l'époque où Pausaniasvisita l’Aréopage, il y avait dans le lieu même de l’audience deux gradins de pierre blanche ou de pierre nonpolie, ἀργοὺς λίθους, servant de sièges, l’un à l’accusateur et l’autre à l’accusé. Le siège de l’accusateur s’appelait «la pierre de l’implacabilité», Αἰθος Ἀναιδείας, et celui de l’accusé, «la pierre de l’injure», Ὕβρεως. Pausanias, i, 28, 5. Quoi qu’il en soit de détails impossibles à reconstituer aujourd’hui dans l'étroit carré des trois bancs rectangulaires qui s’ouvrent vers le midi (voir notre Voyageaux pays bibliques, t. iii, p. 251), la vue sur l’Agora etl’Acropole, où se dressait un monde de statues, témoignage moins éloquent peut-être, si prodigieux qu’il fût, du génie artistique de la Grèce que de sa honteuse idolâtrie, durent inspirer saint Paul. Il y exposa les plusgrandes vérités, le Dieu créateur du ciel et de la terre, l’origine commune de tous les hommes, leur fraternitéet leur solidarité, Jésus ressuscité. Après son discours, quelque insignifiants qu’en parussent les résultats, la cause du vrai Dieu fut gagnée contre les idoles. Un des juges de l’Aréopage, Denys, se convertit, ainsi qu’une femme DM
AREOPAGE
ARESI
942
nommée Damans. Au pied de la colline, vers le nord, sevoient les ruines d’une église dédiée à l’illustre Aréopagite.D"immenses blocs de pierre, en se détachant de la colline, y ont comblé une cavité profonde. Là avait été jadis letemple et la grotte sacrée des Euménides. Oreste, poursuivi par les Furies, s’y était réfugié demandant son salutà Minerve, dont il embrassa la statue. Depuis les esclavesy trouvèrent un asile où nulle main ne pouvait les atteindre.Pour d’autres détails, voir l’article Athènes. Cf. Vigoureux, Le Nouveau Testament et les découvertes modernes, p. 246-253. E. Le Camus.
- ARÉOPAGITE##
ARÉOPAGITE, 'Ap£io7ta-f l 1 "1?- Dans ' es Actes desApôtres, xvii, 34, parmi les Athéniens convertis par laprédication de saint Paul est cité un Aréopagite du nom
par conséquent tous les anciens archontes n’en firent pastoujours partie. L’Aréopage était présidé par un èm<ruiTY]c.Plutarque: An seni sit gerenda respubl., XX, 1, D. 970.Un autre dignitaire nommé dans les inscriptions porte lenom de xr, p’j! j t^î il. 'Apei’ov itdcyou (jo’j).yi; . Corp. Inscr.attic, iii, 10, 680, 714, 1005, 1006, etc. Il figure dans leslistes de magistrats après les archontes thesmothètes, c’estdire l’importance de ses fonctions. — Voir Caillemer, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines deSaglio, t. i, p. 403, au mot Aréopage; E. Dugit, Étude surl’Aréopage athénien, in-8°, Paris, 1867; D. J. vanLennep, De varia variis temporibus Areopagi potestate, in-8o, Amsterdam, 1834; W. van Swinderen, Quæ fuitsenatus areopagilici auctoritas variis Reipublicse atlicxtemporibus, Groningue, in-8°, 1848. E. Beurlier.
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249. — Rocher de l’Aréopage, à Athènes.
de Denys. À l'époque où l’Apôtre vint prêcher à Athènes, le conseil de l’Aréopage occupait encore une place importante dans la cité. Les Romains, en effet, avaient laisséà Athènes le titre et les prérogatives de ville libre, c’est-à-dire son ancienne constitution. L’Aréopage continua donc à être le premier et le plus respectable corpsde la république ( to cts^vôtoctov iuvé8piov, Corpus Inscriptionum atticarum, iii, 57, 714, etc.). Dans les décrets rendus au nom de l'État, il est placé avant le conseildes Six-Cents. D’après Cicéron, c'était vraiment lui qui gouvernait la république. De Nat. deor., ii, 29, 74. Il avait conservé en particulier d’importantes attributions judiciaires, et les Romains avaient recours aux Aréopagites ut adjudices graviores exercilatioresque. Aulu-Gelle, xii, 7.Son consentement était nécessaire pour l'érection desstatues élevées par les particuliers et les corporations àleurs bienfaiteurs. Corp. Inscript, attic, iii, 731, 734, etc.Il s’occupait aussi de l’instruction de la jeunesse et de lapolice de la ville. Les décrets de l’Aréopage portaient lesnoms de Soy^a, 'l^çcfftxx, èitEp J n; [j.x ou JTiOfivTifj.aTtajvo?.Corp. Inscript, attic, iii, 331, 687, 824 a, 924, etc. Il estprobable qu’un changement se produisit à l'époque romaine dans le recrutement des Aréopagites, qu’ils furentélus par un mode d'élection que nous ignorons, et que
- ARÉOPOL##
ARÉOPOL, ARÉPOL, ARIPOL Samuel, rabbinde Palestine, fils de R. Isaac, fils de Jom. Tob. Arépol, vivait au XVIe siècle, à Safed, dans la haute Galilée. On ade lui: 'Imrat 'Ëlôha, «Parole de Dieu,» commentairehomilétique sur le Pentateuque, in-4o, Venise, 157. (sic); Mizmôr lefôdâh, «Psaume de louange,» exposition dupsaume alphabétique cxviii (cxix) et des quinze psaumesgraduels, in-4o, Venise, 1576; Prague, 1610; Lêb hàkàm, Piov., xvi, 23; «Cœur du sage,» commentaire de l’Ecclésiaste, in-4°, Constantinople, 1591; Lublin, 1604; Sarsàlôm, «Le prince de la paix,» Is., ix, 5, commentairesur le Cantique des 'cantiques, in-4o, Safed, 1579; Venise, 1596, etc. L. Guillereau.
- ARESI Paul##
ARESI Paul, théologien italien, né à Crémone, versl’an 1574, mort à Tortone, le 16 juin 1644. Il prit le nomde Paul en entrant chez les Théatins, à l'âge de seizeans. Il enseigna la philosophie et la théologie à Naples, puis à Rome. Il s’acquit aussi un grand renom commeprédicateur. Choisi pour confesseur, à Turin, par Isabellede Savoie, il fut nommé à l'évêehé de Tortone. Outredivers ouvrages philosophiques et des traités sur l'éloquence de la chaire, on a de lui: Novse qutedam vehtationes de vero sacri Cantici Salomonis cum historico
tum spirituali sensu, in-4o, Milan, 1640; Vélitationessex in Apocalypsim, in-f", Milan, 1647, ouvrage posthume édité par le P. Paul Sfondrati, qui y joignit une Viede l’auteur. L. Guillereau.
- ARÉTAS##
ARÉTAS (grec: 'ApÉTaç; nabatéen: ffartat), nomde plusieurs rois des Nabatéens ou d’Arabie Pétrée.L'Écriture n’en mentionne que deux:
1. ARÉTAS Ier, contemporain du grand prêtre Jasonet d’Antiochus Épiphane, vers 170 avant J.-C., le plusancien roi connu de ce nom. Ce fut lui qui empêchaJason, poursuivi par Antiochus IV, de trouver un refugedans le pays des Ammonites, qui devait être par conséquent sous la domination du roi des Arabes. L'Écrituredonne à Arétas le titre de t’jpavvo; . II Mach., v, 8.
2. ARÉTAS iV PHILODÈME, contemporain de saintPaul (7 avant J.-C. - 40après J.-C). II Cor., xi, 32 (fig. 250).Arétas porta d’abord le nom d’AZnéas. À la mort d’ObodasII,
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250. — Monnaie d' Arétas IV Philodème.
Tête imberbe et lamée a droite. —% Femme debout à gauche, levant la main droite. 1TD32-fro nm ["]. — „rnw (Arétas, roi de Nabat. Année…).
roi des Nabatéens, il changea son nom en celui d' Arétaset prit possession du trône. Josèphe, Ant. jud., XVI, iv, 4. Il trouva un compétiteur en la personne de Syllæus, qui l’accusa auprès d’Auguste d’avoir pris le titre deroi sans la permission impériale. Arétas écrivit à l’empereur pour se justifier, et accusa Syllæus d’avoir faitempoisonner Obodas. Il joignit à sa lettre l’envoi d’unecouronne d’or du poids de plusieurs talents. Auguste renvoya le présent; mais, bientôt après, Nicolas de Damas, venu à Êome pour plaider la cause d’Hérode Ier, démasqua Syllæus, qui fut condamné a mort. Josèphe, Ant.jud., XV, K, 4; x, 8 et 9. Auguste, toujours mal disposépour Arétas, voulait donner ses États à Hérode Ier, mais ilchangea d’avis en apprenant la manière indigne dont cedernier traitait ses fils; il se contenta de blâmer Arétasd’avoir pris le titre de roi sans son ordre, accepta ses présents et le confirma dans sa royauté. Josèphe, Ant. jud., XVI, ix, 9; Strabon, xvi, p. 782; Nicolas de Damas, dansC. Mùller, Fragm. hist. grsec, t. iii, p. 351. Devenul’allié des Romains, en haine d’Hérode, Arétas fournit destroupes auxiliaires au légat de Syrie Varus, dans la guerrequ’il fit, l’an 4 après J.-C, aux Juifs révoltés. Josèphe, Ant. jud., XVII, x, 9; Bell, jud., II, v, 1. Plus tard cependant il donna sa fille en mariage au tétrarque HérodeAntipas; mais celui-ci la répudia pour épouser Hérodiade, femme de son frère Philippe. La fille. d’Arétas se réfugiaauprès de son père, qui déclara la guerre au tétrarque etle vainquit. Hérode invoqua le secours des Romains. Surl’ordre de Tibère, Vitellius, légat de Syrie, marcha contreArétas; mais, à la nouvelle de la mort de l’empereur, ilabandonna la campagne. Josèphe, Ant. jud., XVIII, v, 1-3. Ce fift probablement alors que le roi des Nabatéensreprit possession de Damas, qui avait appartenu à sonprédécesseur. Deux faits appuient cette hypothèse: 1o Caligula apporta de grands changements dans les royaumesvassaux de Rome; 2o la série des monnaies de Damas portant l’effigie impériale s’interrompt pendant les règnes deCaligula et de Claude. Mionnet, Description des monnaies, t. v, p. 286; Supplément, t. viii, p. 193; De Saulcy,
Numismatique de la Terre Sainte, p. 36. Saint Paul, qui venait de se convertir au Christianisme, fut obligé dese faire descendre, pendant la nuit, dans une corbeille, le long des remparts, pour échapper aux poursuites del’ethnarque ou gouverneur q’u’Arétas avait placé à latête de la ville. II Cor., xi, 32-33. Quelques auteurs ontpensé que cet événement avait eu lieu pendant une occupation antérieure et temporaire de Damas par Arétas; mais cette explication est moins probable. On possèdeun certain nombre d’inscriptions nabatéennes datées desdiverses années du règne d’Arétas IV. Euting, Nabatàische Inschriften, p. 24-61, n. 1 à 20; de Vogué, Syriecentrale, inscript, sentit., p. 113; E. Renan, Journalasiatique, 1873, p. 373; Zeitschrift der deutschen nwrgenlàndischen Gescllschafl, 1869, p. 150; 1871, p. 429; R. P. Lagrange, Zeitschrift fur Assyriologie, 1890, p. 290.Sur les inscriptions et sur les monnaies, Arétas IV estappelé Ràhem amméh, d’où son surnom grec de Philodème qui en est la traduction, «qui aime son peuple.» Ses deux femmes, Halda et Seqailat, sont souvent représentées au revers. Voir Joh. Goltlob Heyne, De ethnarchaAretse Arabum régis, 1755; Wieseler, Chronologie desApostolischen Zeitalters, 1848; E. Schùrer, Geschichtedes jûdisclten Volkes ini Zeitaller Jesu Christi, t. i, p. 617-619; duc de Luynes, Revue numismatique, 1858, p. 294-296; de Vogué, ibid., 1868, p. 162; Babelon, ibid., 1887, p. 374-377; de Saulcy, Annuaire de numismatique, 1873, p. 13-17; 1878, p. 461-464; de Vogué, Syrie centrale, inscriptions sémitiques, 1868, p. 103-106; Levy, dans la Numismatisclie Zeitschrift, de Huber de Karabacek, t. iii, 1871, p. 445-448; Euting, NabalâischeInschriften, in-4o, Berlin, 1885, p. 81-87.
E. Beurlier.
3. ARÉTAS, commentateur grec, évêque de Césaréeen Cappadoce. On trouve dans les éditions anciennesd'Œcuménius, et comme complément de ses commentaires des Actes des Apôtres et des Épîtres, un commentaire ou édition glosée de l’Apocalypse qui porte le nomd’Arétas. Ainsi dans l'édition d'Œcuménius par J. Henten, Paris, 1630-1631, t. n: Arethse explanaliones in Apocalypsin. Cette édition laisse à désirer. Un texte meilleurdu commentaire d’Arétas a été donné par Cramer, dansses Calense grœcorum Patrum in N. T., Oxford, 1840.(Le texte de Cramer est reproduit par Migne, Patr. gr., t. evi, col. 493-786.) Le titre exact de l'œuvre d’Arétas est: Brève explication, tirée des commentaires sur l’Apocalypse du bienheureux André, archevêque de Césarée deCappadoce, mise en ordre par Arétas, indigne évêquede Césarée de Cappadoce. Par ailleurs on possède uncommentaire sur l’Apocalypse qui porte le nom d’André, archevêque de Césarée de Cappadoce; il a été publié engrec pour la première fois par Sylburg, en 1596, et il estreproduit d’après Sylburg par Migne, Patr. gr., t. evi, "col. 215-458. Voir André 4, col. 564. Cet Arétas a étéconsidéré sans fondement suffisant, par quelques critiques, comme ayant été évêque de Césarée au v c siècle: en réalité il est à identifier avec l'évêque de ce nom quela liste épiscopale de Césarée compte au commencementdu xe siècle, et dont on a récemment mis en lumière l’activité littéraire et philosophique. Voyez O. von Gebhardt, Der Erzbischof Arethas von Câsarea, seine Sludien undseine Bibliothek, dans les Texte und Untersuchungen deGebhardt et Harnack, t. i, Leipzig, 1883, p. 36-46. Lecommentaire de l’Apocalypse a dû être composé entre895 et 914. Le commentaire d’Arétas n’est pas une simplereproduction du texte d’André; il l’abrège, l’améliore et lecomplète de son propre fonds en maint endroit. Toutefoisla science de l'Écriture a peu à y prendre. Voir Fabricius, édit. Harless, Bïbliolheca grasca, t. viii, p. 696-699.
P. Batiffol.
- ARETIUS Benedict##
ARETIUS Benedict, théologien et botaniste suisse, né à Berne vers 1505, mort le 22 avril 1574. Son véritable nom était Marti; Aretius est la traduction grecque
de ce nom (de "Aprj; , «Mars» ). Choisi, en 1548, commeprofesseur de logique à l’université de Marbourg, il devintensuite professeur de langues à Berne, et enseigna plustard la théologie d’après les doctrines de Calvin, qu’ilavait embrassées avec ardeur. Il explique le sens avecbonheur dans ses commentaires, mais il faut tenir comptede ses tendances. Il a composé: Commentant brèves inMosis Pentateuchum, in-8°, Berne, 1602 et 1611 (ouvrageposthume); Commentarii in Domini Nostri Jesu ChristiNovum Testamentum, in-f° et Il in-8°, Morsée, 1580-1584; in-f°, Paris, 1607. Les éditions partielles en sont nombreuses: Commentarii in quatuor Evangelia, in-8°, Lausanne, 1577; Commentarii in Actuum Apostolorumhistoriam, 1590; Commentarii in onines Epistolas Pauli et canonicas, itemque m Apocalypsim Joannis, 1589, etc. VoirChr. Saxi, Onomastic. literar., part, iii, p. 399; Biblioth.instit. a Gesnero in Epitom. redact. per J. Simlerumet Joh. Frisium, Zurich, 1693, p. 111; G. Walch, Biblioth. theol. critic, t. IV, passim. Le nom d’Aretiusse trouve parmi ceux des auteurs condamnes par leconcile de Trente. L. Guillereau.
AREUNA. LaVulgate écrit ainsi, dans le second livredes Rois, xxiv, 16-23, le nom du propriétaire de l’airesur laquelle fut bâti le temple dé Jérusalem (voir Aired’Ornan, col. 328). Ailleurs, elle l’appelle Oman. VoirOrnan.
1. ARGENT. Hébreu: késéf, de la racine kâsaf. Késéfsignifie «ce qui est blanc» et «ce qui est désirable». Lenom donné à l’argent dans les autres langues montre, paranalogie, que la première étymologie doit être préférée.Égyptien: nub het, «or blanc;» grec: àpyupo; , d'àpvôç, «blanc.» D’après une autre étymologie, késéf signifie «coupure,» segmentum.
I. Son origine. — L’argent ne se trouvait pas en Palestine, et la découverte de quelques liions argentifères dansles montagnes du Liban paraît être relativement moderne.Cf. Kitto, Physical History of Palestine, p. 73. Ce métalprécieux était, au contraire, commun en Chaldée avantAbraham; il était appelé, dans ce pays, kaspu, qui est lemême mot que késéf. Les Egyptiens avaient dans l'île deMéroé, territoire de la Nubie, des mines d’argent assezproductives, mais bien moins riches que les mines d’orqui donnaient leur nom au pays. Diodore de Sicile, i, 33, 4 ( J. Abraham rapporta d’Egypte une grande quantité d’argent. Gen., xiii, 2. Les Égyptiens en faisaient des coupes, Gen., xliv, 2, de la vaisselle, Exod., xi, 2; xii, 35, desmiroirs et toutes sortes d’objets (fig. 251). «Ils émaillaientl’argent, de manière à y reproduire l’image d’Anubis, ilsle coloraient, mais ils ne le ciselaient pas. Ils se servirent ensuite de ce métal pour leurs statues triomphales, et quand l’argent était mat, le prix en était très grand.» Pline, H. N., xxxiii, 131, édit. Teubner, t. v, p. 27.
Les anciens tiraient encore l’argent de la Colchide, del’Attique, du pays des Chalybes ou Chaldéens du Pont, de la Bretagne. Strabon, I, ii, 39; IX, i, 23; XII, iii, 19; IV, v, 2. Mais les mines d’argent de beaucoup les plus richeset les plus facilement exploitables étaient celles d’Ibérieou Espagne, le pays appelé Tharsis dans la Bible. VoirTharsis. Les écrivains de l’antiquité célèbrent à l’envices fameuses mines. L’argent s’y trouvait à l'état natifet à une faible profondeur, de sorte que son exploitationne présentait aucune difficulté. Aussi le voit-on aux mainsdes indigènes dès le début de l'âge du bronze. Cf. L. etH. Siret, Les premiers âges du métal en Espagne, dansla Revue des questions scientifiques, avril 1888, p. 50, 379-384. D’autres fois, il était enveloppé dans une ganguequi rendait le quart de son poids de métal pur. Diodore, v, 36. On exploita ensuite la galène (plomb sulfuré) argentifère. Pour en tirer l’argent, on pilait et on lavait à cinqreprises la pépite argentifère, on faisait foudre le sédiment, et «le plomb s'échappait sous l’action du feu, tandis que
i l’argent surnageait, comme l’huile sur l’eau». Pline, xxxiii,
! 95, 96. Au rapport de Strabon, III, ii, 8, telle mine rapporj tait en trois jours à son propriétaire la valeur d’un talent
euboïque ( environ 4 400 fr.). Plus tard les Romains s’emparèrent du pays ibérien et de ses riches gisements. I Mach., vin, 3. Polybe, d’après Strabon, loc. cit., rapporte quequarante mille ouvriers étaient employés à l’exploitation, près de Carthage la Neuve, et que le rendement quotidien était de vingt-cinq mille drachmes (24250 francs).Mais bien auparavant, les Phéniciens, dont les vaisseaux longeaient sans cesse toutes les côtes de la Méditerranée, s'étaient aperçus de l’abondance de l’argent enIbérie. Comme les indigènes n’en appréciaient pas la
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251. — Coupe et ornements d’argent. Musée du Louvre.
En haut, fond de coupe en argent, représentant des poissonset des fleurs de lotus. L’inscription porte: «Celui qui emplitle cœur du Seigneur des deux mondes, le loué du Dieu bon, le basilicogrammate, le gouverneur des pays septentrionaux, Teti.» — Au bas, a droite, fragment d’ornement en argeM; £» gauche, pendant d’oreille en argent.
valeur et employaient souvent le précieux métal à desusages vulgaires, les Phénicien: i échangeaient contre desmarchandises de vil prix et ils en remplissaient leursbateaux. Quand le chargement avait atteint son extrêmelimite, et qu’il restait encore de l’argent sur le marché, ils remplaçaient par ce métal le plomb de leurs ancres.Diodore, v, 35. Ils se firent les pourvoyeurs de tous lespays avec lesquels la Méditerranée les mettait en rapports, et ce trafic leur procura d’immenses bénéfices.
L’argent était en effet très apprécié des anciens, auxyeux desquels sa rareté, comparée à l’abondance de l’or, donnait une plus grande valeur. On s’en servit pour faireles premières monnaies, et comme, malgré sa duretéplus grande que celle de l’or, on pouvait arriver à le travailler par le martelage, on en fabriquait toutes sortesd’objets. La facilité avec laquelle il se ternit, et même senoircit sous l’action des vapeurs sulfureuses. et surtoutson abondance à la suite des importations phéniciennesle déprécièrent un peu. Aujourd’hui, à poids égal, l’orvaut quinze fois et demie l’argent; 450 ans avant J.-C, en Grèce, il ne le valait que quatorze fois, Minerva, p. 87; dans l’Asie occidentale, la proportion tendit peu à peu àse rapprocher de ce chiffre. Néanmoins l’argent conti
nuait à être très estimé, et il n’était pas rare que, dansles énumérations d’objets précieux, on le nommât avantl’or. C’est ce qu’on remarque dans beaucoup d’inscriptionsassyriennes qui relatent les guerres d’Assurnasirpalet de Salmanasar II en Asie occidentale (Delattre, Revuedes questions scientifiques, octobre, 1884, p. 495 et suiv.), et dans un très grand nombre de passages de la Bible.Gon., xxiv, 35, 53; Exod., iii, 22; xii, 35; Num., xxii, 18; Dout., vii, 25; viii, 13; Prov., viii, 7, etc.
II. Ses usages. — L’argent apparaît dans la Bible commemoyen d’échange, sous le nom de «sicle ou poids d’argent», dès le temps d’Abraham; il était probablement employéalors en lingots d’un poids déterminé. Gen., xxii, 15; xliii, 22. Il ne fut monnayé qu’assez longtemps après lacaptivité de Babylone. Voir Monnaie. Les premiers objetsd’argent qui soient mentionnés sont ceux qui furent offertspar Éliézer à Rébecca. Gen., xxiv, 53. Les vases d’argentemportés par les Hébreux à leur départ d’Egypte, Exod., m, 22; xii, 35; Num., vii, 13, 84, servirent surtout à laconstruction et à l’ornementation du sanctuaire. Exod., xxv, 3; xxxi, 4; xxxv, 5, 24. C’est en argent que Béséléelet ses orfèvres tirent les chapiteaux, les ciselures, lesrevêtements des colonnes des parvis, Exod., xxxviii, 10-18, les quarante bases qui soutenaient les planchersdu tabernacle, Exod., xxvi, 19, et les trompettes aveclesquelles Moïse convoquait le peuple. Num., x, 2.
Parmi les trésors que David avait préparés à son fils envue de la construction du temple, il se trouvait de quoifaire des candélabres, des tables et des lions en argent.I Par., xxviii, 15-27. Sous Salomon l’argent afflua à Jérusalemau point de devenir commun comme les pierres, dit hyperboliquement l’historien. III Reg., x, 27. L’opulentmonarque en recevait d’Arabie et de Tharsis, où sesvaisseaux se rendaient avec ceux des Phéniciens. II Par., IX, 14, 20, 21. On faisait alors des lits en argent, Prov.xxv, 11, comme plus tard chez les Perses. Esth., i, 6.Dans le temple, presque tous les ustensiles qui n’étaientpas en or étaient en argent. Quand Cyrus remit aux Juifsles vases que Nabuchodonosor avait emportés du temple, la restitution put encore comprendre quatre cent dix coupesd’argent et en tout cinq mille quatre cents vases d’or oud’argent. I Esdr., i, 7-10.
La cupidité portait souvent à altérer l’argent par desalliages de métaux inférieurs. Prov., xxv, 4; xxvi, 33; Is.,
I, 22; Jer., vi, 30. L’argent altéré se reconnaissait à différentssignes: la buée de l’haleine ne s’y condensaitpas immédiatement, le métal ne pouvait plus servir demiroir ni se laminer en feuilles. Pline, H. N., xxxiii, 127, 128. Il fallait alors recourir à la coupellation: on mettaitl’argent de mauvais aloi dans des vases formés d’os calcinéset réduits en poudre, qui ont la propriété de retenir l’oret l’argent et de laisser écouler à travers leurs pores lesautres métaux en fusion. Les Égyptiens connaissaient ceprocédé, et les écrivains bibliques y font de fréquenteset assez claires allusions. Ps. xi, 7; lxv, 10; lxvii, 31; Prov., xvii, 3; xxvii, 21; Ezech., xxii, 20-22; Zach., xiii, 9; Mal., iii, 3.
L’idolâtrie a naturellement mis l’argent à contributionaussi bien que l’or. La Bible mentionne, à ce point devue, les idoles chananéennes, Deut., vii, 25; l’idole d’argentdu prêtre Michas, l’éphraïmite, Jud., xvii, 3, 4; lesdieux d’argent des Assyriens et des autres peuples idolâtres, Is., ii, 20; xxxi, 7; xlvi, 6; Ose., viii, 4; Barueh, vi, 3; Dan., v, 4, 23; II Mach., Il, 2. Dans le NouveauTestament, il n’est question que des édicules d’argentfabriqués en l’honneur de Diane par les orfèvres d’Éphèse.Act., xix, 24.
Dans la statue du songe de Nabuchodonosor, l’argentest le symbole du royaume des Perses et des Mèdes. Dan.,
II, 32, 39, 45. Saint Paul en fait un des symboles des
bonnes œuvres. I Cor., iii, 12.
H. Lesêtre.
2. ARGENT (Monnaie d’). Voir Moxsaie.
- ARGENTEUS##
ARGENTEUS (CODEX). Le beau manuscrit désignésous le nom de Codex Argenteus est le plus importantdes restes manuscrits de la Bible gothique du IVe siècle.Son nom à’Argenteus lui vient, soit de ce que sa reliuredu XVIIe siècle est d’argent massif, soit de ce qu’il estécrit en lettres d’argent, ce qui d’ailleurs lui est uneparticularité commune avec nombre de manuscrits bibliques, tant grecs que latins. Il est aujourd’hui la propriétéde la bibliothèque de l’Université d’Upsal, en Suède.On croyait, au XVe siècle, que lors de l’invasion des Barbaresles Goths avaient emporté en Suède et en Danemarkune partie des richesses, et en particulier desmanuscrits, qu’ils avaient trouvés en Italie; mais l’arrivéedu Codex Argenteus en Suède ne remonte pas si loin.Elle ne remonte même pas à l’époque où Gustavevdolphevainqueur envoyait en Suède, comme butin de guerre, lesbelles bibliothèques que les Jésuites avaient formées àRiga, à Brunsberg, à Oppenheim. Voir Graux et Martin, Notices sommaires des manuscrits grecs de Suède, Paris, 1889, p. 12. C’est seulement le 19 janvier 1C69 que futdonné à la bibliothèque de l’Université d’Upsal, en mêmetemps qu’un magnifique lot de manuscrits relatifs auxantiquités Scandinaves, le Codex Argenteus. Le donateurétait le chancelier Magnus Gabriel de la Gardie, lequelavait formé jusqu’à trois bibliothèques: l’une à Stockholm, l’autre à Leckci, la troisième à Wenegarn; c’était uncollectionneur de manuscrits, comme l’était sa souverainela reine Christine.
Où Magnus de la Gardie avait-il acquis le Codex Argenteus?Il semble établi que notre manuscrit avait été aupréalable, vers 1655, entre les mains d’Isaac Vossius, lebibliothécaire de la reine Christine: c’est ce dont témoigneFr. Junius, le premier éditeur de ce manuscrit, en 1665.A la fin du xvie siècle, il appartenait à la bibliothèquedu monastère de Werden, près de Dusseldorf, où AntonioMorilloni le vit et transcrivit le texte gothique del’oraison dominicale, qu’imprima Becanus, en 1569, dansses Origines Anlverpianse. Le manuscrit avait quittéWerden avant le commencement du xvii «siècle, carStrenius (Richard Strein von Schwarzenau), mort en1601, signale sa présence à Prague, si tant est que lemanuscrit de Werden soit le même que celui de Prague.On veut, en outre, qu’il ait été pris à Prague par lesSuédois, en 1648, et donné par le maréchal Kbnigsmarkà la reine Christine. Mais, à notre connaissance, on n’expliqueni comment il serait venu de Werden à Prague, ni surtout comment la reine Christine, devenue propriétairedu précieux manuscrit, s’en serait ensuite dépossédée, pareilles libéralités ayant été peu familières à laroyale collectionneuse.
Le manuscrit a contenu à l’origine les quatre Évangilesdans l’ordre Mathieu-Jean-Luc-Marc; mais il avait perduplus de cent de ses feuillets, avant de venir entre les mainsde Vossius. Voir A. Scott, Ulfilas Apostle of tlte Goths, Cambridge, 1885, p. 126. Il compte aujourd’hui, nonpoint 177, mais 187 feuillets, partagés en quaternions oucahiers de huit feuillets. Le parchemin est teint en pourpre, l’encre est d’argent, et, comme dans la plupart des manuscritspourpres à lettres d’argent, les premiers mots dechaque section ainsi que les premières lignes des Évangilessont écrits en lettres d’or. Les initiales sont sansornement. Aucune décoration, sinon les arceaux tracés àl’encre d’argent qui encadrent les canons de concordance.Point de contractions, sauf celles des noms de Dieu, Seigneur, Jésus, Christ, à leurs différents cas. On sait que l’alphabetgothique d’Ulfilas est emprunté dans ses élémentsessentiels à l’alphabet grec; les caractères du Codex Argenteussont de belle onciale grecque du vi «siècle.
L’importance du Codex Argenteus tient à ce qu’il nousdonne la plus grande partie de ce qui nous reste de laversion gothique do la Bible par Ulfilas; les autres manuscritsque nous en avons ne contiennent, en dehors desÉpîtres, que des fragments peu étendus des Évangiles, Dict. de la Bible
CODEX ARGENTEES D’EPSAL [Image à reprendre]
nuait à être très estimé, et il n’était pas rare que, dansles énumérations d’objets précieux, on le nommât avantl’or. C’est ce qu’on remarque dans beaucoup d’inscriptionsassyriennes qui relatent les guerres d’Assurnasirpalet de Salmanasar II en Asie occidentale (Delattre, Revuedes questions scientifiques, octobre, 1884, p. 495 et suiv.), et dans un très grand nombre de passages de la Bible.Gen., xxiv, 35, 53; Exod., iii, 22; xii, 35; Num., xxii, 18; Deut., vii, 25; viii, 13; Prov., viii, 7, etc.
II..Ses usages. — L’argent apparaît dans la Bible commemoyen d’échange, sous le nom de «sicle ou poids d’argentdès le temps d’Abraham; il était probablement employéalors en lingots d’un poids déterminé. Gen., xxii, 15; xliii. 22. Il ne fut monnayé qu’assez longtemps après lacaptivité de Babylone. Voir Monnaie. Les premiers objetsd’argent qui soient mentionnés sont ceux qui furent offertspar Éliézer à Rébecca. Gen., xxiv, 53. Les vases d’argentemportés par les Hébreux à leur départ d’Egypte, Exod., m, 22; xii, 35; Num., vii, 13, 84, servirent surtout à laconstruction et à l’ornementation du sanctuaire. Exod., xxv, 3; xxxi, 4; xxxv, 5, 24. C’est en argent que Béséléelet ses orfèvres rirent les chapiteaux, les ciselures, lesrevêtements des colonnes des parvis, Exod., xxxviii, 10-18, les quarante bases qui soutenaient les planchersdu tabernacle, Exod., xxvi, 19, et les trompettes aveclesquelles Moïse convoquait le peuple. Num., x, 2.
Parmi les trésors que David avait préparés à son fils envue de la construction du temple, il se trouvait de quoifaire des candélabres, des tables et des lions en argent.I Par., xxviii, 15-27. Sous Salomon l’argent afflua à Jérusalemau point de devenir commun comme les pierres, dit hyperboliquement l’historien. III Reg., x, 27. L’opulentmonarque en recevait d’Arabie et de Tharsis, où sesvaisseaux se rendaient avec ceux des Phéniciens. II Par., ix, 14, 20, 21. On faisait alors des lits en argent, Prov.xxv, 11, comme plus tard chez les Perses. Esth., i, 6.Dans le temple, presque tous les ustensiles qui n’étaientpas en or étaient en argent. Quand Cyrus remit aux Juifsles vases que Nabuchodonosor avait emportés du temple, la restitution put encore comprendre quatre cent dix coupesd’argent et en tout cinq mille quatre cents vases d’or oud’argent. I Esdr., i, 7-10.
La cupidité portait souvent à altérer l’argent par desalliages de métaux inférieurs. Prov., xxv, 4; xxvi, 33; Is., I, 22; Jer., vi, 30. L’argent altéré se reconnaissait à différentssignes: la buée de l’haleine ne s’y condensaitpas immédiatement, le métal ne pouvait plus servir démiroir ni se laminer en feuilles. Pline, H. N., xxxiii, 127, 128. Il fallait alors recourir à la coupellation: on mettaitl’argent de mauvais aloi dans des vases formés d’os calcinéset réduits en poudre, qui ont la propriété de retenir l’oret l’argent et de laisser écouler à travers leurs pores lesautres métaux en fusion. Les Égyptiens connaissaient ceprocédé, et les écrivains bibliques y font de fréquenteset assez claires allusions. Ps. xi, 7; lxv, 10; lxvii, 31; Prov., xvii, 3; xxvii, 21; Ezech., xxii, 20-22; Zach., xiii, 9; Mal., iii, 3.
L’idolâtrie a naturellement mis l’argent à contributionaussi bien que l’or. La Bible mentionne, à ce point devue, les idoles chananéennes, Deut., vii, 25; l’idole d’argentdu prêtre Michas, l’éphraîmite, Jud., xvii, 3, 4; lesdieux d’argent des Assyriens et des autres peuples idolâtres, Is., ii, 20; xxxi, 7; xlvi, 6; Ose., viii, 4; Baruch, vi, 3; Dan., v, 4, 23; II Mach., ii, 2. Dans le NouveauTestament, il n’est question que des édicules d’argentfabriqués en l’honneur de Diane par les orfèvres d’Éphèse.Act., xix, 24.
Dans la statue du songe de Nabuchodonosor, l’argentest le symbole du royaume des Perses et des Mèdes. Dan., n, 32, 39, 45. Saint Paul en fait un des symboles des
bonnes œuvres. I Cor., iii, 12.
H. Lesêtre.
2. ARGENT (Monnaie d’j. Voir Moxxaie.
! ARGENTEUS (CODEX). Le beau manuscrit désigné
sous le nom de Codex Argenteus est le plus importanti des restes manuscrits de la Bible gothique du IVe siècle.Son nom d’Argenteus lui vient, soit de ce que sa reliuredu XVIIe siècle est d’argent massif, soit de ce qu’il estécrit en lettres d’argent, ce qui d’ailleurs lui est uneparticularité commune avec nombre de manuscrits bi. bliques, tant grecs que latins. Il est aujourd’hui la pro! priété de la bibliothèque de l’Université d’Upsal, en Suède.I On croyait, au XVe siècle, que lors de l’invasion des Bar] bares les Goths avaient emporté en Suède et en Danemarkune partie des richesses, et en particulier desmanuscrits, qu’ils avaient trouvés en Italie; mais l’arrivéedu Codex Argenteus en Suède ne remonte pas si loin.Elle ne remonte même pas à l’époque où Gustave-Adolphevainqueur envoyait en Suède, comme butin de guerre, lesbelles bibliothèques que les Jésuites avaient formées àRiga, à Brunsberg, à Oppenheim. Voir Graux et Martin, Notices sommaires des manuscrits grecs de Suède, Paris, 1889, p. 12. C’est seulement le 19 janvier 1669 que futdonné à la bibliothèque de l’Université d’Upsal, en mêmetemps qu’un magnifique lot de manuscrits relatifs auxantiquités Scandinaves, le Codex Argenteus. Le donateurétait le chancelier Magnus Gabriel de ( la Gardie, lequelavait formé jusqu’à trois bibliothèques: l’une à Stockholm, l’autre à Lecko, la troisième à "Wenegarn; c’était uncollectionneur de manuscrits, comme l’était sa souverainela reine Christine.
Où Magnus de la Gardie avait-il acquis le Codex Argenteus?Il semble établi que notre manuscrit avait été aupréalable, vers 1655, entre les mains d’Isaac Vossius, lebibliothécaire de la reine Christine: c’est ce dont témoigneFr. Junius, le premier éditeur de ce manuscrit, en 1665.A la fin du xvi c siècle, il appartenait à la bibliothèquedu monastère de Werden, près de Dusseldorf, où AntonioMorilloni le vit et transcrivit le texte gothique del’oraison dominicale, qu’imprima Becanus, en 1569, dansses Origines Antverpianse. Le manuscrit avait quittéWerden avant le commencement du XVIIe siècle, carStrenius (Richard Strein von Schwarzenau), mort en1601, signale sa présence à Prague, si tant est que lemanuscrit de Werden soit le même que celui de Prague.On veut, eu outre, qu’il ait été pris à Prague par lesSuédois, en 1648, et donné par le maréchal Konigsmarkà la reine Christine. Mais, à notre connaissance, on n’expliqueni comment il serait venu de Werden à Prague, ni surtout comment la reine Christine, devenue propriétairedu précieux manuscrit, s’en serait ensuite dépossédée, pareilles libéralités ayant été peu familières à laroyale collectionneuse.
Le manuscrit a contenu à l’origine les quatre Évangilesdans l’ordre Mathieu-Jean-Luc-Marc; mais il avait perduplus de cent de ses feuillets, avant de venir entre les mainsde Vossius. Voir A. Scott, Ulfilas Apostle of the Goths, Cambridge, 1885, p. 126. Il compte aujourd’hui, nonpoint 177, mais 187 feuillets, partagés en quaternions oucahiers de huit feuillets. Le parchemin est teint en pourpre, l’encre est d’argent, et, comme dans la plupart des manuscritspourpres à lettres d’argent, les premiers mots dechaque section ainsi que les premières lignes des Évangilessont écrits en lettres d’or. Les initiales sont sansornement. Aucune décoration, sinon les arceaux tracés àl’encre d’argent qui encadrent les canons de concordance.Point de contractions, sauf celles des noms de Dieu, Seigneur, Jésus, Christ, à leurs différents cas. On sait que l’alphabetgothique d’Ulfilas est emprunté dans ses élémentsessentiels à l’alphabet grec; les caractères du Codex Argenteussont de belle onciale grecque du VIe siècle.
L’importance du Codex Argenteus tient à ce qu’il nousdonne la plus grande partie de ce qui nous reste de laversion gothique de la Bible par Ulfilas; les autres manuscritsque nous en avons ne contiennent, en dehors desÉpitres, que des fragments peu étendus des Évangiles.
Dict. de la Bible
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CODEX ARGENTE US DU PS AL
Le texte du Codex Argenteus a été publié à maintesreprises: en 1665 par Junius, en 1671 par Stiernhielm, en 1750 par Lye, en 1763 par Ihre, en 1805 par Zahn, en 1843 parGobelentz et Loebe, en 1854-1857 par Uppstrom.On pourra consulter l’édition donnée par Ernest Bemhardt, Vulftla oder die gotische Bibel, Halle, 1875. Le facsimiléque nous publions (fig. 252) est emprunté au recueilde la Palœograp/iical Society, de Londres, t. i, p. 118. Il contient le texte de saint Marc, vii, 3-7. VoirMoritz Heyne, Ul/ilas, Text, Grammatik und Wôrterbuch, 3e édit., Paderboni, 1878. P. Batiffol.
ARGILE. Hébreu: hômér, «ce qui est rouge, o nomdonné à l’argile à cause de sa couleur; tît, mot primitif.Ces deux premiers noms sont les plus habituels. Ils sontemployés le premier dix-sept fois et le second onze fois.Comme hômér vient de la même racine que hêniâr, quisignifie «bitume», les traducteurs ont quelquefois confondul’un avec l’autre. On trouve encore, dans le sensd’argile, ’âfâr, «terre desséchée, poussière,» Gen., ii, 7; Lev., xiv, 42, et yâvên, «ce qui est trouble.» Ps. xxxix, 3; lxviii, 3. Septante: mjXdç, traduisant d’ordinaire lesdeux premiers noms hébreux, ÎX-j; , et une fois àirocXri y-?, , «terre molle». Sap., xv, 7. Chaldéen: tin, Dan., ii, 41, 43.Vulgate: lutum, limus, cœnum.
L’argile est un silicate d’alumine hydraté, souvent mélangéde poussières de quartz et de mica, et l’enfermantparfois des éléments calcaires, des matières charbonneuses, ou de l’oxyde de fer qui la colore en jaune ouen rouge. L’argile prend différents noms, suivant l’étatdans lequel elle se présente ou les usages auxquels ellepeut servir. La marne est l’argile calcarifère; le limonest L’argile mélangée de particules quartzeuses extrêmementténues et d’oxyde de fer. L’argile s’appelle schistequand elle est compacte et stratifiée; jaspe, quand elleest très dure, très siliceuse et formée de couches diversementcolorées. L’argile commune ou terre glaise estemployée par les potiers et les sculpteurs, l’argile smectiqueou terre à foulon sert à dégraisser les étoffes. Cf.A. de Lapparent, Traité de géologie, 2 8 édit., in-8o, Paris, 1885, p 683. Les terrains sédimentaires de la Palestineappartiennent au néocomien, qui occupe la base des assisesinfracrétacées, et sont recouverts çà et là de couches appartenantaux dépôts postérieurs, jusqu’au turonien, qui estla seconde assise du terrain crétacé. Cf. L. Lartet, Explorationgéologique de la mer Morte, de la Palestine etde l’idumée, Paris, in-f° (1876), p. 58 et suiv. La présencede l’argile est assez fréquente dans ces différentes couches, et les Israélites ont pu l’utiliser partout où elle affleurait.Il y avait des potiers à Netaïm et à Gedera, I Par., iv, 23(texte hébreu’, et dans la vallée de Ben-Hinnom, au sudde Jérusalem, Jer., xviii, 2; Matth., xxvii, 7. Près de laville était un champ où les foulons trouvaient vraisemblablementl’argile smectique. IV Reg., xviii, 17; Is., vii, 3.
La Bible fait allusion aux différents usages de l’argile.On l’employait pour faire des briques, à Babel, Gen., xi, 3; en Egypte, Exod., i, 14; Judith, v, 10, et en Palestine, Nah., iii, 14, et on y imprimait, avant la cuisson, l’empreinte qu’on voulait. Job, xxxviii, 14. Elle servaitaux potiers. Sap., xv, 7, 8; Eccli., xxxiii, 13; xxxviii, 33; ls., xxix, 16; xli, 25; xlv, 9; .1er., xviii, 4, 6; Rom., IX, 21. C’est en argile mélangée de paille que l’on construisaitces murailles des maisons communes, si facilementpercées par les voleurs. Lev., xiv, 42; Job, iv, 19; Ezech., xiii, 10; Job, xxiv, 16; Matth., xxiv, 43. Mais leplus noble emploi de l’argile remontait au paradis terrestre, quand Dieu avait formé le corps d’Adam. Gen., il, 7; Job, x, 9; xxxiii, 6; ls., lxiv, 8; Tob., viii, 8.Notre-Seigneur en délaya pour oindre les yeux de l’aveugle.Joa., ix, 6.
L’argile, à l’état de vase, Jer., xxxviii, 6; Hab., iii, 15, de boue, de mélange sordide et glissant, est prise commeun symbole de misère profonde, Ps. xxxix, 3; lxviii,
3, 15; d’oppression et de malédiction, II Reg., xxii, 43; Job, xiii, 12; Ps. xvii, 43; xxxiv, 6; Dan., ii, 41; Jer., xxin, 12; xxxviii, 22; de chose vile, sans prix, bonne àfouler aux pieds, Job, xxvii, 16; xxx, 19; xli, 21; Sap., vu, 9; xv, 10; ls., x, 6; lvii, 20; Mich., vii, 10; Zach., ix, 3; x, 5. Cuite et à l’état de tesson, elle est l’imagede la souffrance et de la désolation suprême. Ps. xxi, 16.
H. Lesêtre.
- ARGOB##
ARGOB, hébreu: ’Argôb, «pierreux;» Septante: ’ApyôS. Nom d’homme et de pays.
1. ARGOB, personnage de la cour de Phacéia, roid’Israël, et qui mourut avec ce prince, de la main dePhacée, à Samarie, dans la citadelle royale. IV Reg., xv, 25.Au lieu de juxta Argob et juxta Arie, que porte laVulgate, on lit en hébreu: ’ef’Argôb ve’ët hâ’Aryêh, «avec Argob et Ariéh,» ce que les Septante ont bien traduitpar |xSTa toû’Apybê /.ai |x£xà to-j’Apia. Ceci montreque les deux officiers, loin d’être les complices de Phacée, furent ses victimes. C’étaient probablement des commandantsde la garde royale, ou tout au moins des employésdu palais, des fonctionnaires importants, qui périrent envoulant défendre leur maître, ou que le conspirateur fitmourir parce qu’il redoutait leur influence.
A. Legendre.
2. ARGOB (hébreu: ’Argôb; une fois, Deut, iii, 13, avec l’article défini, hâ" argôb), contrée située à l’est duJourdain, dans le royaume de Basan, et renfermantsoixante villes fortes, «munies de murs très hauts, deportes et de traverses.» Deut., iii, 4, 5. Échue à la demitribude Manassé, elle devint la possession de Jaïr, quidonna son nom aux soixante places fortifiées en les appelantHavoth Jair, c’est-à-dire villes de Jaïr. Deut., iii, 13-14. Plus tard, sous Salomon, elle forma une des circonscriptionsterritoriales soumises aux receveurs générauxqui étaient chargés de lever les impôts en nature.III Reg., iv, 13. Elle n’est nommée que quatre lois dansl’Écriture. Sa situation précise n’est pas facile à déterminer.
I. Nom et situation. — Argob vient de Regôb avecaleph prosthétique, et, se rattachant ainsi à la racine inusitéerâgab, signifie «monceau de pierres»; c’est un motvoisin de régéb, «motte de terre,» employé dans Job, xxi, 33; xxxviii, 38. La version samaritaine le rend parRîgôbaah. Mais les targumistes, Onkélos et Jonathan, voulantreproduire le sens étymologique, nous donnent, lepremier, Trachona; le second, Targona et Tarcona, dugrec-rpor/wv, «lieu rude,» pays pierreux, raboteux, d’oùest venu le nom de Trachonitide, province transjordanique.C’est pour cela qu’un certain nombre d’auteursont identifié Argob avec cette ancienne province, le paysactuel du Ledjah, dont la nature, du reste, comme nousle verrons, répond exactement à l’idée exprimée par l’hébreuet le grec. Ainsi pensent, après J. L. Porter, Fiveyears in Damascus, Londres, 1855, t, ii, p. 271; Grovedans Smith’s Dictionary of the Bible, Londres, 1861, 1. 1, p. 104-105, et les auteurs de la nouvelle carte anglaise, feuilles 7 et 8, G. Armstroug, W. Wilson et Conder, Namesand places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 14. Le mot hébél, qui précède toujours Argob, ajoute même, d’après Porter, une forte présomption enfaveur de cette identification. En effet, hébél, a^ohiaia, îtept|X"pov, funiculus, signifie littéralement «corde àmesurer», et il indiquerait ainsi avec une remarquableexactitude le cercle de rochers qui forme les contours duLedjah et lui donne un aspect si singulier au milieu desplaines environnantes. J. L. Porter, The giant Cities ofBashan, Londres, 1872, p. 24. C’est, croyons-nous, troppresser le sens du mot, dont la signification dérivée, «champ héréditaire, morceau de terre,» ou, comme traduitla Vulgate, «région,» trouve ici aussi bien qu’ailleursson application.
D’autres exégètes assimilent Argob à Basan. Ce nom,
d’après Keil, donné d’abord à la partie nord-est de Basan, le Ledjah actuel, ou plutôt à la grande région volcaniquedont le point central forme le Safa, aurait été plus tardtransporté à tout le pays du Hauran (c’est-à-dire de Basan), parce que non seulement le Djebel Hauran est de naturevolcanique, mais encore le terrain de la plaine est engénéral composé d’un humus rouge-brun, qui est commeune efflorescence des roches éruptives, et le Ledjah lui-mêmen’est qu’un écoulement des cratères adjacents. Parsa formation basaltique, l’Auranitide se distingue ainsi duBelka, du Djebel Adjloun et du Djaulan, où dominent lecalcaire et la craie. Cf. C. F. Keil, Die Bûcher Mose’s, Leipzig, 1870, t. ii, p. 423. De même pour H. Guthe, Argobest identique au royaume de Basan, puisque, dans deuxpassages différents, Deut., iii, 14, et Jos., xii, 4, 5, noustrouvons la même délimitation pour les deux pays. SeulementArgob, en tant que «district des places fortes», serait le siège particulier de l’empire sur tout le territoirede Basan, et, comme il est limité par les contrées de Gessuret de Maacha, il faut le chercher à l’est du Djaulan actuel.Cf. Zeitschrift des deulschen Palàstina-Vereins, Leipzig, 4889, t, xii, p. 237-238.
Eusèbe et saint Jérôme, parlant d’ «Argob, région d’Og, roi de Basan, sur le Jourdain», mentionnent un bourgappelé’Epfâ ou Arga, situé «dans les environs de Gérasa, ville d’Arabie, dont il était distant de quinze milles».Cf. Onomaslicon, Gœttingue, 1870, p. 216; S. Jérôme, Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxill, col. 867.Pour Reland, Palseslina ex monumentis veteribus illustrata, Utrecht, 1714, t. ii, p. 958, ’Ep^â, qu’il faut peut-êtrelire’EpyoêS, est la Bagab du Talmud, Mischna, Menachoth, viii, 3, renommée pour son huile; la’Pctycéâde Josèphe, Ant.jud., XIII, xv, 5, forteresse située au delàdu Jourdain, dans la contrée des Géraséniens; et il voitdans ce nom un vestige de celui d’Argob. On trouveencore aujourd’hui, à l’est du lac de Tibériade, au pointde jonction du Nahr er-Rukkâd et du Schériat el-Menàdiréh(Yarmouk ou Hiéromax), une localité nomméeKhirbet’Arqûb er-Rahouah. G. Schumacher croit que «c’est là le site de l’ancien Argob de la Bible, plutôt quedans la Trachonitide ou Ledjah». Across the Jordan, Londres, 1886, p. 45. Ce sentiment nous paraît peu acceptable.A la rigueur, ’Arqùb pourrait rappeler le districtdont nous parlons, comme, pour quelques auteurs, la villede Bataniyéh, à l’est du Hauran, rappelle l’ancienneBatanée; mais, outre que le nom lui-même, avec aïn initialet qof médial, s’éloigne de Y Argob primitif avec alephet ghimel, on le retrouve dans plusieurs autres endroitsde la Palestine, tant à l’ouest qu’à l’est du Jourdain. Il ya même aux environs de Jérusalem un district qui portele nom d’Arkûb.
En somme, nous croyons que le territoire d’Argob nedoit pas être restreint au seul Ledjah, dont certains paragessont presque inhabitables; et que, d’un autre côté, sans avoir toute l’étendue du royaume de Basan, il endevait comprendre une bonne partie. Limité à l’ouest parles pays de Gessur et de Maacha, Deut., iii, 14, c’est-à-dire, d’après plusieurs auteurs, certaines contrées duDjaulan et celles qui s’étendent au sud et au pied de l’Hermon, il devait renfermer le Ledjah et la grande plaine qui, du Djebel Hauran, s’en va vers la Gaulanitide. Pour lesvilles qui en faisaient la force, voir Havoth Jaïr.
IL Description. — Le Ledjah est un grand plateaud’une forme ovale irrégulière, s’étendant sur une longueurde trente à quarante kilomètres au nord-ouest du DjebelHauran, dans la direction de Damas. Compris entre l’ouadiLououa à l’est, l’ouadi el-Haram à l’ouest et l’ouadi Kanaouâtau sud, il présente, principalement à son bordoccidental, de profondes échancrures qui forment commedes baies et des promontoires. (Voir la carte, fig. 253.)La surface générale, élevée de huit à dix mètres au-dessusdes plaines environnantes, n’est qu’une coulée de lavevomie par la montagne volcanique. «Les caractères physiques du Ledjah, dit Porter, présentent les plus singuliersphénomènes que j’aie jamais vus, et il n’y en a pas, autant que je puis savoir, de semblables au monde, àl’exception du Safa. Le pays est composé de roches basaltiquesnoires, qui semblent être, par d’innombrables pores, sorties de la terre, aux temps passés, à l’état liquide, etavoir coulé de tous côtés jusqu’à ce que la plaine ait étéentièrement couverte. Avant de se refroidir, la surface futagitée par quelque terrible tempête; et plus tard elle futdéchirée par des vibrations et convulsions intérieures. Lescratères d’où fut projetée la masse liquide sont encorevisibles.» Porter, Five years in Damascus, Londres, 1855, t. ii, p. 241.
Vue même d’une petite distance, la surface du Ledjah
F. Tli nilliM. ^jt
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253. — Carte du pays d’Argob.
paraît aussi plate que la mer; mais la croûte de laves, épaisse de deux cents mètres en moyenne, est sillonnéed’innombrables crevasses plus ou moins profondes, quise coupent dans toutes les directions et forment un inextricablelabyrinthe de ravins et de précipices. De nombreusesboursouflures formées par la matière en ébullition, de larges fosses naturelles et une multitude de cavernesachèvent de faire de cette région un pays à peuprès impraticable, surtout pour des étrangers. Aussi, àtoutes les époques, les populations poursuivies ou persécutéesont-elles cherché un asile dans ce canton, qui a prisde là son nom de Ledjah, c’est-à-dire, en arabe, «refuge.» En raison de ces nombreuses cavernes qui à chaque pasrecèlent un danger pour l’assaillant, de ce terrain anguleuxqui rend la marche difficile, de ces murs ou enceintesde pierres qui autrefois abritaient les plantations et maintenantforment une série de remparts, le Ledjah a uneimportance stratégique que fait bien ressortir, T. G. Wetzstein, Beisebericht ùber Hauran und die Trachonen, Berlin, 1860, p. 29.
Il y a dans le pourtour occidental de cette contréeenviron huit villes et vingt-cinq bourgs, et dans l’intérieurquatre villes et quatorze bourgs qui ont encore dehautes murailles composées de fortes pierres de taille.Quelques-unes de ces villes ont une étendue considérable,
et la beauté de leurs monuments d’architecture témoignede leur importance et de leur richesse primitives. Ilsuffit de nommer ElMusmiyéh, Burâk, Nedjrân, Ezra.
Au sud et au sud-ouest du Ledjah s'étend une immenseplaine formée d’une terre volcanique de couleur rougeâtre, au-dessus de laquelle s'élèvent des affleurementsde basalte; elle porte le nom d’EnJS’ouq rat elHaurân, «la pente du Hauran.» Très riche et très fertile, quelquefois légèrement ondulée, quelquefois absolument plate, elle renferme çà et là des monticules de forme arrondie, que l’on aperçoit à de grandes distances. Elle est couverte dans toutes les directions de villes construites enbasalte noir, dont quelques-unes ne sont plus que desmonceaux de débris; d’autres sont dans un état de conservation presque parfaite. Leurs rues et leurs murs sont bienconservés, et, chose plus étonnante, les portes en pierretiennent encore sur leurs gonds. Malgré des remaniementspostérieurs, quelques-unes des constructions, de l’avis desvoyageurs, remontent à une haute antiquité et doiventleur origine à une nation puissante, à un peuple d’uneforce et d’une taille supérieures à celles d’aujourd’hui.Pour plus de détails, voir Amorrhéens, col. 508, et Auranitide. Outre les ouvrages cités dans cet article, on peutconsulter aussi, sur les pays que nous venons de décrire: J. L. Burckhardt, Travels in Sijria and the Holy Land, in-4o, Londres, 1822, p. 51 et suiv., 2Il et suiv.; U. J. Seetzen, Reisen durch Syrien, Palàstina, etc., Berlin, 1854, t. i, p. 34-134; E. G. Rey, Voyage dans le Haouran, Paris,
1860, avec un atlas in-fol.
A. Legendre.
- ARIARATHE##
ARIARATHE ('Apiapiâï); ), nom porté par un grandnombre de rois de Cappadoce. Les Romains, du tempsdu gouvernement de Simon Machabée, écrivirent enfaveur des Juifs à un prince de ce nom, Ariarathe VEusèbe Philopator, qui régna de 163 à 130 avant J.-G.
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254. — Monnaie d' Ariarathe V.
Tête d’Ariarathe V, jeune, diadémée, à droite.—%. BASIAEÛSAPIAPA0OY Eï'SEBOrS <î>IAOPATOPOS. Dans lechamp, S, an 3.
I Mach., xv, 22. Avant son avènement au trône, il s’appelait Mithridate. Diodore, xxxi, 19, 7, édit. Uidot, t. ii, p. 503. Il avait été élevé à Rome, Tite Live, xlii, 19, et futtoute sa vie l’instrument docile des Romains. Dès le débutde son règne, il s'était attiré l’inimitié de Démétrius IerSoter, roi de Syrie, dont il avait refusé d'épouser la sœur.Démétrius appuya les prétentions d’Oropherne, qui s’empara du trône de Cappadoce, en 158. Ariarathe fut obligéde se réfugier à Rome, mais bientôt il fut rétabli sur letrône avec l’aide des Romains et d’Attale II, roi de Pergame, son beau-frère. Polybe, iii, 5; xxxii, 20; Appien, Syr., 47; Justin, xxxv, 1. Peut-être, toutefois, fut-il obligéde partager le trône avec Oropherne. Appien, Syr., 47.Ariarathe V fut le plus grand roi de Cappadoce et celuiqui fit faire le plus de progrès à la civilisation helléniquedans ce pays. Il intervint dans les affaires de tous lespays voisins, et mourut après un règne de 33 ans, encombattant pour les Romains dans la guerre d’Aristonique. Ariarathe dut accueillir favorablement la lettre deLucius en faveur des Juifs. — Voir Théodore Reinach, Trois royaumes d’Asie Mineure, in-8o, Paris, 1888, p. 15et 37, E. Bevrlier.
1. ARIAS MONTANO Benito, orientaliste espagnol, né, en 1527, dans le diocèse de Badajoz, à Frejenal de laSierra, c’est-à-dire de la montagne, d’où son surnom deMontano ou Montanus, mort à Séville le 6 juillet 1598, l’undes hommes les plus éminents de l’Espagne au xvi 8 siècle.Après avoir fréquenté les écoles de Séville et étudié la théologie et les langues orientales à Alcala, il voyagea dansdiverses contrées de l’Europe, en s’appliquant aux languesvivantes. Ensuite il entra dans l’ordre de Saint-Jacques enqualité de clerc; en 1562, Martin Perez d’Aiala, évêque deSégovie, se fit accompagner par lui au concile de Trente, etArias s’acquit une grande réputation au sein de cette assemblée. Philippe II le tira de son ermitage d’Aracena, où ils'était fixé au retour de Trente, pour le charger de l'éditiond’une nouvelle Bible polyglotte. Montanus eut pour collaborateurs dans cette entreprise des hommes de hautmérite, tels qu’André Mæs, François Lucas de Bruges, docteur de Louvain, Lefèvre de la Boderie et son frèreNicolas, Fr. Rapheling, gendre de Plantin, Guill. Canter.L’ouvrage entier fut imprimé en trois ans (1569-1572), chez Christophe Plantin, à Anvers, et parut en huit volumes in-folio, sous le titre de Biblia sacra hebraice, chaldaice, grsece et latine, Philippi II régis catholicipietate et studio ad sacrosanctse Ecclesise usum. CettePolyglotte, bien supérieure à celle d’Alcala par le nombrede ses versions, et surtout à cause de la richesse de sonApparatus biblicus, est plus ordinairement connue sousle nom de Bible royale, ou Polyglotte d’Anvers. Ellerenferme, outre ce qui se trouve dans la Bible d’Alcala, des paraphrases chaldaïques, une version syriaque duNouveau Testament en caractères syriaques et hébraïques, accompagnée d’une traduction latine. Outre la directiongénérale des travaux, Montanus a contribué pour unelarge part à cette œuvre. Il a corrigé la version latine del’Ancien Testament donnée par Santé Pagnini, et soninterprétation latine du texte grec du Nouveau Testamenta été souvent reproduite par les éditeurs qui vinrent plustard. Il a composé encore plusieurs dissertations sur lesantiquités hébraïques. Ce bel ouvrage fit honneur à Arias, mais lui suscita un ennemi dans la personne de Léonde Castro, professeur de langues orientales à Salamanque.Castro dénonça Arias d’abord à l’Inquisition de Rome, puis à celle d’Espagne, pour avoir altéré le texte de laBible, et confirmé les Juifs dans leur croyance par sesparaphrases chaldaïques. Arias dut faire plusieurs voyagesà Rome pour se justifier. Il fut absous en 1580, et c’estalors que Philippe II lui offrit un évéebé comme récompense de ses travaux; mais la modestie de ce savant secontenta d’une pension et d’une place de chapelain royal.Il s'était fixé de nouveau dans sa solitude d’Aracena; Philippe II l’en tira une seconde fois pour lui confier labibliothèque de l’Escurial, récemment construit, et le soind’enseigner les langues orientales aux Hiéronymites de cemonastère. Arias Montanus mourut à Séville, dans la maisondes chevaliers de Saint-Jacques, enl598. Les contemporainset les écrivains postérieurs s’accordent à louer la science etles vastes connaissances de cet homme vraiment éminent.Ses ouvrages roulent presque tous sur l'Écriture Sainte.Sa traduction latine de la Bible, qui forme le t. vu de laPolyglotte, a été tirée à part et plusieurs fois réimprimée.Elle a pour titre: Rebraicorum Bibliorum Veteris Testaments latina interpretatio, opéra olim Xantis PagniniLucensis: nunc vero Benedicti Arise Montani, etc., adhebraicam dictionem diligenlissime expensa; NovumTestam.entu.rn grsece cum Vulgala interprelalione latinagrseci contextus lineis inserta: quse quidem interpretatio, cum a grsecarum dictionum proprietate discedit, sensum, videlicel magis quant verba exprimens, in margine libri est collocata, atque alla B. Arise Montanthispalensis opérae verbo reddita ac diverso generumcharactere distincta; 2 tomes en 1 in-f°, Anvers, 1572.Onze ans plus tard, Plantin en publia une nouvelle édition avec les livres deutérocaiioniques; Biblia hebraica.
Eorurndem latina interpretatio Xantis Pagnini, recenterB. Arix Montani et quorumdam aliorum collatostudio, ad hebraicam dictionem diligentissime expensa.Accesserunt et huic editioni libri grœce scripti, qui vocanturapocryphi, cum interlineari interpretatione latinaex Bibliis Complutensibus petita, in-f°, Anvers, 1583.La traduction de l’Ancien Testament, d’une littéralitéabsolue, n’est pas toujours exacte, mais elle est trèscommode pour ceux qui sont peu familiarisés avec l’hébreu, parce qu’elle donne au-dessus de chaque mothébreu sa signification en latin et qu’elle indique enmarge les racines, aussi a-t-elle été très répandue.Pierre de la Rovière la réimprima in-f°, à Genève, sousla date de 1609 et 1619. Une autre édition in-f° fut publiéeà Leipzig en 1657 avec une préface des théologiens decette ville. Il existe aussi une édition de Rapheling en9 in-8 «, Liège, 1599 ou 1610-1613.
Arias Montano a laissé aussi toute une série de commentaires, imprimés pour la plupart chez Plantin, à Anvers.Les principaux sont: Commentaria in XII prophetas, in-8o, Anvers, 1571; in-4o, 1582; Ehtcidationes in quatuorEvangelia, in-4o, Anvers, 1575; Elucidationes in ActaApostolorum, dans le même volume; De varia republicasive commentantes in librum Judicum, in-4°, Anvers, 1592; De optimo imperio sive in librum Josuecommentarius, in-4o, Anvers, 1583; Antiquitatum judaicarumlibri IX, in-4°, Liège, 1593; Commentariusin Esaie prophétie sermones, in-4o, Anvers, 1599; Commentariain XXX priores Davidis psalmos, in- 4°, Anvers, 1605. Plusieurs de ses commentaires ont été misà l’index. Richard Simon, Histoire critique du VieuxTestament, t. ii, ch. x, a jugé sévèrement ses traductionsde l’Écriture, auxquelles on peut reprocher, en effet, unelittéralité excessive. Ses explications du texte sacré nesont pas non plus toujours heureuses, mais on ne peutlui contester un grand savoir, et il est certain qu’il a contribuéefficacement au progrès des études orientales. VoirChr. Saxe, Onomasticon literar., part, iii, p. 440; ElliesDupin, Biblioth. des auteurs ecclésiastiques, xvie siècle, t. v, p. 560-564; Rich. Simon, Critique de la Biblioth.de Du Pin, 1730, t. ii, p. 213; Mohnike, dans YAllgemeineEncyklopàdie, 1820, t. v, p. 233-237; T. G. Carvajal, Elogio histôrico del D. B. Arias Montano, dans lesMemorias de la real Academia de laHistoria, Madrid, 1832, t. vii, p. 1-199; Chapel Gorris, Vie d’Arias Montano, Bruxelles, 1842, in-8o; C. Ruelens et A. de Backer, Annales Plantiniennes, Paris, 1866, p. 128, 108, 157, 253.
L. GUILLEREAU.
2. ARIAS (Pedro de), commentateur espagnol, pritl’habit religieux dans l’ordre de Saint-Augustin, au couventde Saint - Sébastien d’Urrea, et fut professeur d’ÉcritureSainte à l’université de Huesca, vers 1599. Il mourut aucouvent de Notre-Dame del Socorro de Valence, en 1617.On a de lui: Exposition sobre et Cântico y Oraciôn delProfeta Abacuc, en lengua castellana, dedicada à laSerenisima Emperatriz Dona Maria de Austria. Cetouvrage se conservait en manuscrit au couvent de SanFelipe et Real de Madrid. B. Moral.
- ARIBON##
ARIBON, commentateur allemand, mort le 13 avrill031.D’abord archichapelain de l’empereur d’Allemagne Henri II, vers 1020 ou 1021, il fut élu archevêque de Mayence, eten 1024 il couronna l’empereur Conrad II. Il présida leconcile de Mayence (1023) et ceux de Séligenstadt (1024et 1026), et fut un des grands zélateurs de la disciplineecclésiastique à cette époque. Entre autres ouvrages, il acomposé un Commentarius in XV psalmos graduum, qu’il dédia à Bernon, abbé de Reichenau. Le Commentairene paraît pas avoir été imprimé. Voir Fabricius, Bibliotheca latina médise, et infimæ Latinitalis, édit. de1858, t. I, p. 126; U. Chevalier: Répertoire des scienceshistoriques du moyen-âge, in-4o, Paris, 1877-1883,
t. i, p. 162. L. GUILLEREAU.
- ARIDAI##
ARIDAI (hébreu: ’Arîddï; Septante: ’Apaaîot), neuvièmefils d’Aman, pendu avec son père et ses frères.Esth., ix, 9.
- ARIDATHA##
ARIDATHA (hébreu: ’Arîdâfâ’; Septante: Sapëax» ), sixième fils d’Aman. Esth., ix, 8.
ARIÉ (hébreu: Haaryéh, «le lion;» Septante: ’Apia), officier du roi d’Israël Phacéia, tué avec Argob, près deson maître, dans la conspiration de Phacée, fils de Romélie.IV Reg., xv, 25. Voir Argob 1.
- ARIEL##
ARIEL, hébreu: ’Âri’êl, «lion de Dieu,» c’est-à-direhéros; Septante: ’ÀpiyjX. Nom d’homme, nom communet nom symbolique.
1. ARIEL, fils de Gad. Num., xxvi, 17. Il est appeléAréli dans la Genèse, xlvi, 16. Voir Aréli.
2. ARIEL, nom propre ou nom symbolique donné àde vaillants hommes de Moab. Le nom se décompose en’ârî, «lion,» et’êl, «Dieu.» Le lion désigne métaphoriquementun héros, un puissant guerrier, et l’expression «lion de Dieu», analogue à d’autres bien connues, «cèdres de Dieu, montagnes de Dieu, etc.,» s’emploiecomme superlatif pour marquer des héros extraordinaires.En arabe et en persan, un «lion de Dieu» est aussi unhéros. Voir Gesenius, Thésaurus lingusehebrsese, p. 147.
— Il est raconté de Banaïas, l’un des compagnons d’armesde David, qu’il «frappa les deux Ariels de Moab». IPar-, xi, 22; II Reg., xxiii, 20. — 1° Dans les Paralipomènes, lesSeptante et la Vulgate traduisent: «les deux Ariel de Moab.»
— 2° Dans le passage des Rois, les Septante traduisent: «les deux fils d’Ariel de Moab,» et la Vulgate: «les deuxlions de Moab.» — Quelques commentateurs suivent lesSeptante, et traduisent les deux passages: «il frappa lesdeux fils d’Ariel de Moab,» ou «les deux Ariel de Moab».Il est difficile de savoir si Ariel est ici un nom propre ou
un terme métaphorique.
H. Lesêtre.
3. ARIEL, un des chefs qu’Esdras envoya d’Ahara àAsphia, afin d’engager des lévites et des Nathinéens àle suivre de Babylone à Jérusalem, pour le service dutemple. I Esdr., viii, 16.
4. ARIEL ou AREL, héros. — Isaïe se sert dans cedernier sens du mot’ér’êl, qui paraît n’être qu’une contractionde’âri’êl: «Voici que leurs héros (’ér’êlâm, Vulgate: videntes) crieront dehors.» Is., xxxiii, 7. L’arielserait donc un gébér, un homme de grand courage et degrande force musculaire, un de ces géants qui, commele Goliath philistin, faisaient merveille dans les combatscorps à corps, et au besoin défiaient orgueilleusement lesadversaires à venir se mesurer avec eux. Dans la suite duverset d’Isaïe, il y a que «les messagers (mâl’âkê) de lapaix pleureront amèrement». Comme mâl’ukê veut aussidire «anges», la tradition rabbinique a pris le mot parallèlede la première partie du verset, pour en faire lenom de la troisième des dix espèces d’aiiges qu’elle reconnaît, les’ar’êlîm, les «puissants». Moses Maimonide, Des fondements de la loi, n; Petau, De Angelis, ii, 1, 14. Par la suite, on a fait d’Ariel le nom d’un mauvaisange. La Vulgate a traduit «voyant», comme Aquila, Symmaque, Théodotion, le Targum et la version syriaque, parce que ces traducteurs ont considéré’ér’êl commeune contraction de’érâ’éh lâm, «je serai vii, je me manifesterai
à eux.»
H. Lesêtre.
5. ARIEL, nom symbolique de Jérusalem. — Le mot’âri’êl est encore employé par Isaïe, dans sa prophétiecontre Jérusalem: «Malheur! Ariel, Ariel, ville qu’habitaDavid! Qu’on ajoute une année à une année, que le cycledes fêtes se complète, et je ferai tomber la détresse sur Ariel:
elle sera triste et désolée, et elle sera pour moi commeAriel.» xxix, 1, 2. Ariel désigne ici Jérusalem, ainsi qu’auꝟ. 7, tous en conviennent. Mais faut-il entendre le motdans le sens d’ «autel de Dieu» (voir Ariel C), commel’ont fait les anciens commentateurs juifs et d’autres à leursuite, ou dans le sens de «lion de Dieu», comme le fontd’autres interprètes? Il est certain qu’au début de l’oraclele sens de «lion de Dieu» est appelé par le contexte.Jérusalem est pour le prophète, non «l’autel de Dieu», mais la «ville qu’habita David». Or David était alors leplus illustre descendant de celui dont il avait été dit: «Juda est le petit du lion; il s’est courbé, il s’est couchécomme un lion et comme une lionne: qui le fera lever?» Gen., xlix, 9. La cité de David peut donc à bon droitêtre appelée Ariel, la ville du lion de Dieu. A. la fin del’oracle, Ariel est en antithèse évidente avec l’Ariel ducommencement. Jérusalem dévastée et châtiée sera pourDieu «comme Ariel», nécessairement comme un Arieldifférent de l’Ariel, cité de David et «lion de Dieu». Quelsera cet autre Ariel? Le prophète l’indique au ꝟ. 6 dumême chapitre: «Le Seigneur des armées la châtiera parJe tonnerre et le tremblement de terre, par la grandevoix de l’ouragan et de la tempête et par la (lamme dufeu dévorant.» Il s’agit donc à présent d’un Ariel «foyerde Dieu». Ce sens est justifié par cet autre passage d’Isaïe, xxxi, 9: «Parole de Jéhovah, qui a son feu (’tir) àSion et son foyer (tannûr) à Jérusalem.» Si l’on traduitdans les deux cas Ariel par «lion de Dieu», l’antithèsedisparait et l’oracle se termine d’une manière inintelligible.Si l’on prend dans les deux cas Ariel comme «foyerde Dieu», on aboutit à une tautologie. Il reste donc àtraduire ainsi l’oracle d’Isaïe: Malheur à toi, Ariel, «lionde Dieu», ville qu’habita David; le châtiment va t’accabler, et tu seras vraiment pour moi Ariel, le «foyer deDieu», car le feu de ma colère te consumera. Le prophètejoue ainsi sur les deux sens du mot’ârl’êl, commeplus loin sur’ûr et (annûr, et très souvent sur d’autresmots qui ont des similitudes radicales ou phonétiques.
H. Lesêtre.
6. ARIEL, nom symbolique donné à un autel. Dans sadescription du sanctuaire, Ézéchiel écrit: «Quant à har’êl, il avait quatre coudées, et de har’êl s’élevaient en l’airquatre cornes, et’ârïêl avait douze coudées de long etdouze coudées de large.» xliii, 15, 16. Il s’agit ici del’autel des sacrifices. Les versions traduisent par le mêmemot, àpiTJX, ariel, les deux termes du texte hébreu qui, à la vérité, désignent un même objet, mais sous des rapportsdifférents. Har’êl, «montagne de Dieu,» c’est l’autelconsidéré au point de vue de sa masse et de sa hauteur.Quant à’ârî’êl, il ne peut vouloir dire ici «lion de Dieu», ce qui n’aurait aucun sens. On fait donc venir le mot duradical’ârâh, «brûler, être en feu,» d’où le sens de «foyer de Dieu», qui convient très bien à la table del’autel, sur lequel étaient consumées les victimes. Le jeude mots entre har’êl et’ârî’êl n’a rien qui doive étonnerdans Ézéchiel. De semblables paronomases sont familièresaux auteurs hébreux, et même recherchées volontiers parles prophètes. Le nom A’ariel donné à un autel était d’ailleursd’un usage bien antérieur à Ézéchiel. On le trouvedans l’inscription de la stèle de Mésa. Ce roi se vanted’avoir pris à Israël la ville d’Ataroth, et il ajoute: «J’emportaide là V ariel de dvdh (daoudoh), et je le traînai àterre devant la face de Chamos» (ligne 12). Le sens d’autelest admis par tous, et c’est celui qui convient le mieuxau contexte. Quant à dvdh, ce serait, d’après Smend etSocin, Die Inschrift des Kônigs Mesa, in-8o, Fribourgen-Brisgau, 1886, p. 4-5, une divinité du nom de Daoudoh, divinité parfaitement inconnue d’ailleurs, tant en Israëlque chez les autres peuples. Il est probable que dvdh n’estautre chose que le nom de David, et que l’autel en questionrappelait le souvenir de David à Ataroth, soit parson érection, soit par quelque autre circonstance à nousinconnue. Cinq lignes plus bas, Mésa raconte qu’il a pris
Nébo au roi d’Israël, et il ajoute encore: «J’emportaide là les… de Iavéh, et je les traînai à terre devant la facede Chamos.» Du mot qui manque, la dernière syllabelî se voit nettement au commencement de la dix-huitièmeligne. M. Clermont-Ganneau supplée un caph àla ligne précédente, ce qui donne keli, «les vases,» lesobjets sacrés servant au culte de Jéhovah. Mais M. P. Berger, Histoire de l’écriture dans l’antiquité, hi-8°, Paris, 1891, p. 191, assure que l’examen de l’estampage, qui est très froissé en cet endroit, fait voir à l’extrémitéde la ligne un aleph, et peut-être aussi la queue d’unresch. Il adopte en conséquence la traduction de Smendet de Socin: «les ariels de Javéh.» Il y aurait donc euà Nébo des autels consacrés à Jéhovah par les rois séhismatiqueset idolâtres d’Israël, ou du moins des objets que
les Moabites regardaient comme tels.
H. Lesêtre.
’ARIÉLITE, descendant d’Aréli. Voir Aréli.
- ARIGLER Altmann François-Xavier##
ARIGLER Altmann François-Xavier, bénédictin autrichien, né à Kirchdorf, en Autriche, le 6 novembre 1768; mort abbé de Gôttweig, le 5 juin 1846. Il fit ses études àLinz, puis fut chargé du cours d’interprétation des Écrituresde l’Ancien et du Nouveau Testament, qu’il professaà Linz, à Gôttweig et à Vienne, jusqu’à l’année 1812, oùil fut élu abbé de Gôttweig. Son enseignement fut si brillant, que l’université de Vienne lui conféra le doctoratthéologique ad honores; l’empereur François Ier l’honoradu titre de conseiller, et Ferdinand Ier le nomma chevalierde l’ordre de Léopold. Arigler a laissé: 1o Hermeneuticabiblica in usum academicum; 2o Introductio inlibros Veteris Faideris, en six volumes manuscrits, que l’ongarde dans la bibliothèque de Gôttweig. J. Parisot.
ARIMATHIE CApi^aca), ville de Palestine. — Arimathieparaît n’être qu’une forme grecque de l’hébreuRamah ou Ramatah. Les Septante traduisent ordinairementRamathaïm, duel de Ramah, par’Ap|xa6ai’|x (I Reg., i, 1, 3, 19; ii, 11; vii, 17; xix, 18, 22); Josèphe l’exprimequelquefois par’Apjj.a6â et’A p «[mOiï, souvent par’Apajx «6à. Ant. jud., VI, iii, 3; iv, 1; XI, iv, 5; viii, 15, etc.
Arimathie était le lieu d’origine de Joseph, le nobledécurion, Marc, xv, 43; Luc, xxiii, 51, disciple deJésus, Joa., xix, 38, qui ensevelit Notre -Seigneur dansson propre tombeau. Il est peu probable qu’Arimathie aitété le lieu de résidence de Joseph, puisque celui-ci avaitson tombeau à Jérusalem, et que, d’après l’opinion commune, il était membre du Sanhédrin.
Arimathie, d’après saint Luc, était une ville des Juifs, toXeùjç tûv’IouSaîinv, ou de la Judée ( Vulgate); c’est toutce que le Nouveau Testament nous dit sur sa positiongéographique. Aussi n’est-on pas d’accord sur la localitéà identifier avec Arimathie. Raùmer, Schegg, Kitto, Guérin, identifient Arimathie avec Ramléh, à trois kilomètres ausud de Lydda. Dans son épitaphe de sainte Paule, saintJérôme fait suivre à la sainte un itinéraire qui sembleplacer Arimathie à Ramléh; elle va en effet d’Antipatrisà Lydda, et de là à Arimathie et à Joppé. La plupart despèlerins et des voyageurs qui, depuis les Croisades, ontvisité Ramléh, s’accordent à y retrouver Arimathie. C’étaitentre autres l’avis de Boniface de Raguse, de Quaresmius, de Reland. V. Guérin déclare que l’identification deRamléh avec Arimathie, sans être absolument incontestable, repose sur des probabilités telles, qu’elles approchentde la certitude. Description de la Palestine, Judée, t. i, p. 55.
Ramléh, située à la croisée des routes de Jaffa à Jérusalemet d’Egypte à Damas, est bâtie sur un léger renflementde terrain (iig. 255). Précédée de belles haies decactus, elle est entourée de jardins, où croissent surtoutl’olivier, et aussi le sycomore, le caroubier, même quelquespalmiers. Le sol sablonneux, fréquemment arrosé artificiellement, est très fertile. Le climat est doux et sain.
Les rues sont peu nombreuses et très sales quand il a plu; les maisons sont en pierre, quelques-unes assez grandeset bien bâties. Ramléh est actuellement une ville de5 000 habitants ( Frère Liévin).
Le couvent latin, situé à l’ouest de la ville, est vasteet bien distribué; il a été fondé en 1240 par Philippe leBon, duc de Bourgogne, sur l’emplacement d’un ancienkhan: il est confié aux Pères franciscains, qui y reçoivent les pèlerins. La chapelle du couvent a été bâtie, dit-on, sur l’emplacement de la maison de Joseph d’Arimathie. D’après une autre tradition, relatée par Bonifacede Raguse (xvie siècle), elle aurait remplacé l’atelier oùNicodème travailla le crucifix miraculeux, vénéré actuellement dans la cathédrale de Lucques, et dont la tête duChrist fut sculptée, dit-on, pendant le sommeil de Nicodème, par une main céleste. L’enceinte ancienne de laville, avec ses douze portes, n’existe plus. En dehors de
sons qu’il en donne dans un travail manuscrit qui nousa été communiqué. Eusèbe identifie Arimathie avec Ramatha ou Ramathaïm-Sophim, la patrie de Samuel, et laplace dans le voisinage de Lydda. Saint Jérôme ajoutequ’elle était dans le district de Thamna. Ces deux écrivainsnous assurent que de leur temps Arimathie était appeléeRemphis (Eusèbe) ou Remphtis (Jérôme). Où est situéeRempli tis-Arimathie? Ce n’est pas Ramléh, pour les raisonsqu’en a présentées Robinson; ni Beth-Rimah, commel’avait soutenu van de Velde, Map of holy Land, Gotha, 1865. Rimah, avec l’article ha-Rimah, est sans douteidentique à Ramah, Ramatha et Arimathie; de plus, cette localité est certainement dans la Thamnitique et dansla montagne d'Éphraïm; mais ce nom semble être le nomancien: il était déjà connu lors de la rédaction du Talmude en tout cas.1 existait au temps d’Eusèbe et de saintJérôme; ce ne peut donc être la RemnV, M..7
e la rte mpntis indiquée par eux.
- ^*4^—
255, — Vue de Ramk’h d’après une photographie.
la ville, on va visiter la mosquée Blanche et la tour desQuarante Martyrs (fig. 256), du haut de laquelle on aune vue splendide sur Jaffa et les montagnes de la Judée.
D’après la tradition citée plus haut, Ramléh auraitoccupé l’emplacement de l’ancienne Arimathie. Mais sinous en croyons les écrivains arabes, Aboulféda en particulier, Tab. Syr., édit. Kôhler, p. 79, elle aurait été fondéeen 716 par Soliman, fils d’Abd el-Mélek; Guillaume deTyr et Marinus Sanutus confirment ce renseignement.Robinson rejette l’identification de Ramléh avec Arimathie; les textes anciens, d’après lui, indiqueraientplutôt un emplacement au nord-est ou à l’est qu’au sudde Lydda. Biblical Researches in Palestine, l re édit., t. iii, p. 40-43. En outre, dit-il: 1° la tradition surRamléhvrimathie ne remonte qu’au ix B siècle; les pèlerins plus anciens ont cité les villes voisines sans enparler. 2° Ramléh, ainsi que nous l’avons dit plus haut, n’aurait pas succédé à une ville ancienne, mais aurait été, d’après les géographes arabes, fondée au vm «siècle parSoliman, fils d’Abd el-Mélek. 3° Les deux noms Ramahet Ramléh sont, étymologiquement parlant, tout à faitdifférents: Ramléh signifie sable, et Ramah hauteur.Cette objection est réfutée par M. Guérin, Judée, t. i, p. 48-55.
M. L. Heidet, professeur à l'École biblique de Jérusalem, identifie Arimathie avec Rentis, localité située au nordest de Loudd, l’ancienne Lydda. Voici en résumé les rai «Il est impossible, écrit M. Heidet, de ne pas reconnaître ce nom dans la localité actuelle de Rentis. Le?, ph, est ici pour l’euphonie, comme dans BeOpa^Oà ouBethromphta de YOnomaslicon, pour Beth-Ramtha. Lemot vrai est donc Rendis. La suppression du t dans le texted’Eusèbe peut être le fait des copistes, à moins qu’il n’aitété supprimé pour raison d’euphonie. Le changement dem en n est ordinaire chez les Arabes. Rentis est un villageoù se voient de nombreuses ruines, des citernes et destombes anciennes. On y remarque en particulier les débrisd’une église dans le village même, et au dehors, à peude distance, les habitants signalent les restes d’une grandeet belle mosaïque, qu’ils disent être les restes d’une autreéglise. Le village est sur une hauteur au sommet allongé, s' élevant de 220 mètres au-dessus de la Méditerranée, etdominant tous les environs et la grande plaine. Rentis està trois lieues au nord-est de Lydda, à deux lieues à l’ouestde Beth-Rimah. Tous les caractères spécifiques de Ramothaïm lui conviennent. Un document officiel vient attesterque, pour les croisés de Terre Sainte, Rentis était Arimathie, patrie de Joseph: c’est un chapitre des Assisesde Jérusalem. Le voici en français moderne: «Quels «sont les sullïagants de Saint - Georges de Lvdda. — «… L’abbé de Saint-Joseph d’Arirnathie, laquelle est maillet tenant appelée Rantis…» Les autres documents de cettepériode sont rares. On trouve un pèlerin anonvme de 1 ILO, qui indique Arimathie à quatre milles de Lydda. Deux
chartes de 1160 citent l’abbé Herbert des SaintsJoseph et-Abacuc (E. de Rozière, Cartulaire du saint Sépulcre, n os 64 et 65). Guillaume de Tyr nomme Amalric, un autre «abbé de Saint-Abacuc et de Saint-Joseph surnommé «d’Arimathie» (Hist., xvii, 26). Il ne peut être douteuxqu’il s’agit de Rentis, et ces documents supposent lacroyance susdite. La situation de Rentis, loin de toutesles routes suivies par les pèlerins, explique leur silencesur Arimathie et celui des chroniqueurs de la premièrecroisade. Il n’est pas douteux non plus que les croisésexpriment là une tradition qu’il ont trouvée existante chezles chrétiens du pays, que cette tradition remonte auIVe siècle. Renli? a donc, en dehors des titres intrinsèques,
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256. — Tour des Quarante Martyrs, à Karuléh.
le témoignage d’Eusèbe, de saint Jérôme, de leur époqueet de tout le royaume latin de Jérusalem. C’est la vieilleet authentique tradition.» (L. Heidet.)
Enfin, on a aussi identifié Arimathie avecNeby-Samouil, colline au nord-ouest de Jérusalem, où, d’après quelquestopographes, était bâti le bourg de Ramathaïm, patriede Samuel. Voir Ramathaïm. E. Jacquier.
- ARIOCH##
ARIOCH, hébreu: 'Aryôk; babylonien: Eri-aku, «serviteur du (dieu) Lune;» Septante: 'Apiw^i, 'Apttô-/(et 'Eipiôr/, Judith, i, 6).
1. ARIOCH, roi mésopotamien allié de Chodorlahomor, dans son expédition en Palestine au temps d’Abraham.Gen., xiv, 1, 9. Chodorlahomor et ses confédérés, Aniraphel, Arioch et Thadal, vainquirent les rois de Sodomeet de la Pentapole; mais, comme ils s’en retournaientchargés de butin, ils furent surpris à l’improviste etdéfaits par Abraham. Gen., xiv, 1-15. Voir Amraphel etChodorlahomor.
Les textes cunéiformes anciens nous mettent sur la tracede cet Arioch. La Vulgate l’appelle roi de Pont, saint Jérôme ayant ici suivi la traduction de Symmaque; mais
il ne peut s’agir évidemment du royaume classique de cenom, qui n’existait pas encore à cette époque et que sasituation géographique ne permet pas de mettre en relations avec Chodorlahomor, roi d'Élam, au sud-est duSennaar. Les Septante et l’hébreu lisent d’ailleurs «roid’Ellasar», c’est-à-dire non pas de la ville d’Assur, la première capitale du royaume assyrien, actuellement KaléhSchergat, sur le Tigre, dont on ne trouve encore aucunetrace à cette époque reculée, et qui paraît d’ailleurs tropéloignée de l'Élam, mais, par un changement de lettresassez fréquent, Larsa, actuellement Senkéréh, très ancienneville du Sennaar ou pays de Sûmes, un peu au nord d’Ur, la patrie d’Abraham. Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradies, p. 223-224. Nous savons, en effet, qu'à cette époquereculée Larsa formait un royaume vassal des conquérantsélamites (appelés Koudourides du nom du premier élément des noms royaux Chodor-lahomor, Koudour-Lagamar, Koudour-Nahoundi, Koudour-Maboug). Arioch paraîtêtre précisément le dernier roi de Larsa, annexée ensuiteà la Babylonie à l'époque de Hamrnourabi (ou Hammouragas) (2307 [?]-2252 [?]); les deux groupes cunéiformesqui composent ordinairement son nom se lisent Rim-Akuou Riv-Aku, le syllabaire cunéiforme mésopotamien nedistinguant pas Vm du v; ils pourraient même se prononcer, d’après G. Smith et Eb. Schrader, Eri-Aku. CetArioch, de race élamite, fut vassal de Koudour-Maboug, roi d'Élam, d’Ur, de Sumer, d’Akkad et de Syrie, et alliéde Chodorlahomor, roi d'Élam. L'échec que lui infligeaAbraham fut bientôt suivi de la prise de Larsa par lesrois nationaux de Babylone, qui expulsèrent les Élamitesde toute la Mésopotamie. Arioch fut donc le dernier roide Larsa; mais sa capitale ne fut pas détruite, Hamrnourabi de Babylone y fit même réparer le temple de Sama’s, «le soleil,» qui y resta en grande vénération jusqu'à lafin de la monarchie babylonienne. Peut-être le livre deJudith, dans les Septante, a-t-il gardé le souvenir de ladéfuite d’Arioch par les Babyloniens dans la mention qu’ilfait, I, 6, de la plaine de Ragau, désignée ensuite comme «la plaine d'Érioch, roi des Élamites», c’est-à-dire dela dynastie élamite. (La Vulgate lit: «Dans la plained'Érioch, roi des Éliciens.» Judith, i, 6). L’Arioch du livrede Daniel, ii, 14, montre que ce nom resta familier auxBabyloniens.
L’identification d’Arioch et de Rim-Aku, proposée parG. Smith, Noteson the early history of Assyria and Babylonia, Londres, 1872, p. 10 et 29, acceptée par Eb. Schrader, Lenormant, etc., regardée comme très vraisemblablepar Delitzsch, Wo lag das Paradies, p. 224, a été combattue par Tiele, Babylonisch-Assyrische Geschiclite, t. i, p. 124, sous prétexte que les groupes cunéiformes enquestion peuvent aussi se lire Arad-Sin, le sens du nompropre restant le même, «serviteur du dieu Lune». Maisune variante dans laquelle ce nom royal est écrit, nonplus idéographiquement, mais phonétiquement, affirmela lecture Rim-Aku, et corrobore l’identification proposéepar Smith. Lenormant, Choix de textes cunéiformes, t. iii, p. 164; The cuneiform Inscriptions of WesternAsia, t. i, pi. ii, n. 3; pi. v, n° 16. — Voir SchraderWhitehouse, The cuneiform Inscriptions and the OldTestament, t. i, p. 120; t. ii, p. 296-301; G. Smith, Early History of Babylonia, dans les Records of thePast, "> série, t. v, p. 64-70; Sayce, . ibid., 2e série, t. i, p. 10; t. iii, p. 19-20; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., t. i, p. 485-487; Lenormant, La langue primitive de la Chaldée, p. 374 et suiv.; Lenormant-Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, t. IV, p. 94-97; Maspero, Histoire ancienne de l’Orient, 1886, 4e édit., p. 188; J. M. Price, Literary Remains ofRimSin (Arioch), King of Larsa, in-4o, Chicago, 1904.
E. Paxkier.
2. ARIOCH, officier à la cour de Nabuchodonosor, roide Babylone. Dan., ii, 14, 15, 24, 25. Les rationalistescherchaient autrefois à ce nom une étymologie perse,
I. - 33 sanscrite, etc., Gesenius, Thesaurus linguæ hebrææ,1829, p.148; cf. Keil, Daniel, 1869, p.78; Hitzig, Daniel, Leipzig, 1850, p.26, dans l’intention plus ou moins avouée de renverser l’autorité et le caractère historique de Daniel; mais présentement on y reconnaît un nom babylonien, soit Ariku, «le long,» soit Rim ou Riv-Aku, «serviteur du dieu Lune,» forme analogue à Sidrach, Sudur-Aku, «envoyé du dieu Lune,» Dan., i, 7. —Arioch remplissait à la cour la charge de «chef de lamilice royale», non pas de chef de l’armée babylonienne, mais de chef des gardes du corps, comme porte le textechaldéen, rab tabbâḥayâʾ, «chef des satellites;» au v. 14, il est chargé d’exécuter les devins, incapables de découvrir le songe du roi; au v. 24, c’est lui qui introduit Daniel auprès de Nabuchodonosor. Ces fonctions sont souvent confiées, en Orient, aux mêmes officiers. II Reg., iv, 12; i, 15. Les bas-reliefs nous montrent que quelquefois même les rois exécutaient en personne leurs prisonniers. — Voir Schrader-Whitehouse, The cuneiform Inscriptions and the Old Testament, t. ii, p.127; Lenormant, La divination chez les Chaldéens, p.198, où il propose l’étymologie Ariku, «le long», nom propre, certainement usité aussi en Assyrie et en Babylonie, mais rendant peut-être moins bien compte de la présence du vav et du iod dans la transcription chaldéenne. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5eédit., t. iv, p.456.
E. Pannier.
ARISAI (hébreu: ʾĂrîsaï; Septante: Ῥουφαῖος), huitième fils d’Aman. Esth., ix, 9.
ARISTARQUE (Ἀρίσταρχος, «excellent chef» ), chrétien de Thessalonique, Act., xx, 4, qui accompagna saint Paul dans son troisième voyage de missions. Avec Gaïus, il fut entraîné dans le théâtre d'Éphèse, par la foule irritée contre l’Apôtre, Act., xix, 29, et faillit être massacré. Aristarque suivit saint Paul en Macédoine, puis en Grèce, et alla avec lui en Judée, Act., xx, 4, par la Macédoine, la Troade, Milet, la mer Méditerranée, Tyr et Césarée. Il monta avec l’Apôtre captif sur le navire d’Adrumète, Act., xxvii, 2, qui les conduisit le long des côtes de la province d’Asie, d’où ils partirent pour Rome. Dans cette ville, il fut le fidèle compagnon de captivité et de travail de saint Paul. Coloss., iv, 10; Philémon, 21. On perd ensuite ses traces. D’après les Grecs, il fut évêque d’Apamée, en Phrygie; d’après le martyrologe romain et Adon, de Thessalonique. Il aurait été décapité à Rome sous Néron avec saint Paul; sa fête est fixée au 4 août.
E. Jacquier.
ARISTÉE, Ἀρισταῖος, auteur prétendu d’une lettrerelative à l’origine de la version grecque des Septante.Il se dit Égyptien d’origine, païen de religion, devenuprosélyte juif, ὑπεραπιστής, c’est-à-dire officier desgardes de Ptolémée Philadelphe (284-247), et très aiméde ce prince. Quand celui-ci, sur le conseil de Démétriusde Phalère, voulut faire traduire en grec la loi de Moïse, pour placer cette version dans la bibliothèque qu’il avaitfondée à Alexandrie, Aristée fut un des messagers envoyésau grand prêtre Éléazar, à Jérusalem. Dans sa lettre à sonfrère Philocrate, il raconte les événements dont il estcensé avoir été témoin. Voir Septante. Son récit trouva créance. Josèphe, Ant.jud., ll, ii, 2 et suiv., le reproduit presque mot pour mot. Philon, Vita Mosis, ii, 6, l’a accepté aussi, mais sans nommer Aristée. Les anciens admettaient unanimement la lettre d’Aristée comme authentique. Louis Vives, dans une note sur saint Augustin, De Civitate Dei, xviii, 42, émit le premier des doutes sur son authenticité. Il fut suivi par Joseph Scaliger, Ad chronicon Eusebii, Patr. lat., t. xxvii, col. 485. Dès lors la plupart des critiques ont tenu cette lettre pour apocryphe. H. de Valois, In l. y, c. 8 Eusebii H. E.; Léon de Castro, In Isaiam, prœm.; Salmeron, Comment. in Evang., proleg., vi; Montfaucon, Prælimin. in Hexapla Origenis, iii, 9, Patr. gr., t. xv, col. 62 -66, etc. Son authenticité a cependant été soutenue par Ussérius, De græca LXX interpretum versione syntagma, Londres, 1655; Isaac Vossius, De LXX interpretibus eorumque translatione, La Haye, 1661; Appendix ad librum de LXX interpretibus, 1663; Responsio ad objecta nuperæ criticæ sacras, dans Variarum observationum liber, Londres, 1685, p. 301-304; B. "Wallon, Prolegom., ix, 4; Le Nourry, Bibliotheca maxima Patrum, t. xi, p.225; Simon de Magistris, Daniel secundum LXX, Rome, 1772, p. 309-623; Const. Oikonomos, Περὶ τῶν ὁ ἑρμηνευτῶν τῆς παλαῖας θείας γραφῆς βιβλία, Athènes, 1844; Grinfield, An apology for the Septuagint., Londres, 1850. On pense généralement aujourd’hui que cette lettre est l'œuvre d’un Juif pieux, qui a voulu, en la composant, donner de l’autorité à la version grecque de l’Ancien Testament, et glorifier son peuple et sa législation aux yeux des Grecs. Il a pris le nom d’Aristée, qui était celui d’un écrivain, auteur d’un livre sur les Juifs, que mentionne Alexandre Polyhistor. Voir Eusèbe, Prsepar. Ev., ix, 25, t. xxi, col. 728. Cf. Nœldeke, Histoire littéraire de l’Ancien Testament, trad. franc., Paris, 1873, p. 160-169.
L’Epistola ad Philocraten a été éditée par Jac. Middendorpius, Historia Aristeæ, Cologne, 1578; par Garbitius, Aristeæ historia de legis divinæ ex hebræa lingua in græcam translatione, Francfort, 1610; par Hody, De Bibliorum textibus originalibus, Oxford, 1705; par Van Dale, Dissertatio super Aristea de LXX interpretibus, Amsterdam, 1705. Une édition critique a été publiée par Schmidt, dans Archiv fur wissenschaftliche Erforschung des A. T. de Merx, Halle, 1868, t. iii.
E. Mangenot.
1. ARISTOBULE (Ἀριστόβουλος), Juif d’Alexandrie, de famille sacerdotale, διδασκάλός, maître ou conseiller du roi d’Égypte Ptolémée. II Mach., i, 10. Lepeuple de Jérusalem, le conseil et un certain Judas, luiadressèrent une lettre, II Mach., i, 10-n, 19, pour l’engager, lui et les Juifs d’Égypte, à rendre grâces à Dieu, qui avait délivré la nation de grands dangers par la mort d’Antiochus, II Mach., i, 11-17, et à célébrer, de concert avec leurs frères de Jérusalem, la fête de la purification ou fête du feu sacré, découvert, par Néhémie. II Mach., ii, 15 et i, 30. L’Antiochus dont cette lettre rapporte la mort paraît bien être AntiochusIII le Grand et non AntiochusIV Épiphane, qui périt dans des circonstances différentes. Cf. col. 692. Le récit de cette mort semble avoir été écrit peu après l'événement (187 avant J.-C); la lettre doit donc être datée de l’an 187 ou 186 avant J.-C, et non pas de l’an 124 avant J.-C. (188 de l'ère des Séleucides), comme le ferait croire la ponctuation défectueuse du v. 10 de II Mach., i. Cette date se rapporte à la lettre précédente; elle la termine, comme c'était l’usage. II Mach., xi, 21, 33, 38. Le Ptolémée dont Aristobule fut le maîtreou conseiller serait donc PtoléméeV Épiphane (204-181).Dans cette hypothèse très vraisemblable, notre Aristobulepourrait très bien être le même personnage que le philosophe péripatéticien qui dédia à PtoléméeVI Philométor (185-146) une exposition allégorique du Pentateuque.Eusèbe, Præp. Ev., viii, 9, t. xxi, col. 636. Rien ne s’oppose à ce qu’il ait vécu sous les deux règnes. Le but de son commentaire, intitulé Ἐξηγήσεις τῆς Μουσέως γραφῆς ou τοῦ Μουσέως νόμου, était de prouver que les anciens poètes et philosophes grecs avaient largement puisé dans les livres de Moïse, en sorte que le Pentateuque était la source de la philosophie et de la sagesse païenne.Cf. Alexandrie (École exégétique d’), col. 360. Manquant de preuves, il forgea un bon nombre de passages de poètes et d’historiens. Ainsi il en fit sous le nom de Linus, de Musée, d’Orphée, d’Homère, d’Hésiode, etc., et il le fit si habilement, qu’il trompa plusieurs écrivains profanes et certains Pères de l'Église. Les fragments qui nous restent d' Aristobule ont été réunis par Eichhorn, dans Allgemeine Bibliothek der biblischen Litteratur, t. v, p. 253259; l’authenticité en a été démontrée par Walckenaër, Diatribe de Aristobulo Judæo, contre les négations de R. Simon, Hody, Eichhorn, etc. Aristobule avance qu’avant la version des Septante, certaines parties des livres de Moïse avaient été traduites en grec. Eusèbe, Præp. Ev., 12, t. xxi, col. 1097. Mais le but que poursuit cet auteur dans son commentaire rend son témoignage suspect. Ona voulu lui attribuer la composition du livre de la Sagesse, mais on n’apporte pas de raisons sérieuses; et ce n’est pas ainsi qu’aurait parlé ce favori des rois d’Egypte. — Voir L. G. Walckenaër, Diatribe de Aristobulo Judæo, in-4o, Leyde, 1806; Glrôrer, Philo, 2e édit., in-8o, Stuttgart, 1835, p. 71 et suiv.; Haneberg, Révélation biblique, 2 in-8o, Paris, 1856, t. ii, p. 84; F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. iv, p. 625-640.
E. Levesque.
2. ARISTOBULE. Saint Paul, dans son Épître aux Romains, xvi, 11, ordonne de saluer les gens (chrétiens) de la maison d'Aristobule. Celui-ci était-il Romain? Était-il mort ou absent de Rome, lorsque l’Apôtre écrivit sa lettre, ou même était-il chrétien, puisque saint Paulordonne de saluer seulement ceux de sa maison? Toutes questions sur lesquelles on a fait des conjectures, mais auxquelles on n’a aucune réponse à faire. Les ménologes grecs font d’Aristobule un des soixante-dix disciples, le frère de Barnabe, et rapportent qu’il prêcha l'Évangile enGrande-Bretagne; ils fixent sa fête au 15 et 16 mars ou au 31 octobre.
E. Jacquier.
ARIUS ('Apeûç), roi de Sparte. Un roi de ce nomécrivit une lettre à un grand prêtre du nom d’Onias.IMach., xii, 7, 22(20). Le texte reçu des Septante déformece nom; au y. 7, il l’appelle Aœpsîoç; au y. 22, 'Ovtâpr); .
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257. — Monnaie d’Arius Ier.
Tête d’Alexandre imberbe, couverte d’une peau de lion, à droite.— i^. BASIAEOS APEOiZ. Jupiter assis, à gauche, tenant l’aigle de la main droite et la main gauche appuyée sur lesceptre.
Le texte primitif devait porter 'Apsto; , qui est la formedonnée également par Josèphe, Ant. jud., XII, rv; v, 8. Dans I Mach., xii, 22 (20), le texte reçu contient ces mots: wv à-nla-siXev 'Oviipr,; fixaO.i-Jz STtxpTtaTûv 'Ovt’rx, le texteprimitif devait être ONIAAPEIOS, et il faut lire: àiréa-v.iv 'Ovfï 'Apsïo; x. x.).. Les auteurs profanes et les monnaies donnent à deux rois de Sparte de cette époque le nom d"Aps-j; . Arius Ier régna quarante-quatre ans, de 309 à 265, et Arius II, huit ans, de 264 à 256. C’est évidemment du premier qu’il s’agit, car c’est le seul qui aitété contemporain d’un grand prêtre du nom d’Onias, Onias Ier, fils de Jaddus, qui exerça le souverain pontificat de 323 à 300. La chronologie s’oppose à toutes les autres hypothèses, notamment à celle de Josèphe, qui suppose les lettres écrites par Arius II à Onias II, car Onias II fut grand prêtre de 222 a 205.
Arius Ier appartenait à la famille des Agiades; il était filsd’Acrotatos, qui mourut avant de monter sur.le trône, et il succéda à son grand-père Cléomène II. Diodore de Sicile, xx, 29. En 280, Arius se mit à la tête d’une ligue des villes grecques, qui s’allia à Ptolémée Céraunos contre | Antigone Gonatas, et attaqua, au nom du conseil desAmphictyons, les Étoliens, qui s'étaient emparés du territoire sacré de Cirrha; mais ses troupes furent massacrées. Justin, xxiv, 1, 4. Il était occupé à une expédition en Crète, quand Pyrrhus, roi d'Épire, attaqua Sparte en 272. Il revint en toute hâte, conclut une alliance avec les Argiens, et bientôt la mort de Pyrrhus, mit fin à la guerre.j Pausanias, iii, 6, 2; Plutarque, Pyrrh., 26-29. En 267, Arius s’allia sans succès à Ptolémée Philadelphe poursauver Athènes du joug d’Antigone Gonatas. Pausanias, ni, 6, 3; Justin, xxvi, 2. Il mourut à Corinthe, en 265, dans une bataille contre les Macédoniens. Plutarque, Agis, 3; Justin, xxvi, prol. La ville d'Élis lui éleva deuxstatues. Pausanias, vi, 12, 5, et 15, 5. La principale sourcede l’histoire d’Arius est le livre de Phylarque dans lequel?. puise Justin. Il existe (fig. 257) un superbe tétradrachmede ce roi, avec l’effigie d’Alexandre et la légende BASIAEOS APE02, qui se trouve aujourd’hui au Musée de Berlin. Von Sallet, Numismatik Zeitschrift, II, 1875, p. 126 et 285, pi. ix. La lettre d’Arius Ier au grand prêtre Onias Ier. I Mach., xii, 20-23, dit que «les Spartiates et les Juifs sont frères et de la race d’Abraham». Sur cesujet, voir Spartiates.
E. Beurlier.
ARIZTIZABAL (Pierre d'), frère mineur de la Régulière Observance, en la province de Castille, qualificateur du tribunal suprême de l’Inquisition, vivait dans lemilieu du xviie siècle. Il a donné au public: Super canticum Habacuc Discursus politico-morales, in-f°, Madrid, 1648, en espagnol; Commentaria lalina in librum Josue, in-f°, Madrid, 1652.
P. Apollinaire.
AR1ZZARRA Hyacinthe, de l’ordre de Saint-Dominique, professeur d'Écriture Sainte et de langues orientales à l’université de Modène. a laissé une bonne introduction à l'étude de la Bible sous ce titre: Elementasacrée liermeneuticx, in-4o, p. xii-260, Castelnuovo diGarfagnane (dans la province de Massa), 1790. Hurler, dans le Nomenclator litterarius, t. ii, p. 1031, donne àtort la date de 1740. L'épître dédicatoire, adressée à AloysioRuffo, nonce apostolique auprès de la cour de Toscane, parle de Pie VI (1775-1799) comme du pape régnant.L’auteur traite avec beaucoup de sûreté et de largeur lesquestions relatives à l’inspiration, au canon, à l’autoritérespective des versions. Il est au courant des meilleurstravaux parus de son temps, non seulement parmi lescatholiques, mais aussi parmi les protestants d’Allemagne, qu’il cite avec éloge et utilise là où ils ont un réel mérite.On sent qu’il est de l'école de son savant contemporainet compatriote J. B. de Rossi, quand il recommandel'étude de l’hébreu dans un chapitre spécial intitulé: Denecessitate studii Ungita; sanctx, chap. ix. Il n’exige passeulement de l’interprète la connaissance des langues, mais aussi celle de l’histoire ancienne, qui doit embrasserl'étude des faits, des mœurs, des institutions, descroyances. Il blâme ceux qui se méfient des explicationsempruntées à l’histoire et préfèrent résoudre les difficultés par des interprétations ingénieuses patronnées parquelque autorité. «Ils sont dans l’illusion, ajoute-t- ii, quand ils croient que les auteurs sacrés n’ont pas employéles procédés ordinaires de composition parce qu’ils sontinspirés, et pour cela ils se font scrupule de se servird’une méthode qui est partout reconnue nécessaire pourentendre les auteurs grecs ou romains,» chap. xiv, Demunere interpretis. Le chapitre sur l’exégèse des Pèrescomparée à celle des modernes n’est pas moins intéressant. Des travaux, comme celui d’Arizzarra, ont vumalheureusement le jour à une heure très troublée, etils sont demeurés trop longtemps sans écho parmi lescatholiques.
J. Thomas.
ARKEVOLTI Samuel ben Elhanan, rabbin qui vivait à Padoue, à la fin du xvie siècle et au commencement du xviie. Il donna en 1662 une grammaire hébraïque assez estimée, ʿArugaṭ habbôšêm, «Parterre de plantesaromatiques,» Cant., v, 13, in-4o, Venise, 1602; in-8o, Amsterdam, 1730.
E. Levesque.
ARLOTTO, de Prato, en Toscane, frère mineur, docteur en théologie, de l’université de Paris, provincial de Toscane, puis général de son ordre, mort à Paris, en 1286. Sixte de Sienne et Marcellin de Pise lui attribuent un ouvrage anonyme intitulé Concordantiæ utriusque Testamenti, qui, après avoir été répandu en de nombreuses copies, fut plus tard imprimé, toujours sous l’anonyme. Les bibliographes franciscains en ont noté nombre d'éditions, que malheureusement ils n’ont pas décrites, notamment: Nuremberg, 1485: Bologne, 1486; Bâle, 1196, avec corrections de Sébastien Brandt; Strasbourg, 1530, avec plus de corrections encore; Venise, 1549, in-4°; Anvers, Plantin, 157-2 et 1585; Hanovre, 1618; Francfort, 1620; Anvers, 1625, etc.
P. Apollinaire.
ARMAGÉDON (Ἀρμαγγεδών). D’après l’Apocalypse, xvi, 14-16, les rois de toute la terre seront rassemblés pour combattre le Dieu tout-puissant dans un lieu qui est appelé en hébreu Armagédon. Aucune localité ne porte ce nom d’Armagédon, mais on peut entrevoir comment saint Jean a formé cette appellation. Armagédon signifie en hébreu la montagne de Mageddo. Or la ville de Mageddo, actuellement Ledjoùn, adossée à la montagne du Carmel, donnait son nom à la partie occidentale de la plaine d’Esdrélon; les environs de Mageddo ont été le champ de bataille le plus célèbre de la Palestine, celui où se sont livrés les combats les plus décisifs entre les Israélites et leurs ennemis. Au temps des Juges, les rois chananéens furent battus par les gens de Zabulon et de Nephtali, près des eaux de Mageddo. Jud., v, 19. Plus tard le roi Josias périt dans une bataille, livrée dans la plaine de Mageddo contre le roi d’Egypte Néchao. IV Reg., xxiii, 29; II Par., xxxv, 22. Mageddo fut aussi le théâtre d’une victoire de Thothmès III sur les Héthéens. En souvenir de la défaite de Josias, le prophète Zacharie, xii, 11, pour peindre un grand deuil, rappelle celui de Mageddo. On comprend que saint Jean, localisant la grande bataille des rois contre le Tout-Puissant, l’ait placée dans la montagne de Mageddo. Galiléen de naissance, il devait en connaître les grands souvenirs. — Il est inutile de signaler les autres explications d’Armagédon qui ont été présentées; elles sont peu plausibles.
E. Jacquier.
ARME. Hébreu: néšéq; keli. Le mot hébreu néšéq, III Reg., x, 25; Ezech., xxxix, 9, 10, qui répond le plus exactement à notre expression générique d’armes, embrasse de plus les machines de guerre dont on se servait pour assiéger les villes fortes. Job, xx, 24; xxxix, 21; Ps. cxl (Vulgate, cxxxix). 8, ainsi que les objets composant l'équipement militaire, même ceux qui n’avaient aucune utilité directe pour l’attaque ou la défense; et par extension les arsenaux qui les renfermaient. II Esdr., iii, 19. — L’hébreu keli, dérivé de kâlâh, «faire, fabriquer,» et que la Vulgate rend par vas, «vase,» dans le sens d’armes guerrières, signifie dans son acception première des objets quelconques sans autre détermination. Dans un sens plus restreint, il est employé pour désigner certains objets déterminés, comme des meubles, Gen., xxxi, 37; xlv, 20; Lev., xv, 4; des vases précieux, Gen., xxiv, 53; Exod., iii, 22; xi. 2: xii, 35: xxvii, 19; ou même des vases ordinaires, Levit.. xi, 33: des vêtements, Deut., xxii, 5; des instruments et en particulier des instruments de musique, I Par., xv, 16; II Par., v, 13; vii, 6; xxiii, 13; xxxiv, 12; enfin les instruments de la colère divine commesont les fléaux, guerre, inondations, tempêtes, etc. Is., xin, 5; Jer., l, 25; Ezech., xxxii, 7. Il était logique d’appliquer aussi cette expression vague aux instruments de combat, c’est-à-dire aux armes. C’est ce qu’ont fait souvent les écrivains sacrés, soit qu’ils emploient le mot kelê tout seul, Gen., xxvii, 3, soit qu’ils le fassent suivre d’un déterminant, kelê milḥâmâh «vases ou armes de guerre», Jud., xviii, 11; cf. Jud., xviii, 16; Deut., i, 41; kelê mâvéṭ, Ps. vii, 14, «armes de mort.»
Les armes dont il est question dans la Bible sont principalement énumérées dans les passages suivants: 1 Res., xvii, 5-7, 38-39, 45-47; II Par., xxvi, 14-15; II Esdr., IV, 13, 16; Job, xi.i, 17-20; Jerem., xlvi, 3-4; Ezech., xxxix, 9; Ephes., vi, 13-17. Les unes sont destinées à l’attaque, les autres à la défense. En voici l'énumération. Pour la description, l’usage et l’histoire de chaque arme en particulier, voir l’article consacré à chacune d’elles. Pour les armes de siège, voir Machines de guerre.
I. Armes offensives. — Les principales sont, pour lescombats à distance: l’arc, le javelot et la fronde; pourles combats corps à corps: l'épée et la lance ou pique.
1° L’arc (hébreu: qešeṭ), employé aussi pour la chasse, Gen., xxvii, 3; Is., vii, 24, était chez les Hébreux, comme chez les autres peuples, l’arme habituelle des rois et des guerriers, soit à pied, soit à cheval. Gen., xxi, 16; II Reg., xxii, 35; Job, xx, 24; Is., xiii, 18.
2° Les flèches (hébreu: ḥêṣi), I Reg., xx, 36-38; IV Reg., I ix, 24, complément de l’arc, étaient portées dans le carquois, ṭeli, Gen., xxvii, 3, de la racine ṭâlâh, suspendre, parce qu’il était suspendu à la ceinture ou à l'épaule. Quelques interprètes donnent à ce mot le sens d'épée, | mais celui de carquois est communément reçu, et il concorde avec le passage de la Genèse, xxvii, 3, où l’on voit le ṭeli placé à côté de l’arc du chasseur. Cf. Is., vii, 24. Le carquois est encore exprimé par le mot 'aspâh, Is., xxii, 6; xlix, 2; Jer., v, 16; Job, xxxix, 23; Ps. cxxvii (cxxvi), 5.
3° La fronde (hébreu: qélaʿ), I Reg., xvii, 40; xxv, 29, employée par les bergers, I Reg., xvii, 40, et les chasseurs, Job, xli, 19, mais aussi par les troupes armées à la légère, II Par., xxvi, 14, rendait les plus signalés services, non seulement dans les combats en rase campagne, I Reg., xvii, 49, mais aussi du haut des remparts des forteresses, IV Reg., iii, 25. Elle était employée avec le plus grand succès par les Benjamites. Jud., xx, 16; I Par., xii, 2. Les pierres qu’on lançait avec la fronde, ʾabnê gelaʿ, II Par., xxvi, 14; Job, xli, 20 (19); Zach., ix, 15, étaient le complément de cette arme d’attaque.4° Le javelot. Voir plus loin lance, 6°.5° L’épée, désignée en hébreu par le mot ḥéréb, est présentée tantôt comme une arme tranchante, III Reg., iii, 24, tantôt comme une arme de pointe. I Reg., xxxi, 4; II Reg., ii, 16; I Par., x, 4; Prov., xii, 18; Is., xiv, 19. Quelques interprètes donnent le sens d'épée au mot mekêrâh, Gen., xlix, 5, qu’ils rapprochent du grec μάχαιρα, la courte épée des Lacédémoniens. Ce sens est fort douteux. Cf. Gesenius, Thesaurus linguæ hebrææ, p. 672. Les Hébreux ne paraissent pas avoir fart usage de l’épée très raccourcie ou poignard, qui se répandit en Palestine sous la domination romaine et demeura surtout l’arme des sicaires et des brigands. Josèphe, Ant. jud., XX, viii, 10; Bell. jud., II, xiii, 3.
6° La lance ou pique, ḥâniṭ, II Par., xxiii, 9; Is., ii, 4; formée d’une hampe de bois, II Reg., xxi, 19; xxiii, 7, terminée par une pointe de fer forgé, lahébéṭ, mot à mot, «flamme, pointe brillante du fer de la lance», I Reg., xvii, 7, était très répandue chez les Hébreux dès les temps les plus reculés. Dans l’attaque à petite distance on s’en servait quelquefois comme de javelot, I Sam. (I Reg.', xviii, 10-11; xix, 9-10; xx, 33; à cause de ce double emploi, cette arme, appelée II Par., xxiii. 9, pique, est désignée au verset suivant par sélah, qui signifie «javelot». Cette lance, ḥâniṭ, se distinguait sans doute par ses petites dimensions et sa légèreté d’une autre lance appelée en hébreu rômaḥ, Num., xxv. 7; Jud., I v, 8; U Par., xi, 12; xiv, 8; xxv, 5; xxvi, 14; II Esdr., iv, 13, 16, 21, probablement plus longue et plus lourde, puisque nulle part on ne la voit employée comme javelot. Comme on la trouve souvent citée dans la Bibleà côté du grand bouclier, ṣînnâh, I Par., xii, 8, 24; II Par., xi, 12; xiv, 7 (8); xxv, 5, on peut penser qu’elle était l’arme des troupes pesamment armées.
L’arme désignée par le mot kidôn, I Reg., xvii, 6, 7; Jer., vi, 23; l, 42, se rattache certainement à la série des armes de pointe, et bien que les interprètes ne soient pas d’accord sur son emploi exact, il est certain qu’elle se distinguait de la pique ordinaire, Job, xxxix, 23; I Reg., xvii, 6, 7, et qu’elle était à l’usage de la cavalerie, Job, xxxix, 23, comme de l’infanterie, cf. Jer., vi, 23; L, 42. On la regarde généralement comme une lance de moindre dimension ou javelot, ce qui semble confirmé par Job, xli, 20, où il est dit qu’on s’en servait en la faisant tournoyer.
L'Écriture mentionne encore d’autres armes, mais quin'étaient pas ordinairement employées par les Hébreux.D’après beaucoup d’interprètes, l’arme appelée segôr, Ps. xxxv, 3, désigne la hache universellement employéedans l’ancien Orient pour ouvrir des passages, détruireles ouvrages ennemis, surtout pour combattre corps àcorps. Le marteau de guerre, mêfiṣ, Prov., xxv, 18, appelé ailleurs mappêṣ, Jer., li, 20, et peut-être aussi pattîš, Jer., i., 20; la faux ou faucille de combat, peut-être désignée par le mot mekêrâh, Gen., xlix, 6; la massue debois, probablement désignée par l’hébreu ṡébét, traduit dans la Vulgate par verge ou bâton, II Reg., xxiii, 21; I Par., xi, 23; Ezech., xxxix, 9, étaient des armes à l’usage des peuples voisins.
II. Armes défensives. — La principale était le bouclier, auquel il faut joindre le casque, la cuirasse et les jambières.
1° Le bouclier, qui était de deux espèces: le grandbouclier, ṣînnâh, III Reg., x, 16, couvrant la plus grande partie du corps, et le petit bouclier, mâgên, Gen., xv, 1; III Reg., x, 17, couvrant seulement la poitrine. Cette arme, appelée arme de gauche par opposition aux armes offensives appelées armes de droite, à cause de la main qui les maniait, est le plus ancien de tous les instruments de protection dans les combats. Elle était universellement en usage longtemps avant que le casque et la cuirasse fussent employés dans les armées. Le vir armatus, «l’homme armé,» des Proverbes est dans l’hébreu ʾîš mâgên, l’homme protégé par le bouclier. Prov., vi, 11; xxiv, 34.
2° Le casque (hébreu: kôbaʿ), I Reg., xvii, 5, et qôbaʿ, I Reg., xvii, 38, et la cuirasse, širyôn, I Reg., xvii, 5, 38, et širyân, IlIReg., xxii, 34, ne faisaient pas partie de l’armement militaire chez les anciens Hébreux. Exod., xiii, 18; Jos., i, 14; iv, 12; cf. Jud., vii, 11. Introduits comme armes défensives de distinction et réservés aux chefs, cf.III Reg., xxii, 34; II Par., xviii, 33, on les voit seulement sous Ozias faire partie de l’armement ordinaire du soldat hébreu. II Par., xxvi, 14; cf. II Esdr., iv, 16.
3° Les jambières ou guêtres de combat (hébreu: miṣḥâh), 1 Reg., xvii, 6, destinées à garantir la partie inférieure du corps, comme la cuirasse et le casque garantissaient la partie supérieure, ne sont mentionnées qu’une seule fois dans la Bible, dans la description des armes de Goliath. Elles ne paraissent pas avoir été en usage dans l’armée des Hébreux, dont les soldats apparaissent le plus souvent chaussés de simples sandales, III Reg., ii, 5; cf. Ephes., vi, 15, ou de brodequins de cuir garnis de clous, seʾon, Is., ix, 4, expression dont le sens exact est d’ailleurs difficile à préciser.
III. Armes étrangères mentionnées dans la bible. —Les soldats étrangers dont il est question dans l'Écritureétaient pourvus des mêmes armes que les Hébreux. Jérémie, parlant des troupes égyptiennes, les représente arméesde boucliers, de lances, de casques et de cuirasses. Jer., XL VI, 3-4. Cet armement était aussi celui des Chaldéens, Ezech., xxiii, 24-25, auxquels Jérémie attribue, ainsi qu’aux Perses, l’usage de l’arc et du javelot (kidôn). Jer., vi, 23; L, 42. Les soldats du roi Gog étaient armés d’arcs, d'épées, de cuirasses, de boucliers et de lances. Ezech., xxxviii, 4; xxxix, 9. Il est fait également mention decasques et de boucliers dans l’armée des Perses, desLydiens, des Libyens, Ezech., xxvii, 10, et des Éthiopiens, Ezech., xxxviii, 5, ainsi que d’arcs et de flèches dans l’armée assyrienne. Is., v, 28. L’armement des Syriens, au temps des Séleucides, était le casque d’airain et la cuirasse en forme de cotte de mailles, avec le bouclier d’airain, ou d’or pour les chefs. I Mach., vi, 35-39. À l'époque des Rois ils se servaient aussi de l’arc. III Reg., xxii, 34; II Par., xviii, 33.
IV. Histoire des armes dans l'Écriture. — En comparant les divers passages bibliques relatifs aux armes offensives et défensives, on obtient une certaine vue d’ensemble sur les progrès de l’armement des Hébreux et les transformations qu’il eut à subir suivant les progrès de l’art, et les besoins de l’attaque et de la défense.
À l’origine et avant l’invention des métaux, Gen., iv, 22, l’armement du guerrier fut formé de tout ce que la nature peut offrir de résistant, comme massues et épieux du bois le plus dur, haches et couteaux de silex, boucliers de bois ou d’osier recouverts de peaux d’animaux. Depuis lors les armes métalliques remplacèrent peu à peu les armes de pierre et de bois. Cependant, sous les patriarches, l’armement des Hébreux demeura élémentaire. Quand le serviteur, revêtu de ses habits ordinaires, les pieds et la tête nus, avait pris en main, pour défendre la cause de son maître, son arc et ses flèches ou son glaive, Gen., xxvii, 3; xlviii, 22; xlix-, 23-24, il était armé. C’est toute l’extension qu’il faut donner au mot hâmusîm, «équipés.» Exod., xiii, 18; Jos., i, 14; iv, 12; Jud., vii, 11.
Moïse et Josué commencèrent à donner au peuple dontils avaient la conduite une organisation militaire, sansque le système d’armement en fût sensiblement changé.À côté de l'épée, de l’arc et du bouclier déjà mentionnéssous l'ère patriarcale, nous trouvons alors la pique, employée quelquefois comme javelot. Num., xxv, 7. Sous les Juges est mentionné le poignard à deux tranchants, Jud., iii, 16, qui d’ailleurs ne paraît pas avoir été très répandu comme arme de combat, et la fronde, Jud., xx, 16, qui devient surtout l’arme d’attaque dans la tribu de Benjamin. Ce qui est certain, bien que l'Écriture n’en parle pas, c’est que la nécessité de combattre, non plus seulement corps à corps et en rase campagne, mais sous les murs de villes fortifiées auxquelles il fallait donner l’assaut, Jos., VI, 1, 20; viii, 1, 3; x, 2-5, dut introduire dans l’armement de notables modifications.
Jusqu'à David chacun des combattants, quand la guerreéclatait, se procurait des armes comme il pouvait. À certaines époques, sous les Juges et même du temps de Saül, les armes avaient été rares en Israël, autrement on n’aurait pas vu Samgar s’armer d’un soc de charrue contreles Philistins, Jud., iii, 31, et Samson les combattre avec tout ce qui se trouvait sous sa main, jusqu'à une mâchoire d'âne. Jud., xv, 15-16. Si l’on peut raisonnablement interpréter d’une autre manière l’allusion du cantique de Débora à l’absence de lances et de boucliers, Jud., v, 8, il est dit que dans la guerre de Saül contre les Philistins il n’y eut dans toute l’armée d’Israël ni une lance ni une épée, excepté celles de Saül et de son fils, I Reg., xiii, 22, et il est à penser que cette pénurie d’armes dura aussi longtemps que la domination tyrannique des Philistins.
La période des Rois, en amenant la formation d’une armée permanente, produisit dans l'équipement et l’armement des troupes une véritable transformation. Il fallut de plus armer, d’une manière conforme à leur mode de combat, le corps de cavalerie et les chars de guerre créés par Salomon. III Reg., x, 26; II Par., i, 14. Il n’est pas douteux aussi que les relations des rois de Juda etd’Israël avec les Égyptiens, les Syriens, les Assyriens etles Chaldéens, ainsi que l’introduction dans l’armée desJuifs de contingents étrangers, cf. II Reg., viii, 18; I Par., xviii, 7, souvent commandés par des chefs eux-mêmes de nationalité étrangère, II Reg., xv, 19; xviii, 2; xxv, 39, n’aient eu une influence sensible aussi bien sur l’armement que sur la stratégie. La nécessité de se tenir à la hauteur des armées étrangères fit étendre à tous les soldats l’usage d’armes qui jusque-là étaient réservées à certains corps de troupes ou seulement aux guerriers de distinction, par exemple sous le règne d’Asa le bouclier et la lance, II Par., xiv, 8, et sous Ozias le casque et lacuirasse, II Par., xxvi, 14, armes dont l’usage persévéra après la captivité. II Esdr., IV, 13, 16-18, 21; I Mach., iii, 3. Les frais de l’armement ainsi organisé étaient supportés par l'État, et comme l’armée permanente n'était qu’une faible portion des contingents susceptibles d'être appelés en temps de guerre, on créa dès lors dans les principales villes des arsenaux assez vastes pour contenir tout l'équipement de l’armée de réserve. Salomon en établit pour les chars de guerre, II Par., i, 14; viii, 6; ix, 25, Roboam pour les lances et les boucliers, II Par., xi, 12; xxvi, 14, ce qui n’empêcha pas de continuer à suspendre aux murailles des villes fortifiées les boucliers de leurs défenseurs. Cant. iv, 4; Ezech., xxvii, 10. Ozias et Ézéchias s’appliquèrent aussi à établir des approvisionnementsd’armes considérables. II Par., xxvi, 14; xxxii, 27. On perfectionna à la même époque la forme et la matière des armes. Le petit bouclier, dont on s'était généralement servi jusque-là, prit à partir de David de plus grandes proportions, I Par., xii, 8, 21, 34, et on commença à le fabriquer en airain, I Reg., xvii, 6, 45; III Reg., xiv, 27, sans que le bouclier de bois recouvert de cuir ait été abandonné, comme an peut le conclure de II Reg., i, 21; Is., xxi, 5; Ezech., xxxix, 9. La tribu de Nephtali en adopta spécialement l’usage, avec la longue pique, I Par., xii, 34, tandis qu’une autre pique fut plus particulièrement l’arme des tribus de Juda et de Gad. I Par., xii, 8, 24. On se servit aussi à cette époque d’arcs d’airain. Ps. xvii, 35; Job, xx, 24. Pendant la période agitée des Machabées, l’armement des Juifs, tout en suivant les modifications de détail qui se produisaient dans celui des peuples voisins, demeura pour l’ensemble ce qu’il était sous les rois, car les armes mentionnées sont les mêmes, et les cavaliers célestes qui apparurent pendant quarante jours dans Jérusalem, et dont l’armement devait être conforme au type reçu alors, portaient la lance, le bouclier, le javelot, le casque et la cuirasse. II Mach., v, 2-3. Sous la domination romaine, la courte épée ou poignard des Perses, peu différente de la sica des Romains, s’introduisit en Palestine et demeura plutôt l’arme des fanatiques ou sicaires, auxquels elle a donné son nom. Josèphe, Ant. jud., XX, vm; Bell, jud., II, XIII.
V. Métaphores des auteurs sacrés empruntées aux armes guerrières. — L’analogie de l’emploi des armesavec l’exercice des vertus, au moyen desquelles le chrétien remporte la victoire sur ses passions, a amené plusieurs fois les auteurs sacrés à parler métaphoriquement de celles-ci au moyen de celles-là, par exemple lorsque le psalmiste, pour exprimer l'étendue de la protection divine sur l’homme, la compare à la protection dont le grand bouclier (ṣinnâh) couvre le guerrier. Ps. v, 13; xci, 4. Saint Paul a développé cette application, Éph., VI, 13-17, passage dans lequel il fait allusion aux dards enduits de poix enflammée que les Romains avaient l’habitude de lancer sur leurs ennemis. Cf. Rom., vi, 13; xiii, 12; I Thess., v, 8. Voir aussi Sap., v, 18; Is., lix, 17.
P. Renard.
1. ARMÉE CHEZ LES HÉBREUX. Le nom ordinaire de l’armée chez les Hébreux est ḥayil, qui signifieproprement «force», Exod., xiv, 28; II Sam. (Reg.), xxiv, 2, etc., ou ṣâbâʾ, de ṣâbâʾ, «se rassembler (en troupe organisée).» II Sam. (Reg.), viii, 1b; x, 7; I Par., xix, 8, etc. Bien que les Hébreux ne fussent pas un peuple conquérant et guerrier, ils eurent besoin dès l’origine de recourir aux armes pour se défendre contre leurs ennemis, puis, après la sortie d’Égypte, pour conquérir le pays de Chanaan et garantir leur conquête contre l’invasion des peuples voisins. Sous les rois, il y eut des guerres offensives comme des guerres défensives.
I. L’armée avant les rois. — Du temps des patriarches, il n’existait aucune organisation militaire. Quand Abraham, pour délivrer son neveu Lot fait prisonnier, voulut poursuivre Chodorlahomor, roi d'Élam, et ses alliés, il rassembla trois cent dix-huit de ses serviteurs, armés de ce qu’ils purent trouver, et c’est avec cette troupe et le secours de quelques habitants d’Hébron qu’il surprit les ennemis et leur enleva leur butin. Gen., xiv, 13-16. — À l’époque de la sortie d’Égypte, tous les hommes capables de porter les armes furent soldats. On voit alors apparaître une organisation rudimentaire, se rapprochant sans doute de celle des Égyptiens, que les Israélites avaient eue si longtemps sous les yeux, mais calquée aussi sur l’organisation politique des douze tribus. Num., i-iv. Chaque tribu fournit comme une sorte de régiment, ayant ses chefs, Num., x, 14-27, ses étendards, Num., ii, 2. Tout était soigneusement réglé dans cette armée: la position de chaque division dans le camp, Num., ii, 2-20; l’ordre de marche et les signaux, Num., x, 5-6; et l’ordre qui y régnait était si remarquable, comparé à la confusion des rassemblements armés des tribus arabes, qu